Heleyne J. Reyd

Heleyne n'est pas orpheline, mais c'est tout comme. La jeune femme est née d'une mère qui donna sa vie pour la sienne et d'un père qui s'est toujours évertué à raconter à sa petite fille que sa mère avait sacrifié son existence pour que son enfant possède une puissance magique incroyable.

Pas très pédagogue en plus d'être de la bonne foutaise, en effet.

Alors la jeune femme a grandi avec ce sentiment de culpabilité. Avec ce dernier et son père alcoolique, souffrant milles maux depuis la mort de son épouse et échouant systématiquement dans son rôle de père. Autant dire que l'enfance d'Heleyne n'a pas été des plus heureuses, mais au moins elle a dû se forger débrouillarde.

De fait, la fillette s'est toujours beaucoup intéressée aux sciences physiques et magiques ainsi -et surtout à vrai dire- à leur corrélation entre elles. En clair, l'enfant a toujours cherché à comprendre ce qui était vraiment arrivé à sa mère et si elle en était vraiment coupable, écartant un mauvais coup du destin orchestré par Lucy; n'étant pas vraiment religieux dans la famille, cette hypothèse a toujours été violemment rejetée. Ne voyant pour cet événement aucune raison d'être punis, cette justification n'avait aucune raison d'être.


Avec le temps, ce sentiment de culpabilité qu'éprouvait Heleyne s'est transformé en spleen. La plupart des enfants voient leurs capacités apparaître autour de leur cinquième année mais à l'approche de ses douze ans, l'adolescente qu'elle était devenue n'avait toujours pas vu signe de son "incroyable puissance magique" et ne savait pas en réalité si elle voulait découvrir ce qui aurait tué sa mère.

Finalement, la boutade de trop la fit littéralement exploser.


Tout s'est passé au solstice d'été de sa douzième année. Le crépuscule s'emparait du ciel d'Aryon tandis qu'Heleyne rentrait de l'école, serrant ses quelques manuels scolaires contre soi. Son ventre criait famine et ses cernes témoignaient de plusieurs nuits passées à tourner-virer dans son lit. Cela faisait déjà plusieurs mois que son forgeron de père avait été renvoyé de son travail à cause de son alcoolisme. Tout allait mal pour cette petite famille qui déjà avant cela serrait la ceinture en permanence.

A quelques rues du taudis qui lui servait de maison se trouvait Tom ou "Gros Tommy" comme l'appelaient ses amis. Lui et sa bande de voyous traînaient souvent à cette intersection car le hasard avait fait que la plupart de leurs victimes devaient rentrer par ce carrefour. Cet harceleur avait la capacité de grandir de quelques pieds et d'atteindre à vrai dire une taille dépassant les deux mètres cinquante. C'est énorme pour un enfant de douze ans. C'est trop pour les autres enfants du même âge.

Subir ses railleries était le quotidien d'Heleyne mais aujourd'hui allait être différent d'hier car pour le plus grand malheur de ses fripes, la fillette venait de découvrir tôt dans la matinée ce qu'il en coûtait d'être femme. Avertie par ses connaissances en sciences, elle n'était pourtant pas prête à évacuer autant de sang d'un coup et le pire n'avait pas été de le voir salir ses habits. Non, c'était l'odeur de sang menstruel séché qui était ignoble, infâme, dégoûtant et la chaleur de l'été n'arrangeait pas la chose.

Alors, non, aujourd'hui elle avait décidé qu'on la laisse tranquille et...

"Alors, toujours pas r'trouvé ta daronne ?"

puis


"Tu vas avoir du mal à pisser ce soir, salaud !" s'écria-t-elle en enfonçant son sabot le plus profondément possible dans les parties génitales du pote à Tom. Celui-ci s'effondra net et tout le monde observa la scène ébaubi. Heleyne, quant à elle, laissa choir ses ouvrages pour se mettre à détaler.

Heleyne avait chaud. Ses hormones, l'effort de la course et l'adrénaline augmentaient la température de son corps. Derrière elle, un géant et quelques nabots voulaient sa peau.

Le rythme de ses sabots sur les pavés était frénétique et totalement désordonné, comme si elle n'avait jamais su courir. Cependant, sa grande agilité compensait sa vitesse moindre et lui permettait de ne pas se faire aisément rattraper par les autres garçons en pleine forme.

Par dessus la gluante étale du poissonnier et par dessous les canassons de tirage, la jeune femme s'évadait. Oui, s'évadait de cette prison infernale qu'était la culpabilité. Ce geste, ce coup-de-pied semblait avoir eu l'effet d'un déclic. "Et si c'était moi qui décidais de ma vie, maintenant ?"

Pour la première fois, Heleyne était heureuse. Tout ce bonheur qu'elle ne pouvait contenir se traduisait en éclats de rire et en larmes de joie. Si elle n'avait pas déjà eu mal au ventre à cause de la faim, ce dernier l'aurait torturé à cause de ses rires.

Cependant, toutes les bonnes choses ont une fin et c'est devant la porte de sa maison qu'Heleyne arrêta sa course. Instinctivement, elle s'était dirigée vers son foyer et... La moitié de la bande de Gros Tommy avait prévu sa destination. Lorsqu'elle aperçut le gamin avec la main posée sur son entrejambe, elle comprit aussitôt ce qui arrivait.

