Saskya Wynisen

L’enfance de Saskya n’a jamais été particulièrement heureuse. Sa naissance est un drame, autant que la courte période qu’elle aura passée aux mains de sa mère. Fille de joie, bien trop jeune, elle n’était qu’un objet entre les mains de biens des hommes. Son corps était devenu son gagne-pain. Un moyen de survie. Deux ans que ça fonctionnait comme ça … elle s’en sortait plutôt bien. Si elle était tombée sur quelques gaillards un peu trop brutaux à son goût, le reste de sa fidèle clientèle payait bien, tant qu’elle s’appliquait. Seulement voilà, il avait bien fallu que ça arrive un jour. Cette grossesse n’était évidemment pas désirée, l’enfant loin d’être souhaité. Elle avait bien essayé l’alcool. Puis quelques décoctions à base de plantes. Il n’y avait rien à faire. Ce bébé, il était resté accroché, comme s’il tenait à la vie plus que tout, comme si déjà, sans même le savoir, ou comprendre les choses, il avait l’envie d’exister. Maryna, c’était son prénom, du moins celui qu’elle donnait, donna naissance à sa fille seule. Durant ces heures de souffrances, elle pria autant qu’elle le pouvait pour que cet être finisse par mourir d’épuisement. Son souhait ne se réalisa pas. Au contraire, l’enfant, sa fille, se portait à merveille. On pourrait maintenant se mettre à penser que lorsque Maryna croisa le regard ambré de son enfant, elle en tomba amoureuse et se décida à l’élever … ça n’arriva jamais. Elle se mit au contraire à haïr la chair de sa chair, et si elle ne put jamais se résoudre à mettre fin aux jours de cette petite, elle l’abandonna à la porte d’un orphelinat au beau milieu de la nuit, dans le froid glacial d'une nuit sans lune.

C’est donc au milieu d’enfants partageant son sort que Saskya grandit. Privée d’amour. De parents. Privée d’un véritable foyer, elle ne s’en porta pourtant pas si mal. Forte et souriante, elle était bien loin du portrait de sa génitrice. Un soleil, certains disaient que son sourire réchauffait les cœurs les plus froids. La petite fille semblait aimer son prochain, elle ne semblait pas réellement s’accrocher aux autres, mais son sens naturel de la justice la poussait à prendre part aux quelques altercations entre enfants pour imposer une sorte de paix, et surtout, pour se dresser entre oppresseurs et oppressés. C’est sans doute pour cette raison qu’elle finit tout de même par s’attacher à ce petit garçon. Aldrick, c’était son nom, avait réussi à gagner l’affection de Saskya … peu importe la raison, c’était comme ça. Elle n’était jamais bien loin de ce gamin. Jamais. Peut-être qu’au fond, il représentait ce dont elle avait toujours manqué.

Toujours est-il qu’une fois de plus, le drame vint frapper sa vie. Et un beau jour, tout à coup, soudainement, un peu comme la foudre frappe la terre … Aldrick disparu.

Des questions, elle en posa par centaine, et puisqu’on refusait de lui répondre, elle se mit à se montrer violente, à défier l’autorité des adultes. Elle prit des coups. Elle n’oubliera jamais la volée de coups qu’elle supporta, les dents serrées pour cette bille de verre qu’elle tenait tant à récupérer. Une bille qu’elle ne lâcha jamais. Une raclée mémorable oui, à l’issue à laquelle on lui annonça de but en blanc que … « Aldrick est mort, petite idiote. »

Vous l’aurez compris. Après ça … Saskya ne fut plus jamais la même.

Son désir de vérité ne pouvant être assouvi pour le moment, elle se mit à penser qu’il fallait qu’elle devienne plus forte. Aussi. A la première occasion, la jeune femme s’engagea dans la garde. Elle endura les entraînements. Les formations. Elle s’imposa même des apprentissages supplémentaires sous la tutelle d’un maître aussi bon que sévère. Aujourd’hui … elle estime avoir atteint un niveau acceptable. Un peu moins de vingt ans ont passés, mais Saskya n’a rien oublié. Au contraire.