Valeera von Cordelia

Orpheline, la vie n'a pas été tendre avec toi. T'as grandi dans les rues de la capitale à devoir te battre pour survivre, notamment avec des marchands lorsque tu désespérais pour trouver quelque chose à manger. Finalement, une vieille femme t'a offert de la suivre et t'as accepté, malgré ta méfiance naturelle. Le froid approchait et t'étais pas certaine d'y survivre. Elle s'est montrée aimante, douce et agréable avec toi, à l'image que tu te faisais d'une mère. Elle t'a appris nombreuses choses, notamment à cuisiner et tu te disais que, finalement, la vie était pas si mal. T'étais bien dans ce foyer chaleureux. Et ce, jusqu'au jour où la vieillesse eut raison d'elle et que tu te retrouves à nouveau seule dans ce monde trop grand pour toi. Ce monde injuste qui t'écoeurait, parce qu'il venait de t'arracher la seule personne qui avait su être présente pour toi, la seule qui t'avait tendu la main alors que tous t'avaient repoussé comme le chat errant que t'étais à l'époque. Faute d'options et après avoir longtemps entendu ta mère adoptive te parler de la garde, exprimant Ô combien elle serait fière de savoir que tu pouvais aider le royaume, tu as décidé de rejoindre l'Académie militaire.

T'as été acceptée et il fut évident que tu savais te démarquer. Physiquement, la vie t'avait éprouvé et tu semblais être en mesure de te montrer plus rapide et plus forte que tes pairs. T'étais aussi quelqu'un d'intelligent, bien qu'assez cynique pour une jeune fille de ton âge. Terriblement réaliste, t'avais parfois des raisonnement pouvant surprendre les plus vieux. T'étais tout aussi indépendante, ayant appris à compter que sur toi-même. Du moins, c'était ce que tu croyais, jusqu'à ce qu'elle rentre dans ta vie. Estelle. Tu l'as rencontré au sein de l'Académie militaire et, pour toi, elle était devenue tout. Toi qui étais si seule dans un monde qui ne voulait pas de toi, t'avais trouvé celle qui illuminait tes journées, celle qui avait attrapé ta main, t'amenant à te dire que jamais tu voulais la lâcher.

Jusqu'au jour où ce fut trop pour toi. Naturellement rebelle et incapable de te plier aux ordres et consignes plus longtemps, alors que tu venais tout juste de commencer ton service officiel aux côtés d'Estelle, tu as été virée. Tu te souviens avoir pleurer, pas tant parce que tu quittais la garde (c'était qu'un détail quelconque à ce moment-là de ta vie) mais bien parce que tu te refusais de partir sans la blonde. Tu lui as demandé de te suivre. Tu l'as supplié, même, désespérée à l'idée de partir sans elle. Tu voulais pas. Tu voulais pas revenir à cette solitude qui hantait ton quotidien, ce silence qui berçait tes nuits. Tu voulais pas être loin d'elle. Et t'as cru qu'elle allait te suivre. Son regard te donnait l'impression qu'elle ne te laisserait pas partir sans elle. Puis sa réponse est tombée.

Elle ne quitterait pas la garde.

Depuis, tu vis seule. T'as plus envie de faire confiance aux autres. Les autres t'écoeurent, même. À chaque tête blonde que tu croises, t'as l'impression de voir Estelle. Celle qui t'a abandonné. Celle qui t'a laissé seule alors que c'était sûrement ce que tu craignais le plus. Celle qui t'a brisé le coeur sans même le savoir. Tu t'es enfoncée, aussi. Passant de petits boulots en petits boulots, t'as été attirée malgré toi dans des affaires pas très nettes, passant de garde à criminelle. Capuche rabattue sur ta tête pour cachée tes oreilles et queue enroulée autour de ta jambe, sous tes vêtements, t'as commencé par des vols suivi par des règlements de compte pour finalement exécuter un contrat d'assassinat. C'est là que t'as trouvé ta voie, tu penses. Le plaisir de la chasse. L'exaltation d'entendre le coeur affolé de ta future victime s'emporter. Le frisson qui descendait le long de ton échine alors que t'avais ce sentiment de pouvoir sur autrui. Puis t'en as pris d'autres. C'était devenu un jeu, au final, pour toi. Un jeu où tu te devais d'être subtile, discrète. Un jeu où tu te devais de faire attention.

Ou presque.
Parce qu'en vérité, t'espérais presque qu'on te reconnaisse. Qu'elle te reconnaisse. Parce que tu laissais des indices, ici et là, destinés à une seule personne : Estelle. Peut-être parce que t'espérais encore qu'elle pose son regard pour toi. Au final, c'était sûrement tout ce que tu voulais, son attention.