La reine se donnait toujours beaucoup pour son peuple : elle était là pour les joies et pour les peines. Ce qui la chagrinait se voyait de jour en jour, elle se rendait sur les balcons et soupirait en regardant l'horizon. Elle n'aimait pas sentir les personnes éloignées, voilà trop longtemps que son mari était parti... qu'elle n'avait pas revu son fils ; tout cela la mettait en boule. Elle avait réussi à passer des journées normales... à peu près mais le soir tout se déchaînait, explosait comme si un volcan s'enclenchait. Elle serra son éventail sur la balustrade. Elle voulait le serrer contre elle après une journée ..."normale" mais rien n'est normal lorsque tout le monde n'est pas ici sous leur toit. Rien ! Elle n'était pas seule heureusement.

Ses parents lui disaient souvent qu'elle pouvait avoir ce sentiment mais alors il fallait qu'elle se raccroche à tous ceux qui faisaient ce royaume. Elle avait beaucoup de chance d'avoir des gens de qualité autour d'elle... cette brave garde avec qui elle avait discuté, cette ministre qui avait devant elle un avenir brillant... pourquoi en cet instant cela lui semblait fade. Sa lumière n'était pas présente. Comme une enfant, elle faisait sa deuxième insomnie en regardant les étoiles soucieuse. Elle voudrait qu'il soit là à lui dire qu'elle s'imaginait encore mille scénarios catastrophes, ils riraient ensemble et puis... la vie normale s'effacerait pour une vie extraordinaire. Seulement voilà... Elle fit un sourire crispé en se mordant les lèvres tandis que brûlaient sur ses lèvres les mots : "revenez moi, je vous en prie. " Elle finissait par soupirer en se disant que se faire ainsi du mal ne rimait plus à rien. Elle partit s'asseoir sur un siège sur le balcon. Ce soir , elle lirait devant le ciel pour ne pas sentir ce lit froid.. pour ne pas sentir cette solitude qui la dévorait d'angoisse, pour ne sentir que la tiédeur d'une aube qui arrive et d'une inquiétude vespérale qui se dissipe. C'était affreux de ne pas arriver à contrôler ces pressentiments. Sa capacité à détecter les mensonges n'était rien, elle s'y était faite, en avait fait son atout mais ses inquiétudes étaient de véritables poisons que rien ne semblait atténuer.

Elle sentit le dossier de son fauteuil dans son dos comme une étreinte douce invitant au repos. Les doigts d'Allys caressaient les pages pour se rendre à un passage précis. Allys avait arrêté sa lecture au moment où le chevalier ne pouvant revenir de sa bataille avait laissé une rose d'un rouge intense pour dire à sa bien aimée que ses dernières pensées étaient pour elle. Ce qu'elle ignorait c'était que son bien aimé retenu dans un royaume étranger où il avait fait la promesse de ne jamais revenir. Partagée entre la crainte et l'envie de les voir se retrouver, elle transposait toute son inquiétude dans cette aventure de cape et d'épées. A quelques pages de la fin, elle sentit que ses yeux se faisaient lourds, elle ne sentit pas sa tête doucement tomber sur le côté. Elle s'était endormie dans sa chemise de nuit, dans cette couverture chaude un sourire aux lèvres pendant qu'un vent léger rentrer du balcon jusqu'à cette chambre vide qu'à cet instant elle ne voulait pas occuper...

Dans son monde de rêves, tout paraissait simple. Elle parcourait un monde dans lequel une amie peignait son paysage à l'aide d'un pinceau. Plus le temps passait, plus les visages qui lui manquaient étaient peints au loin. Grimvor semblait si réel, elle pouvait presque caresser son visage doucement. Son fils avait cet air sérieux, qu'est ce qu'il avait grandi vite. Toutes les couleurs semblaient presque trop clairs comme si son rêve criait qu'il n'était qu'une illusion. Allys luttait, enlaçait Grimvor dans son rêve pour s'en convaincre. Elle voulait que tout le monde revienne, qu'on arrête avec cette tour, qu'importe son voile de mystère. Elle s'en moquait. Elle voulait juste qu'ils soient là égoïstement. Tout d'un coup, elle avait l'impression qu'un genou avait frôle le sien.

Comme elle avait confiance en ses gardes, jamais elle n'aurait cru à une présence malveillante. Son réveil fut progressif tout comme un bourgeon s'ouvrant à son soleil. Étrangement, elle se dit qu'une seule personne se permettrait de la réveiller ainsi. Des mains tenaient les siennes fortement comme si elles cherchaient un appui, une réaction. Elle leva un cil doucement. Ce n'était pas la sensation habituelle. Elle était sensible à tous les effets que son mari pouvait lui offrir : chaque son, chaque toucher, chaque sourire. Elle analysait à peu près tout ce qu'il lui offrait. Depuis qu'elle était amoureuse de lui, elle souhaitait plus que tout le comprendre au maximum. Aussi quand elle entendit ses paroles, elle se réveilla aussitôt. Le bourgeon venait de se réveiller abruptement. Une nouvelle importante... avec ce ton inquiet... Elle n'aimait pas cela. La vision de son amant ne vint pas pour la rassurer. Une odeur piquante, amère se faisant aussi légèrement sentir. Ce n'était pas l'alcool de fête... Il cherchait ses mots, elle regardait son visage... Allys aurait souhaité le soutenir sans savoir les mots qu'il cherchait. La reine se redressa pour quitter cette position de repos, de détente ; l'heure n'était plus à reposer. Courage mon amour... courage, pensait-elle en caressant sa joue. Elle sentait que cette nouvelle n'allait pas lui plaire. Ses oreilles s'étaient un peu fermées, elle attendait l'entendre de sa bouche, elle attendait son retour... Son intuition l'inclinait vers un constat terrible. Même si elle avait entendu quelque chose, elle n'aurait pas accordé de crédit. En voyant son mari ainsi faible, elle eut si peur, mais elle se mit dans sa carapace. Il semblait si faible... elle n'allait pas le brusquer davantage même si elle voulait le presser.

