*Où suis-je ?

Que m'est-il arrivé ?

Les images sont floues, si floues dans ma tête. Et mon corps est lourd. Si lourd... Un corps ?*

D'un bond, le mist ouvre les yeux et se redresse sur ses pattes, sentant très largement la terre et l'eau de la rivière sous elles, ainsi que les odeurs, l'humidité... Soudain, il tourne la tête et voit de ses propres yeux. Il voit ses écailles qui brillent sous les lumières de l'astre lunaire, sent le vent dans sa crinière et s'extasie de ces nouvelles sensations.

L'espace de quelques secondes, son bonheur semble immense, incommensurable !

*Luna ! Luna reg...*
- Gree...

Il se stoppe soudainement, surpris de ce qu'il entend. Comme si ce sont lui paraissait totalement irréel. Avait-il déjà entendu un mist grogné jusqu'alors ? Non. Pour Haku, c'est bien une première. Et si cette découverte lui fait un choc, elle est très vite balayé par un autre.

*Mais où est Luna ?*

Luna, Lunarya Lys, née Lunarya Kayne, adoptée par la noble famille Lys s'étant entêté à la malmener tout ce temps, la faisant souffrir depuis son adoption, la formatant pour faire d'elle une grade Royale assez forte et digne de confiance pour gagner l'accès aux secrets du royaume et leur rapporter.
Luna, la deuxième moitié de son âme, celle sans qui il ne serait pas entier, celle sans qui il ne serait pas de ce monde.

Le mist regarde à droite, puis à gauche... Mais là seule chose qu'il voit, ce sont les plaines et la rivière éclairées par les seuls rayons de lune. Sa moitié humaine ? Il n'y en a aucune trace autour de lui. Elle l'aurait laissé ? Non, impossible. A moins qu'elle y ait été forcée ?

*Attend, Haku, attend. Réfléchit. Au dernières nouvelles, tu n'étais qu'un esprit, alors d'où vient se corps ? Et qu'est ce qu'il s'est passé ?*

Le pouvoir de la mémoire... Dans se corps, Haku se concentre un instant sur ses souvenirs et soudainement, le voilà confronté à la réalité. Une réalité dure, froide, douloureuse. Très douloureuse.

Car son corps inconscient durant plus de vingt ans se souvient tout un tas de chose que son esprit ignorait : des tortures pour faire souffrir la rousse de sa vie, des soins pour le maintenir en vie malgré son coma artificiel... Et son esprit lui, a vécu pire encore que son corps :
Il a vu Lunarya mourir. Tuée par des hommes ayant emmener sa fille.

Si Haku n'était pas déjà blanc, son teint deviendrait livide à la mémoire de ses souvenirs. Mais à défaut, c'est son cœur qui loupe un battement. Et même si la douleur qui percute son âme est immense à l'idée d'avoir perdu l'être le plus cher à son cœur, une étincelle d'espoir s'allume soudainement dans sa tête.

*Si je suis en vie, alors elle doit l'être aussi.*

Oui. Haku se souvient de beaucoup de chose, comme les propos d'un enchanteur ayant affirmé que lui et Luna était lié. Si elle était morte, alors il le serait aussi. Mais au lieu de cela, le voilà dans son corps. Pourquoi ?
Son corps se souvient. Il se souvient des Lys haussant le ton autour de lui. Il se souvient de leur besoin de se débarrasser de lui, de le jeter ailleurs, dans la nature, loin à l'abri des soupçons. Dans une rivière ? Son corps a dérivé quelques heures avant d'atterrir là.

Et puis il s'est éveillé.

Il s'est éveillé quand Lunarya s'est éteinte...

Non, impossible. Il doit la retrouver. Heureusement, ces plaines, ces routes, il les connait pour les avoir vu depuis les yeux de sa moitié lorsqu'il n'était qu'un esprit. Et le lieu du combat de la rousse ? Il s'est exactement où aller.

*Allez Haku. Fonce, tu vas la retrouver.*

Car s'il est en vie, c'est qu'il y a encore de l'espoir.
L'espoir d'une nouvelle vie.

C'est un picotement douloureux qui me réveille en sursaut. Un picotement insistant, répété. La juste devant mes yeux, un corbeau est en train de me picorer la main à grands coups de bec..

Sale bête ! Je ne suis pas mort enfin !

-AHH !

Mon cri suffit pour le volatile prenne conscience de son erreur, et après un saut de coté et un regard courroucé envers ce repas peu coopératif, le corbeau bat des ailes et décolle, allant se percher à quelques pas de la, sur la branche d'un arbre qui surplombe la berge.

La berge ? Je suis trempé, j'ai froid, j'ai mal partout... Qu'est ce que je fais ici ?

Je me souviens d'un incendie...

[...]

Quelques heures plus tôt, en aval.

-AU FEU ! AU FEU !
-TOUS AUX SEAUX ! FAITES UNE CHAINE DEPUIS LA FONTAINE !
-VITE ! AVANT QUE ÇA GAGNE LES AUTRES MAISONS !

Que ce soit en ville ou à la campagne, il n'y a rien de tel qu'une bonne flambée pour rappeler aux braves gens les valeurs de solidarité et d'entraide. Au moins le temps de circonscrire l'incendie à une maison qui n'est pas la sienne. Quand celui ci à commencé, cette solidarité naissante face au feu m'a même protégé d'un passage à tabac en règle par les trois commis qui venaient de me coincer dans une ruelle à deux pas du marché. Pas sans que j'ai déjà écopé d'un coup ou deux évidemment, mais voir le maitre boucher talocher soudain ses trois aides avant de les pousser vers l'organisation naissante de lutte contre l'incendie valait presque la peine de manger quelques coups.

En tout cas jusqu’à qu'une main plus habituée à équarrir des carcasses qu'a caresser des joues de bambin ne me crochète à l'épaule avant de me trainer à mon tour tout gigotant vers la maison en feu.

-Toi mon gars, va donc voir à l'intérieur si y'a encore des gens la dedans !

Et hop. D'une bourrade voila l’honnête artisan qui m'expédie a travers la porte ouverte tout droit dans la maison en feu. Chaleur brulante, fumée acre qui me brule la gorge, a peine entrée j'ai l'impression que tous mes cheveux sont en train de prendre feu, mon visage et mes yeux me brulent, ma gorge me pique, une quinte de toux me plie en deux et je me retrouve à genoux sur le plancher, aspirant avec difficulté un air rendu heureusement plus respirable sous la fumée.

Et c'est la que je vois les corps, il y en partout autour de moi, des corps couverts de plaie, et les armes qui les ont infligés... Et il n'y a pas besoin d’être très observateur pour comprendre que ce qui s'est joué ici n'a rien a voir avec l'incendie mais plutôt avec un sauvage règlement de comptes entre malfrats.

Et puis je la vois elle.

