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    Un monde plein de mystères,
    plein de magie et surtout plein d'aventures...

    Il est peuplé de créatures fantastiques. Certaines d'une beauté incomparable, d'autres aussi hideuses qu'inimaginables, beaucoup sont extrêmement dangereuses alors que quelques unes sont tout simplement adorables. La magie est omniprésente sur ces terres : des animaux pouvant contrôler la météo, des fleurs qui se téléportent, des humains contrôlant les éléments, des objets magiques permettant de flotter dans les airs...

    Dans ce monde, il y a le royaume d'Aryon. Situé à l’extrémité sud du continent, c'est un royaume prospère, coupé du monde. Il est peuplé d'hommes et de femmes possédant tous un gros potentiel magique, chacun vivant leurs propres aventures pour le meilleur comme pour le pire.

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    Le retour de la Team Buff-et
    Zeny AstleyAventurier
    Zeny Astley
    Informations
    Le retour de la Team Buff-et
    Sam 13 Juin 2020 - 20:06 #
    « Et pour finir... Ha... Encore un rapport de trouble à l'ordre public, » soupira Magnus. « Décidément, les gens sont déchaînés ces dernières semaines... »

    Ce matin-là, Magnus s'était levé aux premières lueurs du jour, s'était entraîné deux heures durant, puis était rentré et n'avait plus quitté son bureau depuis, du fait de ses obligations de capitaine. Il avait eu des rapports à lire et d'autres à rédiger, des comptes à faire et tout un tas d'autres futilités administratives dont il se serait bien passé, mais qui n'en demeuraient pas moins nécessaires pour que les engrenages du régiment continuent de tourner correctement. Bien qu'il fut à son poste depuis une quinzaine d'années, il ne s'était jamais habitué à toutes ces choses là. Il aurait préféré être encore de la ronde du matin, celle où l'on croise toute la populace au marché, et où l'on passe sa matinée au dehors avant de suivre l'entraînement l'après-midi. À la place, il avait l'impression d'être un petit vieux – ce qui, en soi, n'était pas faux – qui se levait, sortait un petit peu, puis revenait bien vite à côté de son foyer pour y faire de la paperasse.

    Il finit de lire le rapport faisant état d'un sacré bazar à la Souche Rieuse, une auberge plutôt agréable qu'il avait déjà fréquenté et qui était rarement sujette à des débordements. Il lut consciencieusement le tout : apparemment, le rejeton du tenancier avait des déboires avec son pouvoir, ce qui avait fait quelques dégâts, aussi bien au mobilier qu'à des gens touchés par le pouvoir, qui étaient ensuite décrits et nommés – du moins si leurs noms étaient connus. L'une de ces description lui rappela une recruteuse pour qu'il avait une affection toute particulière tant elle lui ressemblait en de nombreux points, mais il doutait que ce fut elle. La plupart de ses gars la connaissait, et si c'eut été elle, son nom aurait été écrit.

    Gagné par la nostalgie en repensant à cette sacrée Java, il secoua légèrement la tête, poussa un soupir, rassembla les papiers et les tassa avant de se lever et de se diriger vers un meuble sur lequel se trouvait un très gros livre, lui-même posé sur d'autres papiers pour les aplatir. Il fourra les nouveaux rapports dessous, et s'étira. Au dehors, le piaillement d'oiseaux attira son attention. Le soleil continuait sa course, annonçant le début de l'après-midi. Haut au dessus de la cime des arbres, il avait débuté son plongeon vers l'horizon occidental, et les ombres au sol et sur les murs s'étiraient à nouveau, petit à petit. Le ciel était dégagé, parsemé ça et là de ces nuages si fins et résiduels qu'on se tromperait à les nommer véritablement nuages. Le jour était bien avancé, et Magnus avait passé presque toute sa matinée le postérieur vissé sur une chaise...

    Il était temps de faire une ronde !

    D'un pas décidé et lourd, il s'en fut de son bureau, direction l'arsenal. Pour une ronde de routine, pas besoin de l'armure complète : il salua en chemin les gardes qu'il croisa, tout sourire, et enfila une fois là-bas un simple plastron de cuir, ainsi que les épaulettes et genouillères qui allaient avec. Pour éviter d'avoir à se trimballer Gardétoile, il lui préféra une targe en bois dont le centre était renforcé d'un cercle d'acier bombé. Une fois équipé, il sortit enfin dans la cour de la caserne, inspira profondément, lâcha un « Ahhhhhh ! » sonore, se tapa le torse des deux mains et avança. Première escale : la Souche Rieuse, histoire de prendre des nouvelles.

    En chemin, il salua nombre de gens, sans pour autant s'arrêter, expliquant brièvement à chacun qu'il avait à faire. Quelques trente pirouettes sociales plus tard, il finit par atteindre sa destination. Là, après avoir constaté les dégâts et parlé avec le propriétaire, il fut assailli d'un doute. La description que le type lui donna des diverses personnes touchées, et plus particulièrement de celle que le capitaine avait trouvé semblable à Java, était en fait beaucoup plus proche que ce que le rapport avait détaillé. Il devait absolument trouver cette personne : si c'était bien la recruteuse, sa journée serait soudainement égaillée comme il n'aurait pu l'espérer. Dans le cas contraire, il en aurait simplement le cœur net et vaquerait ensuite à ses occupations sans plus de discours. Après tout, qu'elle fut ou non présente en ville ne changeait rien au fait qu'il avait tout de même fort à faire, étant capitaine.

    L'aubergiste lui indiqua la direction dans laquelle elle était partie, et Magnus, bien qu'en retard, lui emboîta le pas dans l'espoir de la retrouver. Il fit de son mieux pour ne pas courir ni bousculer qui que ce soit, tout en continuant ses acrobaties de politesse pour éviter d'avoir à discuter avec tous ces gens qui risquaient de lui faire rater le rendez-vous qu'il avait avec une bonne journée.

    Finalement, il tourna dans une rue un peu moins bondée que les autres et tira profit de sa taille impressionnante pour repérer sa cible. Là, à un peu plus d'une centaine de mètres, il vit la coiffure qu'on lui avait décrit se ballotter de gauche à droite, au rythme des pas de sa détentrice. Un chignon sombre, avec les côtés du crâne rasés, et une tenue bleue qu'il avait déjà vu en de nombreuses occasions, toutes étant liées à de bons souvenirs.

    Plus aucun doute, c'était bien Java.

    Il frappa de son poing dans sa main, d'un air de dire « Je le savais ! », comme s'il venait de gagner un pari contre lui-même, ou peut-être contre l'Univers, qui sait... Prenant une profonde inspiration, il se dit que c'était le bon moment pour une petite blague. Il regarda les gens autour de lui et leur intima le silence d'un doigt sur la bouche, et fit quelques gestes ayant pour but de leur faire comprendre qu'ils devaient agir comme s'ils ne l'avaient pas vu. La plupart sembla comprendre, et il put avancer ensuite tranquillement, aussi discrètement que lui permettait son grand corps, jusqu'à sa proie.

    Il arma son bras droit en arrière, et le balança d'un coup en avant, écrasant sa main bien à plat dans le dos de la personne qu'il avait reconnue comme Java, en beuglant souda inement :

    « ALORS MA POULE ?! On vient au Village Perché et on prévient pas son cap'taine préféré, hm ?! »
    Java AnggunLe Cyclone
    Java Anggun
    Informations
    Re: Le retour de la Team Buff-et
    Ven 19 Juin 2020 - 2:06 #



    Une nouvelle journée au village des cimes. Java s'était engagée à rester au moins sept jours à l'auberge, pour aider à réparer les dégâts causés par sa dernière aventure. Bon, techniquement, ce n'était pas elle qui avait détruit tous ces murs et tous ces meubles directement. Mais en tant que garde présente lors du grabuge, elle se sentait obligée d'en assumer la responsabilité, et de rembourser sa dette d'honneur comme elle le pouvait.

    En revanche, à cause de cette même dette qu'elle s'était attribuée, impossible d'avoir autre chose que de la soupe au caillou pour un repas. Et même si elle n'était pas du genre à cracher dans la soupe, Java savait qu'il lui faudrait un repas plus complet pour utiliser son pouvoir à plein potentiel. La mission du jour : refaire son stock de vivres, et en profiter pour manger à sa faim. Elle marchait donc d'un pas décidé, jusqu'à ce qu'une main énorme vienne la heurter, accompagnée d'une voix tout aussi (si ce n'est plus) puissante.

    Sous le choc, Java avait perdu l'équilibre, et elle attrapa l'avant-bras solide de ce bon vieux Magnus pour se redresser. Toujours aussi fort, toujours aussi bruyant. Elle sourit automatiquement en croisant son regard. Il sait toujours aussi bien lui parler.

    ▬ Eh, mais c'est l'vieux Nottsen ! Je pensais à toi !

    Gros mensonge. Enfin, pas si gros. L'idée de se remplir le ventre au Village perché lui faisait en effet penser directement au capitaine local – mais elle avait suivi son appétit en premier au lieu de rendre visite à l'ancien. Consciente que son mensonge n'est pas très crédible, elle étouffe le sujet dans un autre.

    ▬ Enfin, penser, penser... J'ai pas trop eu le temps de penser jusqu'à aujourd'hui ! J'me suis retrouvée dans une de ces...

    Une minute. Elle plisse les yeux, à moitié par suspicion, à moitié à cause d'un rayon de soleil mal placé.

    ▬ … T'as dû entendre parler des dégâts à la Souche Rieuse, nan ? Rassure-moi chef, tu viens pas pour me passer les menottes ?

    Malgré son sourire, Java semble tendue. Pourtant, elle sait bien qu'elle n'a aucune raison de s'inquiéter ! Pourtant, comme la lumière du soleil qui massacrait ses yeux clairs, sa fierté toute aussi mal placée la tiraillait. C'est sa spécialité, de reconnaître des jeunes qui découvrent la magie. Comment a-t-elle pu laisser une telle chose arriver ? Tous les dégâts à l'auberge étaient sa responsabilité.

    Ses bandages étaient plus serrés aujourd'hui. Son chignon également. Au fond, elle savait bien qu'elle avait moins peur des sanctions que pouvait lui réserver ce cher Magnus, que des sanctions qu'elle était capable de s'infliger à elle-même. Si elle se dédoublait, là, maintenant, que dirait son autre elle ?

    Rien de bien.

    Zeny AstleyAventurier
    Zeny Astley
    Informations
    Re: Le retour de la Team Buff-et
    Mar 23 Juin 2020 - 16:44 #
    Java ne tarda pas à comprendre la raison de la présence du capitaine – outre le fait qu’il était venu voir sa collègue. Il s’était attendu à ce qu’elle soit bien joyeuse et présente simplement des excuses pour le grabuge, avant de lui proposer de casser la croûte. Au lieu de ça, il fut surpris lorsqu’elle supposa qu’il venait lui passer les menottes. Le sourire qui accompagnait avait, en plus, l’air atrocement faux. Comme s’il n’était qu’une façade fragile. Il réprima l’envie de la questionner sur une telle méfiance envers sa personne, et porta théâtralement sa main à sa barbe touffue, la triturant tranquillement.

