La réponse ne fut pas longue à trouver. Ils ne se connaissaient certes que très peu, après tout ils ne s’étaient qu’à une seule et unique occasion. Mais vu son incapacité sociale, il était pour l’instant la personne dont qu'elle appréciait le plus dans ce bas monde, aussi triste que cela puisse paraître. De plus, elle pourrait honorer sa promesse de la dernière fois ainsi que rassasier la curiosité qu’avait fait naître le jeune homme dans son esprit. Elle pourrait ainsi voir de ses propres yeux ce lieu et peut-être même y trouver plus d’une chose intéressante. C’est donc sans tarder qu’elle avait envoyé Alphonse déposer une lettre à l’attention du propriétaire des lieux.
« Mon cher ami,
Suite à notre dernière rencontre et à ma nouvelle promotion, je me suis dis que votre hippodrome serait le lieu parfait pour fêter tout cela dignement. Je me rendrais donc à votre domaine le 18 ème jour de la seconde lune. J’espère que vous nous ferez le plaisir de votre présence.
Bien à vous.
Queen Milan
Trésorière Royale
Conseillère personnelle de la première ministre »
C’est donc comme promis, que la jeune femme se présenta le jour indiqué aux portes de ce lieu d’amusement qu’elle ne connaissait que trop peu, Alphonse sur ses talons.
- Mon cher Alphonse, je sens que nous allons passer un agréable moment, tu ne crois pas ? Dit-elle tout en souriant avant de tapoter la bourse bien remplit qui se cachait dans l’un des pans de sa cape noire.
- Si, Mademoiselle. lui répondit-il simplement tout en observant les alentours l'air à la fois impressionné et peu serein.
"_ J'espère que Monsieur aura apprécié sa nuit.
_ Oui, merci Rahan, Commença-t-il à répondre la voix encore ensommeillée, que me vaut le plaisir ? Je faisais encore peur aux employés ?
_ Fort heureusement non. Nous avons reçu une lettre en provenance de la famille Milan, si j'en crois le cachet. J'ai cru bon de vous la délivrer en main propre.
_ Ah ? Et où est cette fameuse lettre ?
_ Sur votre bureau nocturne, monsieur."
Keith qui remit ses yeux en face des trous, compris qu'il était dans son bureau. Ouais. Le parquet aidait déjà à s'en rendre compte en fait. Maintenant qu'il y pensait. Il alla à son bureau et ne vit aucun papier, malgré les piles qu'il déplaçait.
"_ Je ne vois rien Rahan, où est-elle ?
_ Monsieur... Je parlais de votre autre office."
Précisa le vieil homme en pointant le fauteuil, d'un sourire malicieux. Keith s'en approcha, méfiant, et soupira en voyant la lettre dont il se saisit.
"_ Très spirituel, mon ami.
_ Je vous en remercie. Et j'aimerais ajouter quelque chose.
_ Je vous en prie, vous avez mon attention. Répliqua Keith alors qu'il ouvrait l'enveloppe
_ Pouvez-vous songer à installer un lit dans cette pièce ? Vous vous y endormez tellement souvent, que ce serait plus confortable pour vous à l'avenir. Qu'en dites-vous ?
_ Une couche dans mon bureau ? Cela manquerait de professionnalisme lors des rendez-vous d'affaires, ne trouvez-vous pas ?
_ Certes, Monsieur. Mais je suis ravi d'avoir abordé le sujet avec vous."
Comme Keith commençait à lire la lettre, Rahan s'éclipsa. Le jeune homme avait lu la lettre plusieurs fois avant de bien comprendre. Cette nuit-là...
"AH !"
Queen Milan ! Oui, cette charmante demoiselle rencontrée lors d'un bal de la haute. Il l'avait invitée à le retrouver à l'hippodrome un jour. Et apparemment, elle avait déjà convenue de la date. Keith regarda son agenda - et par là il fallait comprendre qu'il le fit apparaître depuis sa mémoire, pour vérifier les dates. Bon, juste quelques rendez-vous à déplacer, rien de bien méchant. Aucun gros partenaire. Keith alla à la porte de son bureau et vit Rahan au loin. Il essaya de hurler mais sa voix matinale ne voulait pas. Il se contenta de faire signe à une domestique d'aller chercher son fidèle intendant.