Au milieu des cadavres patibulaires de truands et de malfrats, une dame magnifique semble dormir a même le sol. Son corps est couvert de blessures et de sang, et pourtant, pourtant elle semble encore vivante, simplement endormie...

Le grondement des flammes trouvant un nouveau souffle me ramène à la réalité. S'il n'y a qu'une personne à sauver, ce sera elle !

Toujours baissé pour rester sous la fumée, je rejoins la dame, et l’attrapant comme je peux par les bras je réussis à la hisser à moitié sur mon dos, avant d'entreprendre de rebrousser chemin.

Une poutre s'effondre derrière moi, bloquant la porte qui m'a vu entrer. Pris au piège je cherche désespérément une autre issue, avant de me trainer vers les fenêtres du seul mur que les flammes ne lèchent pas encore. Sur mes épaules, la dame semble bien plus lourde qu'au sol, et chaque pas vers la sortie est un calvaire. A tâtons j’entrouvre la fenêtre, et plaquant mon épaule contre le mur, j'arrive à faire basculer le corps à l'extérieur de la maison en feu, avant de le suivre.

Le suivre, et tomber dans l'eau...

La maison dont je viens de m'échapper est de celle bâtie sur le fleuve qui traverse la capitale, et dont l'installation en surplomb des eaux permet une évacuation pratique des déchets...

Ou des corps.

Surpris par la brusque chute dans l'élément liquide, je me débats un instant dans l'eau sale avant de réussir à remonter à la surface. Heureusement que je sais nager. Mais elle ? Il me faut quelques brasses pour repérer le corps que le courant emmène déjà, et me lancer à sa poursuite...


La dame !

Je me redresse d'un bond sur la berge humide. La bas, en aval, les dernières maisons de la ville sont encore visible, nous n'avons pas dérivé tant que ça. Je me souviens l'avoir rattrapé, je me souviens d'avoir nagé avec elle, d'avoir tenté de la ramener sur la rive.

Elle ne doit pas être loin !

Depuis combien de temps serpente-t-il ainsi aux travers des plaines ? Haku ne le sait pas. L'urgence de la situation est telle qu'il ignore totalement la notion du temps.

Plusieurs fois il s'est trompé de chemin, a du revenir en arrière, a grogné de rage ! Mais sous le couvert de la nuit, personne ne l'a encore vu. Personne n'a encore pu l'aider. Est-ce un mal ? Non... Après tout, cette nouvelle forme ne semble pas lui permettre de parler, alors comment pourrait-il se faire comprendre ?

Il n'en sait rien. Et son malaise augmente encore plus quand enfin il trouve la maison encore fumante où son âme jumelle a été vaincue... Et les humains autours qui s'en éloigne en discutant. En prononçant des sons totalement incompréhensible... Jusqu'à ce que l'un de se tourne vers lui en le pointant du doigt et en s'exclamant...
Mais qu'est ce qu'il dit ? Ça, Haku n'en sait rien.

Pour autant, il n'a pas besoin de comprendre le langage humain pour comprendre que les regards maintenant pointé vers lui n'augure rien de bon. Alors d'un bond, le mist se jette vers la maison encore fumante, passant au travers d'une vitre brisé et entrant en force à l'intérieur, faisant fi des gens dehors qui font de plus en plus de bruit.

*LUNA ! OU ES-TU ?!*

- ROUAAAOU

Entendre son rugissement au lieu de ses mots l'énerve au plus haut point. Le faisant rugir de plus belle tout en regardant autour de lui. La luminosité faible n'aide pas, pour autant, il peut voir draps tendu sur des formes humaines, sans doute pour honorer les corps jusqu'au matin... et là où devrait être celui de sa moitié, rien.

Alors elle est bien vivante, hein ? Elle s'est juste... enfui de cette zone ?

Mais dans ce cas... Pourquoi l'a-t-il quitté soudainement ? Le corps du mist a pourtant été libéré plusieurs heures avant qu'il en retrouve l'usage... Alors pourquoi ? Tout cela n'a aucun sens pour le mist... Alors il réfléchit, se remémore encore ces moments difficiles, ce combat... Il se souvient des douleurs ressentis au travers du corps de Lunarya, et de son dernier souffle expiré.

Le mist rugit une nouvelle fois, frustré de ne plus rien comprendre. Si il est encore vivant alors... comment pourrait-elle être morte ?! Comment ?

*Le tatouage !*

Ce tatouage magique qu'elle s'est fait faire dans l'espoir de permettre à Haku de pouvoir prendre possession du corps de l'humaine. Ce tatouage qui n'a finalement pas fonctionné bien que investi de magie sur la hanche de la rousse. L'enchanteur se serait trompé dans les effets ? Il devait lié les deux êtres à jamais, encore plus qu'il ne l'était déjà. Alors peut être ?

Pour le mist, c'est la seule explication, la seule lueur d'espoir qu'il ait encore. Et maintenant, tout ce qui importe à la demi âme, c'est de retrouvé le corps de sa moitié. Il s'agite alors, comme pris de folie, soulevant les draps les uns après les autres, découvrant les visages des adversaires de sa chère Luna qu'elle a réussi à mettre au tapis.

Mais aucune trace d'elle. Il pousse alors les poutres affaissés, faisant trembler la pauvre demeure, secoue les murs, hurle sa rage. Dehors, les voix s'exclament encore, et soudains quelques humains décident de rentrer à l'intérieur alors même que les yeux du mist tombent sur le sac sans fond de Lunarya, seulement roussi par les flammes mais semblant toujours fonctionnel. Se retournant l'espace d'un instant pour voir les humains s'approcher de lui, Haku claque férocement des dents dans leurs directions avant d'attraper le sac et de fuir vers le trou menant à la rivière. Se laissant tomber et plongeant dans l'eau glacée du petit matin.

Quelques minutes, il se débat contre le courant, tenant toujours fermement le sac magique dans sa patte, jusqu'à atteindre le bord de la rivière pour s'en extirper difficilement. Là, il reste un instant à simplement reprendre son souffle, langue pendante, regardant le sac dans sa patte tout en espérant, espérant que Luna ait bien mis quelque chose dedans pour lui permettre de la retrouver.

Ayant toujours été avec elle jusqu'à aujourd'hui, Haku cherche une nouvelle fois dans sa mémoire, tentant de se souvenir de tous les objets qu'elle a accumulée, qu'on lui a offert, qu'elle a gagné...

*La boule de cristal...*

Une sphère en verre magique, permettant de montrer la personne à laquelle on pense dans le lieu ou elle se trouve actuellement.
Haku ouvre alors le sac, enfonçant sa patte à l'intérieur et farfouillant dedans. Mais son humaine y conserve tant de choses... Il s'énerve encore, finissant par y mettre sa tête avant d'enfin trouver l'objet de ses désirs.

La fameuse boule de verre.

Et alors que toutes ses pensées sont dirigées vers Luna, son corps inerte apparait enfin.