    « Hmmm… Oui… Oui j’ai entendu dire qu’il y avait eu des soucis à la Souche Rieuse… Et j’en viens d’ailleurs… Hmmm… »

    Il faisait mine de réfléchir alors même qu’il parlait. Non pas qu’il envisageait vraiment de l’arrêter, loin de là, mais la blague était trop tentante pour être évitée. Il avait déjà eu l’occasion de voir que Java avait une certaine prédisposition pour le stress, et lui, grand con taquin, ne trouva rien de mieux que d’en jouer pour une blague que beaucoup aurait pu qualifier de mauvais goût. Toujours aussi faussement pensif, il regardait du coin de l’œil la recruteuse et embraya :

    « Hmmm… Te balancer au trou… Hmmm… C’est pas une si mauvaise idée… Hmmm… Je pensais te faire fouetter une demi-douzaine de fois, mais un p’tit tour dans une geôle, c’est vrai que c’est pas mal… »

    Aussi longtemps qu’il le put, il garda son sérieux et réprima le sourire qui, finalement, transperça son masque de comédien, et fendit son visage en deux jusqu’aux oreilles.

    « MAIS NON J’DECONNE, ROHHHH !! »

    Il éclata d’un rire sonore en balançant une bourrade amicale dans l’épaule de la garde. Pendant plusieurs secondes, il fut secoué d’un rire sonore, presque tonitruant, qui fit se retourner plus d’un passant. Ignorant totalement la réaction de Java, il finit par se calmer, essuya d’un doigt les larmes qu’il avait aux coins des yeux, et soupira d’aise.

    « Fiou, ahlala… Par Lucy, elle est bien bonne celle-là… Te mettre aux fers pour un peu de grabuge causé par un gamin maladroit dans la taverne de son père… Ha ! Parbleu certainement pas ! »

    Parfois, Magnus se demandait ce qui se passait dans la tête de Java. Elle lui avait déjà semblé, à deux ou trois reprises, paniquée pour des broutilles. Elle qui était pourtant si impressionnante en tous points. Il ne savait pas bien ce qui la tracassait autant, mais il n’avait aucune envie de la forcer à parler, tout simplement parce qu’il savait d’expérience que tout le monde n’était pas comme lui, aussi détaché et ouvert pour discuter de son passé ou de son présent, aussi traumatique soit-il. Le temps viendrait peut-être pour elle de s’ouvrir à lui, en attendant, il serait simplement une épaule sur laquelle elle pourrait s’appuyer.

    Il posa sa grande main sur son épaule, et lui adressa un sourire chaleureux.

    « Tu m’as manqué, l’amie ! Je venais juste te proposer de discuter tous les deux en cassant la croûte et en buvant bien, si ça te tente ? On en a du temps à rattraper, et j’ai fini ma paperasse pour la journée. Qu’en dis-tu ? »
    Java AnggunLe Cyclone
    Java Anggun
    Informations
    Re: Le retour de la Team Buff-et
    Jeu 25 Juin 2020 - 16:42 #



    Alors que le capitaine parlait, Java sentit son optimisme s'effriter un petit moment. Lorsque Magnus parla de la fouetter, elle laissa même échapper un petit cri de surprise : non, pas ça, pas lui ! Il n'oserait pas !

    Et en effet, il n'oserait pas. Ce n'était qu'une blague. Bon, pas terrible, mais une blague. Java, perturbée par le retournement de situation, regarde son vieil ami rire franchement, jusqu'à s'en tirer une petite larme. Est-ce qu'elle devrait rire aussi ? Elle n'avait absolument pas envie de le rejoindre, et se contenta d'un silence perplexe. Bien sûr que c'était juste une blague. Comment avait-elle pu se monter la tête comme ça ?

    L'énorme main chaleureuse de Magnus vient trouver son épaule, comme pour la ramener à la réalité. Comment avait-elle pu douter de lui ? Et malgré tout, il était toujours aussi accueillant et amical. Le sourire de la garde s'efface, mais son visage semble légèrement apaisé.

    ▬ Tu m'as bien eu chef, j'me suis fait piéger comme une bleue !

    Admet-elle avec un petit rire gêné. Même si elle aurait bien préféré faire semblant de rien, elle avait tendance à abandonner ses masques avec le capitaine du Village perché. Après tout, il avait toujours été sympa avec elle, et parfois il lui rappelait même certains tontons de son village natal.

    ▬ C'est vrai que ça fait longtemps, hein ? Je dirais pas non à un repas avec toi, au contraire, mais du coup... tu connais une autre bonne auberge ?

    Avoir ce grand, fier et fort capitaine à ses côtés pour son objectif du jour ne pouvait qu'être un bonus, après tout, non ? En plus, il était super fort et super gentil ! Et surtout, lui aussi il mangeait beaucoup, mais il avait une meilleure réputation qu'elle. Qui sait, peut-être qu'il arriverait même à se faire servir autre chose que de la soupe dans l'auberge en chantier.

    Mais Java avait beau instinctivement essayer de prévoir et de calculer, un autre instinct avait pris le dessus. A la fois plus animal, et plus communautaire. Sans s'en rendre compte, elle avait toujours vu Magnus comme celui à qui elle voudrait être capable de ressembler.  Et plutôt que de lui extorquer un repas comme à tous les autres, elle savait que manger avec lui signifierait passer un vrai moment ensemble.

    Et étrangement... elle aimait bien cette idée. Quelque part, croiser Magnus aujourd'hui, lui donnait l'impression d'avoir trouvé un chez elle, même si ce n'était que pour quelques précieux instants. Quelle meilleure sensation, pour une nomade de fonction ?

    Zeny AstleyAventurier
    Zeny Astley
    Informations
    Re: Le retour de la Team Buff-et
    Mer 1 Juil 2020 - 16:22 #
    Malgré la décontraction du capitaine, la recruteuse lui sembla bien tendue. D’un côté, il ne trouvait pas cela spécialement choquant : à plusieurs reprises, par le passé, elle lui avait semblée un peu en décalé des choses, souvent stressée par des choses qui, en somme, étaient pourtant bien banales. De l’autre, il réalisait que tout le monde n’était pas fait comme lui, forgé à même la décontraction lorsque des sujets sérieux n’étaient pas mis sur la table. Certaines personnes avaient leurs raisons d’être stressées de la sorte, et de faire attention aux moindres détails. Et lui, en tant qu’ami de Java, n’avait que faire de la raison qui provoquait ce comportement. Quelle qu’elle soit, ça ne changerait rien au fait que la garde était une stressée chronique. Ce qui pouvait changer la donne, en revanche, c’était de faire de son mieux pour elle, en lui montrant qu’elle était ici chez elle.

    D’autant que Magnus n’en démordait toujours pas : il la voulait comme lieutenant. Une battante pareille, aussi similaire à lui, ça ne serait que du bon combustible pour faire tourner la grande machine du régiment. Même s’il avait l’habitude, maintenant, d’être le capitaine à la tête du régiment qui recueillait les brebis galeuses du troupeau de la garde, il ne serait certainement pas celui qui cracherait sur une recrue qui marcherait d’office sur ses traces.

    Revenant sur terre après cette demi seconde de divagation, Magnus réfléchit un instant à l’endroit où ils pourraient se rendre.

    « Hmmm… Je t’aurais bien proposé d’aller directement à la caserne, manger dans mon bureau... On y aurait été tranquilles pour papoter, mais la boustifaille n’y est pas spécialement folichonne, et la bière a le goût de l’eau qu’on donne aux plantes pour les arroser… »

    L’analogie était, pour le connaisseur, fort bien trouvée. La bière qui était servie au régiment était effectivement infecte, mais c’était là un choix du capitaine. Si ses gars buvaient durant leur service, ils étaient moins efficaces et plus patauds, et ils deviendraient la risée du peuple. Alors que, si on leur servait de la bière de piètre qualité, ils rechigneraient à la boire, et lui préféreraient de l’eau ; ou bien s’en iraient dans une taverne pour y boire leur pinte, ce qui les ferait ainsi patrouiller malgré tout. Dans tous les cas, la mauvaise bière du régiment était un choix stratégique pour motiver les gardes à ne pas boire pendant leur service : il valait donc mieux aller ailleurs.

    « Viens donc, je connais un autre endroit où on peut aller. Là-bas, pas de gosse fauteur de troubles avec sa magie pas contrôlée. En plus, la bière est bonne, les plats chargés, et si Lucy nous prend sous son aile, l'ambiance sera au rendez-vous ! »

    Et il se mit d’office en route, direction la Jument Pavoisée ! Cette auberge n’était certes pas la plus grande ni la mieux réputée du Village Perché, mais, comme l’avait dit l’aîné Nottsen, elle regorgeait de qualités, parmi lesquelles figuraient les différents amuseurs qui y faisaient escale : Snivelus Bogue, le magicien aux tours farfelus ; Djoul, le chanteur et luthier aux rythmes endiablés ; la compagnie de théâtre Jan Rass’Ihn ; ou bien encore Koh Lush, le saltimbanque aux farces à s’en pisser dessus. D’autres y venaient bien sûr, par intermittence, mais la liste est bien trop longue pour notre histoire. Aussi, recentrons nous sur l’important : Java et Magnus.

    À mesure qu’ils déambulaient, le capitaine embraya sans plus attendre sur une autre discussion, pour briser la glace et détendre son amie.

    « Parbleu, ça fait quand même une sacrée paye qu’on ne s’était pas vus… Quoi ? Plusieurs mois, au moins ! Plusieurs années même ? Halala, Lucy me gâte de conserver si bien mon corps et mes réflexes, mais elle a oublié de gâter mon esprit de la même manière ! Je commence à perdre la mémoire, même quand il s’agit de mes propres amis ! »

    Comme à son habitude, il ponctua la fin de sa tirade d’un éclat de rire sonore et puissant, qui fit sursauter quelques personnes dans la rue qui n’avaient pas remarqué que le géant était là. Il se tourna de trois-quart vers Java, tout en faisant attention d’un œil à là où il marchait.

    « J’espère que tu as des choses à me raconter, aussi bien sur tes péripéties que sur ce que le monde là-dehors vit ! Tu sais comment sont les élites, hein… Même si le commandant actuel n’est plus le même que celui avec qui j’ai eu des soucis, il n’en reste pas moins similaire, et se garde bien de me donner trop de nouvelles sur quoi que ce soit. Ha ! Je reçois bien une missive de temps en temps, mais c’est plus souvent des assignations et avis de recherche qu’autre chose… »

    Il avait tellement grommelé et parlé qu’ils étaient arrivés devant la porte de la taverne sans même qu’il ne s’en rende compte.

