Le soleil brillait et le ciel était dégagé.
Bien.
La température restait agréable malgré la saison.
Cool.
Il n'y avait aucun garde pour l'instant dans le coin.
Parfait.
Cette après-midi là, Astrid venait tout juste de finir un travail de la plus haute importance (chercher un chien perdu) et devait s'occuper jusqu'à la soirée où elle irait picoler comme un trou dans l'une des nombreuses tavernes de la Capitale. Pour s'occuper, Astrid avait de nombreuses possibilités : faire des siestes, voir et faire chier des amis, s'acheter des sucreries, s’entraîner un peu pour garder la forme, chercher des informations quelconques en discutant avec les passants...mais ce jour-là, elle avait décidé de partir sur la bonne vieille farce des familles qui ferait chier un passant quelconque. Embêter les autres était parmi ses passe-temps favoris depuis sa plus tendre enfance (sa deuxième enfance) et elle était depuis le temps passée maître dans l'art et la manière.
Parmi les nombreuses farces qu'elle avait en tête, elle était cette fois partie sur la bonne vieille farce de la personne retrouvée mourante dans une petite ruelle avec le ventre en sang et un couteau ensanglanté pas loin comme fausse arme du crime. Un classique parmi les classiques celui-là, les plus grands maîtres en la matière s'accordaient à le dire. Pas qu'elle en avait croisé un, s'étant auto-formée, heh.
Elle avait choisi un quartier et une petite ruelle peu empruntée pour éviter de rameuter trop de monde et s'allongea à même le sol. Un couteau avec du faux sang, préparé à partir d'un mélange encore tiède de sirop de chocolat, du sirop de cerise et de l'eau, traînait non loin de là. Elle avait également taché ses vêtements au niveau de l'abdomen et fait un trou dans sa chemise pour que cela soit légèrement plus réaliste, créant l'illusion d'une blessure. Ce serait bien sûr chiant à laver et à recoudre mais ça, c'était un petit prix à payer pour voir un visage passer de la panique au soulagement pour ensuite passer à la colère de s'être fait avoir.
Elle mit dans sa bouche une quantité de faux sang – délicieux ce nouveau mélange tiens - avant de laisser le tout dégouliner le long de son menton également, pour faire encore un peu plus peur, et le tour était joué.
Il ne restait plus qu'à appâter une victime.
La citoyenne prit donc une grande inspiration, et poussa un...

-JEANNE, OSKOUR !

...d'où l'on entendait la détresse et l'agonie d'un vieil homme encerclé par des journalistes. Si elle y avait mis du sien,Astrid aurait très bien pu faire du théâtre, mais ce n'était pas vraiment drôle (faux).
Avant qu'une personne ne vienne, elle remit dans sa bouche un peu de faux sang et cacha le reste dans une poche.
Maintenant, il fallait attendre, et elle entendait déjà des bruits de pas s'approcher, héhé. Le plus dur dans tout ça, ce serait de se retenir d'éclater de rire et de garder le visage d'une personne au bord de la mort au lieu du visage d'une personne se tordant de rire.

Astrid entrouvrit une paupière pour observer la victime de sa farce qui semblait bel et bien croire à une tentative de meurtre et à un potentiel cadavre au beau milieu d'une ruelle. Une jeune femme qui semblait s'approcher de la trentaine, des cheveux légèrement verts, des cornes et….putain, elle était assez grande.
Oui, la taille d'une personne choquait plus Astrid que la présence ou non de cornes, allez savoir pourquoi dans un monde de magie. Elle ne tiquerait probablement pas en voyant un homme-singe se balader, mais si elle voyait une nana plus grande que la moyenne, c'était assez rare pour le noter. En tout cas elle n'était pas désagréable à l’œil, malgré son accoutrement un peu bizarre.
Bah, toujours était que la victime était dans tous ses états et Astrid dû se mordre l'intérieur de la joue pour ne pas éclater de rire sur le champs et garder son calme.

Elle lui prit son pouls pour vérifier si la personne à terre était encore vivante et posa ensuite une main sur la joue d'Astrid qui pensa alors qu'au moins, cette personne là savait plus ou moins réagir dans ce genre de situation. Entre ça, les personnes qui fuyaient directement, les personnes qui criaient à l'aide ou aux gardes, et les personnes qui tentaient de lui faire les poches dans le plus grand des calmes, ce n'était pas désagréable d'avoir une personne utilisant un peu de jugeote.