Le jour venu, Keith était bien réveillé, bien habillé et bien coiffé. Sa voix ne s'étouffait plus dans sa gorge et ses yeux voyaient clair ! Bref, il était fin prêt. Il avait fait préparer quelques banderoles pour embellir ce jour, qui portaient l'inscription :
Quitte à avoir une amie au gouvernement, autant se faire bien voir et en profiter pour accroître leurs notoriétés respectives. Cela aurait mal avisé de ne pas profiter de cette rencontre à des fins non-professionnelles. À l'arrivée de la jeune femme, un homme d'âge mur, un certain Rahan l'accueillit de bon cœur. Troquant sa jovialité pour une attitude plus digne et docile, il suivi les consignes de Keith, qui lui avait mentionné l'aversion du bas peuple de la Dame. Mais comme il arrivait à supporter Mysora, Queen devrait être d'une nature plus sympathique. Du moins en public.
"Bienvenue Madame Milan ! Monsieur Veriano m'envoie vous conduire à sa loge, dont vous pourriez profiter à vos aises de toutes les courses. Je vous prie de bien vouloir me suivre."
Le majordome de Keith se présenta alors à elle et la jeune femme l’accueillit avec un imperceptible haussement de sourcils. Alors comme ça, le jeune héritier n’était pas venu se présenter en personne ? Quel dommage. Cependant, la jeune promue était de bien trop bonne humeur pour en faire la remarque – même à un prolétaire -. Elle se contenta donc de hocher délicatement la tête avant de relever le nez vers la banderole où était inscrit son nom. Néanmoins elle s’obligea à en décrocher son regard afin d’emboîter le pas à son guide de pauvre lignée. D’un geste discret elle indiqua également à Alphonse de la suivre et il obtempéra sans rechigner.
Impatiente, à la manière d’un enfant, elle laissait ses iris courir partout sans jamais perdre son guide de vue pour autant. Parfois même elle lui imposait un arrêt afin de pouvoir observer à son aise une quelconque chose qui avait attiré son attention. Malheureusement, pour l’instant elle ne voyait pas grand-chose. Diantre qu’il devait être difficile d’être pauvre dans un tel monde. Du moins, elle le supposait et n’avait aucunement envie de le savoir. Finalement après avoir fait arrêter son cortège miniature une petite dizaine de fois, ne serait-ce que pour s'amuser du majordome, elle se laissa enfin entraîner jusqu’à la fameuse loge.
Une dernière fois elle passa une main dans sa chevelure qui avait cette fois été laissée au naturel. En vérité elle n’avait absolument pas prévu le petit accueil que Keith lui avait réservé. Intérieurement elle se félicita de toujours être sur son trente et un. Puis ses doigts agiles défirent le lien qui retenait sa cape sur ses épaules, elle l’a glissa ensuite sur son avant bras en attendant de pouvoir entrer et qu’on l’en débarrasse. Contrairement à leur dernière rencontre, elle n’était pas vêtue d’une robe grandiose mais d’un pantalon noir qui révélait le galbe parfait de ses jambes, ainsi que d'une chemise rouge surmontée d’un corset de cuir tout aussi sombre que le reste de sa tenue, une paire de cuissarde était venu agrémenter le tout. En somme, même sa tenue prouvait qu’elle ne s’était pas attendu à tout cela. Peu importait, elle savait que cela lui saillait tout aussi bien que n’importe qu’elle robe.
Queen attendit ensuite que le vieil homme daigne les annoncer.
Une carrière de pierre, avec les récents événements, c'est trop tôt. La ferme qui m'intéresse est encore chez les aventuriers. Peut-être vais-je juste stocker le bois pour prévoir mes futurs travaux et accélérer leurs constructions ? Mais stocker des matériaux sans les utiliser serait un énorme gâchis de moyen, il faudra trouver l'endroit pour les entreposer, les surveiller, la logistique... Et si ce bois servait plutôt à monter ma filiale de transport de biens et de personnes ?