    « Enfin ! Qu’importe, tu es là, mon amie, et l’heure n’est pas aux complaintes ! Allons, ma poule, Lucy sait qu’on a autant de choses à se dire que d'appétit ! »

    Et il ouvrit la porte pour laisser entrer Java.
    Java AnggunLe Cyclone
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    Re: Le retour de la Team Buff-et
    Ven 3 Juil 2020 - 19:21 #



    Java hocha la tête vaillamment alors que le capitaine parlait du fait que la nourriture à la caserne n'était pas terrible. Non seulement les cantiniers avaient tendance à la fuir comme la peste, mais effectivement, la bière des gardes du Village perché était réputée pour être... au mieux, pas fameuse. Et bien sûr, elle approuve complètement lorsqu'il lui suggère une autre auberge, sans enfant pour gêner, avec de quoi se remplir correctement le ventre. De toute façon, elle l'aurait probablement suivi jusqu'à derrière la frontière si c'est ce qu'il avait suggéré : il faisait partie de ses rares connaissances qui partageaient le vécu d'un pouvoir aux contrecoups exigeants, et pour cette raison, elle savait qu'il ne l'emmènerait pas n'importe où.

    Elle lui emboîte le pas tout en imaginant déjà le goût d'un bon gros morceau de viande dans son ventre. Elle salive déjà comme une gloutonne, tout en écoutant le capitaine déblatérer sur... Mince, elle n'a pas suivi. Les élites ? Le commandant ? Une missive ? Oh, il parlait de la capitale. A sa place, elle aurait été plutôt contente d'en être un peu isolée, justement. Elle n'a pas le temps de placer sa remarque qu'ils arrivent devant la Jument pavoisée.

    Et lorsque la porte s'ouvre, c'est un tourbillon d'odeurs qui l'envahit. Les tables bien garnies, les verres remplis, les habitués qui discutaient joyeusement... Son visage s'illumine, et elle se retourne vers Magnus en se frottant les mains.

    ▬ Ooohoho, chef, je sens qu'on va se ré-ga-ler !

    L'aubergiste n'a pas le temps de leur souhaiter la bienvenue, que Java s'est déjà assise à la table libre la plus proche, déjà prête à commander. Et elle voit bien dans ses yeux qu'il se serait permis une remarque sur son enthousiasme, si elle n'était pas accompagnée par le grand Capitaine Gadoue en personne ! Enfin, elle était bien la seule à l'appeler comme ça, mais vous voyez l'idée.

    Après avoir hâtivement – mais poliment – commandé un pichet de sa meilleur bière et deux poulets rôtis (« et bien gros, hein ! »), c'est à son tour de faire la conversation. Et comme le soulignait Magnus un peu plus tôt, effectivement, ce ne sont pas les sujets qui manquent !

    ▬ Alors, alors, par quoi commencer... Tiens, t'as entendu parler du nouveau saphir de la guilde ? Je la connais pas, mais on m'a dit qu'elle était sympa. En tout cas, ça fait toujours plaisir de voir une femme reconnue à sa juste valeur chez les aventuriers !

    Le sourire fier, elle ne cache pas son enthousiasme pour la nouvelle, ni le fait qu'elle se projette un peu sur cette inconnue. Si cette aventurière avait su obtenir ce titre si convoité, est-ce que ça ne donnait pas un peu d'espoir pour des gardes un peu ratés comme elle ? Qui sait, peut-être qu'elle aussi, un jour, arborerait un titre glorieux... Sans transition, elle enchaîne tout naturellement.

    ▬ Sinon, bon, ben y a les potins habituels, Machin qui copine avec Machine, puis Machine qui le trompe avec Truc... Comme d'hab', ils savent pas se tenir tranquille ni faire leurs affaires en privé, j'imagine.

    Elle ricane d'un air moqueur, puis se penche un peu en avant pour parler d'une voix un peu plus basse.

    ▬ Tu veux mon avis ? Franchement, t'es bien ici, chef. C'est vrai que comme c'est un peu... haut, on se voit pas souvent, mais au moins t'es au calme. La capitale, c'est toujours un bazar pas possible. Des fois je traîne des pieds pour rentrer, enfin bon, j'ai pas le choix, ça fait partie du boulot...

    Java s'interrompt alors que l'aubergiste s'approche de leur table pour y déposer deux chopes pleines et un gros pichet. Elle le remercie, puis attend qu'il se soit un peu éloigné pour reprendre ce qu'elle disait.

    ▬ Ouais, entre les nobles et leurs p'tits complots, les gardes royaux qui prennent les gens de haut, et les embrouilles à chaque coin de rue... C'est plus de ton âge, tout ça, Capitaine Gadoue !

    Et elle rit à nouveau, cette fois presque aussi bruyamment que ledit capitaine. Il n'y en avait pas un pour rattraper l'autre : ils étaient tous les deux aussi bruyants que gourmands. Et elle en avait entièrement conscience, mais elle n'aurait rien changé, pour rien au monde. C'est ce qui faisait qu'elle passait toujours d'aussi bons moments avec le vieux Magnus. Elle lève sa chope.

    ▬ Allez, trinquons ! A nos retrouvailles !

    Zeny AstleyAventurier
    Zeny Astley
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    Re: Le retour de la Team Buff-et
    Ven 10 Juil 2020 - 11:24 #
    Après avoir tant parlé sans laisser sa comparse en placer une, Magnus jugea bon de rester muet – ou presque, si l’on considérait les onomatopées qu’il laissait échapper de temps à autres – pendant qu’elle se chargeait de faire le récit des choses plus ou moins étonnantes que le reste du monde s’était bien gardé de lui dire. Pour ainsi dire, il ne pipa mot avant de trinquer avec elle. Leurs chopes s’entrechoquèrent, et ils burent goulûment le contenu. Le poulet devant lui l’appela ensuite, et, faisant fi des regards curieux des autres clients qui se demandaient ce que faisait ici le capitaine du régiment, et qui était cette drôle de femme qui l’accompagnait, il le prit à pleines mains et planta d’un coup ses dents dedans, arrachant par l’opération un filet entier de la bête.

    Tout en mâchouillant, le soldat réfléchit à ce que venait de lui dire Java. Pour ce qui était de la nouvelle Saphir, ça oui, il en avait entendu parler. Tout le monde dans le pays en avait entendu parler. Atteindre un tel grade était suffisamment rare pour que ce soit presque sujet à une fête nationale. Il se demandait si l’élue serait reçue par le couple royal pour la féliciter ? Ce serait on ne peut plus juste, en soi, puisque les capitaines étaient bien souvent congratulés directement par les souverains lors de leur nomination, et que les Saphirs étaient, en termes d’importance pour leur organisation et pour le pays, égaux aux Capitaines, si ce n’était supérieurs. Cependant, on lui avait caché que cette nouvelle Saphir était une femme. Il avait entendu parler d’un homme, fort comme cent lions, capables de combattre un Fen’rir à mains nues… Décidément, peu importait le genre de la tête qui portait la couronne, ce genre de bêtises arrivaient toujours.

    Et il en allait de même pour tous les complots des nobles. Il avait eu affaire à quelques soucis du genre, par le passé, notamment avec une famille originaire du Village Perché : les Milan. Il ne retint pas sa langue, bien qu’il se doutait que, dans l’assistance, il devait y avoir au moins un de leurs partisans.

    « Des complots de nobles, et de la tromperie ? HA ! Pour sûr qu’c’est un coup des Milan, ça ! »

    Une nouvelle fois, il mordit son poulet.

    « J’ai entendu dire que leur fils, ce gringalet prétentieux de Primus, avait quitté son poste de ministre du commerce. Bonne chose, ça ! Qui voudrait d’une fripouille pareille à la tête du commerce du pays ? Quelques mois de plus et il aurait eut tous les marchands du pays sous sa coupe, et là ça aurait l’embarras pour la Reine !! »

    Il cogna du poing sur la table. La simple pensée de cette famille l’énervait. Ils étaient tout ce qu’il méprisait chez les nobles : riches, calculateurs, manipulateurs, menteurs, égoïstes, égocentriques, et incapables de tendre la main aux nécessiteux. Il avait pourtant connu la génération actuelle des Milan alors qu’ils étaient encore enfants, et avait eu l’espoir qu’ils ne tournent pas comme leurs parents. Malheureusement, pour les deux dont il avait pu entendre parler – Primus et Queen –, c’était raté…

    Il secoua la tête, dépité que les choses n’évoluent toujours pas dans le sens du petit peuple, de ceux qui formaient véritablement la Nation, et fixa son regard sur Java alors qu’il finissait de dépiauter à coup de dents les derniers morceaux de chair encore attachés aux os de son poulet. Dans sa tête, il prononça une petite prière à Lucy pour essayer d’avoir plus de chances dans ce qu’il allait tenter.

    « Tu sais, j’ai toujours pas abandonné l'idée. »

    Il laissa le brouhaha ambiant enrober ses paroles alors qu’il commandait au tenancier deux autres poulets et une plâtrée de patates bouillies.

    « Si tu traînes autant les pieds pour retourner à la Capitale, pourquoi tu resterais pas ici ? Avec moi ? Le poste de lieutenant que je t’ai proposé la dernière fois t’es toujours ouvert. »

    Un clin d’œil amical partit dans la direction de Java, avant que leurs chopes de bière se voient à nouveau remplir. Comme elle l’avait dit, il était bien ici. Malgré tout, il lui fallait du renfort pour tenir correctement la région. Ces derniers temps, le Village Perché avait été de plus en plus déserté, aussi bien par les gardes que par la population, au profit de lieux plus attractifs. Résultat, des organisations peu recommandables s’étaient installées dans la région et faisaient leurs exactions en douce, cachées sous le couvert des arbres. La zone à surveiller était extrêmement grande, et Magnus avait besoin de gens dignes de confiance pour aller de l’avant. Son régiment de brebis galeuses, le purgatoire des gardes qui posent des problèmes, il y tenait. Et Java était l’une de ces rares personnes qu’il estimait au plus haut point. L’avoir à ses côtés, ce serait l’assurance d’un futur correct pour le régiment.