La nouvelle une fois dite, Allys sentit l'infini soutien de son époux, mais elle ne parvenait plus à bouger. Elle venait de se figer, elle ne parvenait pas à parler à son tour. Sa respiration était comme coupée. Son regard se perdait dans ses pensées. Disparu.... parti... Mort.. Il n'était pas mort... juste parti... mais pourquoi ? Les meilleures troupes étaient avec lui, c'était impossible. Impossible. Impossible.... Elle répétait ces mots comme une litanie sourde qui devint un peu audible.

" Im... po... ssible"

Son visage restait bloqué dans un sourire de retour qui semblait irréel. Il n'en restait pas moins qu'elle était heureuse de le voir comme toujours... Allys se sentait déchirée. Deux sentiments s'affrontaient. Elle n'arrivait pas à se figer dans un ou dans l'autre. Entre deux eaux, elle préféra tourner un moment sa tête vers le paysage comme si son fils allait y surgir... Comme un rêve... comme un rêve. Elle ne le voyait pas, c'était juste cela. Comme une enfant, elle voulait se refuser face à l'évidence. Son mari n'aurait jamais menti pour quelque chose d'aussi important. Son sourire partit enfin signe qu'elle laissait enfin place à ses sentiments. Il demeurait prostré, dans l'attente que quelque chose vienne compléter cette nouvelle. Elle voulait des détails. Si leur fils avait disparu, elle voulait savoir le pourquoi du comment. Allys était prête à partir à sa recherche, elle ne pouvait le laisser ainsi.. pas leur fils. Jamais elle ne pouvait abandonner le royaume ce serait irresponsable. Elle avait des responsabilités. Elle soupira pour se détacher de toutes ses pensées destructrices qui ne traduisaient que sa déchirure intérieure.

" .... S'il est juste parti... il peut revenir.. ?"

Allys se raccrochait toujours à des faits rationnels, il était inutile qu'elle parte dans son inquiétude. Elle n'allait pas aider en cédant à son coeur. Elle prit les mains de son époux et les redressa doucement en cherchant à capturer son regard. Allys rassemblait toute la détermination ferme dont elel savait faire preuve. S'il existait un moyen, elle savait qu'ils seraient capables de le trouver.

" .... C'est juste qu'il a été retardé.... Il sera là... ? Comment a-t-il disparu ? "

La reine se leva doucement en se redressant avec son époux pour le prendre contre elle. Il semblait dans un tel état de fatigue... il devait avoir besoin d'un peu d'amour, de sa chaleur qu'elle lui offrait bien évidemment. Même dans la situation la plus désespérée, même si elle pouvait perdre pied, elle se raccrochait toujours à de l'espoir si mince soit-il. Tant que la situation n'était pas définitive, rien n'était joué. Mieux valait rassembler son énergie à trouver une solution qu'à pleurer pour un fait.... Dans son étreinte, elle serra le poing fortement sans qu'il le perçoive ou qu'il le sente. Elle était très tendue néanmoins, elle ne pouvait hélas pas faire disparaître totalement son état émotionnel. Allys inspira pour lui laisser le temps de digérer... Elle se recula légèrement... en attendant qu'il lui dise plus de détails.

Une étreinte pour panser des plaies, pour effacer les trous béants de la peine... C'était si agréable, elle aurait pu s'y noyer et y rester toute une vie si la peine ne la faisait pas se tendre presque au point de se rompre. Elle espérait parvenir à lui transmettre cette tendresse qu'elle avait pour lui. Elle était persuadée qu'en plus il s'était hâté pour la trouver même si cela ne lui était pas facile. Elle imaginait sa peine, jusqu'à presque la sentir. C'était injuste... pourquoi leur fils... Leur dernière discussion n'avait rien d'exceptionnel. Elle avait même du mal pour que cela soit très prolongé. Plus aucun son de lui ne lui viendrait aux oreilles peut-être avant un moment. C'était injuste pour eux. Elle avait pu sentir la chaleur de son époux près d'elle, elle avait au moins cette satisfaction. Elle n'arrivait à serrer cette main qui la tenait pourtant. Elle avait dû déployer ses doigts crispés déjà pour l'accueillir simplement. Allys était la première à toujours vouloir prendre sur elle. Elle faisait des efforts pour ne pas exploser en larmes, céder à la panique juste parce que la présence de son époux l'apaisait notamment. Elle lui sourit doucement, elle attendait que tombe le couperet, les détails de cette histoire qui trancheraient tout. Ses illusions, ses soupçons sur ce retour toujours rallongé, toujours reporté au lendemain...

" Il n'y a aucune raison" soutint-elle sans se départir de cette affirmation. Il était bien plus facile de se murer dans cette affirmation gonflante d'espoir. Ses doigts bougeaient entre les siens sans chercher à les retenir tandis que les doigts de son autre main maintenait une tension. L'air de la pièce même devenait sec, la nuit beaucoup moins calme. Elle voudrait à nouveau retourner dans ses bras, mais elle voulait savoir plus que tout cette histoire pour que son fantôme de fils ne soit pas qu'un simple récit, mais une histoire bien réelle et bien entendue temporaire. Elle se souvint ... de " un jour tu gouverneras", de cet autre jour qui ne venait pas et qui est advenu. Demain, leur fils reviendra de la même façon la vie suivrait son cours. Elle s'en convainquait de son mieux pour se faire un dernier rempart devant cette réalité trop brute.