Au bord de la rivière...

Remettant l'objet dans le sac, Haku attrape le cuir, s'ébroue une seconde et repart immédiatement à la recherche de sa rousse, plus certain que jamais de pouvoir la retrouver.

La !

Comme prévu, le corps de la dame a bien touché la rive pas loin de l'endroit ou je me suis trainé hors de l'eau. Et je n'ai qu'a tituber sur le sable qui borde la rivière, pour l’apercevoir, échouée sur la berge d'un bras un peu plus calme du cours d'eau.

Il ne me faut que quelques instants pour la rejoindre et m'affaler dans le sable à ses cotés. Et quelques minutes de plus pour confirmer ce que je crains depuis que je l'ai aperçu couchée sur le sol au milieu des flammes. La belle dame est morte...

Et pourtant...

J'ai déjà vu des morts. Et bien que nul souffle ne sorte de sa bouche, que sous mes doigts je ne sente aucun battement de cœur taper dans sa poitrine, la dame n'a pas l'air morte mais simplement endormie. Ses membres sont souples, son teint frais, ses blessures ne saignent pas...

Je ne comprends pas...

Il faut que je le ramène en ville, qu'elle soit mort ou non je ne peux pas la laisser simplement la. Attrapant la dame par les coudes, je finis de la sortir de l'eau pour la trainer à l'ombre d'un saule, et sortant le couteau qui ne me quitte jamais, je pars en quête de branches susceptibles de me fournir un travois.

*Bon sang Luna... Où es-tu ?!*

Elle devrait être là, sur le bord de cette rivière. Et pourtant, Haku ne la trouve pas. L'a-t-il dépassé ? S'est-il trompé de bras de rivière ? Il n'en sait rien, il doute et s'énerve. A trois reprises, il ressort la boule de cristal pour contempler à nouveau l'image de son humaine. Image qui ne change pas, du moins, avant la troisième fois.

Là, un garçon s'approche de la rousse et la tire hors de l'eau. La patte griffu du mist se resserre alors sur l'image, ne sachant trop comment accueillir cette nouvelle information. Est-ce bien qu'elle ne soit pas seule ? Où est-ce l'un des enfoirés qui l'ont agressé qui aurait survécu et déciderait de piller son cadavre ? Non. La personne a l'air jeune, et hormis le kidnappeur de Kahlua, Luna a réussi a tué tous ces adversaires. Alors à moins qu'il fasse parti de la troupe d'agresseur et qu'il soit resté en retrait, il y a peu de chance qu'il en fasse parti.

Mais qu'importe les hypothèses, le mist est plus déterminé que jamais à retrouver sa moitié. Alors il détaille l'environnement, regardant le garçon mettre sur son dos la garde royale pour quitter le lit de la rivière. Remontant vers la plaine, il s'arrête soudainement au pied d'un grand arbre dont les feuilles forment un dôme protecteur et dont l'ombre commence tout juste à apparaitre avec le petit matin se levant.

Relevant la tête sur son environnement, l'animal regarde autour de lui, cherchant un détail correspondant, en amont comme en aval de la rivière. Et soudainement, loin à l'est, il le voit, cet arbre... Il s'était donc bien trompé d'embranchement en suivant la rivière...

Fourrant à nouveau l'objet magique dans le sac, l'incarnation du pouvoir de Lunarya repart en trombe en direction de celle qu'il cherche, et enfin, il la voit. Là, inerte, allongée dans les racines de l'arbre, morte.
Morte ? Haku n'est pas vraiment sur. Après tout, lui est encore vivant non ? Alors s'il y a le moindre espoir qu'elle puisse revenir, son instinct lui dit qu'il doit être avec elle.
Il doit être prêt d'elle.

Sans plus pensé au blondinet qu'il a vu dans la vision, il franchit alors les derniers mètres pour rejoindre sa moitié et se s'allonge en boule à ses côtés. Profitant pour la première fois de sa vie du plaisir de la sentir contre lui. Un plaisir plus que déchirant qui lui fait verser quelques larmes alors que sa tête repose sur la tête de la femme inerte.

Tête qui ne se redresse que lorsqu'un bruit de branche cassé attire son attention et qu'un gamin sorte du feuillage de l'arbre.
Gamin accueilli par les crocs menaçant d'un mist protecteur qui ne laissera plus personne s'approcher de sa moitié, tout en restant collée à elle.

Je n'ai aucun mal à trouver trois branches qui conviennent pour aménager un travois de fortune. Deux branches longues, droites et facile à casser, une plus courte pour former un triangle. N'ayant guère le temps de trainer en tressant une plateforme, je me débarrasse de ma chemise et l'utilise pour relier les deux perches, avant d'en ôter les lacets de col et de manches pour nouer tout ça solidement. Gérard serait fier de moi, je n'ai pas oublié ses leçons et j'ai toujours de quoi servir de ficelle sur moi...

Travail terminé aussi vite que j'ai pu, je reviens vers la berge mon ouvrage sur l'épaule, continuant à espérer contre toute attente retrouver autre chose qu'un cadavre à ramener lentement en ville. Mais si la situation a changé, cela ne concerne hélas pas la belle dame...

Je me fige quand la créature maintenant lovée sur son corps émet un feulement de menace dans ma direction...

Un miste !

Je n'en ai jamais vu avant, en tout cas sous leur forme animale. Mais leur habitude de roder prés des lacs m'a nourri enfants de récits à leur sujet. Deirdre me disait souvent que c'était surement les mistes qui m'avaient trouvés les premiers et protégés avant de me mettre sur le chemin de la troupe. Et pourquoi pas ? J'adorais ces histoires de créatures capables de se changer en brume... Et en voila un.

Son corps sinueux recouvre entiérement le corps de la dame et semble se contracter, se tendre, pendant qu'il me fixe d'un air agressif, prêt à bondir. Et aussi prudemment et lentement que je peux, je recule d'un pas, puis d'un autre, avant de déposer doucement au sol mon chargement de bois à l'air menaçant.

Difficile d'évaluer la taille du miste quand il est enroulé, mais il doit faire au moins deux mètres de long, et son comportement semble on ne peut plus étrange. Ce n'est pas le comportement d'un charognard ou d'un prédateur défendant sa proie, mais plutôt d'un animal de compagnie défendant son maitre...

Mais qui a entendu parler de Mistes apprivoisés ?

Visiblement calmé par mon retrait, le miste se détend, non sans cesser de me fixer d'un œil noir. Je m'écarte ostensiblement des perches de bois avant de présenter au dragon mes deux paumes nues, dans un geste que j’espère aussi apaisant que possible.

-Je ne lui veux pas de mal, mais il faut la ramener en ville.

Le jeune homme baragouine des mots incompréhensibles pour les oreilles du mist qui le fixe en penchant légèrement la tête, faisant un effort pour décrypter ses dires sans succès. A plusieurs reprises, l'adolescent recommence mais force est de constaté qu'Haku dépendant maintenant de ses propres sens, il a perdu la compréhension du langage humain...