Lentement mais sûrement, Astrid ouvrit totalement les yeux et les cligna plusieurs fois en fixant la jeune femme qui s'était penchée sur elle. Elle ne parla pas, mais se contenta d'agripper mollement le kimono de la nouvelle arrivante et…

-BLUUUUUUUUUUUUUURGH.  

...cracha soudainement du (faux) sang partout sur les habits de la nouvelle arrivante. Avec la force d'une personne au bord de la mort, elle ne lâcha pas prise et dit d'une voix tremblante :

-Un….un homme...il m'a….poignardé. Est-ce...que je vais mourir…. ? J'ai froid…..

Quelle scène dramatique que nous offrait ici Astrid Dalgaard, passée maître dans la personnification d'une personne mourante grâce à toutes ses gueules de bois le lendemain d'une sale cuite qui lui avait donné l'impression de réellement mourir. Bon, ça, et le fait qu'elle avait expérimenté la mort déjà une fois. Pas un souvenir très agréable cela dit.
Alors euh...Qu'est-ce qu'elle pouvait dire d'autre qui rendrait la scène un peu plus convaincante et qui mettrait l'autre nana dans tous ses états ? Hmm hmm.

-Je….n'ai pas...envie de mourir...puceau….

Hein ? Comment ça ça ne fendrait pas le cœur d'une jeune femme?

Ohoh, donc la jeune inconnue lui assurait qu'Astrid ne mourrait pas. Quelle noblesse, et optimisme malgré le fait qu'une autre personne qui se serait vraiment fait poignardée serait déjà morte ! Et elle voulait même...la porter ? La citoyenne voulait bien croire qu'avec sa taille elle avait un peu plus de force qu'une naine d'un mètre 50, mais elle n'était pas sûre qu'elle soit capable de porter Astrid qui était aussi lourde. Dans tous les sens du terme. Surtout dans le sens figuré. Après tout, de son œil expert d'ex-commandant qui avait jugé des jeunes recrues, gardes, et adversaires d'un seul coup d’œil, la femme aux cheveux verts ne semblait pas…apte.
Cela dit, c'était marrant de la voir essayer aussi Astrid continua à faire la morte. Enfin, la personne au bord de la mort, tout en se retenant de rire et de garder une expression d'agonie.
Elle lui faisait presque de la peine et pour être honnête, la jeune femme aux cheveux blancs avait un peu peu que l'inconnue la soulève avant de la lâcher soudainement par manque de force dans les bras. La chute serait un peu douloureuse, surtout en prenant en compte la taille de la nana. Aussi, Astrid se prépara à intervenir pour lui dire que c'était une blague, mais quelque chose d'étrange se passa. Un silence de mort – haha – s'était installé, et Astrid aperçut des écailles pousser...Mais ce n'était pas tout. Elle sentit les bras de l'autre se transformer, entendait des gémissements proche de râles d'agonie, et tomba à genoux.

-AH. Lâcha silencieusement Astrid dans un souffle, comme si on venait de lui dire que les femmes ne savaient pas construire une cabane.

La jeune femme avait assez d'expérience pour reconnaître là un pouvoir de transformation en une bête quelconque d'Aryon. Sur le coup elle hésita presque à se lever comme si de rien n'était et à se casser en courant en ricanant comme une cinglée, mais la curiosité l'emporta finalement.
La suite fut assez comique et triste. L'autre jeune femme tenta de se relever pour tomber juste après, et cela dura une bonne dizaine de minute durant lesquelles Astrid resta immobile, trop gênée pour intervenir et lui dire maintenant que c'était une blague. Elle avait atteint un point de non retour, et lui annoncer maintenant la supercherie, ce serait ptetre un peu dangereux en considérant la transformation de l'autre. Et puis bon, pendant ces 10 minutes, Astrid eut le temps de réfléchir à pleins de choses : Ce qu'elle allait manger pour la semaine, quand elle laverait les tâches de ses fringues, où elle irait boire ce soir, les petits tafs de la semaine à faire pour payer son loyer à la fin du mois...Tiens, d’ailleurs elle avait une petite faim. Est-ce que ce serait tentable de manger un petit bonbon pendant que l'autre était encore occupée et concentrée à se transformer douloureusement ? Hmmm.
Bref, en 10 minutes, une personne venant de se faire poignarder serait morte depuis belle lurette. Mais comme on disait, c'était l'intention qui comptait.
Enfin, pas trop tôt, l'inconnue porta Astrid dans ses bras qui continua à faire la presque-morte. Dans un râle d'agonie, elle lâcha un :

