Comment va-t-elle réussir à dissimuler ça ? Depuis qu’elle s’est réveillée, une douleur l’accable au niveau de ses côtes. Elle soulève une nouvelle fois sa tunique blanche et réprime une grimace de dégoût. La personne qui l’a frappée n’a pas loupé son coup, la semelle de la botte semble gravée sur sa peau. Avec précaution, et un peu d’appréhension, elle pose deux doigts sur la marque violacée et frissonne violemment pour s’empêcher de crier idiotement. Elle lit encore les mots qu’Inaros a inscrit sur leur petit carnet secret
“Me suis battu cette nuit mais tu n’as rien à craindre pour ta journée. Un peu amoché sur les côtes, j’ai nettoyé le sang autour. Impossible de trouver l’onguent pour le bleu ? T’as encore mis le bordel partout. Te laisse t’en charger. Fais ça bien.”
Quel toupet de lui adresser la parole sur ce ton ! Elle n’a jamais réussi à s’entendre avec lui, mais qu’il ose lui laisser un corps amoché à son réveil, c’est au-delà de ce qu’il a le droit de faire et il le sait bien ! Elle a déjà accepté les transformations physiques opérées sur son corps, en plus de ce partage mental, ce n’est pas pour se retrouver en peine toute la journée pendant qu’elle s’active.
Elle fait un pas et ferme les poings pour s’habituer à cette douleur qui la lance à chaque respiration. Il va falloir qu’elle fasse profil bas toute la journée, elle n’a pas suffisamment confiance en Inaros pour croire en son “tu n’as rien à craindre pour la journée”.
Ivara ne peut s’empêcher de s’interroger sur les activités d’Inaros. Que fait-il vraiment ? Où va-t-il ? Pourquoi se bat-il ?
Elle essaie de ne pas y penser, ni de trop pester contre lui pendant qu’elle s’acharne à mettre de l’ordre dans sa boutique. Elle n’a pas le temps de se soigner, elle a déjà émergé bien trop en retard par rapport à d’habitude. Son corps doit être épuisé, ce qui est compréhensible.
Très accueillante avec chaque potentiel client ou admirateur, elle passe la matinée à expliquer le principe de ses sculptures de verre et à en vanter les mérites. Il n’y en a pas d’autres comme ça dans tout le royaume ! Il faut dire qu’elles sont uniques, totalement créées par l’esprit de la jeune femme et par l’aide de son pouvoir. Le sable lui étant indispensable, il y a plusieurs sacs déposés près d’un étrange agencement de fauteuils, sur un des côtés de sa boutique. Disposés en demi-cercle, ils font face à un tapis rouge qui est déroulé depuis l’entrée. L’autre partie lui permet d’exposer ses créations. Elles sont de toutes les tailles et peuvent représenter tout ce qu’il est possible de créer.
Ce n’est que vers le début d’après-midi qu’elle peut souffler un petit peu. Elle en profite pour aller dans son arrière-boutique et cherche la petite caisse dans laquelle se trouve plusieurs produits médicinaux. Habituée à se brûler les mains en manipulant le verre en fusion, elle a de quoi se soigner et extirpe l’onguent que mentionnait Inaros dans ses écrits. Pour une fois qu’elle n’avait rien dérangé. Elle soulève sa robe et l’applique avec vigilance.
Ainsi, coincée dans son arrière-boutique, elle n’entend pas la porte de son atelier s’ouvrir et se refermer. Ce bruit est suivi de plusieurs pas. Est-ce un curieux qui désire admirer plus en détails ce qu’il a aperçut dans la devanture ? Ou bien est-ce un client ? Dans tous les cas, Ivara ne l’a ni vu, ni entendu et, se pensant seule, se permet d’émettre un juron. Le baume est froid et sa peau est sensible.
Capitaine.... capitaine.... c'était vrai, il n'était plus un "simple" garde royal, il en était le chef désormais...
Cela avait été une promotion inattendue surtout pour un sans pouvoir comme lui. Mais qu'importe, il fallait maintenant assumer cette charge.
Alors qu'il marchait dans les rues, il se prit à continuer à réfléchir à la nouvelle organisation de la garde, mais finit par essayer de penser à autre chose pour se changer les idées. Après tout il fallait aussi sortir du travail si l'on vouait être efficace.
Il releva donc la tête, tachant d'avoir l'air un peu plus détendu et finit par s'appliquer à regarder les boutiques. Les responsabilités n'étaient pas les seuls à avoir augmenter, son salaire aussi avait fait un bond en avant, et Rebecca allait enfin pouvoir redécorer la maison comme elle le voulait, sans se soucier le moins du monde du budget.
Cela lui mit un petit sourire en coin en pensant déjà aux dizaines de plantes qui allaient apparaître chez lui.