Les combats n'étaient pas en effet le point fort de son fils, mais .... mais quoi... oui il y avaient des gardes. Et puis quoi une lumière bleutée... sans lui... Sur l'impulsion, elle ne parvint pas à se contrôler et raidit à nouveau ses doigts sur ceux de Grimvor. Elle baissa la tête désolée même si elle doutait lui avoir infligé une quelconque blessure. Toujours la tête baissée, elle sentit des mains sur ses joues qui se faisaient de plus en plus chaudes. Elles étaient tendues par cette émotion qu'elle se refusait. Mettant sa tête de côté, elle regardait son mari de côté comme si elle venait de recevoir une blessure et qu'elle devait se relevait le plus dignement possible. Ses mains étaient un tel bonheur qu'elle ne  résista pas à se lover contre lui... Ainsi il ne verrait rien... Il souffrait bien assez sans être témoin des larmes d'une mère explosant en silence. Elle lui caressait le torse doucement pour comme lui s'apaiser par son toucher. Ses mots lui faisaient défaut, elle ne savait que dire d'autres. Son espoir d'il y avait quelques minutes s'était tu comme s'il ne se sentait pas assez fort pour lutter contre cette vague. Au bout de plusieurs minutes, elle finit tout en restant cachée contre lui dans un hoquet de douleur.

" ... J'espère que ... tu n'es pas souffrant... pardon je ne t'ai même pas invité... à.. à... t'asseoir".

Elle s'écarta plus abruptement pour partir s'asseoir sur le lit. Allys lui faisait dos en tapotant près d'elle pour l'inviter à se mettre à son aise. Elle n'allait pas le forcer à rester debout trop longtemps, lui qui venait de si loin... Elle se sentait idiote de ne pouvoir rien faire. Être à la tête d'un royaume ne signifiait pas tout comprendre ou pouvoir remédier à tout... Elle ne le savait que trop, mais là c'était pur que flagrant...

" C'est injuste... Cela aurait dû juste une mission pour en savoir plus... Pas une mission ...comme celle là"

Ses paroles n'étaient pas aussi recherchées, elle en avait conscience... mais elle en avait assez en cet instant... Pourtant elle aimait tant être telle que l'on voulait qu'elle soit... Elle aurait voulu encore le soutenir et tout ce qu'elle trouvait à lui dire c'était repose toi... Elle s'en voulait d'un accueil pareil. Comme si c'était la chose la plus grave. Une sorte d'arbre qui cachait une forêt, une forêt bien plus grande dans laquelle se nichait la peur de ne pas revoir leur fils adoré.

Allys essayait de retrouver de la contenance. Peu de sujets pouvaient autant l'ébranler que celui-ci. Même la douceur des draps lui semblait être rêche. Le moins qu'elle puisse faire était l'inviter au repos, repos qui serait biaisé, repos qui ne serait pas naturel. Cette disparition n'avait elle aussi rien de naturelle. On disparaissait suite à une blessure, suite à une mort mais pas dans la nature sans laisser de trace. Alyss s'en voulut de rester pencher sur ces pensées, elle essayait à nouveau de taire. Elle vivait beaucoup dans le confinement de ses émotions, sauf si elles servaient à une bonne cause. Si c'était pour se plaindre ou pour son propre compte, elle préférait les garder autant que faire se peut dan son coeur.

Son coeur se faisait glacial tout comme lors de la perte de son père. Elle avait pris le trône sans verser de larme. A la fois admiré pour son maintien mais aussi vivement critiqué sans doute, elle avait guidé de son mieux. Autant user de cette comédie de cour à bon escient et jouer un rôle jusqu'au bout. Ici elle était avec son mari, elle n'avait pas à jouer un rôle. Son silence était la preuve de son authenticité. Pour lui, elle ne se forçait pas. Elle était telle qu'il l'aimait. Leur relation se basait sur une parfaite acceptation de l'autre, ce qui lui convenait tout à fait...

En ce moment, elle craignait juste de peser trop lourdement dans la balance. Ce rôle dont elle venait de se désister, elle allait le laissait à Grimvor. Il était tout à fait libre de ne pas l'accepter et de s'allonger très simplement et s'endormir à ses côtés. La fatigue guidait ses pas, ses mouvements étaient lents. Elle avait bien perçu qu'il aurait bien tout donné pour du repos... et ne pas lui annoncer les choses.

Son mari n'était pas quelqu'un qui fuyait... ou abandonnait. Elle en eut encore la certitude lorsque après s'être déchaussé... lui adressa la parole sans crainte.... mieux il la prit contre elle alors qu'elle lui faisait l'affront de lui tourner le dos. Elle ne sentait pas de le regarder... d'être tendre et pourtant être une épouse n'était pas un rôle, c'était bien plus profond. Elle aurait voulu l'accueillir, avoir la force de lui dire encore " on le retrouvera pour le moment, serre toi contre moi". Tout ce qui était sorti de très sentimental était un "assis toi". Puis un apitoiement parfaitement indigne d'elle. Même si elle l'avait murmuré plus pour elle que pour le partager, elle avait dit ces mots et il l'avait entendu... Non, après toute cette attente, elle aurait souhaité être une autre bien plus tendre. Elle sentit une main venir d'abord dans son dos, puis chercher à atteindre sa taille.

Alyss se tourna légèrement les yeux un peu rouges. Quelques bonnes larmes avaient coulé mais derrière sa tristesse, elle aimait tellement sa manière si douce de faire, cette manière de venir la trouver jusque dans ses retranchements. Elle vint très doucement à ses côtés. Elle lui caressa doucement sa main comme si elle reprenait le contrôle de sa main raidie. Allys le laissa ensuite complètement l'enserrer en desserrant ses bras pour se retrouver contre elle. Ce moment ravivait en elle bien d'autres qui comme des chandelles s'allumaient un par un. A son contact, elle inspira longuement en cherchant son appui. Comme à chaque fois que leurs bras s'étaient retrouvés, elle tentait de se raccrocher comme tout à l'heure juste à lui de toutes ses forces.

