Kanra Pherzal

écrivain public se définit comme « une personne qui rédige des lettres, des actes, pour ceux qui ne savent pas écrire ou qui maîtrisent mal l'écrit (que ce soit pour des lettres privées ou administratives)

Un récit banal. Elle ne commencera pas comme les plus belles des histoires « Il était une fois ».
Rien d'extraordinaire.
Née d'une mère tailleuse et d'un père luthier, Kanra est née dans la capitale même, dans un quartier plutôt cosy.
Une enfance sans le moindre problème. Une éducation rapide. Tu préférais aider ton père que d'aller à l'école de la ville.
Jusqu'au jour de cette rencontre. Une rencontre magnifique. Une rencontre qui ta changé.
Tu en as que de brefs souvenirs. Un noble, bien plus vieux que toi.
Cela devait être dans les premières années de ton adolescence.
Approximativement.
Il t'a appris à écrire, à lire, tout ça à l’abri des regards.
Pourquoi ? À l'époque, tu n'en savais rien.
Tu ne sais toujours pas, malgré les années qui se sont écoulées.

Un petit banc, voilà votre espace, voilà votre secret.
Ce passage de ta vie est rempli d'image brouillé.
Sûrement dû à la finalité de cette si belle expérience.
Il t'a appris, pas à pas, à prendre conscience de ton pouvoir.
À l'utiliser correctement. À te familiariser avec son fonctionnement.
Fille unique, il fut comme un grand-frère pour toi.
Aimant et patient. Le gendre parfait si vous aviez le même âge.

Oh Kanra, tu ne voyais que lui dans ta vie.
Il fallait bien que cela cesse.
Ce fut brutal. Insupportable.
Tu te souviens de ce bourdonnement dans ta tête.
Ce crie strident à en percer les tympans.
Tu as échappé de peu à la catastrophe.
Une petite salle, illuminée par les simples flammes des quelques bougies restantes.
Votre sphère privée. Ni rien ni personne ne pouvait venir vous déranger.
Sauf cette fois-là.
La porte s’ouvrit brutalement. Rompant l'emprise que l'isolement avait sur la salle.
La rupture fut si violente, si brutale que tu hurlas de douleur.
Lui aussi.
Tu n'eu le temps de reprendre tes esprits. Ton corps s'était endormi.
Lourd comme une pierre, le parquet froid fut ton matelas ce soir-là.
Il était parti. Avec qui ? Pourquoi ? Comment ?

Rien.
Plus aucune nouvelle.
Vous aviez pour habitude de vous écrire, pour t’entraîner.
Aucune réponse. Aucun destinataire à l'adresse que tu écrivais.
On t'avait pris ton seul ami. La seule personne en qui tu avais confiance.
Elle n'était pas du genre à faire ami-ami avec les enfants du quartier.
Trop bruyant. Trop sournois. Trop de trop.
Il était différent. Trop différents peut-être.
Depuis ce jour, tu es devenu plus sauvage, renfermé sur toi-même.
Ta peau légèrement halé se mit alors à pâlir au file des années.
Les rares fois où tu t'aventurais dehors, porcelaine était ton affixe pour t'aborder.
Tu continuais à écrire. Chaque nuit, à la lueur de la lune.
Tes sentiments s’entremêlent sur le papier.

Puis vint le jour où tu fis sa rencontre.
Elle était là, devant toi.
Intimidante.
Cette machine à écrire.
Ta nouvelle arme. Ta nouvelle amie.
Fidèle. Tu te promis de ne jamais, au grand jamais, la quitter.
C'est avec elle que tu commenças à rédiger dans un premier temps, des lettres fictives.
Tu t'inventais des correspondances.
Passant par un hymne à l'amour aux grands drames familiaux.
Les débuts furent difficiles. Exigeants et précis.
Pas à pas, tes doigts craintifs commençaient à danser joyeusement sur le clavier.
Lettre par lettre. Chaque retour à la ligne était un grand moment.
Une histoire d'amour indescriptible était née.

Cette machine. Ces récits fictifs, tu les partageais avec tes parents.
Chaque soir, autour d'un bon feu de cheminer.
Ces soirées chaleureuses, tu ne les oublieras jamais.
C'est à l'occasion de l'un de ces rendez-vous que ton père te demanda d'écrire une lettre.
Vous y avez passé des heures et des heures.
Chacun de ses mots devait correspondre parfaitement au message qu'il voulait faire passer.
Cette lettre, il la montra à l'un de ses amis chargé de distribuer le courrier dans la capitale.
Cette lettre fut le tour de l'entreprise, jusqu'au grand parton.
Un homme renfrogné, mais bienveillant.
Tu fus d'abord assigné au tri du courrier.
Puis, un jour, tu fis cette première lettre.

Un vieil homme qui voulait écrire à sa cousine habitant dans le nord.
Il ne savait pas comment si prendre.
Tu n'étais pas si farouche à l'époque et c'est avec douceur et patience que tu accomplis ta première mission.
C'est ainsi que tu deviens l'une des écrivaines public au compte de l'entreprise.
Un joli bureau. Rien qu'à toi.
Puis ton pouvoir fit son petit effet.
Une salle privée où aucun jugement ne sera porté.
Rien qu'entre eux et toi.
Le secret professionnel est très important.

Voilà ton histoire. Rien d'extraordinaire. Une vie ordinaire d'une femme ordinaire.