Après plusieurs minutes, alors que le blond s'est finalement assis devant lui a distance raisonnable, la tête de Haku retourne se poser sur le torse de Lunarya qui reste inerte. Pour autant, Haku le sens, il se passe quelque chose. Et d'ailleurs, de manière tout a fait discrète, il peut voir la hanche droite de son humaine émettre une faible lueur sous ses vêtements. Un endroit tout sauf anodin car c'est là où se trouve le tatouage magique de la belle.

Alors plus que jamais, Haku croit au retour de Luna. Et, déterminé à le vivre, il restera impassible sur le corps de sa moitié le temps qu'il faudra.

L'ado blond par contre, ne semble pas de cet avis. Après une bonne heure d'attente à ne rien faire, le voilà qui se lève finalement sous le regard du mist qui relève la tête sans pour autant bouger. Baragouinant de nouveau quelque chose d'incompréhensible, il s'en va finalement, laissant le duo seul pendant plusieurs minutes avant de revenir avec des œufs qu'il pose devant le mist.

D'aussi loin qu'il se souvienne, Haku n'a jamais mangé quoi que ce soit de sa vie et même si la perspective de découvrir le goût des aliments l'intéresse, ayant vécu toute sa vie d'esprit à suivre les us et coutume de Lunarya, il n'envisage même pas un seul instant de manger des œufs cru dans leur coquille.

Aussi, toujours enroulé sur l'humaine morte, le mist laisse de nouveau retomber sa tête sur son torse. Et sous ce geste, le garçon repart et revient une vingtaine de minutes plus tard, cette fois avec des fruits.

Plaçant une pomme a porté du cou du mist, Haku s'étire et l'attrape du bout du museau sans pour autant bouger le reste de son corps. Face à ce succès, l'adolescent décide de poser une nouvelle pomme un peu plus loin mais Haku le regarde avant de souffler bruyamment, tentant de lui faire comprendre qu'il a bien compris sa manœuvre mais que ça ne prendra pas.

Il ne s'éloignera pas de Lunarya.

Et vu les exclamations du garçon bien plus bruyante qu'avant, il semble avoir compris que ces efforts étaient vain. Mais est-ce une raison pour abandonner ?
Il faut croire que non. Car le voilà qui revient non pas avec de la nourriture cette fois, mais avec une grande branche solide. Et déterminé à faire bouger le mist, le voilà qui tente de le pousser, faisant grogner méchamment la créature magique qui redevient menaçante. Est ce suffisant ?

Non. Car le jeune homme continue de le pousser, jusqu'à ce que le mist se redresse à moitié et lui brise son arme en bois d'un coup de mâchoire, tout en continuant de grogner.

- Qu'est ce que...


Mon corps est lourd... si lourd. Et ma tête me fait un mal de chien. Quand j'ouvre enfin les yeux, je vois cet arbre au dessus de ma tête que l'aube éclair tout juste de ses premiers rayons de soleils. Mon corps est comme écrasé par quelque chose, quelque chose qui semble vibrer intérieurement au rythme des grognements que j'entends...

Alors je penche la tête, cherchant à repérer mon environnement et voir ce qui m'écrase. Une fourrure blanche et bleu, à moitié écailleuse... Cette forme, je la connais par cœur sans jamais avoir pu la toucher. Et tournant la tête, je vois alors les deux grands yeux de mon mist me couvé d'amour.

- Haku ?!
- Graaou !

Sa tête vient se frotter amoureusement sur la mienne alors que je l'enlace avec amour sans une toute première étreinte depuis son apparition dans ma vie. Le bonheur de le sentir contre moi, je l'ai tellement rêvé et enfin il devient réalité. Je ne sais pas comment c'est possible, ni même comment je suis arrivée là, mais en soit, je m'en fous. En cet instant, il n'y a que le bonheur de mes retrouvailles avec la seconde moitié de mon âme qui m'importe.

- Vous êtes vivante !

Retrouvaille interrompu par un jeune garçon aux cheveux blond qui me fixent avec deux grosses billes bleus aussi surprise qu'impressionné. Et sous sa remarque, je fronce les sourcils.

- Euh, oui... Je suis vivante... Je ne devrais pas ?

Je me tourne alors vers Haku, parlant via télépathie avec lui.

*Il s'est passé quelque chose ?
Oh ! Je te comprends comme ça ! J'ai cru qu'en ayant retrouvé mon corps, on ne pourrait plus du tout communiquer...
Attends, attends... Dans l'ordre s'il te plait, qu'est ce qu'il se passe ?*

Mon regard va alors du garçon au mist, cherchant à avoir le fin mot de l'histoire... Jusqu'à ce que mes yeux d'émeraude se pose sur ma tenue tâchée de sang et de trace de brûlure...

Bordel, qu'est ce qu'il s'est passé ?
Et où est Kahlua ?

-Ce n'est pas ça, c'est juste que jusqu'ici, vous étiez plutôt morte... Enfin, ça y ressemblait en tout cas..

Je m'avance d'un pas vers la dame revenant à la vie, mais un grognement du miste m'informe immédiatement que de ce coté la, rien n'a changé, et que malgré tout ce que j'ai entendu a propos d'eux, il semble clair que celui ci à tout d'un animal domestique, et d'un vrai chien de garde.

Revenant en arrière je me laisse tomber sur le talus menant à la berge. Avant de répondre aux questions muettes qui agitent le regard de la dame, visiblement complétement perdue. Et on le serait à moins, après tout, elle vient d'échapper deux fois à la mort et peut être même de ressusciter !

-Je m'appelle Damien. Je vous ai trouvé dans une maison en feu au bord du fleuve. Plus haut, dans la capitale. Vous étiez par terre avec des corps tout autour de vous. Mais vous aviez l'air...

L'air quoi ? Je ne vais pas dire moins morte...

-Je ne sais pas trop, pas encore morte ? Alors j'ai essayé de vous sortir de la mais les flammes prenaient trop vite pour retourner dans la rue, alors j'ai juste réussi à sortir par une fenêtre pour tomber dans le fleuve...

Je vous ai rattrapé et je vous ai empêché de couler jusqu’à réussir à rejoindre la rive. Mais avec le courant on avait beaucoup dérivé. Ensuite j'ai fait un travois pour pouvoir vous ramener en ville, mais a ce moment la le... Votre miste est arrivé et depuis il m'a empêché d'approcher...

Je... J'ai bien vérifié votre respiration et les battements de votre cœur... J'étais sur que vous étiez morte. C'est de la magie ?

*Ils étaient nombreux... trop nombreux. Et pourtant, tu les as presque tous eu. Mais... Leur chef, il était bizarre et finalement, il t'a eu dans le dos... Et avant que tu ne perdes connaissance, il a dit quelque chose...
"C'est ma fille désormais"... *

Mes yeux se durcissent alors que mes souvenirs reviennent. Je me souviens des coups, de la lutte et finalement du hurlement de ma fille se faisant enlever.