" Elle est discrète, cela ne lui ressemble pas trop. Je n'ai pas entendu beaucoup  de nouvelle... je crois qu'elle me fait des cachotteries... Hum... Tu crois que je dois m'en inquiéter...? " sourit-elle doucement. Secrètement, elle désirait que sa fille rencontre l'amour tout comme elle, peut-être en avait elle trop parler... Peut-être même avait-elle une histoire actuelle... A force de tous les protéger, elle avait l'impression de les voir s'éloigner... Il fallait qu'elle se calme, elle qui ne désirait qu'une chose : être avec eux.

" Une fois j'ai cru la voir rentrer en portant quelque chose... mais je ne sais pas si elle m'a entendu, mais elle n'est pas venue vers moi. J'ai imaginé toute sorte de chose, même qu'elle nous ramenait une bestiole au château... " rit-elle très légèrement. Son émotion était si fragile qu'elle semblait vouloir fuir et se faire oublier.

" Si tu la vois... dis lui que maman est trop curieuse... " soupira t-elle fortement. Alyss avait tendance à poser plein de questions, elle aimait tellement sa famille qu'elle voulait que rien ne lui échappe, mais elle ne voulait pas être comparée à un garde de prison qui valide ou non une conduite. Elle espérait ne jamais avoir cette image.

"... Tu m'as tant manqué Grim... " Elle souleva la tête en caressant son visage. Alyss le regardait de plus en plus. Elle commençait à reprendre un peu conscience de sa présence. Elle pouvait se mettre dans un tel état jusqu'à oublier l'autre quand elle cédait à ses inquiétudes. Alyss ne cédait pas à ses pulsions, elle ne voulait pas devenir une personne juste préoccupée par elle-même.. Sans compter que si Grimvor n'avait pas été là, qu'elle doive assumer seule la direction de cette expédition, elle n'aurait pas tenu. Il était la plus belle personne qu'elle connaisse. Elle se retourna sans l’écraser pour pouvoir juste contempler son visage. Dans les prochains jours, elle ignorait où il serait. Peut-être repartirait-il... Il fallait qu'elle profite tant qu'il se trouvait à ses côtés.

" Tu resteras....? Je veux dire un temps ici ? "

Ses sentiments n'avaient pas été aussi chahutés depuis un si long moment à la fois chagrinée et à la fois si tendre envers l'être aimé. Elle essayait de se tendre vers l'amour pour ne pas se liquéfier immédiatement. Parler un peu de son questionnement sur Athéas avait eu le mérite de la remettre dans une émotion précise, de s'y focaliser et s'y poser. C'était effrayant comment elle pouvait arriver à se détacher de ses ressentis, mais aussi bien pratique, néanmoins son coeur lui ne mentait. Il s’époumonait en recherchant un rythme sur lequel s'accordait. Elle allait enfermer de son mieux toutes ses incertitudes au plus profond d'elle et en verrouiller l'accès. La seule personne qui avait accès à cette salle si secrète se tenait à ses côtés.

Grimvor était la personne qui l'avait en quelque sorte révélée, montrée qu'elle pouvait être autre chose que ce modèle de reine. Elle s'y évertuait à laisser paraître plus d'elle même. Si elle avait été toujours douce, elle était bien plus démonstrative depuis qu'elle avait une certaine habitude avec un homme brun qui l'avait faisait frisonner d'émotions. Il avait sa façon de faire, cette manière qui lui était propre et qu'elle appréciait. Si une autre personne aurait souhaité évoquer frontalement une douleur trop récente, elle orientait la conversation vers cette personne, une sorte de fuite vers sa mission première : aider son peuple avant tout. Ici le plus important n'était pas de fuir mais de se reconstruire ensemble comme le couple solide qu'ils avaient toujours été. Elle allait lui donner toute l'énergie qu'elle pouvait tandis qu'il lui offrait cette possibilité d'être plus elle... Ce trésor valait bien plus qu'un trône, elle se demandait encore ce qu'elle aurait fait s'il n'avait pas accepté son rôle de roi... Elle aurait dû choisir un roi à ses côtés qui ne serait pas lui. Elle souffla contre lui en chassant cette inquiétude aussi inutile qu'inexistante. Il l'avait suivi et elle avait accepté sa position à ce sujet.

" Je suis sûre qu'elle sait se débrouiller au moins", rit-elle toujours aussi faiblement.

Dans un sens, elle savait peut être mieux se préparer à ce qui pouvait l'attendre dehors. Les parents d'Allys lui avaient un bon suivi dans de nombreuses disciplines pour qu'elle sache palier les difficultés qui se présenteraient. Elle ne pouvait que les remercier sur ce point, mais Athéas recherchait davantage l'extérieur tout comme son mari. Elle la voyait bien moins fréquenter une bibliothèque aussi assidûment qu'elle. Ce n'était pas un mal, même si son coeur de maman avait sursauté plus d'une fois. Elle avait peur que ses inquiétudes entachent leur entente... si elle était plus lointaine peut-être était-ce la raison ? Elle n'était pas vraiment en position de parler d'une telle chose...

" Hum... je ne sais pas si je dois te pardonner" plaisanta t-elle de manière plus naturelle. " J'ai plus d'une personne que je souhaite retenir, vois-tu... ce n'est pas juste"

Jamais elle ne l'aurait empêché de partir, enfin... elle la mettait en garde, un peu, beaucoup. Bon très bien il fallait le dire qu'elle tentait qu'elle limite les idées pouvant être dangereuses, ce qui englobait trop de choses. Au final si elle l'avait peut-être d'une certaine façon poussée à ne pas sortir.