Encore une fois, il se perdait dans ses pensées, et il fallut toquer deux fois à sa porte pour le tirer de toutes ses questions qui fourmillaient dans l'esprit du jeune homme, comme autant de vers dans un charnier. Oui, la frustration de la carrière le rendait amer sur ses métaphores personnelles. Quoi qu'il en soit, Rahan ouvrit la porte, annonçant son invitée ainsi qu'un suivant. Keith referma ses documents qu'il rangea dans un tiroir avant d'aller saluer les nouveaux arrivants. S'arrêtant à quelques pas, il prit la parole avec une jovialité plus grande que dans ses pensées.
"Queen, ma chère ! Quel plaisir de vous revoir ! J'espère que vous avez apprécié l'accueil en mon domaine. J'ai pensé que cela vous ferait plaisir. Rahan, je vous remercie de vos services, vous pouvez retourner à vos autres occupations." Ce dernier s'exécuta, et se retira avec politesse et professionnalisme. Keith porta son attention sur l'homme aux côtés de Queen. "Je constate que vous êtes venus avec un autre invité, me voilà ravi de faire découvrir mon hippodrome à une nouvelle personne. Keith Veriano, à qui ai-je l'honneur ?"
Souriant, énergique et courtois, Keith gardait sa joie visible de tous. Ses vêtements du jour tenaient en un kimono blanc avec une large ceinture grise, et des bottes noires. Un ruban gris maintenait ses cheveux en place. Une fois qu'il eut une réponse de son invitée d'honneur, il reprit la parole en l'invitant près de la fenêtre d'un signe de la main, présentant ainsi une vue qui dominait toute la piste de course et les gradins.
"Ceci est donc ma première oeuvre. J'espère que cela vous plaira."
L'avantage c'est que le jeune Veriano n'avait pas perdu ni sa chaleur, ni son habituel sourire. En même temps leur dernière rencontre ne remontait pas à si loin mais si il y avait bien une chose que la blonde savait c'est qu'il suffisait de moins d'une heure pour passer d'amis à ennemis. Retrouver une connaissance telle qu'on l'avait laissé était toujours une bonne surprise. Du moins lorsqu'il s'agissait d'une connaissance que l'on supportait. La jeune femme l'accueillit donc avec un sourire sincère et ne l'interrompit pas lorsqu'il parla. Jetant un regard amusé à Alphonse lorsque le brun le désigna comme un invité.
- C'est un plaisir partagé Keith ! Vous vous en doutez bien ! Elle eut un petit rire avant de poursuivre. - Je ne m'attendais pas à un tel accueil et j'en suis plus que ravie ! Une très bonne idée que vous avez eut là et surtout une bonne surprise. Elle recula ensuite d'un pas afin de se retrouver à la hauteur de son propre majordome qui, lui, avait gardé le silence depuis son arrivée mais dont l'allure fière n'était pas entachée pour autant. Tapotant l'épaule de ce dernier, elle le présenta. - Alphonse n'est pas mon invité cher ami, il est mon majordome. Je n'ai pas beaucoup de domestique mais je l'ai lui et croyez le ou non mais il se suffit à lui même. Riant, elle lui indiqua qu'il avait quartier libre jusqu'à nouvel ordre. D'un pas traînant et plutôt maussade, il daigna quitter la pièce non sans avoir lancé à Keith un regard des plus suspicieux. - Il est un peu bougon parfois, ne faites pas attention. Ne put-elle s'empêcher d'ajouter tout en observant la silhouette qui venait de dépasser la porte par laquelle ils étaient entrés.
Quand enfin ils furent seul, elle le rejoint près de la fenêtre comme il le lui avait demandé. Pour toute réaction elle écarquilla les yeux et resta muette. Avançant la main, elle l'a déposa contre la vitre qui les empêchaient de plonger tout deux plusieurs mètres plus bas. Jusqu'à lors elle n'avait jamais pu contempler un pareil spectacle. D'ici les gens lui paraissaient tellement loin, même les chevaux lui faisait penser à des jouets pour enfant. Ils avaient également une vue imprenable sur le champs de course et même sans avoir jamais assisté à quelconques courses de sa vie, elle supposa qu'une place comme celle là valait beaucoup plus d'or que ce que la moitié d'Aryon ne pouvait s'offrir. Cela là ravie d'avantage. Se tournant vers le jeune homme, elle prit la parole dans un sourire.