Son attention finit par être arrêtée sur la vitrine d'un artisan verrier, dont les créations sortaient vraiment du lot. L'officier s'attarda un moment devant la vitrine, fixant certaines des œuvres avec admiration, à croire que cette personne savait tout faire. Après quelques secondes d'hésitations, il entra dans la boutique, poussant la porte pour découvrir l'intérieur.
Dedans, tout semblait plus beau, ce qui confirma encore l'envie du jeune homme. Le seul soucis, fut qu'aucun commerçant n'était présent, même après que la porte se fut refermée.
Arthorias parcouru le magasin mais ne trouva pas de signe du gérant avant de finalement entendre un petit juron dans l'arrière boutique.
Inquiet, il commença à se porter à l'arrière boutique, la main sur son épée, progressant doucement vers la porte en question
Le garde rentra lentement, ses yeux vairons scrutant la pièce
-Tout va bien ?
Dit il avec une certaine méfiance et découvrant la scène
Elle releva la tête précipitamment en entendant une voix lui adresser la parole. Elle n’était pas du tout présentable, avec sa robe à demi-relevée qui dévoilait son corps musclé et la contusion sur laquelle elle venait d’appliquer la pommade. En plus de ça, elle avait laissé échapper une grossièreté. Elle allait devoir mettre les bouchées doubles pour réussir à faire bonne figure devant la personne qui venait d’entrer.
Heureusement, elle était de dos, alors il n’avait pas pu voir grand-chose. D’un habile geste de la main, elle lissa les derniers plis de sa robe qui retombaient sur le sol et se retourna vers l’inconnu. Un sourire aimable sur ses lèvres, elle se dirigea aussitôt vers lui, se concentrant pour ne pas laisser échapper un seul signe trahissant la douleur qu’elle ressentait. Ce soin express avait peut-être aggravé les choses, puisqu’elle n’avait pas du tout était précautionneuse et avait légèrement appuyé sur la marque.
Elle avait remarqué la main de l’homme qui s’était posée sur son épée. Cela lui permis de comprendre qu’elle faisait face à un garde, les seuls habilités à se balader avec une arme. Elle leva ses mains vers lui, lui présentant ses paumes, tout en répondant avec calme.
« Pardonnez-moi, je ne vous avais pas entendu entrer. Tout va très bien, je vous remercie. »
Maîtresse des lieux, elle guida habilement l’homme armé vers la pièce réservée aux visiteurs et clients, refermant la porte de son atelier. Heureusement, Inaros ne semblait pas avoir laissé de choses étranges et inquiétantes dans cet endroit, durant la nuit. En effet, il arrivait souvent à Ivara de débarquer dans son propre atelier pour s’entraîner et y découvrir quelques surprises. Là, juste des sacs de sable disposés en vracs et de nombreuses créations non-abouties.
Désormais au centre de la boutique, elle inclina la tête vers l’homme, un instant déstabilisée par la couleur de ses yeux inhabituelle. Elle essaya de ne rien en laisser paraître et enchaîna aussitôt.
« Je suis bien heureuse de voir que la garde sera toujours prête à protéger ses citoyens. »
Si Inaros entendait cela, il rirait sous cape.
« Mais je suppose que vous êtes entré ici avec un but en tête ? Désirez-vous quelque chose en particulier ? Une des sculptures vous a attiré ? »
S'il pouvait éviter d'avoir à intervenir pour une catastrophe ou une autre.
-Pas de soucis mademoiselle, heureux de ne pas avoir découvert quelque chose
Dit il en esquissant un sourire et se laissant guider vers la pièce d'exposition, ou tout semblait briller de mille feux. Là, l'officier de la garde commença à vadrouiller entre les réalisations, et les projets encore non aboutis, il y avait beaucoup à voir.
L'officier s'arrêta en entendant la remarque de la jeune femme et lui répondit sur un ton joyeux.
-En tout cas elle essaye du mieux possible, même si être partout est assez compliqué...
Tout en observant une sculpture de verre, il commença à se faire une idée de ce qu'il voulait vraiment. Tout était magnifique, signe que l'artisan connaissait bien son métier mais malheureusement, il n'y avait pas exactement ce qu'il voulait.
-Oui j'aimerai quelque chose en particulier, à vrai dire je n'ai pas d'idée précise, seulement...
Arthorias commença à jouer avec une mèche de cheveux, cherchant assez maladroitement la forme qu'il voulait. Assez bizarrement le soleil et sa lumière le rassurait toujours.
-Pourriez vous créer une sculpture en forme de soleil ? J'ai un grand bureau, et j'aimerai pouvoir l'accrocher juste derrière moi, un peu en hauteur... Il y aurait moyen de créer un jeux de lumière avec ?
Il n'y connaissait strictement rien en sculpture de verre, et ne savait pas ce qui était réalisable ou non, il fallait juste espérer que cela soit réalisable....