    La musique d’un troubadour inconnu de Magnus le tira de ses pensées. Revenu soudainement sur terre, il but d’une traite sa chope de bière et reprit :

    « Même si t’as l’œil pour trouver les gens qui feraient de bonnes recrues, ton potentiel est sous-exploité, Java. On se ressemble beaucoup, toi et moi, en ayant chacun nos particularités de caractère. J’ai besoin de quelqu’un de fort et fiable pour m’assister, et je vois que deux personnes pour faire ça. L’une étant déjà capitaine au Grand Port, j’suis bien obligé de te le demander à toi, haha ! »
    Java AnggunLe Cyclone
    Java Anggun
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    Re: Le retour de la Team Buff-et
    Lun 13 Juil 2020 - 16:02 #



    Après avoir levé sa pinte, Java en engloutit le contenu d'une traite et la repose brutalement sur la table. Pas le temps d'exposer sa moustache de bière, elle avait un poulet à dévorer ! Pas loin de ressembler à un warg affamé, elle arrache les os un à un pour les dénuder de toute chair avant de les mettre de côté, sans vraiment se soucier de l'image qu'elle renvoyait. Pourquoi s'embêter avec les convenances ? Ce n'était qu'une petite mise en bouche, après tout.

    Alors qu'elle suçote un petit morceau de cartilage, le capitaine semble s'exciter sur le sujet des Milan. Elle glousse doucement mais l'écoute avec attention. Il radotait toujours les mêmes choses sur cette famille, mais elle ne s'en lassait jamais. Java avait beau être relativement imperméable aux rumeurs sur la noblesse, elle ne crachait jamais sur une occasion pour en parler comme il faut : en mal, bien fort, et en mangeant un bon gros poulet rôti !

    Elle arrivait d'ailleurs à sa partie préférée du sien, son petit péché mignon : décortiquer soigneusement la carcasse pour déguster les bouts de viande qui restaient avec ses doigts tout gras. Un plaisir qui remontait jusqu'à sa tendre enfance, quand même les plus petits poulets faisaient au moins la taille de sa tête – et qui avait tendance à vraiment énerver sa mère, mais bon, elle n'était pas là pour lui faire les gros yeux. C'est donc les mains grasses et la bouche pleine qu'elle lève la tête vers Magnus alors qu'il se penche vers elle pour lui parler de son idée. Quoi, demander des patates ? Oui, c'était une bonne idée ça, on ne se lasse jamais des patates, il a bien raison.

    Sauf que non. Il parlait d'autre chose de bien plus sérieux (même si avec ces deux là, manger, c'était toujours du sérieux). Java manque de s'étouffer lorsqu'il remet ça sur la table, et elle se tape la poitrine du poing en attendant de pouvoir engloutir une nouvelle chope de bière. La grimace gênée qu'elle faisait répondait déjà en elle-même, mais elle le respectait assez pour attendre qu'il finisse sa phrase avant de le décevoir.

    Et quelque part, c'est encore pire d'avoir attendu. C'est qu'il est convaincant, le bougre ! Et flatteur, en plus de ça. Elle a beau essayer de réaligner ses arguments, elle ne peut qu'être d'accord. On la sous-estime. Elle est plus forte que ça. L'est-elle ? Elle soupire en regardant leurs assiettes être débarrassées pour faire place au ravitaillement.

    ▬ On en a déjà parlé, chef... Je suis pas sûre d'avoir ce qu'il faut. Tu l'as dit toi même, il te faut quelqu'un de fort et de fiable. Et au niveau de la force, j'ai rien à envier à personne, enfin c'est bien pour ça qu'on me laisse gérer le recrutement, faut savoir retomber sur ses pattes quand y a des pouvoirs qui dégénèrent ! Tu m'connais.

    Bien sûr, il y a un « mais ».

    ▬ Mais fiable... J'peux pas te dire que je le suis sans me sentir mal. Ça fait cinq ans depuis mon « changement de carrière » et mon pouvoir s'est à peine stabilisé. Ce serait moche de te traîner ça en lieutenant, tu crois pas ?

    Et là, paradoxe. Est-elle vraiment forte si elle a autant de mal à surmonter ses problèmes psychomagiques ? Et n'est-elle pas fiable si elle a l'humilité de les reconnaître, même devant une promotion qui la fait tant rêver ? Java regarde son assiette, dépitée. Ce n'est pas qu'elle n'a pas faim, elle n'a simplement pas fini de parler. Ni envie de regarder son capitaine préféré dans les yeux quand elle conclura sa réponse douce-amère.

    ▬ Des fois, j'ai l'impression que tout va mieux. Pis d'un coup, comme ça, j'ai besoin de renforts et je me retrouve avec un reflet de moi qui m'insulte, ou un autre qui couine comme un gamin qui fait un caprice. J'serais mauvaise si je sautais juste sur l'opportunité alors que je pourrais te faire honte comme jamais, nan ? Ou pire, mettre les civils en danger...

    Et sur ces mots, elle plante sa fourchette dans une patate qu'elle porte tristement à sa bouche. Peu importe à quel point ça sentait bon, elle savait déjà que cette patate aurait le goût de la résignation.

    Ironiquement, si un de ses clones avait assisté à cet échange, il lui aurait hurlé d'arrêter de jouer les victimes et de rejoindre son ami, pour au moins essayer de l'aider. Mais pas besoin d'un clone pour le lui dire : sa petite voix intérieure faisait déjà très bien le travail.

    Zeny AstleyAventurier
    Zeny Astley
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    Re: Le retour de la Team Buff-et
    Jeu 16 Juil 2020 - 12:08 #
    Comme il s’y était attendu, Java s’opposa à ce qu’il venait de proposer. Ou plutôt : elle réfuta d’elle-même les qualités indéniables dont elle disposait. C’était déjà ce qu’elle avait fait la dernière fois qu’il lui avait proposé un tel poste, et probablement ce qu’elle ferait pour le restant de ses jours. Le manque de confiance en soi n’était pas aisé à corriger, peu importait qui on avait à nos côtés. D’autant que le capitaine se trouvait être un bien piètre donneur de leçons sur le sujet, lui qui, depuis des années désormais, n’avait plus confiance en lui. Lorsqu’il était au combat, et qu’il devenait le Colosse, il savait que toutes sortes de dégâts pouvaient arriver, et qu’ils seraient de son fait. Il n’avait pas confiance en lui-même pour les éviter. Depuis ce jour où il avait causé la mort collatérale de plusieurs civils, il n’était plus sûr d’être capable de se transformer et de se maîtriser correctement. S’il devenait encore un Colosse, à ce jour, ce n’était pas par confiance en ses capacités, mais par confiance envers ses camarades, qui eux étaient suffisamment doués pour rattraper les erreurs qu’il faisait.

    Peut-être Java avait-elle besoin de pareil sentiment ?

    Il l’écouta en continuant de manger. La musique et les rires ambiants donnaient à la scène un côté grotesque. Une femme à l’air peiné, qui se confiait à son ami silencieux et vorace, en plein milieu de festivités… Il y avait de quoi hurler à la mauvaise comédie. Et pourtant, aux vues des paroles et des sentiments de la recruteuse, Magnus était parfaitement conscient que l’acte qui se jouait n’était autre qu’une énième tragédie. Une de ces pièces dans lesquelles les gens souffrent et doutent, et tentent de défier le Destin, bêtement, avant de s’écraser contre la paroi intangible et pourtant si rude de la Réalité. La fatalité, ce n’était pas la tasse de thé du capitaine. Plutôt que de jouer de grands arguments, et de retourner la tête à celle qu’il aimait appeler son amie, il jugea bon de jouer la carte de la franchise.

    « Tu sais, je comprends tes doutes. C’est normal de ne pas se sentir légitime, surtout quand on se voit comme une monstruosité. Il n'y a que les petits cons arrogants qui se trouvent légitimes de but en blanc, quand on leur donne certaines responsabilités. Je ne sais pas si tu le savais, l’amie, mais quand j’étais jeune et fringant, j’ai tué un Fielon, au Grand Port. Pas tout seul, bien sûr ! Mais j’ai porté le coup fatal. Et avec lui, j’ai envoyé trois innocents au trépas. Trois pauvres gens qui étaient dans une maisonnette sur laquelle il s’est écrasé en mourant. »

    Le souvenir de ces jours noirs et denses lui revint, et il ne put continuer pendant quelques secondes. Il piqua une patate de sa fourchette et l’enfourna dans sa bouche, puis une autre et encore une autre. Lorsqu’il eut la bouche pleine, il mastiqua, déglutit, et reprit.

    « Ahem… Peu de temps après, vu l’exploit, on m’a proposé de devenir lieutenant au Grand Port. Comme toi, j’ai refusé. Je me demandais comment on pouvait faire confiance à un meurtrier pour devenir l’un des seconds du capitaine. Et tu sais quoi ? J’ai réalisé grâce aux gens autour, aux autres citoyens et aux camarades de la caserne, que depuis le début : je regardais juste par le trou de la serrure. Je voyais un tout petit morceau d’un gigantesque tableau. Et quand j’ai pris du recul, enfin ! Quand ils m’ont aidé à prendre du recul, j’ai réalisé que, si je n’avais pas donné ce coup, à ce moment précis… Combien d’autres seraient morts ? Oui, j’ai tué trois innocents accidentellement en portant ce coup. Mais je ne peux défaire ce qui a été fait. Et il vaut mieux ne pas pouvoir défaire trois morts que ne pas pouvoir en défaire soixante. »

    Il tourna le visage vers Java et planta son regard dans le sien. Il avait une détermination et un sérieux nouveau en lui, quelque chose dont il avait rarement fait preuve, même avec elle.

    « Java, mon amie, je comprends bien que tu doutes de toi. De ta force, de ta capacité à être suffisamment stable. Mais tu n’as pas besoin d’avoir une confiance absolue en toi pour aller de l’avant, » dit-il, le regard chargé d’empathie et de compassion, une main sur son épaule. « Personne n'avance avec uniquement la certitude que tout va aller. Il y a toujours des doutes, parce que l'avenir n'est qu'incertitude. Si tu ne te sens pas capable de faire quelque chose, ne crois pas en toi. Crois en moi qui crois en toi. »

    Il retira sa main et descendit une nouvelle fois sa chope, avant de beugler au tavernier de leur amener un porcelet rôti chacun. Le type sembla ronchon de se faire alpaguer de la sorte, mais ne pipa mot. Après tout, il avait affaire au capitaine du régiment, et il avait en plus la certitude que ce repas serait bien rentable pour son établissement. Il s’en fut dans les cuisines chercher la commande, tandis que Magnus se tourna à nouveau vers la garde.

