De temps en temps, il me faut quitter la Ville Aquatique pour remplir mes réserves d’ingrédients. Aller récolter certaines plantes ou minéraux est parfois un peu compliqué mais l’économie est substantielle en plus de me donner l’occasion de me promener en pleine nature. Mon laboratoire fermé pour la semaine, le voyage pour venir près du lac a été bien long et ennuyant. Me promener au hasard au milieu de champs de fleur et des arbres, un véritable plaisir.

Avant même l’aube, j’ai quitté l’auberge où je séjourne pour partir à la cueillette de certaines fleurs ne s’ouvrant qu’à ce moment précis de la journée. Ma cueillette s’avérait relativement prolifique jusqu’à ce que j’ai les yeux un peu trop gros. Une fleur de Rhonphle, impossible de repartir sans cette fleur à la fois magnifique et un ingrédient très très cher ! Enjamber un ruisseau d’eau boueuse pour attraper la fleur aurait dû être un jeu d’enfant… J’ai pu récupérer la fleur au prix d’une chute mémorable dans le ruisseau. Couverte de boue, je rumine ma déveine en me dirigeant vers un point d’eau claire pour me nettoyer un peu, en faisant l’état des lieux de ma récolte. Dans mon malheur, j’ai perdu une partie de mes fleurs, majoritairement des fleurs peu rares mais cela me peine quand même…

La journée n’étant pas encore très avancée, je décide de carrément me baigner dans l’eau fraîche. Après avoir nettoyée ma tunique, je me prélasse dans l’eau profitant de ce moment calme pour réfléchir. C’est souvent dans des moments comme cela que me viennent des idées d’enchantements ou d’hypothèses sur mes recherches. Flottant dans l’eau, je sursaute lorsqu’un bruissement retentit. Inquiétés, je cherche des yeux l’éventuel animal sauvage ayant produit ce bruit. Mon regard finit par se poser sur ma tunique étendue sur une branche et plus particulièrement la bourse contenant les billes de bois chargée, unique instrument de protection que je possède. Je rejoint rapidement la berge et enfile sans attendre ma tunique encore humide. Prudente, je me saisis d’une bille prête à la faire exploser si besoin. L’explosion devrait être suffisante pour faire fuir un ours, enfin, j’espère… Un peu tremblante, je m’avance au milieu des herbes. Ce n’est pas l’envie de prendre mes jambes à mon cou qui me manque mais je préfère être celle qui surprendra l’animal qu’être la proie.

Pas à pas, je cherche l’animal guettant le moindre bruit suspect. Enfin, je découvre ce qui a fait tout ce raffut. Soulagée de ne tomber que sur un homme… Je m'accroupis à côté de lui et me rend compte d’une terrible bêtise ! Dans ma précipitation, je ne me suis pas complètement rhabillée… L’image de l’arbe où était étendu tous mes vêtements me revient d’un coup me faisant rougir de honte. Et puis, qu’est-ce qu’il faisait là lui ! C’est certainement un pervers, un voyeur de la pire espèce. J’hésite un instant à le laisser là, inconscient afin qu’une sirène vienne s’occuper de son cas. Les pervers ne méritent pas mieux mais je ne suis pas certaine qu’il n’était pas juste en promenade tout comme moi. Rouge comme une pivoine compte tenu de ma tenue, je secoue le jeune homme pour essayer de le ramener à lui.

Réveilles-toi sinon je te laisse te faire manger par une sirène !

En l’absence de réponse, je me décide à user de la manière forte. Je coupe une feuille d’une des plantes que j’ai récoltée et la broye entre mes doigts. Répulsif naturel contre les insectes, cette plante a un goût extrêmement désagréable, pour ne pas dire horrible. Dommage pour lui, il avait qu’à répondre au premier coup. Sans grande difficultée, je lui ouvre la bouche pour lui donner la pâte. Sans attendre, je referme sa bouche et attend patiemment qu’il réagisse. Pendant ce temps, j’étudie un peu ses traits cherchant à reconnaître cette personne portant de si riches vêtements. De mémoire, sa tête me fait penser à l'héritier de Grand Port, on a eu droit à tout un battage sur sa disparition puis réapparition sous de nouveaux traits…

Il ne faut pas longtemps avant que le pervers-voyeur potentiel revienne à lui. Je ne m’empêche même pas de pouffer de rire lorsqu’il recrache l’herbe avec un petit cri de dégoût. Même si je compatis, il fallait bien que je le réveille pour savoir s’il est juste en ballade ou pas. Son air perdu me fait sourire, jusqu’à ce que je comprenne que quelque chose semble clocher. Il a l’air vraiment perdu et ne plus se souvenir d’où il est. Certainement de pourquoi il est aussi du coup… Je soupire, en voilà un qui n’a pas eu de bol avec la magie des lieux… Mais cela me fait sourire, je suis certaine qu’il récupérera ses souvenirs un jours. D’ici là, j’ai toujours rêvée de ce que je pouvais en pareille situation. Avec un gloussement d’amusement, je me penche vers lui en prenant une expression inquiète.

ça va mon chéri ? J'étais inquiète en ne te voyant pas me rejoindre. On est au Lac, tu ne te souviens pas ?