- Je ne me suis pas trompée en pensant que vous aviez bon goût. Vous ne me mentiez pas au sujet de ce domaine ! C'est une pure merveille !
Keith exécuta un signe de tête poli envers le majordome des Milan, et lui proposa de profiter des courses en attendant. Un réflexe commercial, sans aucun doute. Une personne de plus s'amusant dans son hippodrome était une raison de plus pour sourire, selon l'entrepreneur. Alphonse quitta la pièce, et les mots de Queen, proche de la fenêtre, firent honneur au jeune homme.
"C'est l'oeuvre de toute ma jeunesse. Cet hippodrome financera mes futures entreprises, et assurera mes projets. Je suis heureux que cela vous plaise déjà autant, mais attendez donc le début des courses pour vous réjouir davantage."
Au travers de la fenêtre, chaque individu présent lui apparaissait comme une victoire. Une personne de plus conquise par les courses hippiques et le divertissement populaire. Un endroit festif et chaleureux. Et surtout, c'était d'autant plus d'argent pour lui que pour l'hippodrome royal. Il devait garder l'endroit sûr et compétitif. Il n'aurait jamais la fortune pour concurrencer un établissement portant le blason royal, mais celui de sa compagnie commençait à se faire une belle place. Puis, sous l'attention du propriétaire des lieux, des chevaux et concurrents prirent place sur la ligne de départ.
"Vous avez encore le temps de parier sur l'un des six chevaux, Queen. Êtes-vous tentée d'y prendre part ?"
Et avec un sourire qui ne semblait pas le quitter, il refit démonstration de son pouvoir et montra une liste de noms qui semblait désigner les 6 chevaux. Étoile polaire, Jolie Menthe, Nectar de vent, Sucre d'Or, Victoire, Impulsion. Une représentation visuelle de chaque cheval accompagna les noms, Keith ayant pris soin d'observer chacun d'entre eux.
"J'appellerais un employé pour qu'il s'occupe personnellement de vos paris du jour. Voir une course est une chose, mais y participer est tout de suite plus grisant."
Ponctuant sa phrase, il ouvrit la fenêtre, laissant le vent et les murmures des tribunes les atteindre. La foule se galvanisait du départ imminent, et Keith lui-meme montra son intérêt pour la course à suivre. Même si son attention était partagée entre la piste, la foule et sa loge. Toutes retenaient son intérêt. Mais c'est à la personne dans son carré VIP qu'il s'adressa.
"Si vous voulez participer, décidez-vous vite, la départ est dans moins d'une minute, Queen !"
- D’après ce que je vois, vos affaires vont bon train, je pense que cela ne devrait pas poser problème. J’espère que vous réussirez ! Lui dit-elle sans lâcher la foule du regard.
Ensuite, il lui proposa de parier. La jeune femme resta silencieuse un moment. Ce n’était pas dans ses habitudes de jouer à des jeux d’argent. En vérité elle n’y avait joué qu’une ou deux fois et n’avait pas trouvé cela galvanisant comme d’autres pouvaient le suggérer. Tout ceci n’était qu’une simple arnaque. Même lorsque vous gagniez une mise considérable, en calculant bien, cela ne remboursait même pas la totalité dépensée pour obtenir cette même mise. Ou alors dans de très rare cas. Mais ce mécanisme était plutôt bien conçue. De petites dépenses par ci par là, ne donnaient jamais l’impression au joueur de dépenser beaucoup. Cependant si l’on faisait des calculs sur un long terme… Sa réflexion fut interrompu par la manifestation du pouvoir du jeune homme. Décidément elle ne s’y ferait jamais. Leurs noms défilèrent, puis leurs image.