    « Et puis, qu’est-ce que tu t’imagines ? Que tu seras lieutenant et que tu vas patrouiller seule ? Parbleu, t’es une drôle toi ! J’ai trop de paperasse à gérer, je t’en refilerai une partie et on ira faire nos patrouilles ensemble, ça tu peux en être sûre ! Comme ça, si tu commences à partir en vrille, j’m’occupe de te canaliser… Et crois-moi, t’as beau être une coriace, reflets ou pas, tu seras maîtrisée ! »

    Une nouvelle fois, il partit d’un grand rire bruyant et joyeux, plein d’entrain, qui fit se retourner quelques personnes surprises dans la salle. Lorsqu’il eut fini, il se pencha à nouveau et ajouta, avec un clin d’œil :

    « Comme ça, pas de risques que tu mettes en danger qui que ce soit. »
    Java AnggunLe Cyclone
    Java Anggun
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    Re: Le retour de la Team Buff-et
    Mar 21 Juil 2020 - 22:07 #



    Java mâche lentement sa patate en écoutant le récit du capitaine. Elle avait entendu quelques rumeurs sur ses exploits, mais ils n'avaient jamais abordé le sujet en face à face... La fameuse histoire du Fielon. Ses yeux s'humidifient alors qu'il entre dans le dénouement de l'histoire, et qu'il amène le sujet jusqu'à elle. Elle a envie de lui couper la parole, de lui dire que tout ça n'a rien à voir avec elle, qu'elle n'a pas sauvé d'innocents dans ce combat qui la poursuit depuis des années. Mais son respect sur Magnus prend le dessus, alors elle avale sa patate et elle écoute.

    Quand sa main vient sur son épaule, elle pose tristement sa joue dessus. Ces mots qu'il prononce... Elle les déteste. Et pourtant, c'est ce qu'elle a besoin d'entendre, et elle le sait. C'est ce que lui dirait Titus, c'est ce que lui dirait son père.... Si elle leur en parlait. Java était terrifiée à l'idée de quitter son deuil et le poste qu'elle s'était attribuée avec, et voulait désespérément aller mieux avant d'avancer plus loin – mais au fond, tout au fond, elle savait bien que son ami avait raison.

    Comment avancer sans dérailler si elle se mettait d'office des bâtons dans les roues ? Et comment compter sur les autres, quand ils représentaient ce qu'elle avait le plus peur de perdre à nouveau – ses frères et sœurs d'une autre mère, ceux qui versaient leur sang pour le royaume comme elle versait le sien. Ceux qui versaient leurs larmes comme elle versait les siennes. Et les mots de Magnus étaient comme un rayon de soleil qui perçait le brouillard dans lequel elle s'était enfoncé. Ce qu'elle n'avait pas voulu entendre jusque là lui semblait enfin avoir un sens. Comme quoi, parfois, ce n'est pas qu'une question de confiance – c'est un moment bien choisi pour une confidence.

    Il rit, tout aussi fort que d'habitude, et un sourire maladroit étire les lèvres de Java. Elle n'a pas besoin de se voir pour le sentir : ses yeux sont larmoyants et son nez commence à faire des bulles de morve. C'est qu'il sait lui parler, ce bon vieux Magnus. Elle noie son visage dans son poulet, qu'elle semble dévorer avec encore plus de voracité que le premier. Il faut croire que la tristesse lui donne faim.

    Après l'avoir quasiment dénudé de toute chair en moins de cinq minutes, elle passe sa main bandée sous ses yeux, son nez, sa bouche pour essuyer le mélange de sauce, de larmes et de mucus qui fait briller son visage. Et la voix tremblante, Java répond enfin.

    ▬ Tu m'fais chialer, c'est beau ce que tu dis chef...

    Elle renifle bruyamment. A ce stade, les autres clients commencent à les ignorer – il n'y en a pas un pour rattraper l'autre, en termes de pollution sonore.

    ▬ J'veux bien croire que tu seras là pour couvrir mes arrières, t'es vraiment un bon, toi. Mais j'te parle pas de problèmes de violence... Au contraire, justement-

    Elle s'arrête de parler brusquement quand le tavernier dépose les porcelets devant eux, pile au moment où le ménestrel entame son refrain. Et sur fond de « on m'appelle Louve Ni », elle reprend ses explications. Si Magnus a su lui raconter sa pire histoire, qu'est-ce qui l'en empêche ?

    ▬ Justement, parfois mes clones gèrent pas le combat. Le danger qu'elles causent, c'est parce qu'elles sont passives, déconcentrées, ou juste complètement émotives devant l'ennemi. Et j'pense que c'est parce que je m'en veux ? Je m'en veux, oui... et je leur en veux aussi. C'qui revient à m'en vouloir en double, et je sais que ça sert à rien, c'est complètement débile de se tourmenter toute seule comme ça...

    Java est son principal obstacle, et elle le sait bien. Même quand elle veut dire les choses clairement, ça ne sort pas. Alors, comme à son habitude, elle prend une voie détournée.

    ▬ Et si je te lâche en plein combat ? Si l'une d'elles te lâche ? Si tu n'as que moi pour te sauver d'une chute, empêcher une lame empoisonnée de te toucher, si je suis la seule sur qui tu peux compter à un instant précis, et que je...

    Sa voix craque, et son regard fuit celui du capitaine. Pourquoi ça ne sort pas ? Elle veut en parler, elle se sent prête ! Alors pourquoi c'est aussi dur ? Elle essuie son nez à nouveau, enfourne une demi-douzaine de patates dans sa bouche, puis reprend après avoir avalé sa pitance, et quelques uns de ses doutes.

    ▬ J'ai trahi un ami. J'étais la seule pour l'empêcher de tomber. Il était sur le point de trouver une accroche pour grimper la falaise... et... mon pouvoir est arrivé à ses limites. Il était fort, tu sais ? Il allait rejoindre la Commission. Il avait toute sa vie devant lui. Et je l'ai trahi.

    Comme possédée par ce tourbillon d'émotions qu'elle revivait à l'oral pour la première fois, elle plante violemment sa fourchette dans le flanc du porcelet. Il était déjà mort, certes, mais ça avait un côté thérapeutique. Tant pis pour les têtes des curieux qui se tournent.

    ▬ Si cette vieille CHIENNE de Lucy s'amusait pas à jouer avec ma vie, aussi !

    Pratique de tout mettre sur le dos d'une religion déjà reniée.
    Pratique de se dédouaner devant son plus gros regret.
    Pratique de jouer la colère pour ne pas sangloter.

    Zeny AstleyAventurier
    Zeny Astley
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    Re: Le retour de la Team Buff-et
    Dim 26 Juil 2020 - 20:35 #
    Les révélations de Java atteignent Magnus en plein cœur. Il s'était attendu à ce qu'elle ait souffert, oui – comme tout un chacun dans ce bas monde – mais de là à être autant torturée et déchirée par elle-même... Son repas avait beau être copieux et juteux à souhait, le goût que lui laissait la souffrance de son amie dans la bouche estompait toutes les saveurs pourtant diffusées par la viande et les patates. Alors que son histoire avance, les sons autour se brouillent pour l'esprit du capitaine, qui se focalise de plus en plus sur elle, au point d'en oublier d'avaler sa bouchée. Bien qu'en temps normal il aurait tiqué, et peut-être grondé copieusement son amie pour le blasphème qu'elle venait de proférer, il évita de le faire à ce moment précis. Ce n'était pas le bon timing pour se permettre ce genre de remarques.

    Jamais il n'avait réalisé qu'elle put souffrir autant. Son manque de confiance en elle n'était pas vraiment un secret, mais les raisons en revanche, c'était la première fois qu'il les entendait. Soudain prit de regrets, il pensa qu'ils auraient finalement mieux fait de se rendre dans son bureau pour manger. Là, les oreilles indiscrètes n'auraient pas été gênantes ; alors qu'ici, après son cri, les têtes s'étaient tournées, et le troubadour avait interrompu son chant. Conscient qu'il était de son devoir de ramener la vie à son rythme dans la taverne, Magnus se mit debout et leva les mains vers l'assistance, un large sourire aux lèvres.

    « Désolé, désolé ! Un p'tit coup de colère mais tout va bien. Reprenez vos discussions, et la prochaine tournée est pour moi, » balança-t-il dans l'espoir que la tension quasi palpable qui planait dans l'air s'estomperait alors.

    De grands cris de joie accueillirent l'annonce, et toutes les chopes, vides ou pleines, se levèrent en hommage au Capitaine. Le tour était joué.

    Magnus reporta son attention vers Java et se rassit. L'instant était crucial, il devait trouver les bons mots, si ce n'était pour la convaincre, au moins pour désamorcer la situation. S'il se trompait, c'était une amie chère qu'il risquait de perdre. En une fraction de seconde, il passa en revue ses propos, mentalement. Un sourire triste tira timidement les coins de sa bouche. Comme lui, à l'époque, Java était un hérisson.

    Pas littéralement. Métaphoriquement. Les gens ont besoin de contact, de se sentir proches d'autres pour aller bien. Le contact apporte la chaleur, la compréhension, l'amitié. Mais le contact apporte aussi la certitude de la douleur. Car toute chose a une fin, et personne ne saurait réchapper à cette règle universelle. Tout comme les hérissons, on se rapproche en sachant très bien que nos piquants vont blesser ceux qu'on aime. Et Java, de son côté, avait décidé de ne s'approcher qu'un tout petit peu, par peur de blesser. Elle avait déjà enfoncé trop profondément ses pics dans une personne, et faisait désormais face à la hantise de potentiellement reproduire la même situation. Ce n'était pas lui qui allait soudainement tout arranger. Ce genre de chemin, c'était la quête de toute une vie. Mais peut-être serait-il capable de lui faire comprendre qu'elle ne pourrait pas accomplir cette quête sans avancer sur le chemin. Peut-être trouverait-il les mots pour qu'elle se meuve enfin, et qu'elle aille de l'avant.

    Il lâcha un profond soupir, et après une seconde de plus à réfléchir, il se jeta enfin à l'eau.

    « Tu n'as pas trahi ton ami, à ce moment. Tu l'as failli, mais pas trahi. La trahison est un acte volontaire, Java. Tu vas sûrement penser que ça ne change rien de jouer comme ça sur les mots, mais au contraire. Tout comme je n'ai pas trahi ces innocents que j'ai tué, tu n'as pas trahi ton ami. »

    Il marqua une pause, le temps de mordre dans le dernier morceau de barbaque qu'il avait dans son assiette et de descendre une gorgée de bière.

    « Je ne me suis toujours pas pardonné la mort de ces gens. Mais je me rachète chaque jour, du mieux que je peux. Leur mort est une conséquence d'un acte qui m'a apporté du prestige, de la visibilité et de l'importance. Ils ne doivent pas être morts en vain, alors depuis, je fais tout ce que je peux pour aider le plus de gens possible. J'utilise le prestige que j'ai gagné malgré leur mort pour aider mon prochain. Et lorsque je mourrais, et que Lucy me mettra face à eux, alors je leur demanderai pardon, en espérant qu'ils trouvent dans ma vie une consolation pour leur mort. En espérant qu'ils soient fiers du chemin que j'ai emprunté. »

    Son regard perçant se tourna vers Java. C'était le moment. Là où tout se jouerait. Les mots qui lui vinrent lui percèrent le cœur, mais il devait les dire.

    « Et toi, comment te rachète-tu ? »

    Il laissa la question flotter dans les airs quelques secondes, ses yeux fixés sur elle, son visage imperturbable malgré la violence de la colère qu'il éprouvait envers lui-même de dire de telles paroles.

