Son épée se mit à flotter, esquissant quelques frappes dans le vide. Luna se tenait derrière, sans esquisser le moindre geste. Elle se retourna en entendant des pas, Marc-Antoine fin prêt à faire ses preuves.
« Eh bien frangin, j'espère que tu feras mieux que tes exploits à la garde ! Percy était très déçu, tu sais ? »
Un sourire moqueur prit place sur ses lèvres, car l'arrogance était l'un des grands défauts de Luna. Son petit frère manquait d'imagination. Sauf quand il s'agissait d'essayer de tuer Percy. Même si aucun de ses plans ne pourraient jamais réussir. Elle se mit dans une position de combat, bien qu'elle ne tenait aucune épée. Son épée se posa entre elle et M-A, prête à échanger des coups.
« En garde. »
« S’entraîner, c’est chiant. »
Si ça ne tenait qu’à lui, Marc-Antoine passerait ses journées à flâner en ville ou en forêt. Le jeune homme, bien que désireux de devenir le plus grand chevalier de l’histoire, n’était pas de ceux qui avaient en leur sang le sens de l’effort. Pendant longtemps et comme pour se rassurer de sa nullité, il pensait que sa faible adresse épée en main avait pour secret son absence de pouvoir. Ayant éveillé ses talents il y a peu, il comprit que cela n’avait rien à voir. Pour cause, ladite compétence ne lui offrait en rien un meilleur contrôle de son arme ou une plus grande dextérité. Non non ; Marc-Antoine devait se rendre à l’évidence, il était juste mauvais.
Vraiment très mauvais.
Loin de se décourager pour autant, le cadet des de l’Épée accepta les remontrances de son aîné. S’il ne portait pas « ce clochard » dans son cœur – c’est le moins qu’on puisse dire –, il devait reconnaître que Perceval n’avait pas tort. A quinze ans, Marc-Antoine était de loin le plus mauvais de l’Épée de ce siècle. Pour remédier à ce problème de taille, Perceval fit comprendre à son « disciple » qu’il lui fallait s’entraîner tous les jours – chose qui aurait pu paraître évidente pour beaucoup mais qui sonnait comme une découverte aux oreilles de Marc-Antoine. Si ce dernier rechignait à l’idée de se bouger le postérieur, il consentit à faire un effort et demanda alors à la plus jeune de ses sœurs – qui restait néanmoins plus âgée que lui – de l’aider dans sa quête de puissance.
Et c’est ainsi que les deux jeunes gens se retrouvèrent le lendemain matin sur ce qui fit office de terrain d’entraînement. Tout comme son jumeau, Luna était doté d’un humour pour le moins douteux. L’espiègle demoiselle tenta d’agacer Marc-Antoine qui restait stoïque. Les provocations ne marchaient pas sur le grand blond qui vit ses démons le rattraper. En effet, l’entraînement venait à peine de commencer qu’il souhaitait déjà en finir afin de : « se tirer loin d’ici afin d’aller séduire de la donzelle » comme il disait se bien. Les bonnes résolutions ne tiennent jamais bien longtemps.
▬ Oui oui, c’est ça. Allez, avance. Qu’on en finisse.
Plus vite Marc-Antoine en aurait fini, plus vite il pourrait quitter les lieux. Luna allait pouvoir témoigner auprès de Perceval : Il s’était entraîné aujourd’hui !
« ... Je dois dire, je pensais que Perceval avait exagéré... EH ! Tu m'appelles quand tu voudras te battre pour de vrai ! »
Elle l'observa distraitement tenter de contrer ses coups sans grand succès. Non mais c'était improbable. Il était pire que dans son souvenir. Elle ne comptait plus le nombre de bleus qu'il allait se ramasser à la fin. Au bout d'une heure de torture, elle fit un signe et son épée retomba au sol. C'était intolérable. Même pour elle.