De mes adieux aussi... Par ces objets qu'elle m'a offert et qui ornent toujours mon bras. M'a-t-elle seulement entendue ?

Sans répondre à qui que ce soit, j'attrape mon sac sans fond que mon mist à ramené avec lui et plonge mon bras dedans à la recherche de la fameuse boule de vision. Pensant alors à ma fille je la secoue et regarde l'image qu'elle m'affiche.
Où qu'elle soit, Kahlua semble dans un lit, les yeux gonflées d'avoir trop pleurés, mais endormie. En vie.

Et même si ce constat est un réel soulagement, cela me laisse perplexe.

*Comment se fait-il que tu ais un corps toi ?
Je crois... Je crois qu'avant de disparaitre Arthorias a réussi à effrayer tes parents adoptifs au point qu'ils choisissent de se débarrasser de mon corps... C'est en le torturant qu'ils nous faisaient souffrir.*

Je serre un instant mon poing, à la fois en colère contre ces êtres abjects qui m'ont manipulée toute ma vie, triste et inquiète qu'Arthorias ne soit jamais revenu me le dire et soulagée que cette page soit enfin terminée. Mais l'est-elle vraiment ?

*Et comment tu m'as ramenée ?
Le tatouage de l'enchanteur. Enfin, je crois...*

Rapidement, je regarde ma hanche et étrangement, le tatouage a perdu ses couleurs.

*Il brillait quand j'étais collé à toi tout à l'heure*

Haku doit avoir raison alors. Et comme l'enchanteur me l'avait signalé en magie, tout à une durée. Aussi je suppose que tant qu'il n'aura pas de nouveau ses couleurs, toute mort me sera fatale cette fois...

Un instant, je dévisage aussi le fameux Damien qui vient de m'offrir l'explication de comment je suis arrivée jusque sur la rive de cette rivière, sous cet arbre : grâce à lui. Grâce à lui qui m'a sortie des flammes. Je suppose que je lui en dois une ?

- Merci Damien, tu as eu l'œil en décidant de me tirer de là. Sans toi, je doute qu'Haku aurait pu me ramener grâce à notre lien... Tu as été blessé ou pas ? Je peux peut être t'aider ? où au moins t'offrir de quoi te changer le temps de tes vêtements sèches ?

Je sors alors de mon sac une théière et la pose devant moi, avant de sortir aussi quelques vêtements de rechange, pour moi notamment, mais aussi pour lui... Bon, vu sa taille les habits de Kahlua seront bien trop petit mais je suppose qu'une de mes tuniques fera l'affaire.

- Touche simplement la théière pour entrer dedans, on sera mieux à l'intérieur.

Et immédiatement, je lui montre l'exemple, ouvrant le passage vers ce petit studio à l'intérieur de l'objet magique, équipé de tout ce qui peut être utile à la vie en général : meubles mais aussi équipement de cuisine et d'hygiènes. Il y a même une cheminée que je m'empresse d'allumer pour pouvoir faire sécher les affaires humides plus vite avant d'aller me mettre derrière un paravent pour me changer en attendant la venue de celui qui m'a sauvé.

Touche simplement la théière pour rentrer dedans ? Un postulat qui semble plutôt difficile à croire jusqu’à ce que la dame touche la faïence qu'elle vient de faire sortir de nulle part, et disparaisse avec son dragon comme une bulle de savon qu'on éclate. Me laissant soudain tout seul sur la rive, à regarder une très jolie théière abandonnée sur le sable du bord de la rivière...

Je me demande bien ou tout ça va me mener.

Récupérant les vêtements que la dame vient de m'offrir, je prends le temps de récupérer ma chemise utilisée pour le travois avant de chercher un coin plus tranquille pour me changer. Le coin semble toujours parfaitement désert, mais la proximité de la théière me gène. Et s'il y avait des fenêtres ?
Je gagne donc les fourrés les plus proches, enfilant rapidement les vêtements qu'on vient de me prêter avant de revenir sur la berge, et de tendre un doigt prudent jusqu’à toucher la porcelaine de la théière.

Et hop, sans transition me voila au milieu d'une vraie petite maison. Un salon, une cuisine, des portes menant à d'autres pièces...

Et tout ça dans une théière sortie d'un sac magique. Quand je pense au temps qu'on passait chaque jour sur la route à monter le camp. Il y a vraiment des gens qui doivent voyager différemment...

-C'est magique ! Est ce qu'on peut l'utiliser aussi pour faire du thé ?

Ne voyant pas mon hôtesse, je finis par remarquer le paravent derrière laquelle elle doit être en train de se changer, et me tourne immédiatement dans l'autre sens...

-Désolé. Merci pour les vêtements, je vous les rends dés que les miens son secs.

Et pour hâter ce moment et m'occuper autrement qu'en regardant le décor avec des yeux ronds, je pars étendre mes vêtements devant le poêle.

Mes cheveux de nouveaux coiffés parfaitement grâce à mon peigne magique, des habits propres et sec sur moi, je balance ma Net'noix dans la baignoire qui est remplie et lance mes affaires sales dedans...

*Tu veux vraiment récupérer ces guenilles déchiquetées de partout ?*

Sans répondre à Haku, je me contente de sortir ma tunique de l'eau et de la regarder de plus près. Maintenant débarrassée de sa saleté et du sang séché, je me rend mieux compte dans l'état de délabrement où elle se trouve à cause du combat que j'ai mené.

*Ils m'ont vraiment pas loupée...*

Soupirant, j'étends mon linge sur un fils près de la cheminé devant laquelle Damien vient de mettre ses vêtements et lui souris un instant avant de les récupérer.

- Tant à ce qu'ils soient mouiller, autant les laver, tu ne penses pas ?

Et l'instant d'après, je les jette dans la baignoire mousseuse et les ressort immédiatement aussi propre qu'au premier jour de leur vie avant de les étendre à côté des miens.

- C'est de la magie oui. Comme cette petite noix qui permet de nettoyer n'importe quoi. Mais non, on ne peut pas faire de thé avec la théière magique. Par contre, elle contient bien une théière à l'intérieur avec laquelle je peux faire chauffer de l'eau. Tu en veux ?

Je n'attends pas tellement sa réponse avant d'aller en préparer, car qu'il en veuille ou pas, moi j'en prendrais bien une tasse... Avec ce que j'ai vécu, je crois que je le mérite. Et lui aussi. Lui qui s'est dit qu'affronter les flammes étaient la chose à faire...
Alors qu'au fond, quand on y pense, c'était totalement inconsidéré comme réaction.

- Tu es sûr que tu n'es pas blessé ? J'ai aussi un trousse de médicaments magique qui me permet d'avoir de quoi nettoyer des plaies...