La Reyd fit volte-face pour se heurter à un mur. Tom le géant. Il était trop tard. Il l'avait saisit par le bras. Ce monstre la soulevait, l'avertissant de tout ce qu'il allait lui faire subir. Son visage était fermé, ses yeux pleins de fureur et sa bouche se tordait dans tous les sens, laissant alors apparaître des dents aussi jaunâtre que la paille usée. Heleyne s'en souviendra toute sa vie. Surtout le moment où le faciès du gamin fondit subitement.

La peur avait décuplé l'adrénaline et les battements de son coeur. La jeune femme sentait alors comme une énergie souhaitant s'emparer d'elle. "Je vais mourir ! Mais c'est mieux que Tommy ..." Elle se laissa submerger.

L'instant d'après, les gouttes de sueur sur son front s'évaporèrent mais une sensation de fraîcheur parcourait son corps. Elle venait de se cogner contre le sol, pourtant elle ne ressentait plus telles douleurs avec toute cette adrénaline.

Très vite, elle saisit à son tour le pantalon de Tommy. Ses vêtements étaient ridiculement trop grand afin qu'il puisse utilise son pouvoir. Heleyne n'avait d'ailleurs jamais compris pourquoi tout le monde ne se moquaient pas justement de lui pour cette raison. Toujours est-il qu'elle se tenait là, comme une nymphe des flammes, comme un feu follet et qu'elle agrippait la jambe de pantalon de Tommy, l'empêchant de fuir mais pas de geindre comme un lâche.

"TU VAS NOUS LAISSER TRANQUILLE MAINTENANT !!! SINON C'EST MOI QUI VOUS TUERAI ! JE VAIS VOUS FAIRE FONDRE TOI ET TES GLACONS" lui hurla-t-elle en pleine gueule. La métaphore n'était à vrai dire pas voulue mais plutôt un résultat de son inconscient prenant justement conscience de sa nouvelle forme et faisant ainsi une inversion avec le terme "garçons." Dans la précipitation, c'est ce qu'elle exprima donc.

Le sale mioche possédait tout de même une force conséquente à sa taille et dans le feu de l'action, il puisa dans la peur qui venait de changer de camp pour trouver la force nécessaire à s'enfuir en traînant donc l'enfant agrippé à son vêtement.

Les citoyens alertés par les cris et le bruit des sabots auparavant sortaient de chez eux ou épiaient simplement par leur fenêtre. Des exclamations fusaient alors de par et d'autres de la rue où résidait Heleyne. "Appelez la garde, voyons ! ", "Séparez-les, bon sang !" Le père de la torche sur pattes, quant à lui, décuvait tranquillement dans son lit, ses ronflements enveloppant au sein de sa bâtisse tout bruit extérieur.

Au bout d'une dizaine de mètres, le pantalon de Tommy prit évidemment feu. L'ancienne victime lâcha prise par peur de se brûler. C'est à cet instant qu'elle Heleyne comprit qu'elle émettait des flammes depuis tout son corps et qu'elle était nue sous celles-ci. Le voisinage comprit également qu'elle n'était pas immolée et qu'il s'agissait simplement de son pouvoir.

La surprise fit redescendre Reyd soudainement et elle ne remarqua même pas l'humiliation que subissait Tommy alors qu'il se vit contraint d'enlever son pantalon à cause des flammes grimpant le long de sa jambe. Lui aussi nu comme un ver sous son fringue, il n'avait cependant pas de plasma opaque pour dissimuler son organe génital. Malgré sa grande taille, la petitesse de son engin poussa toute la rue à hurler de rire. "Bien fait pour ce garnement !" et d'autres remarques du même genre se fit entendre avant que la plupart des gens ne reviennent à leurs occupations.

Heleyne avait gagné et avait repris sa vie en main.


Quelques semaines plus tard, la jeune victime s'était transformée en jeune femme forte et charismatique et c'est sans problème qu'elle se dégota un travail chez un forgeron. Son pouvoir étant tout à fait indiqué, il ne lui fallut pas beaucoup pour convaincre le patron de la forge.

Sa détermination et sa curiosité insatiable fit d'elle une artisane de qualité, apprenant très vite à créer des armes et armures sur mesure plutôt que de simples génériques. Son boss vantait son apprentie et ses capacités dans toute la grande rue où l'échoppe se trouvait.

Et puis Heleyne aspira soudainement à plus d'aventures et moins de routine. Ayant appris à maîtriser efficacement son don, elle se questionna sur ses capacités à partir à l'aventure. La forgeronne savait tout aussi bien manier l'épée que n'importe qui et son pouvoir avait un potentiel encore inexploré.

Au bout de cinq ans, l'artisane de feu décida donc de rejoindre la guilde des aventuriers non sans le désaccord de son patron. Même si ce dernier comprenait son désir d'aventure, il aurait souhaité qu'elle reste travailler pour lui. Il l'avait un peu mauvaise quand il apprit qu'elle avait négocié son entrée en tant que forgeronne, mais lui aussi ayant été un aventurier dans sa jeunesse, ça lui passa.