« Bon, ça suffit. Tu es vraiment trop mauvais, on va faire ça autrement. Le problème frangin, c'est que tu ne regardes pas où tu mets les pieds. Et ça vient de moi, la seule personne de la famille qui se bat A DISTANCE. Elle se pinça l'arrête du nez. On va faire des exercices de précision, ça t'aidera peut être. Je vais placer différent objets au sol, et je veux que tu les écrases en sautant. Pendant que tu es dessus, méfie toi de ce qu'il y a tout autour de toi, je ferais bouger des choses pour t'attaquer. Pas le droit de contrer, contente toi d'esquiver. Baisse-toi, penche-toi, fais ce qu'il faut mais ESQUIVE sinon je te garantis des bleus. »
Peut être qu'une situation réelle lui permettrait de comprendre qu'il ne devait pas uniquement regarder devant lui, et que ça le forcerait à regarder où il mettait les pieds. Peut être. Tout en disposant des petits objets ici et là, elle soupira. Il n'allait pas réussir, pas vrai ? Sa foi en M-A diminuait de minute en minute.
Marc-Antoine n’y arrivait pas. Sa sœur avait beau ne pas combattre sérieusement, le cadet des de l’Épée était incapable de contrer efficacement. Les attaques répétées de Luna mettaient à mal l’écuyer qui ne trouvait pas de faille. Sa lenteur et son manque d’adresse le rendaient inapte au combat.
Pour la énième fois de la journée, Marc-Antoine tomba fesses les premières et se releva, non sans une certaine nonchalance. Le bougre en avait sa claque. Il voyait en Luna une mini Perceval : « Sois plus fort » ; « T’es trop mauvais » ; « Fais ci, fais ça sinon … » ; « Regarde cet exercice génial, il va t’aider ». S’il est vrai que cela partait d’une bonne intention et que le ton employé était cordial, cette propension qu’avait Luna – et accessoirement ses autres frères et sœurs – à tout savoir et à agir comme s’ils détenaient en permanence la solution miracle à tous les maux de ce monde exaspérait Marc-Antoine. Pire encore, elle piquait au vif sa fierté démesurée et alimentait sa haine. L’interne voulait une pause. Il estimait l’avoir méritée et n’avait pas envie de se plier aux exigences farfelues de sa sœur. Cet exercice, il ne le ferait pas. Pour cause ce : « Esquive mais ne contre-attaque pas » sonnait aux oreilles de Marc-Antoine comme un « donne la patte, obéis. »
Qu’elle aille au diable elle et ses exercices songea-t-il.
▬ Dis comme ça, ça ne peut qu'être une bonne méthode rétorqua-t-il avec sérénité alors qu'il enrageait intérieurement.
Alors que Luna mettait en place l’exercice, Marc-Antoine jugea bon de décamper. Si sa lenteur arme en main était sans pareille, sa capacité à détaler comme un lapin était elle aussi impressionnante. L’espace d’un instant, il avait songé à frapper Luna en traitre pour gagner du temps ou à lui lancer du sable dans les yeux – toujours dans le même objectif – mais s’était finalement ravisé par peur d’être contré ou encore d’enrager son aînée.
Marc-Antoine était mauvais au combat. Néanmoins il était doué pour fuir. Cette « technique », il l’avait pratiqué des années durant.
« EH MARC-ANTOINE ! Youhouuu ARCHIBALD ! OUI, LA DERRIERE ! ATTENTION AU COUP ! »
Son épée voletait un peu en amont d'elle, prête à frapper Marc-Antoine. Le voilà son entraînement de génie. Serait-il capable d'esquiver ou de parer la chose en continuant sa fuite ? Visiblement oui. Son esquive arriva à point nommé, alors que la populace autour d'eux les observait d'un air ahuri. Luna sauta, son épée venant au dessous d'elle. Elle y prit appuie maladroitement, titubant alors que la chose avançait.
« Wohoho, c'est beaucoup plus dur que ce que je pensais ! Eh t'as vu M-A ? Je vole ! »
La partie ne dura pas longtemps, cela dit. Un mouvement de trop envoya la jeune femme basculer en l'air, alors que son épée filait droit pour embrocher M-A. La chose se planta fort heureusement dans le vêtement de son cadet, l'accrochant à un tonneau de bois. Elle se redressa en marmonnant quelques mots, alors que le marchand à côté d'eux n'avait pas de mots pour qualifier la scène.
« Aie, aie aie... J'ai découvert un sacré truc. Je ne savais même pas que je pouvais faire ça. Il faudrait un truc plus grand... Elle avisa son petit frère qui était collé au tonneau. Bon euh, c'est pas exactement comme ça que c'était sensé se passer, mais ça fera l'affaire. »