Ce qui est sûr, c'est que ce gosse n'est pas un noble vu son ignorance de la magie. Je suppose que sa famille doit être plutôt très modeste à ses yeux qui ne peuvent s'empêcher de fureter partout malgré ses efforts pour les retenir. Famille qui doit certainement être inquiète à son sujet...
Tout comme je le suis pour Kahlua.

Alors une nouvelle fois, je sors la boule de vision et observe l'image de Kahlua dessus. Elle est triste, encore, mais en vie. Et de ce que je vois, elle ne semble pas mal traitée.

Et au fond, je sais que je devrai déjà être en route pour la retrouver. Pourtant je suis là, attendant simplement que la théière chante pour boire un thé tout en gardant un œil de lui grâce à un objet magique...
Parce que pour la première fois de ma vie, Haku est avec moi en chair et en os. Pour la première fois, je ne vis pas dans la peur d'une sentence invisible de la part des Lys.

Cette fois, je suis libre. Libre de boire ce maudit thé si j'en ai envie.

Pour autant, je ne suis pas seule.

- Du coup, je te sers ? Et dès que tout sera sec, on rentrera au village. Je ne voudrai pas que ta famille s'inquiète trop pour ta disparition...
Et puis moi aussi, je dois retrouver quelqu'un...

L'homme qui m'a fait ça. Pour lui planter mon arme dans le cœur et le regarder agoniser tandis qu'il croira s'être fait tuer par un fantôme avant que je ne lui reprenne ma fille.

-Je veux bien du thé oui. Merci.

Laissant la dame aux commandes de la boisson, je me trouve une chaise ou attendre, tout en ne pouvant retenir un regard suspicieux vers la baignoire ou trempent mes habits. Encore de la magie. A croire que chez les gens de la ville il n'y a plus rien à faire dans la vie quotidienne. Mais alors, pourquoi les nobles ont'ils besoin de tant de serviteurs s'il leur suffit de jeter leur linge sale dans une bassine et le regarder se laver tout seul ? Mystère.

En tout cas, je me vois forcé à chaque nouvelle magie de revoir à la hausse la position de la dame sortie des flammes. Je la pensais aisée mais j'ai visiblement affaire à plus que ça, une noble à coup sur. Une princesse royale peut être ? En tout cas ça expliquerait cette richesse.

Et le fait que malgré son apparente familiarité et gentillesse elle ne m'ait toujours pas donné son nom...

-Oh, ne vous inquiétez pas pour moi. Je...

Je retiens in extremis une phrase que j'ai vite comprise problématique, dire je vis tout seul quand on a mon age amène toujours quantité de nouvelles questions et d'envie diverses chez les adultes, comme le besoin compulsif de trouver une famille d'accueil ou un orphelinat pour m’empêcher sur le champ de continuer tranquillement à vivre libre et dehors.

-... Ma famille est loin pour l'instant. J'espére que la votre n'était pas dans la maison en feu. Mais je n'ai vu que des gens qui ressemblaient à des bandits.

M'installant en face de lui après avoir servi le thé, je le dévisage après sa réponse, laissant le silence planer quelques secondes.

Est-ce qu'il me ment ? En tout cas, son hésitation me fait penser qu'il n'est pas tout à fait honnête... Mais suis-je vraiment bien placée pour le juger ? Pendant ce laps de temps de réflexion, je vois Haku se lover en boule dans le lit, s'étalant en enroulant son corps qui dépasse de tous les cotés du matelas simple, les pattes en l'air.

*Je comprends mieux pourquoi tu mets tant de temps à te lever une fois installe la dedans...*

Je souris sous sa remarque avant de baisser les yeux sur mon thé, repensant à la question de Damien. Ma famille n'était pas dans les flammes... elle m'a été enlevée avant que tout ne brûle. Et au lieu d'être sur ces traces, je suis là. Une nouvelle fois j'agite la boule de vision, regardant une nouvelle fois ma fille toujours aussi triste mais vivante.

- Elle n'est pas morte dans la maison, non... Il semblerait... Que quelqu'un l'en ait sauvé.

Évidemment, si l'adolescent est curieux il pourra voir le visage de Kahlua comme je peux le voir, en regardant l'objet magique. Du moins jusqu'à ce que je lâche l'objet et porte plutôt ma tasse à mes lèvres.

*Tu sais Luna... J'y pense depuis que je t'ai retrouvé inerte mais... On pourrait peut être juste... recommencer à zéro ?
Qu'entends-tu par là ? Abandonner Kahlua ? Encore ?
Elle te crois morte... Tu lui as fait tes adieux et si je comprends bien, elle est toujours vivante donc tes agresseurs ne lui voulait pas de mal finalement, non ? Maintenant qu'on est ensemble, et libre... On pourrait, juste tout recommencer ?
Comme si ça pouvait marcher... Je suis une garde royale, et avec la pub pour mon mariage, je doute de pouvoir passer inaperçu.
Tu sais aussi bien que moi que les potions de changement d'apparence existent.
Je peux pas abandonner ma fille.
Et tu crois que les Lys t'abandonneront ? L'abandonneront elle si tu es vivante ? Tu sais aussi bien que moi que tant que tu seras en vie, ils chercheront à te contrôler. D'autant plus que maintenant qu'ils n'ont plus mon corps, ils ne peuvent plus te torturer ce qui signifie que Kahlua devient la meilleur cible contre toi.*

Ses paroles font sens et cela me déplait. Mais du coup, je ne réponds rien, me renfermant un peu plus dans mon thé.

*On peut disparaitre, rester mort pour le monde... Et avec la boule de vision, le bracelet et la bague que ta fille t'a offert, tu pourras continuer de la surveiller de loin pour pouvoir intervenir si jamais elle a besoin de toi. Et je sais que tu penses comme moi, sinon tu ne serais pas là entrain de boire un thé.*

Il a raison. M'adossant dans ma chaise, je souffle longuement, contrariée. La décision n'est franchement pas évidente, une nouvelle fois je dois manquer à tous mes devoirs... Mais n'est ce pas justement ces devoirs qui m'ont pourri la vie jusqu'à maintenant ? Et puis, comme Haku le signale, c'est surement mieux pour Kahlua que je reste loin d'elle... Comme j'aurai toujours du le faire depuis sa naissance.

Mes yeux reviennent alors se poser sur le jeune homme en face de moi.

- Tu sais Damien, j'aimerai vraiment pouvoir te remercier de ce que tu as fais... Mais au lieu de ça, tu crois que tu pourrais garder pour toi le fait que tu m'as sauvée, s'il te plait ?

Une question délicate, et si possible j'aimerai ne pas avoir à donner d'explication... Malheureusement, je me doute que les choses ne sont jamais aussi simple que prévues.

-Ah. C'est bien ça. C'est votre fille ?