" Son goût pour l'aventure m'a toujours rappelé quelqu'un.." souligna t-elle doucement comme si une autre personne était dans la pièce. Elle lui avait presque dit vers son oreille, le visage tourné légèrement vers lui comme une sorte de secret un peu trop connu. Elle adorait lui parler aussi doucement que possible pour que ses paroles n'appartiennent qu'à lui seul. C'était une façon de valoriser cette place qu'il avait en son coeur.

Elle voulait le garder près d'elle égoïstement. Elle venait de songer que si leur fils avait disparu ; rien ne pouvait écarter que ceux qui se mettent à sa recherche ne disparaissent aussi. Pourquoi cette pensée arrivait maintenant..? Elle l'écartait en touchant de ses doigts un visage fatigué, mais qui reflétait toujours cette force hypnotisante. Doucement, elle se sentait devenir de plus en plus légère. Allys laissa glisser ses mains derrière le dos de son amant. Ses lèvres avaient toujours un goût différent, toujours aussi intense. Elle y sentait une certaine volonté, des sentiments forts....

" .. J'aurais voulu être à tes côtés ainsi tu n'aurais pas eu à me le dire. Nous aurions affronté cette épreuve côte à côte.. Je n'aime pas cette idée... Tu as été si seul..."

Elle était pleinement avec lui... Le voyage de retour avait dû être rempli de questions, de remises en question qu'il ne méritait pas. Il s'était donné à fond dans cette mission et ne pouvait s'attendre à un résultat aussi horrible.

" Tu m'es revenu... " étouffa t-elle en le ramenant contre elel après ce baiser si intense. Elle voulait qu'il se repose contre elle, elle ne voulait pas être celle que l'on soutenait alors qu'elle vivait les choses depuis les tribunes. Le palais devait avoir un dirigeant en vérité elle était obligée de rester. Elle le laissa se redresser pour voir de nouveau ce visage qu'elle aimait. La culpabilité le rongeait. Elle avait même remarqué qu'ils avaient tous deux le même tic pour l'exprimer. Ici, il pouvait tout exprimer, tout lui dire ; ils étaient là pour l'un et pour l'autre. Elle lui massait doucement la joue en réunissant toutes ses pensées les plus positives. Son front vint contre le sien comme pour sceller de nouveau cette union, cette complicité qu'ils avaient. " Je t'aime... " étouffa t-elle presque dans un souffle à peine audible. Son regard était bien assez éloquent pour lui dire. Ils n'avaient pas besoin de mots, elle en était convaincue. Elle se sentait dans le besoin de les dire, de les prononcer au risque d'exploser.

" Ensemble... Oui... Je suis rassurée.. J'ai eu peur que tu doives t'éloigner encore... J'aimerai pouvoir t'aider de mon mieux... et être seule en ce moment... Savoir que tu es présent me rassure.. je le reconnais"

Comme une enfant, elle ne voulait pas quitter cette lumière douce... Elle sentait que dans les prochains jours elle allait balancer entre le fait de le coller et sa distance que son coeur la poussait à donner. Elle ne voulait pas être seule, elle ne voulait pas se noyer dans son travail. Elle ne savait que trop ce que le chagrin et sa volonté de ne pas montrer ses inquiétudes faisaient. Ils faisaient ensemble une bien étrange fresque. Savoir que son mari serait au château ou tout du moins assez près d'elle la fit sourire et quitter pour un temps son visage marqué par l'incertitude. Elle avait au moins une certitude à laquelle se cramponner fermement. Elle se colla contre lui sans rien ajouter. Elle le coiffa bien que sa coiffure soit bien loin de la prime fraîcheur. Elle souriait doucement pour lui dire qu'il était si beau à cette heure, si beau à évoquer ce mot si fort. Elle ne connaissait aucun autre mot pouvant réaliser avec "ensemble". Tous les prétendants ne voulaient pas qu'ils soient ensemble, mais juste l'"avoir", un peu comme on a un premier prix à une course. C'était devenu délirant même..

Deux supers gosses... Oh oui Allys en était plus que convaincue. Ils sauraient eux aussi apporter ce qu'ils avaient de mieux... Elle ne pouvait se résoudre à savoir leur fils loin d'eux, pas après toutes ces années passées ensemble. Les adieux sont pour les gens ayant fait le dernier voyage, écrit le dernier message... Son rire étouffé voulait tout dire, Allys lui fit une légère pichenette sur la joue. Il savait bien quelle était la personne qu'elle évoquait. Elle se retrouvait beaucoup plus dans le caractère d'Aaron bien qu'il n'apprécie guère sa protection, excessive, mais ce n'était pas un fait nouveau. Elle aurait tant voulu un câlin familial... un repas... Cependant toutes ces évocations effaçaient ou du moins dissipaient ce vide d'incertitudes, c'était si agréable de retrouver les bras aimants de son époux.

" Hum... Je ne sais pas, mais ..." Elle lui prit le menton pour placer son visage front contre le front. Elle lui massait tendrement la joue en fermant les yeux comme pour faire ressortir tout l'amour qu'elle lui témoignait, une force pouvait atténuer son chagrin. " J'ai un terrible aveu... j'aime un homme. Sa voix est vibrante autant chaleureuse que remplie de force et de courage.. Ses mains sont puissantes mais aussi... " Elle lui prit la paume en la caressant doucement " très douces... et aussi il a un caractère un peu téméraire et aventurier que je trouve dans Athéas... " Elle s'arrêta un moment en essayant de s'accrocher à sa plaisanterie tant qu'elle pouvait. Elle avait la sensation que seul la légèreté et le rire pouvaient la sauver sans quoi elle aurait crier sur le premier venu en disant d'aller à la rescousse de son fils. Cela ne servait à rien tout était en place alors elle céderait à une inquiétude stérile. " ... J'espère ne pas te décevoir mon amour. J'espère que tu as trouvé de qui je parle sinon... j'ai encore de nombreux indices ..."