    « Tu es recruteuse, et si j'ai bien compris ce que tu viens de me dire, tu n'as pas beaucoup évolué dans ta maîtrise de ton pouvoir depuis ce qui est arrivé. Ce n'est pas comme ça que tu avanceras. »

    Il scia, incapable de maintenir son regard sur elle plus longtemps tant il était insoutenable de lui dire de telles choses, si choquantes et brutes, alors qu'il aurait préféré la prendre dans ses bras et la rassurer. Mais on n'a rien sans rien, et Java avait besoin d'une tape dans le dos pour repartir sur son chemin. Peut-être le haïrait-elle ensuite, mais il le devait. C'était son devoir en tant qu'ami.

    « Tu as deux choix. Soit tu continues sur ta route de recruteuse, en entraînant ton pouvoir bon an mal an, et en le maîtrisant de mieux en mieux, mais tout doucement parce que tu n'auras pas à faire face à des situations critiques dans lesquelles il te sera indispensable. Tu finiras ta vie en aillant enfin réussi à faire de tes reflets des projections de toi, capables d'agir correctement et de sauver les gens, et tu n'auras rien fait d'autre que te morfondre à tout jamais sur ce que tu appelles ta trahison. Alors Lucy t'accueillera, une fois morte, et ton ami sera là, avec elle. Tu pleureras, lui aussi, et il te prendra dans ses bras en souriant tristement, prit de pitié pour toi, qui aura sabordé toute ta vie au nom d'une trahison qu'il n'aura jamais perçue comme telle. Il te consolera en te disant que tout est fini, et qu'il est grand temps que tu te pardonnes enfin. Parce qu'après tout, tu auras gâché la chance que ton ami n'a pas eu simplement par culpabilité. »

    Encore une pause. Il se mordit la lèvre inférieure et trouva en lui la force de tourner à nouveau son regard vers Java. Il devait être aussi fort pour elle que ce qu'il souhaitait.

    « Soit tu avances. Tu deviens une garde régulière, pas forcément gradée. Mais une vraie garde. Qui va sur le terrain, qui aide les gens et qui s'entraîne, qui n'est pas tout le temps sur la route et qui a le temps de véritablement se concentrer sur son pouvoir pour l'améliorer. Tu deviens forte, en maîtrisant tes clones de mieux en mieux car tu feras face à des situations où ils seront nécessaires. Et si tu te loupes, d'autres seront là pour te soutenir, parce qu'on ne réussit jamais rien du premier coup, et parce que les Belluaires sont une famille. Et lorsque tu mourras, que tu auras sauvé des centaines de gens et aidé des milliers d'autres, que tu auras fait de ta culpabilité un moteur pour devenir la meilleure version de toi-même, que tu auras abandonné la Java qui a failli son ami pour devenir celle qui rachète sa faute chaque jour, tu feras face à cet ami, qui t'accueillera les bras grands ouverts et te dira comme il est fier de ce que tu as accompli. Il te dira qu'il est content que sa mort n'ait pas été vaine, et qu'il ne t'en a jamais voulu. Au contraire, il aura regardé chaque pas que tu auras fait et se sera dit chaque fois qu'il était content que tu ailles de l'avant... »

    Pas un mot de plus, il ne pouvait pas dire un mot de plus. Il avait déjà été trop brutal, et regrettait ses paroles. D'une main, il saisit sa chope, la remplit, la but, la remplit à nouveau, et la but encore une fois.

    « On a tous nos fardeaux, Java. Mais ce n'est pas en restant celle que tu étais quand tu as failli que tu rachèteras ta faute. Tu dois devenir celle que tu aurais voulu être à ce moment-là. Et je sais que tu peux y arriver. Et je veux t'aider à y arriver. Alors rejoins-moi. Le poste de lieutenant peut bien attendre, tu as encore toute la vie devant toi. Mais deviens au moins garde régulière. Tu dois te confronter à des situations qui te forceront à t'améliorer. »

    Encore un soupir alors que le troubadour laissait place à une autre personne sous les applaudissements de la foule. L'ambiance générale tranchant nettement avec leur discussion.

    « Tu ne pourras pas te défaire de tes démons sans leur faire face. »
    Java AnggunLe Cyclone
    Java Anggun
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    Re: Le retour de la Team Buff-et
    Sam 1 Aoû 2020 - 16:07 #



    Après cette épuisante tirade, Java déchaîne sa rage sur son porcelet rôti. Il avait beau être déjà mort, la façon dont elle le déchiquetait à coup de canines n'en était pas moins violente. Elle ignore Magnus qui rattrape son blasphème – s'il y avait bien une chose qui ne lui avait jamais apporté beaucoup d'amis, c'était sa position d'apostate après tout. Elle ignore les regards, elle ignore les chopes : tout ce qu'elle voulait, là, maintenant, c'était se remplir le bide pour noyer son chagrin.

    Heureusement, elle était en compagnie du seul homme du royaume à qui elle avait accepté d'ouvrir une porte de son esprit endommagé. Et peu importe la peur du rejet et de la moquerie qui lui prenait les tripes comme à chaque fois qu'elle parlait d'un de ses échecs personnels, elle savait qu'elle ne regretterait pas de lui avoir montré sa plus grande faiblesse.

    Car la seule chose qui peut bien attirer son attention, outre son morceau de viande qui ne ressemblait plus à grand chose et ses patates tièdes qu'elle continuait d'avaler à un rythme surhumain, c'est bien Magnus. Surtout quand il commence à répondre.

    Et comme à chaque fois qu'on touche à sa zone sensible, elle n'aime pas ce qu'il dit. Bien sûr, elle est complètement d'accord : mais c'est physique, c'est automatique, ça la dérange. Une réaction tout à fait légitime quand on prend en compte que sa capacité d'introspection était démultipliée par ses clones. Mais elle respecte le capitaine, alors elle l'écoute. Et lorsqu'elle sent son regard paternel, elle lève les yeux vers lui et s'essuie la bouche.

    Et elle, comment elle se rachète ? Comment voit-elle la suite de sa carrière ? Fuir en avant, ou revenir en arrière ? Java comprend bien ce qu'il lui expose. Elle aime encore moins entendre ces mots, mais pour autant, ce ne sont plus les larmes qui font briller ses yeux. C'est une lueur mitigée, entre l'agacement et la reconnaissance. Aussi vite que Magnus a ouvert une porte, il l'a refermée. Ce qu'il ne savait pas, c'est qu'elle l'avait laissé rentrer avant de fermer la porte derrière lui. Ce qu'il ne pouvait pas savoir, c'est qu'il avait certes dit tout ce qui n'était pas à dire, mais qu'il était la seule personne avec qui elle pourrait laisser passer ce genre de commentaires.

    Alors elle s'arrête de manger pour un instant, et cette fois, c'est elle qui plante son regard défiant dans celui de son cher Capitaine Gadoue. Sa voix est plus basse et plus sèche qu'avant – la tristesse l'avait trop fatiguée pour qu'elle puisse tenir une intonation mielleuse correcte, et hausser la voix n'aurait aucun intérêt à part répandre leur conversation à travers tout le Village Perché.

    ▬ J'arrive pas à savoir si tu me surestimes ou si tu me sous-estimes, chef. Alors accroche-toi à ta barbe, je vais te reprendre dans l'ordre et comme il faut.

    Un petit sourire aigre-doux accompagne ses mots.

    ▬ Je me rachète en retapant une auberge pour aider un commerçant local. J'ramène des p'tits et des grands à l'académie pour qu'ils aient une chance d'avoir une autre vie que celle qu'on leur a donné d'office, comme on m'a donné cette chance quand j'étais gosse. C'est pas moi qui vais te dire que c'est le boulot le plus fameux pour une garde, mais eh, au moins j'suis pas en retraite anticipée.

    Ca, c'était pour sauver un peu les meubles. Et parce que Java étant Java, elle n'allait bien sûr pas commencer par le sujet le plus délicat.

    ▬ Mes démons ils sont toujours avec moi, tu sais ? T'en as un en train de manger en face de toi, et j'en ai six autres qui traînent quelque part à l'intérieur, entre les patates et les rôtis. Enfin, c'que j'essaie de te dire, c'est que je suis déjà en train de me battre contre eux. Tous les jours quand je me réveille et que je m'entraîne. Toutes les nuits quand je vais dormir pour récupérer.

    Sentant son sourire faillir, elle glisse un petit trait d'humour.

    ▬ Va pas croire que nos futurs élèves sont moins difficiles à gérer qu'une patrouille de routine. Et t'imagine même pas les parents qui réagissent comme des crocpoules quand leur gamin veut se barrer... Les pouvoirs qui partent dans tous les sens... Ceux qui se dégonflent à mi-chemin...

    Java soupire bruyamment – même si c'était assez drôle d'y penser après coup, ça faisait partie des pires inconvénients de son métier. Alors pourquoi pas redevenir garde régulière ? C'était la réponse la plus importante qu'elle voulait donner à Magnus, et comme toutes les réponses difficiles, c'était celle qu'elle avait le plus de mal à articuler. Mais elle le respectait trop pour se désolidariser de la conversation parce qu'elle était devenue compliquée.

    Alors elle arrête de sourire, et elle reprend.

    ▬ C'que j'te dis, c'est que même si mes doubles suivent pas toujours le programme, la vraie Java Anggun chôme pas. Tu m'connais, j'pourrais pas, de toute façon. Faut que je bouge pour être bien. Après, ouais, quand j'y réfléchis bien, y a que chez toi que je me sentirais à l'aise, quitte à rejoindre un régiment... Pt'être au Grand Port aussi, mais j't'aime encore plus que la mer, toi au moins tu paies tes coups !

    Oui, la Mer était une amie comparable à son capitaine préféré, pour Java. Mais pour des raisons évidentes, Magnus la dépassait de loin dans son estime.

    ▬ Je peux pas décider ça comme ça, chef. Je sais que ça fait un moment que tu m'attends... Mais si tu me laisses quelques lunes de plus, promis, peu importe l'état dans lequel je reviens, je rejoindrai tes Belluaires pour y mettre un peu d'ordre. Et qui sait, peut-être que j'pourrai t'aider avec le recrutement local, hahaha !


    Son rire sonne un peu faux, mais elle ne pourrait pas être plus sincère. Et puisqu'elle a dit tout ce qu'elle avait à dire : elle décide de finir ses patates et ce qu'il lui restait de viande.