Le regard de la dame change, et la boule mystérieuse ou elle contemple l'image d'une petite fille disparait dans la bourse qu'elle porte à la ceinture. Magie encore, magie partout... Si ça se trouve elle à même un cheval la dedans, ou carrément une charrette ? Mais non... Probablement plutôt un tapis volant, un cheval ce n'est certainement pas assez magique.

La dame change de sujet et dés le premier mais dans sa phrase je vois arriver le moment ou les choses vont redevenir comme d'habitude, et ou je vais me faire chasser en me faisant traiter de va nu pieds ou de voleurs. Au moins je serais à nouveau en terrain familier. Par contre, je ne sais pas du tout comment sortir de la théière magique.

-Le thé suffira, ne vous embêtez pas, je n'ai pas fait ça pour obtenir une récompense.

Même si j'aurais bien aimé avoir un gâteau avec le thé. Au moins elle ne saura jamais qu'on m'a poussé dans cette maison, et que sans ça je n'y serais probablement jamais entré tout seul...

-Oh... Vous voulez qu'ils vous croient morte c'est ça ? Vous avez encore des ennemis et vous voulez leur faire croire qu'ils sont tranquilles pour contre attaquer !

Bien sur ! C'est évident. J'aurais du m'en douter dés le début en la voyant au milieu des corps des bandits, ce n'est pas une noble ordinaire et il y a certainement une sombre histoire d'honneur derrière tout ça. Peut être une lutte familiale, ou pire, une lutte contre un infâme méchant ayant kidnappé la petite fille pour forcer la dame à l'épouser ! Comme dans la ballade de la princesse Bride !

-Je ne dirais rien. Ou si vous préférez je dirais que vous êtes morte ? Mais je ne sais même pas votre nom et de toute façon d'habitude on ne m'écoute pas vraiment...

Probable que même le type qui m'a poussé dans les flammes m'a déjà oublié, et que dans sa déclaration à la garde il ne parle même pas de moi, mais juste de son courage et de sa participations à l'extinction de l'incendie. Alors je me vois mal aller parler a qui que ce soit de la survie ou non d'une dame que personne d'autre que moi n'a vu.

-Mais si vous voulez je peux continuer à vous aider ? S'il y a d'autres bandits qui veulent s'en prendre à vous, vous ne devriez pas retourner les affronter toute seule.

Surtout quand on voit ce qu'il semble s’être passé la dernière fois. Visiblement, malgré tous ses objets magiques, la dame a perdu.

-Et puis j'ai une fronde !

Je blêmis légèrement quand il prononce finalement tout haut ce que je me tue à cacher au reste du monde depuis onze ans... Oui, c'est ma fille oui. Ma pauvre petite fille que j'ai condamnée à avoir une mère pitoyable le jour où, envers et contre tout, j'ai choisi de protéger sa vie au lieu d'assurer le salut de la mienne.

Et ce jour, il est arrivé avant même sa naissance.

Mais plus qu'une certaine crainte, l'entendre de la part d'un inconnu, comme ça, qui ne l'a vue que quelque instant via une boule de vision, ça me réchauffe le cœur.

Ma fille. C'est ma fille, ma chair, mon sang. Mon trésor le plus précieux.

Mon trésor qui pleure encore et encore parce que pour la troisième fois de sa petite vie, sa maman en disparait. Pauvre mère que je suis. Terrible mère que je suis.

Mes coudes se posent sur la table, ma tête vient se caler dans mes mains alors que ma tête me donne l'impression de vouloir exploser sous le doute. Que faire ? Je devrais...

Ce garçon, lui même sait très bien ce que je devrais faire : me cacher, les retrouver et leur arracher ma fille de leur mains abjectes. De ses mains qui m'ont tuée. Ont voulu me tuer.
Ont échoué.

Je le regarde alors qu'il me propose son aide, tournant lentement la tête dans sa direction, tendant ma main vers sa tignasse blonde et l'y posant affectueusement avant de la laisser caresser son crâne un instant tandis qu'une larme unique roule de mes yeux.

- Tu es gentil Damien, vraiment...

Et tu n'as pas de famille, n'est ce pas ? Ou alors elle te maltraite ? Dans tous les cas, ce n'est pas moi qui vais te blâmer de vouloir la fuir. Après tout, si j'avais pu, je serais partie de chez c'est horrible noble qui m'ont arrachée à mes parents il y a longtemps, très, très longtemps.

- Et tu peux m'appeler L...

Je m'arrête, réfléchissant rapidement. Si je tiens vraiment à me faire passer pour morte, alors il vaut mieux pour sa propre sécurité qu'il ne connaisse pas ma véritable identité.

- Léna. Tu peux m'appeler Léna... ou Séléna.

J'ai toujours aimé mon prénom en rapport à la Lune, et c'est avec un certain déchirement que je m'en défait. Mais Séléna, c'est aussi en rapport à l'astre Lunaire ? Je le sais, j'avais beaucoup cherché pour Kahlua... Du moins, c'était avant que mon père adoptif me fasse jurer de la remettre à son père et de ne plus jamais la revoir... Kahlua, le nom de la princesse qu'il devait protégé -et que j'incarnais- étant petit était alors bien plus indiqué.

- Je ne te demanderai pas de te battre avec moi Damien, mais si tu veux m'aider, il y a bien quelque chose que tu peux faire... Si je veux vraiment pouvoir passer pour morte, je vais devoir changer d'apparence. Et ça, avant aujourd'hui, je n'y avais jamais penser. Je sais qu'il existe des potions pour cela, des élixirs magiques. Je vais devoir en acheter sauf que personne ne doit me voir le faire...
Est-ce que tu crois que tu pourrais le faire pour moi ? Je connais un enchanteur à la capitale, il devrait en avoir... Mais ce n'est pas la porte à côté et je suppose que mon cheval m'a été pris.

Si tu veux bien venir avec moi, alors je m'occuperai de tous tes frais jusqu'à ce que ce soit fait.

Mais à une condition : je veux savoir la vérité sur ta famille. Car si tes parents t'aiment comme j'aime ma fille, je ne peux décemment pas les priver de leur fils, tu comprends ?

Séléna, comme dans le conte de la princesse tombée de la lune, évidemment. Et bien sur, pas de nom de famille. Je suppose qu'elle pense que comme tous les gens de la ville je suis capable de reconnaitre immédiatement toutes les familles de la noblesse a l'énoncé de leur particule, et qu'elle ne me fait pas vraiment confiance... Pas grave. Elle semble si triste que je peux bien lui pardonner ça.

Et puis, à sa place, est ce que je me ferais confiance ?

Hum... Probablement oui.

-Aller acheter une potion ? Bien sur que je peux le faire. C'est facile.

Pour peu en tout cas qu'un enchanteur me laisse le temps de lui parler avant de me faire jeter hors de sa boutique comme un malpropre en me traitant de voleur. Mais ce sont des difficultés dont j'ai l'habitude et certainement pas dame Séléna, inutile donc de lui en parler, je me débrouillerai. Et puis, une quête héroïque sans difficulté ça n'existe pas, et les sbires de l'enchanteur feront surement de très bons gardiens...