Elle exprima ensuite les mots qui se terraient et qui voulaient hurler en elle. Elle aurait voulu être là et pouvoir au moins faire quelque chose, non pas être dans le constat. Cette injustice était valable autant pour Grimvor que pour elle. Pourtant rien n'aurait changé, mais elle n'arrivait pas à croire qu'elle n'aurait pas su apporter du réconfort. Elle sentait qu'elle intervenait après que le mal se soit dilué dans du vin ou des alcools forts. Elle avait bien senti l'haleine de son époux qui avait sans doute attendu d'être plus sobre pour venir la voir. Elle aimait le voir ainsi que lorsqu'ils fêtaient non pour une nouvelle si triste. Sur le coup une certaine culpabilité grondait en elle. Son fils n'était pas un guerrier, elle aurait même dû le sentir. C'était tout de même elle qui avait permis cette expédition, autant remettre à sa place ce qu'il était. Elle était autant responsable que lui sauf qu'elle avait eu la meilleure place ici dans ce château. Elle sentait bien que ses remords ne pouvaient pas s'exprimer plus.

La voix de son mari s'était coupée, il n'osait imaginer sa disparition, tout comme elle n'imaginait pas la sienne. Egoïstement, elle voulait le garder près d'elle... Elle avait envie d'aller voir sa fille, de s'assurer qu'elle n'avait besoin de rien, qu'elle allait bien... Elle avait besoin de sentir ses proches, ceux qu'elle pouvait atteindre près d'elle. Allys pensait même rendre visite à sa mère quelques temps sans que ce soit pour une longue période. Pour la première fois, elle avait besoin de tout son soutien. Sa mère avait été touchée par la mort de son conjoint, elle ne connaissait que trop cette blessure, mais c'était une blessure qu'elles avaient enduré ensemble. Allys avait encaissé le trône avec toute sa volonté tout en prenant de ses nouvelles. Elle savait que sa mère en avait besoin. Jamais elle n'avait alors ramené de tracas liés au royaume vers sa mère, mais là il s'agissait de son petit-fils. Il fallait également qu'elles aient le temps d'en discuter.

Sur le coup, elle massa le dos de son aimée comme pour s'excuser de cette parole lourde, impropre à cette soirée.Elle voulait lui apporter du réconfort et voilà qu'elle lui apportait une éventualité qui ne s'était pas présentée, comme si elle se jouait de ses sentiments.... Grimvor ajouta sa crainte devant cette tragédie en disant que s'il n'était pas parvenu à le protéger lui, il aurait certainement échoué à la protéger elle. Qui lui disait qu'il aurait échoué ? ... Elle tenta de sourire en étirant cette fois plus maladroitement les lèvres. Ses mains passaient et repassaient sur les draps à la recherche de mots assez convaincants pour épouser sa pensée. Elle semblait si difficile à exprimer comme si elle ne voulait pas être formulée. Allys aurait bein à nouveau tourné le dos, mais elle s'était montrée assez distante pour le moment, il lui fallait affronter ce blocage. Elle arrêta de bouger sa main en serrant son poing doucement. Déterminée, elle continua d'affirmer ce sourire qu'elle voulait brandir comme un étendard.

" Dans ce cas là, nous n'avons qu'à nous entraîner comme nous le faisions avant. Tu le sais bien, j'ai un niveau en escrime, mais je n'ai pas l'occasion de m'améliorer davantage. Je pense qu'avec ce qui nous arrive, il serait bon de nous y préparer ensemble. "

Allys était loin d'être une reine vulnérable, elle avait tout étudié étant jeune. Elle avait été écartée souvent des opérations pour des raisons évidentes, mais elle savait se défendre. Son pouvoir ne lui était d'aucune utilité en dehors de la cour, mais c'était ce qui l'avait poussé également à se renforcer. Certaines royautés avaient pu s'éteindre sur un manque de vigilance. Elle tenait plus que tout à assurer une stabilité au niveau du pouvoir et à empêcher tout débordement. Si elle faisait un boulot remarquable comme le disait Grimvor, elle comptait bien le poursuivre et toujours le renforcer. Elle sentit ce baiser plein d'amertume, elle reprit ses caresses apaisantes. Son mari lui prodigua une présence tendre dans un câlin profond qu'elle chercha à prolonger comme pour lui intimer qu'une fois encore ils étaient sur la même longueur d'onde. Ils voulaient toujours faire au mieux, mais parfois tout pouvait ne pas marcher comme ils auraient souhaité...Et qu'importe...

" Nous sommes là, c'est tout ce qui importe Grim et comme tout le monde ici bas, nous pouvons changer les choses. Je ne veux pas que tu baisses les bras ou que tu te laisses aller aux remords. Tu ne le mérites pas... "

Si sa solitude se faisait sentir, Grimvor y répondait de la plus jolie des manières. Elle savait ô combien il était difficile pour lui justement de fréquenter ce milieu même s'il s'y était bien habitué avec les années. Il faisait même parfois un travail aussi impressionnant qu'elle qui y avait consacré sa vie. Elle était fière d'être à ses côtés.

" J'y compte bien... Tu fais un travail remarquable, Grim" fit-elle en le citant de la plus douce manière. Elle lui fit un léger clin d'oeil en lui massant la joue. Ces mots d'amour lui résonnèrent dans la tête, elle s'adoucit aussitôt. Cet échange de voeux sentimentaux lui redonnaient espoir. Elle fermait de plus en plus les yeux en cherchant à se mettre contre lui le plus possible. Elle voulait trouver le repos en songeant à tout ce qui pourrait être entrepris.