    Zeny AstleyAventurier
    Zeny Astley
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    Re: Le retour de la Team Buff-et
    Jeu 20 Aoû 2020 - 16:52 #
    La mention de la retraite anticipée, pique non déguisée envers l'état actuel de la carrière de Magnus, ne manqua pas de le faire pouffer de rire. Il faillit s'en étouffer, d'ailleurs, étant donné qu'il buvait alors un peu de bière. Il maintint malgré cela un sérieux relatif pour éviter de froisser son amie, qui continuait de débiter sur ce qui lui posait problème dans cette offre. Elle était crue, un poil rude, mais réaliste. Ses pieds étaient bien ancrés sur terre, et malgré son traumatisme, elle restait lucide. Il avait eu peur qu'elle ne soit complètement engloutie dans une sorte de miasme de déni, à se dire qu'elle vivait une bonne vie et que tout allait bien. Mais il n'en était rien – du moins de ce qu'il comprenait.

    Le capitaine laissa la recruteuse terminer sa réponse sans l'interrompre. Bien qu'il fut déçu de sa réponse négative, il ne lui en voulait pas le moins du monde. Ce qu'elle venait de lui confier était déjà bien lourd. Comme un trou dans le cœur. Il était admiratif de la voir encore debout et dévouée à son travail malgré l'accablement qu'elle devait ressentir chaque jour.

    Derrière eux, une ovation éclata alors que l'amuseur finissait son numéro, pile dans le moment de flottement créé par les paroles de Java. Le capitaine jeta un coup d’œil vers le type en question, puis reporta son attention à leur tablée. Un sourire en coin vint étirer ses lèvres et il tapota aimablement l'épaule de Java.

    « Désolé l'amie, j'ai été cru pour essayer d'te réveiller, mais de toute évidence t'as les yeux grands ouverts. »

    Le tenancier l'interrompit dans son propos pour venir quémander le paiement de la tournée. Le prix était plus élevé que ce que Magnus avait imaginé ! Il jura, mécontent, et tendit une grosse bourse au type en lui disant d'apporter un rôti d'agneau en plus et un nouveau pichet de bière. Et s'il restait de la monnaie, qu'il la garde – ce qui revenait à lui faire cadeaux d'une petite dizaine de cristaux.

    « Ahhhh Java... T'as pas à t'en faire pour ta place ici ! Elle est assurée, que ce soit demain, dans six mois ou dans quatre ans. Tant que j'suis aux commandes, t'es la bienvenue, et Lucy sait qu'j'ai pas l'intention de lâcher ce poste de sitôt, même si la bureaucratie c'est pas mon truc... Prends ton temps, j'te dis ! Allez, ça fait quoi, un peu plus de quatre ans qu'on se connaît, et un peu plus de trois ans que j'te démarche pour que tu te joignes à moi ? Je peux bien encore attendre quelques semaines, quelques mois, ou quelques années ! »

    Le tavernier apporta le gros rôti, garni de carottes et pommes de terre bouillies, de brocolis et d'un ramequin de jus de cuisson qui embaumait agréablement l'air, et déposa le tout sur la table tout en débarrassant le reste. Magnus ne se fit pas prier et piocha d'office dans la barbaque. Alors même qu'il mastiquait, il articula :

    « J'peux bien attendre, parce que, comme t'as dit, j'suis à la retraite anticipée ! J'ai rien d'autres à faire de mes journées ! AHAHAHA ! »

    Encore une fois, son rire tumultueux fit vibrer les murs de la bâtisse et éclaboussa de petits morceaux de viande la table. Son rire était sincère et joyeux, comme chaque fois que Java était là. Il arracha un bout de viande du rôti et le mit dans l'assiette de la garde.

    « Allez mange, bichette ! T'as b'soin de prendre des forces pour devenir aussi forte que moi ! Mange, quand t'auras fini on verra si t'as progressé depuis la dernière fois, ou si t'es toujours aussi mollassonne au bras de fer, hein ! Qu'est-ce que t'en dis, l'amie ?! »
    Java AnggunLe Cyclone
    Java Anggun
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    Re: Le retour de la Team Buff-et
    Lun 24 Aoû 2020 - 10:21 #



    Le sourire embarrassé de Java retrouve sa sincérité lorsque son ami lui répond. Elle le remercie à voix basse, avant de le regarder sortir sa bourse avec amusement. Il faut dire qu'à deux, ils mangeaient au moins pour douze, alors si on y rajoutait une tournée générale... Pas surprenant que l'addition monte vite. Mais notre Capitaine Gadoue est bon prince, et il commande même à nouveau pour leur table !

    Et quand il lui rappelle le temps qui a passé depuis leurs premiers échanges sur les Belluaires, elle sent son cœur se réchauffant en voyant qu'il ne l'oubliera pas de sitôt. Et quand le nouveau rôti à détruire arrive, elle frappe joyeusement des mains. Et quand Magnus rit, Java rit aussi, bien incapable de faire trembler les murs comme lui, mais bien heureuse de pouvoir partager sa table et ses blagues à deux cristaux.

    Elle attaque la tranche de viande dans son assiette, et tout en mastiquant, lui répond avec fierté :

    ▬ Hohoho, t'es pas prêt chef ! J'vais t'retourner le bras dans un sens qu'il connaît même pas ! On va voir si tu couines aussi fort que tu ris !

    Et elle éclate de rire à son tour, avant de reprendre sa goinfrerie. Ce genre de taquineries bon enfant n'était rien d'inhabituel entre les deux viandards. Il y avait bien sûr l'intérêt d'un affrontement amical et informel, une forme de salut plus qu'habituel pour deux gardes expérimentés. Pour Magnus, c'était probablement un moyen de tester la motivation de la recruteuse plus que sa force – même avec les deux mains et un clone en renfort, elle n'avait jamais réussi à gagner contre lui... Ce qui était tout à fait normal, face à un titan pareil.

    Par contre, il y avait bien une technique qu'elle avait toujours envié au Colosse : il était capable de concentrer sa force dans une partie de son corps comme personne. Et pourtant, elle en avait vu, des combattants bien bâtis, avec toutes sortes de capacités plus intéressantes les unes que les autres ! Mais à ses yeux, aucun n'avait jamais égalé Magnus en terme de force brute et non magique. Et s'il fallait qu'elle le retente au bras de fer pour réussir à lui piquer l'astuce, elle n'allait clairement pas se gêner. Cette fois, pas de clone de triche, par contre : il fallait qu'elle garde ses doubles en réserve pour retaper l'auberge. Ce serait bien bête de défendre ses responsabilités pour les envoyer par la fenêtre au premier bras de fer, quand même.

    Bref, tout en réfléchissant, Java engloutit son repas avec autant de passion qu'elle avait englouti tout le reste, que ce soit pour les p'tits légumes, les p'tites patates ou ce délicieux petit ovidé. Elle se ressert bien deux ou trois fois, à ce stade plus par gourmandise qu'autre chose, mais c'était une excellente raison de se remplir la panse aussi, non ?

    Puis elle pousse un soupir de pur plaisir en s'affalant sur sa chaise, enfin repue.

    ▬ Ça c'est un vrai repas ! Hein chef !

    On comprend mieux pourquoi le gérant de l'auberge qu'elle devait aider à retaper l'avait mise à la soupe, quelque part. Java nous offre un rot majestueux avant de resserrer rapidement ses bandages, et de tasser un peu tout ça avec ce qu'il lui restait de bière.

    Les assiettes et les plats, dépouillés de toute forme de contenu, finissent par être débarrassés, et Java pose son coude sur la table avec un sourire fier et défiant.

    ▬ Allez, t'es prêt à te prendre une raclée ?

    Elle sourit de toutes ses dents. Même si l'issue de ce bras de fer semble assez évidente, elle espère quand même en tirer « une leçon », cette fois. Une leçon à la Java.

    Zeny AstleyAventurier
    Zeny Astley
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    Re: Le retour de la Team Buff-et
    Ven 11 Sep 2020 - 11:17 #
    Malgré qu’elle n’ait encore jamais eu le dessus sur lui, Java accepta bien joyeusement le défi, ce qui ne manqua pas de faire plaisir à Magnus. C’était devenu une sorte de petit rituel entre eux : une rencontre signifiait un repas – ou plutôt une orgie gustative –, et un repas signifiait une mise à l’épreuve de leur force brute. Ce n’était pas spécialement un concours de qui aurait la plus grosse, mais bien plus un jeu enfantin et innocent agrémenté d’un peu de compétitivité saine et de rivalité entre un maître et son élève. Malgré son évidente force physique, sa volonté aiguisée telle l’acier et ses efforts constants, Java n’avait encore jamais réussi à arracher une victoire au colosse au bras de fer. Peut-être manquait-elle encore d’entraînement, ou d’expérience, ou même de rage pure et brute… Qu’importait ! Bien qu’il fût invaincu, il ne l’avait jamais prise à la légère, et espérait chaque fois qu’elle gagne. Le jour où ça arriverait, ce serait comme voir sa propre progéniture devenir indépendante. Il avait hâte de ce jour.

    L’instant nostalgique et attendrissant passa aussi vite qu’il vint, et Magnus se plongea à nouveau dans le festin, ne laissant pas la recruteuse le distancer sur la quantité de nourriture ingurgitée. Le bras de fer avait beau être leur moyen de prédilection pour s’affronter, il n’allait certainement pas laisser cette morveuse se targuer d’avoir mangé plus que le Colosse des Belluaires !

    Il mangea, bouffa, croqua, suça, engloutit, et dévora tout ce qui passait à porter de main. Les os étaient dénudés de leurs chairs, les plats de leurs légumes et les verres de leurs breuvages. Tel un titan glouton et inarrêtable, prêt à se remplir le ventre de mondes et de galaxies entières, le capitaine lutta de tout son être face à la recruteuse qui elle-même ne manquait pas de ressources. Finalement, leur bataille mémorable et tonitruante se solda sur une égalité probablement relative, mais totalement acceptée par les deux partis. Repus et satisfaits de leur gueuleton, et alors même que le tenancier finissait tout juste de débarrasser, ils soupirèrent, se regardèrent, sourirent, et plantèrent leur bras sur la table.

    La pique de Java arracha un sourire carnassier à Magnus. Il prit délicatement sa main dans la sienne, et serra sans plus de force, juste de quoi avoir une bonne prise. Sa main gauche agrippa le rebord un peu plus loin, puis il clama bien haut :

    « Patron !! Quand tu veux, tu nous donnes le go !! »

    Le type, bien qu’habitué à ces démonstrations du capitaine – qui n’hésitait pas à faire la même chose avec certains de ses gardes –, sursauta légèrement en entendant la grosse voix du lion éméché, puis lâcha un soupir.

    « Pas d’casse hein, cap’taine ! Allez… Go ! »

    Dans le quart de seconde qui suivi, le vieux militaire agrippa aussi fort qu’il le put la table de sa main gauche et contracta son bras droit entier, avant de pousser soudainement de toutes ses forces et d’écraser littéralement la main de Java sur le bois rude de leur espace de jeu. Le choc provoqua un grand bruit et fit se ployer la table de manière tout à fait visible, sans pour autant la casser. Une belle fissure fit son apparition le long du côté gauche.