- Quels noms saugrenus… Ne put-elle s’empêcher de murmurer sans savoir si Keith l’entendrait ou pas. Néanmoins l’un d’entre eux retint son attention. Ne connaissant rien aux courses et encore moins aux chevaux qu’elle tentait d’éviter dès qu’elle en avait l’occasion elle ne put se fier qu’à leurs noms et leur physique, aussi, le choix fut prévisible et diablement évident. Mais elle s’arrêta bien avant de signifier à Keith qu’elle pensait parier. N’était-elle pas elle même entrain de tomber dans ce travers qu’était le jeu et qu’elle méprisait tant ? Soupirant elle croisa les bras sur son poitrine tout en affichant un air songeur.
Y participer était plus grisant ? Qu’y avait-il de grisant à perdre son argent ? Une nouvelle fois elle soupira et se tourna vers le jeune homme qui la pressait déjà de participer. Finalement elle glissa la main dans sa poche en sortie sa bourse tout en velours noir et où le blason Milan trônait fièrement en broderie argenté.
- Bien, bien. Je déteste parier. Les jeux d’argent me débecte… Néanmoins en ce jour spécial et seulement parce que c’est là votre hippodrome, je vais faire un effort. Elle ouvrit sa bourse et fouina dedans du bout des doigts. - Bon commençons par une petite mise, nous verrons pour le reste ensuite. Deux cents cristaux conviendraient ? Elle lui lança un regard interrogateur. N’ayant jamais parier elle ne savait pas vraiment comment s’y prendre, ni quelles mises étaient autorisés ou non. - Pour ce qui est du cheval, ce sera Victoire. Un animal avec un tel nom ne peut décemment pas faire un palmarès lamentable.
La main qui était déjà dans la bourse se mit à trier calmement et elle en sortie la somme annoncée. Posant ensuite ses yeux sur le jeune homme qui lui tenait compagnie, attendant qu’il fasse le nécessaire pour prendre en compte son paris.
"J'espère que Victoire saura être à la hauteur de vos espérances, ma chère."
Bon. Il devait bien se reconnaître qu'il était un peu taquin sur ce coup. Victoire... Il avait appelé ce cheval lui-même. Avec un certain étonnement de la part de ses entraîneurs. "Mais monsieur Veriano, lui disait-on, ce cheval est plutôt faible et empoté, lui donner un tel nom... C'est ridicule !" Et Keith n'avait pas donné de raisons à ce choix, juste qu'il l'aimait bien. En réalité, il savait bien que son étalon n'était pas très doué, et c'est justement pour cela qu'un tel nom lui allait si bien. Les néophytes pourrait le choisir en espérant de lui des prouesses qui ne viendraient jamais et ainsi permettre à l'hippodrome de générer plus de bénéfices. Entre Victoire et Jolie Menthe, on sait tous sur quoi les gens veulent parier. Les mots avaient toujours été du côté de Keith, jusque dans le nom de ses bêtes.
Un crieur dans un mégaphone en bronze commentait la course pour les participants, ajoutant au spectacle et au bruit de la foule. Son souffle se retenait bien, il avait une excellente diction et était plutôt bel homme. De quoi vendre "la voix de l'hippodrome". C'était un petit employé, mais il faisait bien son travail. Un excellent chauffeur de salle.
"ET C'EST PARTI ! NECTAR DE VENT ET ÉTOILE POLAIRE PRENNENT LA TÊTE ! SUIVIS PAR JOLIE MENTHE ET IMPULSION ! VICTOIRE EST AU COUDE-À-COUDE AVEC SUCRE D'OR QUI FAIT UNE ÉCHAPPÉE ! SUCRE D'OR REMONTE LA PISTE, MAIS AU TOURNANT JOLIE MENTHE PREND L'ASCENDANT SUR NECTAR DE VENT ET ÉTOILE POLAIRE ! IMPULSION RALENTI DERRIÈRE MAIS GARDE LA CADENCE CONTRE VICTOIRE ! ET C'EST L'ARRIVÉE ! PREMIER JOLIE MENTHE ! SUIVI DE NECTAR DE VENT PUIS D'ÉTOILE POLAIRE ! VINT ENSUITE SUCRE D'OR ET IMPULSION ! ET ENFIN VICTOIRE !"