" Nous pourrons ensuite discuter des opérations à mener... Donne moi quelques jours... nous pourrons en discuter avec les ministres, les gardes... tous ceux qui pourront nous apporter des solutions "

Grimvor jouait donc à ce jeu de l'inconnu trouvé, étrangement la reine prenait un peu plaisir à ce jeu innocent. Son coeur la poussait dans deux directions à la fois montrant bien que la fracture entre ce qu'elle était pour Grimvor et pour Aeron ne pouvait se séparait. Tant d'amour les liait. Leurs enfants étaient des preuves vivantes de leur passion. Or ici une personne n'était plus en leur foyer. Allys ne pouvait s'empêcher de jeter un regard en arrière comme pour se culpabiliser de tenter de passer un bon moment malgré tout. Elle était si heureuse pourtant surtout rassurée de le voir en vie.

" Des indices....? Je ne vais t'en donner qu'un seul...." Allys rechercha à nouveau ses lèvres, elle voulait se noyer dans ce sentiment de réconfort, d'amour pour oublier le reste. Elle essayait du moins car cet autre sentiment ne voulait pas se taire. "

Elle aurait tant à dire... Il était à ses yeux la personne la plus noble de coeur qu'elle connaisse. Là où tous les nobles l'auraient laissé à son chagrin ou l'aurait laissé pleurer toute une nuit de rage de ne pas avoir su le protéger, il comprenait son effort de sortir de cette spirale. Elle voulait juste arriver à s'extirper de sa peine pour une nuit. Elle aurait bien le temps de s'inquiéter, ce qui se produirait dans les prochains jours. L'inquiétude allait la travailler jusqu'à risquer de modifier quelque peu son caractère. Si l'enquête n'allait pas assez vite, elle n'osait pas imaginer dans quel état elle finirait. Alors oui elle essayait de mettre une barrière bordée de toute sa tendresse avant que cette prison ne l'enferme. Elle savait également que cette tragédie agirait sur son cher époux. Elle ne voyait pas comment faire pour les préserver un tant soit peu. Son esprit était trop embué. Alors elle se demandait si une activité la maintiendrait dans de bonnes dispositions. Elle voulait participer elle aussi. Si moins de garde peuplaient le palais, elle devait aussi subvenir à sa propre protection. En plus ils pourraient ainsi échanger sur un terrain que Grimvor connaissait. Après avoir dit ces mots, elle songea que c'était une belle façon de lui montrer aussi son implication. Ses mains étaient si chaudes, si chaudes et agréables. Il déclina sa proposition.. elle mordit sa lèvre en songeant qu'elle n'avait pas d'autres idées... pas de projet ... Il leur fallait une idée de projet, d'action.. Elle était convaincue qu'en plus cela l'aiderait à vider de ses préoccupations. Il avait sans doute raison... Alors qu'elle ne cherchait plus qu'à se coller contre lui, il lui affirma un changement de décision. Elle était une brillante escrimeuse, il trouvait. Avant qu'elle ne soit couronnée, ils avaient déjà lutté l'un contre l'autre.

D'autres couples flânaient par les jardins et eux riaient en cherchant des parades , des attaques, puis finissaient par tomber dans l'herbe abattus. Elle avait eu envie de partager encore plus son monde comme il embrassait le sien. Ce partage lui semblait nécessaire, d'autant qu'elle avait craint qu'il ne la suive pas. Il savait ce qui l'attendait en le faisant.... Il aurait pu lui dire qu'il était désolé, qu'il l'aimerait et ils seraient restés.... amis....? Non elle en aurait été incapable. Tout simplement parce qu’elle ne l'avait jamais vu comme tel. Elel en savait pas se comporter en amie en sa compagnie. Cela aurait été un adieu brisant, qu'aurait-il fait...? Aurait-il cherché à devenir un ami pour elle...? En regardant son expression déterminée, elel ne pouvait se résoudre que cela aurait donné un adieu.. Elle n'aurait pu vivre sans mieux le connaître, elle aurait gardé ce lien... si cela aurait été possible... elle aurait pu affronter n'importe quel regard. Sa force devenait sienne dès lors que ses yeux bruns se fondaient dans l'océan de ses propres yeux comme si la mer rencontrait la terre, rivages dont elle ne voulait jamais s'éloigner. Elle mit doucement son front contre le sien pour sentir sa présence plus proche, mieux capter sa détermination. Mû par le même élan, il rechercha la chaleur de sa nuque , de son corps avant de lui faire la plus belle déclaration. Elle n'osa pas prononcer un seul mot comme pour ne pas briser cet instant où il brillait à ses yeux comme un véritable soleil. Il ne voulait pas de moments partagés entre deux attitudes, d'une telle confusion. Comme pour marquer son discours, il amena la main de la reine sur le délicat tissu de leur lit conjugal.

" Cette épreuve ne doit pas nous affaiblir, mais nous rendre plus forts. Je sais que j'ai besoin de toi... de mon phénix près de moi... Sans toi tout perd de ses couleurs.. si tu savais Grim... Faisons un havre de paix... où je puisse nous retrouver... te retrouver. "

Allys était au bord des larmes quand elle s'exprimait comme si enfin elle avait décidé d'écarter sa culpabilité, de vivre pour le temps présent. Grimvor savait lui parler, savait lui faire prendre les bonnes décisions. Elle savait s'inspirer de ses conseils tout comme elle espérait lui en donner. Même s'il n'était pas el roi comme Aryon avait l'habitude de voir, elle savait que son rôle pour le trône était plus présent que jamais. Derrière son rôle de reine battait son amour familial, battait des rêves qu’elle voulait partager. L'un de ses rêves était de ne jamais le quitter.