Cela est tellement amusant. Faire croire à ce pauvre amnésique qu’il est éperdument amoureux de moi est un jeu auquel j'espérais un peu pouvoir jouer un jour. Je m'apprête à le prendre dans mes bras comme le ferait une bonne compagne lorsqu’il prend peur et bondit sur ses pieds. Je grimace lorsqu’un dragon gris se pose lourdement non-loin. Plus de doute possible, j’ai bien affaire à Newt D’Arphéos. Cela ne fait que rendre la chose plus amusante si je peux mettre le dragon dans ma poche ou au moins qu’il reste un peu à l’écart. Me creusant la tête, j’essaye de retrouver le nom du dragon… Ca le ferait pas si la compagne du maître ne connaissait pas le nom du dragon ! Je me précipite pour aider mon “compagnon” du moment à se relever.

Attention mon chéri, c’est juste Nivom.

Je profite de l’occasion qui m’est donnée pour le prendre dans mes bras et le serrer contre moi. Cessant de câliner le noble, je me tourne vers le dragon. Pour le moment, il gêne plus qu’autre chose compte tenu que son maître ne le reconnait pas et en à même peur… Il n’a pourtant pas l’air bien méchant voir même mignon comme un pinplume.

Nivom ? Newt semble avoir perdu la mémoire, ça ne devrait pas trop durer mais pour l’instant, tu lui fais peur… Il vaudrait peut-être mieux que tu restes un peu à l’écart pendant que je m’occupe de lui.

De un, est-ce qu’au moins il me comprend ? Et de deux, est-ce qu’il va accepter de laisser Newt avec une inconnue ? Je ne suis pas armée, je suis gentille avec l’un et l’autre, il n’y a pas de raison qu’il ne m’apprécie pas non ?

   

Ce fichu dragon ne veut pas partir… Ce sera moins drôle s’il reste et veille sur le noble amnésique en jouant au gentil toutou qui fait de drôle de mimiques. Non pas que cela me gène puisqu’il à l’air de ne pas se montrer agressif à mon égard mais sait-on jamais avec ces bestioles. La pauvre Newt me regarde perturbé et visiblement en pleine réflexion jusqu’à me demander mon nom et si nous sommes mariés avant de fixer ses mains. Je me retient de rire, ce n’est pas comme s’il y avait une chance qu’il ait connu mon nom avant.

Lin, mon chéri, Lin. ça va te revenir, c’est certainement une magie volatile des lieux qui t’a fait ça. Tes souvenirs vont te revenir d’ici quelques heures certainement.

Je prends son bras et le sert contre moi pour lui montrer que je suis là avec lui. Tout doucement, j’essaye de me montrer rassurante et proche de lui.

Nous sommes juste fiancés. On doit se marier bientôt…

C’est un véritable plaisir que de jouer à ce petit jeu avec lui. Je doute qu’il soit vraiment content de tout ça lorsqu’il récupérera ses souvenirs mais nous ne nous croiserons certainement plus jamais donc… Et tant que je reste proche de Newt, Nivom ne me fera pas de mal, enfin j’espère.

Ton prénom est Newt mon amour. C’est ton dragon là, il est un peu inquiet. Enfin, je crois, je parle pas le dragon moi.

Je fixe le dragon un instant avant de reporter mon attention vers le jeune homme. Il doit bien voir que je ne veux aucun mal à son ami. Je le prend doucement par la main et l'entraîne à ma suite en direction de l’endroit où sont étendu les vêtements que j’ai oublié de remettre en sortant précipitamment de l’eau. Prévoyante, je n’oublie pas de reprendre mon panier de plantes.

Viens par là, je dois récupérer mes vêtements, je suis sortie de l’eau rapidement en t’entendant tomber…

Un petit rire m’échappe joyeuse de jouer un jeu fort amusant. Cela me change beaucoup de mes activités habituelles.

   

Je ne me retourne pas pour vérifier s’il me suit, de toute façon, hormis aller avec Nivom, il n’a pas grand chose comme repère ici. Et je doute qu’il saute sur le dos du dragon comme ça alors qu’il a perdu la mémoire. Je récupère et enfile rapidement mes sous-vêtements avant de rejoindre le jeune homme partit un peu plus loin avec le dragon.

Panier à la main, je zieute ce qu’il observe, curieuse de voir ce que le dragon peut bien vouloir lui montrer. Je sourie alors en reconnaissant une armure en écaille, certainement la sienne. Interrogée sur la signification des armoiries visible sur le plastron, je m’approche pour le regarder plus en détail plus intéressée par le matériau en lui-même qu’autre chose. De vraies écailles de dragon… J’aimerai bien en avoir, je suis certaine qu’elles ferait un bon matériel pour un enchantement par infusion. Négligemment, je lui répond tout de même.

C’est l’emblème de ta famille mon chéri, les D’Arphéos. Ne te forces pas, ça va revenir…

Oui, ça va revenir… Enfin peut-être. Au pire, sa famille se chargera de lui raconter les choses importantes. Je me redresse, réfléchissant à la meilleure chose à faire. On est quand même loin de Grand Port… Trop pour y retourner à pied compte tenu que le dragonnier est en carafe pour le moment. Meilleure option du moment, trouver une auberge pas loin et manger un morceau, l’heure de manger ne sera pas loin d’ici là…

Je propose que l’on se dirige vers une auberge pour manger un morceau et réfléchir aux options qui s’offrent à nous pour rentrer à Grand Port. Je t’avoue que le voyage à dos de dragon ne me tente pas avec un cavalier amnésique.

Je lui fait un sourire qui voulait dire “désolé, j’ai confiance d’habitude mais là…”.