Ivara comprenait sans peine le soupir de soulagement qu’avait émis le garde. Il n’était pas rentré dans sa boutique pour faire une découverte macabre, ou pour tout simplement détecter un larcin ou encore un bandit de bas-étage essayant de violenter la demoiselle. En fait, pendant une fraction de secondes, Ivara s’était demandée si le garde n’avait pas un lien avec le bleu qu’elle avait sur ses côtes et la potentielle implication d’Inaros dans une affaire douteuse.
Heureusement, ce n’était pas le cas. Il semblait être vraiment présent pour avoir une de ses créations en particulier. Depuis quelques semaines, Ivara était formée, selon son bon vouloir, à détecter tous dangers potentiels. Un garde qui rentrait dans la boutique dans sa tenue de fonction pouvait en être un.
L’officier était docile, il la suivait dans la pièce centrale et admirait les nombreuses créations qu’il y avait sur place. Elle n’avait donc aucun souci à se faire et pouvait se concentrer sur une vente probable. Elle avait bien besoin de faire rentrer un peu de cristaux dans les caisses.
« Vous n’êtes pourtant pas en sous-effectif, non ? »
Se rendant compte que sa question pouvait être mal interprétée sur ses intentions, elle secoua la tête de gauche à droite tout en ajoutant avec précipitation.
« Enfin, je sais qu’elle fait de son mieux et vous en êtes sûrement un exemple parfait. »
Afin de recentrer l’attention sur les sculptures, elle pencha la tête sur le côté en entendant la demande de l’homme. Les sourcils légèrement froncés, son visage s’illumina en entendant la fin de sa requête. Alors ça, c’était un réel défi. Elle allait enfin pouvoir montrer son talent d’une autre façon. Comment allait-elle procéder ?
Sans avoir le temps de vraiment répondre à son nouveau client, elle l’emmena vers le fond de la pièce. Un tapis rouge y était déroulé de l’entrée jusqu’à un élégant fauteuil qui ne demandait qu’à être utilisé.
« Je vous en prie, asseyez-vous ici. Je pense pouvoir faire exactement ce que vous souhaitez. Un soleil avec lequel la lumière joue ? Attendez donc voir, je vais d’abord essayez de vous le faire en miniature… »
Elle sembla se concentrer un instant, versant délicatement le sable dans sa paume. Puis, d’un seul coup, ses mains semblèrent s’illuminer et elle fit tournoyer du verre liquide autour d’elle. Celui-ci était en fusion, un seul contact avec son vêtement ou sa peau et elle serait grièvement brûlée. Les brûlures, elle connaissait. Elle préférait ne pas y penser, se concentrant pour offrir au garde un spectacle comme il n’en avait jamais vu.
« Mais, dites-moi donc, est-ce liée à une occasion particulière ? Je suis curieuse de savoir où vont aller mes futures créations et dans quel but elles sont demandées ! »
A vrai dire la garde civile était toujours prise à défaut et pointée comme la source des problèmes alors que bien souvent c'était les gens le soucis.
Mais bon c'était une histoire longue qui ne méritait pas sa place ici, encore moins avec quelqu'un qui se voulait sympathique.
La jeune femme le fit même rire au vu de son compliment, il leva la main avec un air amusé.
-Parfait cela est très vite dit, mais bel essai, quoi qu'il en soit, non nous avons un effectif suffisant, pas de soucis de ce côté là
Dit il en passant le sujet précédent à la trappe.
Visiblement sa demande était plus intéressante et fit oublier la conversation précédente, et il suivit sans un mot la jeune femme, observant le tapis rouge et le grand fauteuil dans lequel il s'assit malgré son armure.
Pour la suite, il ne s'y attendit pas réellement. Les pouvoirs étaient chose courantes, mais au sein du palais, peu pouvaient se vanter de pouvoir les utiliser, et voir quelqu'un manipuler du verre en fusion.... Il y avait de quoi resté admiratif...
Arthorias était tellement absorbé qu'il en oublia presque pourquoi il était venu et pris un peu de temps à répondre.
-Oh... Hum oui c'est pour une promotion, le bureau du capitaine de la garde royale manque vraiment de décorations, et je me suis dit qu'une de vos sculpture serait parfaite juste au dessus du fauteuil du bureau.
En soit la sculpture serait l'une des première chose que verraient tout ceux qui viendraient voir le capitaine, et au vu du nombre de personne qui passaient ces derniers temps... il serait vu... énormément.
-C'est aussi pour marquer la promotion, chaque capitaine semble avoir ses petites manies
Dit l'officier en souriant légèrement.
Son nouveau poste... Et sa première petite excentricité. Il espérait vraiment que cet objet attirerait tout les regards
-Vous maniez le sable c'est bien cela ?
Dit il curieusement
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