    Surpris par la force du choc, Magnus regarda le résultat de son coup de zèle avec de gros yeux ronds, comme un enfant qui regarderait le vase qu’il viendrait de faire tomber sous le nez de ses parents. Une oreille aiguisée eut même pu entendre le très léger « oups » qui s’échappa d’entre ses lèvres. Ses yeux allèrent de la fissure au visage de Java jusqu’au tenancier, et enfin sur la salle entière qui s’était arrêtée pour zyeuter la source de ce coup de tonnerre aussi soudain qu’incompréhensible. Il ne s’était honnêtement pas attendu à donner autant de puissance. L’alcool avait de toute évidence pris en partie possession de ses moyens et de sa capacité à jauger les situations, ce qui avait eu pour effet de lui donner une impression totalement décalée de la réalité. D’ailleurs, il était convaincu d’avoir mis toute sa force, mais si la table n’avait pas cédé et que la main de Java était encore bien entière – bien qu’amochée – dans la sienne, c’était clairement le signe qu’il n’avait pas tout donné. Pourtant, la victoire du colosse était indiscutable. Avait-il eu le dessus à cause d’un fossé entre leurs deux forces, ou était-ce simplement que Java avait été prise par surprise ?

    Sans transition ni excuses, Magnus fonça tête baissée pour détendre l’atmosphère. Il partit de son habituel rire gras et puissant, tout en relâchant la paluche probablement endolorie de sa camarade, et dit, si fort que les spectateurs auraient pu croire qu’il criait :

    « Bah alors ma poule ?! J’croyais qu’t’allais m’mettre ma râclée ?! Tu sais même pas battre un vieillard qu’a des bras en gadoue ?! »
    Java AnggunLe Cyclone
    Java Anggun
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    Re: Le retour de la Team Buff-et
    Dim 20 Sep 2020 - 3:21 #



    Java regarde sa main. On peut clairement le dire : cette main n'avait pas vraiment tenu ses engagements. D'abord agacée par la rapidité avec laquelle elle s'était fait battre – normal, madame a sa fierté – elle réfléchit un peu et se rend compte que... Ben il est juste fort comme ça, le type. Elle fait craquer les phalanges de sa main encore chaude, avec l'impression de sentir son cœur dedans tellement son pouls battait fort. Si c'est ça, avoir le cœur sur la main, on s'en passera.

    Puis en plus, le chef continue de brailler comme toujours, et elle se prend un nouveau déluge de postillons. Il n'a pas tort. Normalement, quand on vieillit, on est moins balèze, non ? Elle l'interroge du regard, cherchant un sens à ce qu'il vient de se passer dans un recoin de sa tête. Est-ce que ce serait une nouvelle technique ? Non, il avait juste été lui-même, puis faut pas trop se monter la tête non plus. Non non, elle avait juste perdu, sans triche ni coup bas. Ses lèvres s'étirent lentement en un grand sourire. Si elle avait perdu aussi vite, c'est simplement parce que Magnus avait mis toute sa force dans son bras, pour qu'elle l'affronte dignement. Donc, ça veut dire qu'il avait autant d'estime pour elle que de poils à sa barbe ! C'est la science qui le dit, elle n'invente rien, ça a été décidé en même temps que la couleur de l'herbe et l'anatomie du glooby.

    Et quand il fallait choisir entre une défaite digne et une victoire raccourcie, Java préférait certes la deuxième option, mais la première avait son charme dans cette situation précise. Le sourire étiré d'une oreille à l'autre, c'est à son tour de gueuler.

    ▬ CHEEEF !!!!! T'es TROP FORT ! J'ai juste mis ma main comme ça, pis t'as mis ta main comme ça, pis j'ai rien vu et BAM ! La table elle a chialé, j'l'ai entendue !! C'est ça la vraie puissance ! LA PUISSANCE A L'ETAT PUR !

    Bien sûr, Java étant complètement à fond, sa voix monte tellement dans les aigus qu'elle pourrait presque fissurer un carreau. Heureusement, ça lui gratte la gorge, alors elle tousse un peu et elle reprend un peu plus calmement.

    ▬ T'en fais pas Capitaine Gadoue, un jour tu te prendras la défaite que tu mérites. Et faut bien que j'te provoque jusque là !

    Sa main palpite, comme pour protester. Java la regarde à nouveau, puis la montre à Magnus. Et par « montrer », j'entends « la mettre à deux centimètres de son nez », bien sûr.

    ▬ T'as senti comment j'ai résisté pendant une moitié de demi-seconde, hein dis ? Bientôt tu verras, c'est ta grosse main qui sera dans cet état !

    Bon, dans cet état, oui, sauf que ce qu'elle essaie de lui montrer (la sensation de son pouls dans sa main, si vous avez pas suivi), ça se voit pas. Et elle s'en rend compte un peu tard, puisqu'elle finit par la retirer en gloussant doucement. Oups. Bah. C'était pas la première fois qu'elle s'emballait autant devant le Magnus, de toute façon. Et sans déterrer les vieux dossiers, il l'avait déjà vue faire bien pire que ça.

    ▬ J'aurais bien retenté, mais faut que je garde mes doigts entiers, pour les travaux ! Je passerai p'tet t'embêter dans ta paperasse pour prendre ma revanche, ça te va ?


    Après tout, même si le temps n'avait aucune prise sur nos deux compères lorsqu'ils partageaient une table, il fallait bien revenir à la réalité de temps en temps. Même en leur laissant ce petit grain de folie qui faisait toute la magie de leur amitié, ils étaient avant tout deux dignes gardes du royaume d'Aryon, chacun investi d'un devoir qu'il remplissait avec honneur et fierté !

    Le sourire de Java diminue un peu, et elle se surprend à avoir un nouveau regard sur le « chef ». Finalement, ce surnom affectueux serait peut-être drôle à rendre concret. Quitte à suivre des ordres, autant que ce soient les siens, se dit-elle. Pas seulement parce que c'est un ami, mais avant tout parce que c'est un chic type. Elle repense à leur conversation, et à l'histoire du Fielon. Est-ce qu'elle réussirait à dépasser le sien, de Fielon ? Magnus lui donnait envie de croire que oui.

    Zeny AstleyAventurier
    Zeny Astley
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    Re: Le retour de la Team Buff-et
    Jeu 1 Oct 2020 - 12:42 #
    Comme à chaque fois, Java fut enthousiaste face à sa défaite. Il aimait ce côté de sa personnalité : leur rivalité ne débouchait aucunement sur du ressentiment mal placé ou de la colère, juste sur de l’émerveillement au regard de la puissance dont pouvait faire preuve Magnus. Son égo était fortement flatté par cette jeune pousse dont le potentiel ne l’avait pas laissé de marbre. Il avait ce sentiment étrange d’être un père qui impressionnait sa fille avec ses gros muscles, et en même temps une petite voix chuchotait à son oreille qu’un jour, cette enfant serait capable de soulever des colosses comme lui par demi-douzaine.

    Comme s’ils venaient de faire une cascade ensemble et qu’ils s’en étaient sortis indemnes malgré la peur que leur avait procuré ladite cascade, ils riaient de bon cœur et revisitaient ensemble leur perception du moment. Chacun y allait de son mot, de son explication, et de sa surenchère avant de finalement célébrer ensemble une nouvelle victoire au tableau de Magnus. Il n’avait plus le compte du nombre de ses victoires, mais il faisait confiance à Java pour graver dans sa mémoire chacune de ses défaites pour le jour où sa première victoire poindrait le bout de son nez. Ce jour où la tendance serait inversée, et où elle serait alors sûrement lieutenant, sous ses ordres.

    Une fois leur euphorie calmée, ils continuèrent à discuter un peu, jusqu’à ce que la recruteuse commence doucement à écrire la fin de ce chapitre de leur histoire. Elle avait encore fort à faire en réparations dans la taverne de la Souche Rieuse, et ce n’était pas en continuant à tergiverser toute la sainte journée que les choses avanceraient – sans compter que le tenancier serait sûrement furibond qu’on lui ait faussé compagnie après avoir saccagé son auberge.

    Le repas avait été copieux, la bonne humeur présente et l’alcool délicieux. Bien que sa bourse ait prit un sacré coup en raison de la tournée générale qu’il n’avait initialement pas prévu de payer, le chef ne voyait que des avantages à passer du temps aux côtés de Java. D’autant que, cette fois, et pour la première fois depuis qu’ils se connaissaient, ils s’étaient ouverts l’un à l’autre, tels de véritables amis. Ils s’étaient montré leurs blessures sans honte, sans jugement. Une attitude des plus honorables et respectables, selon les standards du capitaine. Le signe d’une confiance solide sur laquelle pouvait prendre appui les autres ramifications de leur amitié qui étaient encore à venir.

    Malgré l’envie qu’il avait de passer plus de temps encore avec elle, il ne souhaitait pas la retenir alors qu’elle avait à faire. Elle venait d’ailleurs de lui dire qu’elle passerait sûrement lui rendre visite pendant qu’il aurait le nez fourré dans sa paperasse, ce qui n’était pas pour lui déplaire : toute distraction de ses obligations administratives était bonne à prendre, alors si en plus il s’agissait de Java ! Ha, il aurait même planté sur place le Commandant lui-même pour aller passer du temps avec son amie !

    « T’as raison, l’amie, t’es attendue à la Souche Rieuse, et j’ai encore un paquet de boulot sur mon bureau qui n’attend que de me faire perdre la boule, haha ! »

    Il se leva et alla au comptoir, commanda deux bouteilles d’hydromel, paya le barman, et tendit l’une des deux bouteilles à la recruteuse.

    « Tiens, prends donc ! Avec ça t’auras de quoi t’humidifier le gosier pendant tes travaux. Faudrait pas que tu claques de soif, quand même ! »

    Il ouvrit ensuite sa propre bouteille et en but une rasade. Le goût de la boisson lui sembla plus acide que ce qu’il aurait dû être. Il regarda l’étiquetage, et grimaça légèrement : an 1000. De toute évidence, c’était une cuvée encore bien jeune, qui manquait de maturité et de caractère. Il aurait mieux fait de préciser sa commande au tavernier. Bah ! Dans tous les cas, ça ferait l’affaire en attendant un petit pichet de cidre de framboise, le soir même.

    Il se dirigea vers la sortie, poussa la porte et passa son grand corps tant bien que mal par l’ouverture, avant de taper l’épaule de Java de sa main gauche et de lui agripper l’avant-bras droit de sa main droite, comme ils avaient l’habitude de se saluer.

    « Passe une bonne journée mon amie, j’ai été très heureux de te revoir. Que Lucy te garde et te fasse prendre le chemin du régiment ce soir, qu’on casse encore la croûte tous les deux ! »
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