-C'trop tard pour moi...Chez moi...ma chambre…deuxième étagère...une boite… brûlez le contenu...il contient ma plus grande honte...des livres avec des images….discutables….par pitié…

Chaque personne avait son petit secret, et ça, c'était le genre de dernière parole qu'elle lâcherait vraiment un jour lorsqu'elle serait aux portes de la mort. Il y avait des choses qui devaient rester dans l'obscurité...ahem….

Des cornes, des écailles, une queue, des ailes...Il n'y avait pas de doute sur la transformation en question ! C'était un poisson cornu volant !
Hein ?
Comment ça non ?
Un dragon vous dite ? Aaaah. Maintenant que Astrid regardait de plus près, en effet, y'avait un petit air de dragon derrière cet air de poisson cornu volant. Hmm. C'était inquiétant du coup. Parce qu'un poisson niveau force ça allait, mais une transformation en dragon, c'était un peu plus compliqué. M'enfin cela dit, vu comment elle avait l'air de maîtriser son pouvoir, ce ne serait pas difficile de la maîtriser elle si nécessaire.

Ah tiens, il fallait croire que parler de livres pornos avait fait comprendre à la demoiselle que le tout était une farce. Un peu longue à la détente, si vous vouliez l'avis de la citoyenne qui sifflotait en évitant le regard de la femme qui lui avait demandé si elle se moquait d'elle.
Astrid s'était presque attendue qu'on la lâche d'un coup d'un seul et se préparait déjà mentalement à retomber sur les fesses et à devoir utiliser un fauteuil roulant mais au final, l'autre eu la bonté de la déposer sur le sol. Ce que la citoyenne ne s'attendait pas à voir par contre, c'était la jeune femme goûter son sang. Enfin, son faux sang. Enfin, le sirop de chocolat et de cerise. Welp, la supercherie était découverte !

-Kyaaa, goûter comme ça l'un de mes fluides corporels comme ça sans mon avis en plein jour dans une rue, si la rumeur se mettait à circuler, qu'est-ce que penserait les gens ? Dit-elle en faisant mine d'être embarrassée.

D'un coup d'un seul, la femme aux cheveux blancs se releva comme si de rien n'était pendant que l'autre expliquait que la blague n'était pas drôle, et que c'était la première fois qu'elle assistait à la scène.

-Teehee ! Fit Astrid en levant une jambe, en tirant la langue, et en lui faisant un clin d’œil entre un signe V fait avec sa main. C'était en effet une farce, désolée ma petite. Confirma-t-elle, fière d'avoir fait tombée la personne dans le panneau. Moi ça m'amuse, et ça permet aux vict…aux autres de voir comment ils réagiraient si un tel cas se reproduit. Héhé !

Hein ? Oh. La voilà qui cherchait à justifier sa blague de merde dont l'unique but était de voir des gens paniquer.

-Dans ton cas, faire patienter une victime une dizaine de minute avant de te transformer, c'était pas foufou. N'importe qui serait mort en t'attendant ! Et voilà, t'as appris une bonne leçon, tu peux me remercier !

Quel culot, quelle audace de vouloir faire la leçon ! Mais, sans surprise, Astrid ne connaissait pas la honte ni la culpabilité. Elle s'était apprêter à partir pour faire sa prochaine farce, mais au lieu de ça, l'autre personne jugea bon de se présenter alors que personne ne lui avait demandé.

-AH. S'exclama la citoyenne en entendant son nom et son boulot.

Cette gamine ? La nouvelle ministre de la magie ? Mais où allait le monde ! Toutefois, maintenant qu'elle se disait être ministre, Astrid avait en effet parler entendu d'une ministre avec des cornes. Hé béh.

-Toi ? Ministre ? Hmm, tu remplaces le petit Maes huh huh. Bah ! Tu passeras le bonjour à Allys de la part d'Astrid, femme à tout faire.