-Mes parents sont morts quand j'étais petit. Je ne les ai jamais connu. J'ai été élevé par une troupe de théâtre itinérante. Mais...

Mais ils ont enlevés et je les cherche ? Ils sont peut être morts ou en prison ? Non, ce n'est probablement pas le moment de parler de ça alors que les ennuis de dame Séléna sont bien plus urgent. Et puis, si je l'aide, une noble comme elle pourra surement m'aider en retour ensuite ?

-Mais on a été séparé l'an dernier. Depuis je me débrouille tout seul. Alors pas besoin de vous en faire pour ma famille.

Un orphelin. Un pauvre orphelin qui a été recueilli par une troupe de théâtre et qui les a perdu depuis un an. J'ai de la peine pour lui, je n'ose imaginé à quel point ça a du être difficile a vivre pour lui de devoir se débrouiller seul du jour au lendemain.

- Désolé... Mais maintenant que je le sais, sois sur que si tu m'aides, je resterai avec toi jusqu'à ce qu'on retrouve ta famille, ça te va ? Pour ma part, je ne connais pas très bien le royaume mais grâce à cet objet - je ressors une nouvelle fois ma boule de vision - Tu peux déjà les voir eux, et voir l'environnement autour d'eux. Après il ne restera plus qu'à chercher à quel endroit ça correspond.

Et parce que je me dis qu'il a surement envie de savoir dès maintenant s'ils sont au moins encore en vie, je lui tends la boule similaire à une boule à neige avant de lui expliquer son fonctionnement.

- Pour les voir, tout ce que tu as à faire c'est de penser à l'un d'eux et retourner une fois la boule, et une fois remise droite la personne apparaitra dedans. Et si le lieu te dis quelque chose, ce sera d'autant plus simple de les retrouver.

Bon, j'espère juste qu'il ne foncera pas tête baissée directement à leur recherche avec ça en oubliant de me rendre mon service... Si je peux faire en sorte qu'il soit le seul a voir mon visage, ce serait mieux pour tout le monde.

Cela dit, déjà, avec mon peigne magique, je peux changer la couleur de mes cheveux ainsi que leur longueurs... Sur cette idée, je me relève en laissant Damien regarder la boule de vision et m'exécute non sans un pincement au cœur... Après tout, mes longs cheveux rouges, je les ai toujours aimé...

Mais aujourd'hui, je dois vraiment m'en débarrasser. Alors j'abandonne le rouge pour un roux tirant sur le blond, et réduit de moitié leur longueur tout en me coiffant différemment. Je suppose que rien que ça, ça devrait m'évité d'être reconnue immédiatement jusqu'à ce que je puisse aussi changer mon visage...

Rangeant mon peigne dans mon sac, j'en sors alors les casses croutes que j'avais prévu pour Kahlua et moi... Et après une seconde d'hésitation, je tends celui de ma fille à Damien.

- Tiens, mangeons avant de partir, une longue route nous attends.

Si simple...

Pour ceux qui en ont l'usage, la magie semble rendre les choses tellement simple, c'en est presque trop beau... Et pourtant, après ce que j'ai vu aujourd’hui et qui semble si naturel pour Dame Séléna, pourquoi douter ?

Je tends ma main vers la sphère, effleurant sa surface pendant qu'un doute horrible m'étreint. Jusqu'ici je n'ai pas trouvé de pistes menant à mes compagnons. Mais rien non plus qui m'indiquerait qu'il leur soit arrivé malheur. Si Séléna dit vrai, au moment ou je toucherais la boule, je saurais. S'ils sont en vie, mais surtout s'ils sont morts depuis longtemps et que je les cherche en vain...

Est ce que cela en vaut vraiment la peine ?

J'hésite quelques longues secondes avant de me décider, mais il vaut mieux savoir ! Et invoquant mes souvenirs les plus chers, je saisis la sphère magique.

Et quand Séléna revient avec une apparence qui a déjà commencé à changer comme par magie, je sais que tout le monde est en vie ! Oh, certains ont l'air, comme je le craignais, d’être encore en prison, et je n'ai pas réussi a voir s'ils étaient seuls ou encore en groupe, ni a repérer quoi que ce soit que je connaissais dans leurs environnement proches, mais ils sont tous vivants !

Et c'est bien plus que tout ce que j'espérais comme récompense aujourd’hui.

-Merci beaucoup pour ça. Grace à vous je sais que tout à l'air d'aller bien. Et même si je ne sais pas ou ils sont je sais que je finirais par les retrouver.

Alors quand en plus, Séléna fait apparaitre et m'offre un délicieux sandwich, la journée devient la meilleure que j'ai passée depuis plus d'un an.

Je souris sous la réaction de Damien. A son air, il a l'air clairement heureux des informations qu'il vient d'avoir et cela me fait chaud au cœur...
Au moins lui, je peux le faire sourire. Même si... Même si pour Kahlua... Ce n'est clairement pas gagné.

Nous mangeons en silence, lui savourant ce repas qui semble être le premier qu'il prend depuis je ne sais combien de temps et moi réfléchissant toujours aux conséquences de mes choix sous le regard pesant de mon mist.

*Tu culpabilises déjà.
Tu... On s'apprête à abandonner ma fille, encore. Qu'est ce que tu veux que je te dises ? Bien sûr que je m'en veux !
Si on doit tout recommencer à zéro, tu devrais commencer par arrêter de te torturer tout le temps. Si on la laisse, c'est aussi pour son bien. Toi comme moi savons pertinemment qu'on lui apporte plus de problème que de sécurité.
Ça n'en reste pas moins rageant.
Certes.*

Parce que oui, savoir que tout ce que j'ai fais jusqu'à maintenant pour elle ne se résume qu'à la mettre en danger, peu importe toutes les précautions que j'ai pu prendre, toutes les souffrances que j'ai enduré, ça a de quoi démoralisé le plus optimiste des hommes.

*Et puis, on l'abandonne pas vraiment. Après tout, tu es censé être morte alors elle ne peut pas t'en vouloir.*

Je ne réponds pas. Il y a du vrai dans ce qu'il dit, mais ça implique que jamais elle ne doit apprendre la vérité : que sa mère est encore en vie et se cache de son passé.
Que ce soit elle, ou tous les autres. Personne ne doit savoir.
Jamais.

- Si tu es prêt Damien, je te propose de prendre la route maintenant. La capitale est loin et nous avons beaucoup de marche pour l'atteindre.

Et pour le coup, ce sera la dernière fois que j'y mettrais les pieds.
A moins...

A moins que ce soit là où soit Kahlua et qu'elle est besoin de mon aide...

Hm, décidément, je doute réellement d'être capable de prendre un nouveau départ si facilement.