" .... Tu crois que j'aurais des chances de t'obliger à esquiver comme autrefois....? Tu te souviens de notre rencontre Grim...? J'étais en train d'imaginer si tu n'avais pas accepté toutes ces obligations royales... je crois que je n'aurais pas pu m'éloigner très longtemps de toi.. Tu es différent. Tu me comprends... Tu me complètes... Ce havre de paix est la meilleure chose que tu puisses nous offrir. "

La reine se coucha doucement. Son bras s'étendait sur les oreillers pour l'inviter à suivre cette idée d'havre dès maintenant.

" .... Souhaiterais-tu que nous convenions d'une journée pour nous...? Que nous puissions fêter ton retour ? Demain je serai très sollicitée, mais il y a bien d'autres jours où je pourrais être présente pour nous. As-tu des projets ? Des obligations...? Que nous passions du moment ensemble."

Elle n'allait pas lui proposer de voyager, il fallait qu'ils soient au palais. La vigilance devait être de mise pour réagit à la moindre nouvelle concernant leur fils, mais justement autant transformer cette obligation en quelque chose de moins puissant. S'ils pouvaient se libérer du temps ensemble, elle était convaincue que cela conviendrait à les rendre plus forts.

Rien qu'à cette pensée, elle se sentait apaisée, elle avait tant de chances de l'avoir près d'elle, jamais elle ne se le dirait assez. Son souffle se faisait de plus en plus discret comme s'il cherchait à faire le moins de bruit possible pour leur laisser tout le loisir d'entendre leurs voix de façon nette. Elle pouvait sentir ses mots fondre en elle comme la remplir de joie. Elle tentait d’appliquer ses mots même si elle sentait une certaine résistance. Elle imaginait leur lit comme leur monde bien à eux, un monde à jamais proche de lui.

" Pourquoi ne serait-ce plus le côté...? Crois tu que je désire une seconde m'éloigner ? J'ai une place près de toi."

Plus qu'être en relation avec une personne, elle voulait faire partie de sa vie d'où son obstination à parfaire l'art du combat. Elle avait bien assez de gardes pour assurer sa protection sans chercher à assurer sa survie, mais elle voulait se situer à un pied d'égalité avec lui, se sentir toujours près de lui. Une personne ne désirant qu'un rang ne l'intéressait pas le moins du monde, une belle présence comme la sienne était ce qu'elle recherchait plus que tout. Elle plissa son nez après cette amusante pichenette en lui adressant un faux regard de reproche. Elle en avait presque louché sur le coup. Elle s'était tellement reconcentrée sur lui qu'elle suivait chacun de ses gestes.

" Mon phénix me fait bien tourner la tête" s'amusa t-elle à dire en songeant que sa petite grimace n'avait rien de très séduisant. "Tu seras seul juge de... mes succès, car je ne compte pas retenir mes coups" se vanta-t-elle gratuitement. Après tout il aurait bien le temps d'oublier sa petite vantardise. Le passé lui donnait tord sur cette supposition. Grimvor avait su bien la taquiner, elle avait même nourri une envie folle d'en faire toujours plus ou de lui faire les yeux doux pour gagner ne serait-ce qu'une seconde de plus pour son coup. " Il ne peut en être qu'ainsi... " affirma t-elle en caressant sa joue. Alors qu'il venait dans ses bras, elle inspira doucement à la perspective de se revoir ensemble, de rire ensemble... dans une autre perspective que pleurer sur un absent et chercher à se relever malgré tout. Ses cheveux étaient si agréables sous ses doigts, elle aurait pu entremêler ses doigts toute la nuit.

" Je saurai aussi te faire des surprises, crois moi... des soirées que tu n'oublieras pas où ne seront rien que tous les deux... rien qu'à se serrer les coudes et profiter.. que tu sois ici."

Les mots se faisaient de plus en plus rares, la reine se sentait de plus en plus emportée par une sorte de berceuse qui elle se faisait de plus en plus forte. Cette relation faisait que ses réponses devenaient courtes avec un léger air pâteux. " Oui, oui dis moi tout ce que tu veux mon amour... tout" Elle n'était pas sûre de capter tout ce qu'il pouvait lui dire. Elle s'adossait au dossier de leur lit en sentant le matelas sous elle. Elle glissait toujours davantage à mesure que les minutes progressaient. Elle n'avait ni le courage ni l'envie de bouger tant pis pour ces vêtements qui n'avaient d'une tenue pour accueillir le sommeil, parfois il venait s'imposer sans qu'on vienne rien y changer. Grimvor ne semblait pas enclin lui même à bouger, c'était une belle excuse pour en faire de même.

" Arrêter le temps... Grim... ce serait si plaisant... d'être juste avec toi... " murmura t-elle en se penchant vers lui. Elle glissa plus brusquement jusqu'à totalement s'allonger. S'endormir sur cette idée lui convenait. Elle lui laissait prendre tout l'espace dans sa tête alors que ses yeux se fermaient. Ses lèvres s'étiraient dans un beau sourire en sentant ses mains contre elle.

" Toi et moi... mais surtout toi" termina t-elle en chuchotant de façon tendre avant de frotter sa tête contre la sienne. Son mari représentait toute sa vie, il était bien la personne la mieux placée pour l'aider à traverser cette épreuve. " .... Bonne nuit.... mon amour... repose toi .... je vais veiller sur ton sommeil" Veiller était un bien grand mot alors qu’elle risquait de partir la première, mais elle voulait au moins tenir jusqu'à le sentir complètement endormi. Allys se passait cette scène de tendres embrassades pour la maintenir encore éveillée... Dès qu'elle le sentit se reposer plus contre elle, elle souffla doucement pour se laisser aller à son tour.