Une trompette retentit pour signaler la fin de la course, alors que la foule hurla de contentement ou de râle. Keith qui était à la fenêtre avec Queen, se tourna vers elle, l'air un peu contrit.
"Eh bien, quelle déconfiture. Vous m'en voyez navrée ma chère. Enfin, ce sont les risques des paris." S'en allant jusqu'à une armoire à côté de son bureau, il sorti deux coupes et une bouteille de vin. "Pour nous remettre de ces émotions, je vous propose un peu de vin. Il est plutôt léger, je vous rassure."
Keith les servi et revint vers elle avec les deux coupes. Il en tendit une à la jeune Demoiselle et trinqua avec elle. Après une simple gorgée, il observa la foule.
"Je suis plutôt satisfait de mes affaires, oui. Et quant aux noms des animaux, cela excite davantage la foule. Alors pourquoi les privez de cela ? Cela ne me coûte rien et cela leur fait plaisir, donc c'est du gagnant-gagnant."
Plus bas, une autre course se préparait. Les usagers de l'hippodrome partaient aux toilettes, cherchaient des bières ou autres boissons. Keith se dit soudainement qu'il devrait installer une viennoiserie dans l'enceinte. De quoi manger des sandwichs ou autre petits croissants pour se réchauffer tout en regardant la course. Son hippodrome se voulait familial aussi, les enfants devaient pouvoir avoir quelque chose à manger, et mêmes les adultes appréciaient les petites douceurs... Une idée à creuser.
Immédiatement et sans attendre un instant de plus elle fusilla Keith du regard, l’air totalement maussade. Elle le fixa un long moment. Lui connaissait un minimum les chevaux envoyés sur la course. Soit il avait omit de la prévenir, soit il l’avait volontairement regardé se planter. A aucun moment il ne lui effleura l’esprit qu’il ne puisse pas être au courant. Alors, comme bien souvent elle croisa les bras sur sa poitrine et lui emboîta le pas à contre cœur. Heureusement, leur petite entrevue précédemment avait dû permettre au jeune homme de comprendre quelques peu le caractère orageux et lunatique de la jeune femme puisqu’il lui tendit rapidement un verre qu’elle saisit sans attendre. Elle n’allait tout de même pas se faire prier. Par contre, au contraire de son hôte, elle le vida d’une traite sans se poser de question.
- Vous êtes entrain de me dire que le nom de vos chevaux n’est donc que poudre aux yeux ? Une nouvelle fois elle tourna vers lui son regard azur qui l’assassina sans détour. Se séparer deux quelques cristaux ne lui causait pas vraiment de tords, aucun pour être exact. C’était comme si un pauvre se délestait de 2 cristaux à ses yeux. Sommes toutes, ce n’était pas la mer à boire. Mais ce qu’elle détestait par dessus tout c’était de se faire duper. Et en l’occurrence c’est ce qui venait de se passer et de manière grandiose en plus.
Sans lui demander son avis elle attrapa la bouteille de vin et se resservit. Il lui faudrait au moins ça pour ne pas l’étrangler sur place, heureusement qu’il avait jusque là réussit à s’attirer la sympathie de la jeune femme. Auquel cas elle n’aurait pas perdu un instant de plus. Une fois que son verre fut de nouveau plein, elle se tint au côté du brun, observant l’extérieur. Son expression n’avait aucunement changée. Alors elle sera les mâchoire avec force, inspira un grand coup et s’obligea à dessiner un faux sourire sur son visage. - Vous êtes bien plus fourbe que je ne l’avais imaginé. Ne put-elle s’empêcher de lâchée avant de prendre une gorgée.