Un ministre, et de l'autre côté, une femme à tout faire alcoolique qui devait bosser chaque mois pour payer son loyer, heh.
Hein ? Elle ne savait pas de quels livres Astrid parlait ?

-Je parlais de livres de cul voyons. J'pensais que ma blague était assez claire comme ça. Dit-elle légèrement perplexe. Peut-être que la prochaine fois, elle devrait rendre sa blague plus évidente. Ah tiens, en parlant de cul, le tiens redevient normal et sans écailles quand? Est-ce qu'une ministre de la magie a vraiment le droit de se transformer comme ça en pleine rue alors qu'elle a l'air d'avoir du mal à contrôler tout ça ? Son air perplexe s'était transformé en un air intéressé et un grand sourire amusé était affiché sur son visage. Ça pourrait faire un sacré scandale tout ça.

Ara ara ? Pourquoi est-ce que la première ministre rougissait tant ? Était-ce un autre effet de sa transformation ? Ce ne serait pas étonnant, mais quelque chose disait à Astrid que ce n'était pas le cas. Surtout avec son air outré lorsque la jeune citoyenne parla de fluides corporels. Heh.

…
…

Hein ? Quoi ? Comment ? Comment se fesse ? Elle….avait oublié son temps de transformation ? Elle n'avait pas l'habitude de sa magie, alors qu'elle était ministre de la magie… ?

-BWAHAHAHAHAHAHHA !

Il y avait quelque chose d'hilarant dans cette douce ironie d'une ministre de la magie qui...bah...ne connaissait même pas sa magie. Cette ironie était si douce et hilarante qu'elle plia Astrid de rire, littéralement, qui dut se tenir les côtes l'espace d'un instant tellement ce fut soudain et surprenant. Oh merde ! C'était comme un commandant de la garde qui ne savait pas se battre ou tenir une épée, ou qui tombait dans les pommes en voyant ne serait-ce qu'une goutte de sang ! C'était bien trop drôle ! Et triste. Mais surtout drôle !
Imaginez donc le titre des journaux : La ministre de la magie laisse une personne mourir car elle a prit 10 minutes pour se transformer, laissant là la pauvre jeune victime mourir dans le froid et dans la solitude pendant que l'autre se transforme. Pff...

-Hahaha...Pfiou….heureusement que t'es tombée sur ma farce alors, comme ça c'est ta petite piqûre de rappel concernant ton pouvoir...Mais vraiment, une ministre de la magie pas habituée à sa propre magie...pff…Ciel te va bien comme nom, parce que t'as l'air d'avoir la tête dans les nuages ! Heh.

Hé bien sûr, il fallait qu'elle en rajoute avec une blague de son cru.

...Le sourire amusé d'Astrid s’agrandit un peu plus en voyant ses soupçons se confirmer lorsque Ciel paniqua à la mention de livres de cul. En réalité, Astrid avait juste eu l'intention d'attendre calmement avec la ministre que sa transformation s'arrête avant de la laisser en plan, mais maintenant qu'elle savait que la jeune femme rougissait à la simple mention de livres pornos….Hé bien, la farceuse et la chieuse en elle ne pouvait décidément pas laisser passer cette chance de s'amuser un peu plus l'espace de quelques minutes. Heh.
Un nouveau jouet.
Telle une fauve, la citoyenne tourna autour de Ciel en la reluquant de haut en bas. Pas mal.

-Des livres de cul !   Répéta Astrid. Tu sais, du matériel de FAP ! C'est à dire de Femmes d'Aryon Pulpeuses ! Même si j'imagine que les femmes en aient moins besoin que les hommes pour...tu sais quoi.

L'audience était, bien sûr, majoritairement masculine. Pas étonnant.

-Ah tiens, petite question, tu viens de la famille Eleison c'ça ? C'pas une famille nombreuse ? T'es pas genre la 7ème de la famille ?   Petite question totalement stupide et sans intérêt. Astrid ne connaissait absolument pas sa famille. Pour quelle raison est-ce qu'elle avait demandé ça donc ? Parce que si tu sers un jour de modèle, ça enverrait pas mal de monde...au 7ème Ciel ! Huéhuéhué!

ah.
AH.
Ok.
Et le pire, c'était qu'elle était sûrement très très fière de sa blague, avec son grand sourire narquois qu'on enlèverait bien avec des baffes.