KLUTZ ALDERAN

Ce fut au travers d'une petite porte dérobée à même le mur intérieur d'une blanchisserie que la scène prit place ; l'on pouvait y apercevoir deux hommes d'imposante constitution portant avec entrain un troisième notablement plus frêle. A mesure que ce dernier approchait, les traits de son visages n'en demeuraient pas moins floutées par les nombreuses enflures encore douloureusement fraîches. Titubant à moitié, il parvint non sans mal à atteindre la sortie avant de renouer une involontaire proximité avec le sol froid du plancher.

Sans prendre la peine de se remettre sur ses pied, une tâche qu'il estimait hors d'atteinte pour le moment, le jeune homme tâta de ses mains sa tunique jaune salement froissée. Il descendit alors sur son pantacourt mauve dans l'espoir d'y rencontrer une quelconque résistance matérielle... Que nenni, il était bel et bien sur les rotules.

Une fois n'étant pas coutume, il poussa un long soupir tandis qu'il ressassait non sans peine les événements passés.
Plusieurs heures auparavant, quand la nuit fut-ce encore jeune, une invitation des plus conventionnelles c'était immiscé parmi les affaires du jeune joueur. Klutz Alderan, un jeune sans nom qui rapidement fit parler de lui dans le bas monde pour ses victoires indécentes, fut convié à la table des joueurs à Blancs Manteaux. Au delà de leur vêtement signature, la réputation des Blancs Manteaux n'était plus à refaire, et leur appétit du gain au jeu en faisait une victime des plus attrayante pour notre cher dupeur invétéré. Une aubaine, et à bien y repenser, peut être même trop belle pour être vrai.

Klutz regretta sa stupidité dès l'instant où il joint la table.
Posé devant ses yeux se trouvait une pierre ovale luminescente aux reflets azur, et qui pour son plus grand effroi se mit à scintiller devant son passage. Une boule anti-magie, rendant ineffective son seul avantage face à la cohue de parieurs chevronnés lui faisant face. Son pouvoir, d'amour et de haine lui avait permis de s'extirper de bien des situations en provocant un dérèglement émotionnel chez bien des adversaires. Rage, frustration, joie, euphorie... rien ne saurait échapper sa poigne une fois pareille émotion suscitée, il en devenait alors enfantin de jouer son adversaire, l'induire en erreur et finalement le dépouiller.

Mais cette fois, la situation était tout autre. Leurs visages impassible ne laissaient trace à nulle interprétation, de leurs actions il ne parvint guère à trouver aucune amorce. Voir ses amas de richesse se délester inlassablement à vue d'oeil reste une expérience qui ne dépérira probablement jamais de sa mémoire. Klutz en venait à goûter son propre sang tant il se mordait l'intérieur de la joue d'humiliation.

Quand finalement, sa dernière pièce roula de leur côté, un élan de soulagement vint partager son tumulte de frustration. Un instant de répit qui ne dura malheureusement pas ; tandis le croupier s'affairait au calcul des gains, l'un des participants effectua un signe de main destiné à la foule environnante, duquel plusieurs figures lui nouèrent l'estomac à mesure qu'il approchèrent. Il reconnut immédiatement les têtes de ses anciens partenaires de jeux, membres de divers groupes peu recommandables mais aux poches bien fournies qu'il avait soulagé de leur métal. Son tour venait à point semble-t-il, et pour tout dire, il s'y résigna relativement vite.

Ce fut à ce moment que le croupier fit un signe 'non' de la tête, indiquant que le montant présent sur la table était insuffisant pour couvrir les "dommages" causés par ses pétulances.

Le reste de sa mémoire s’agença rapidement à son point d'origine, où un échange musclé de poing contre le restant de ses possessions fut de mise avant de prendre congé.  
Frappant du poing le sol, Klutz jura contre lui, sa naïve cupidité, avant de faire le serment de reprendre ce qui lui appartenait, comprenant des intérêts dignes de requins financiers.


Il est dit qu'il titubait encore lorsqu'il franchit la porte, le visage boursouflé et saignant alors qu'il s'approchait de la réceptionniste. Usant d'un langage minimaliste, elle lui remis, un peu à contre cœur, une médaille argentée comprenant ses informations.