Queen se servi un verre, puis un deuxième. Silencieuse de part ses mots, criante de par ses gestes. Elle était contrariée, bafouée même, et elle se retenait d'exploser. La fois où il l'avait rencontré, ils étaient tous deux ivres en fin de soirée. Mais il avait eu le temps de se repasser quelques moments de la soirée en sa compagnie, dont sa soudaine crise. Le caractère versatile, il était prudent de ne pas trop la titiller, surtout qu'elle venait d'obtenir une haute place au gouvernement. Mais d'un autre côté, Keith l'imaginait mal lui faire du tort pour si peu. Il la voyait plus distinguée que cela. Du moins, c'était ce que lui murmurait son inconscient afin de justifier sa volonté de la taquiner. Mais son bon sens lui hurlait de se retenir.
Buvant à son aise le vin, il entendit l'annonceur hurlait que les gains pouvaient être retiré auprès "des bureaux de paris prévus à cet effet, au sein de l'hippodrome". Le timing de son employé fit allègrement sourire Keith qui essaya de rendre son sourire candide, plutôt que moqueur. Mais cela, qu'importe ce qu'il ferait, Queen allait sans doute l'interpréter à sa façon. Et c'est lorsqu'elle parla de fourberie que le jeune homme eut une pensée. Au revoir, Bon sens.
"Allons, ce sont les entraîneurs qui nomment les chevaux. Tous ne m'appartiennent pas d'ailleurs. Il existe d'autres écuries privées qui ont l'autorisation de concourir ici contre mes étalons. Le résultat ne dépend nullement de moi, et il est évident que je ne peux pas ordonner aux chevaux d'arriver dans un ordre précis. C'est ainsi, Queen."
Sachant qu'aucun employé n'allait venir les déranger dû à l'absence de gain de la Dame Milan, Keith fini son verre d'un coup et se rapprocha d'elle. Son regard pouvait paraître un peu froid, mais son sourire n'en était pas moins animé, dansant sur ses lèvres.
"Malgré cela, je me sens flatté que vous me croyez capable de telle supercherie."
Keith l'observa quelques longues secondes, avant de soupirer, de bonne humeur. Ses yeux se fermèrent, et lorsqu'ils se rouvrirent, ils paraissaient déjà plus doux. Il offrit sa main à Queen pour l'escorter de nouveau proche d'une autre fenêtre.
"Venez, je voudrais vous parler d'une de mes idées." La guidant ainsi vers le rebord, si elle le voulait bien, il reprit. "Mes activités actuelles sont florissantes, en tant qu'ex trésorière du Royaume, je suppose que vous pouvez aisément le deviner. Mais je souhaite diversifier ma Compagnie, profiter au peuple tout en accumulant davantage de bénéfices. Et j'aimerais avoir votre appui, ma chère. Pas en tant que Milan bien sûr, mais en tant que Queen."
Elle rêvait où il était entrain de lui faire la morale comme on le ferait à un enfant qui n’a pas eut le jouet qu’il voulait ? De coléreux son regard se fit hautain et elle se mit à toiser le brun sans s’en cacher. Au moins elle avait quelques nouvelles certitudes, d’autres personnes faisaient vivre ce lieux et ce genre de petites informations aussi évidentes soient-elles été toujours bonnes à savoir. Rapidement la parole laissa place au silence et la blonde se mit à siroter son verre alors que son vis-à-vis lui l’avala à son tour d’une traite. Elle le suivit simplement du regard sans broncher à son approche délaissant le liquide qu’elle était jusque là entrain de boire.
Être capable d’une telle supercherie ? La noblesse elle même était une supercherie. Tout n’était que traîtrise et faux semblant dans la haute sphère. Quoi qu’il en dise, Queen avait beaucoup de mal à croire qu’il faisait partie de cette poignée de noble bien sous tout rapport. Elle était d’ailleurs convaincu que même sa cousine n’était pas toute blanche si l’on prenait la peine d’y fourrer son nez, ce qu’il faudrait qu’elle fasse un jour afin d’écraser un peu plus cette ministre de pacotille. Mais le temps n’était pas vraiment à la réflexion puisqu’une main lui était tendu. Incrédule, elle l’observa un moment avant de poser la sienne par dessus et de se laisser entraîner en direction d’une autre fenêtre.
Cette fois, Queen lui prêta une oreille attentive. Même si elle ne connaissait que très peu le Veriano, il ne lui avait jamais parlé affaire ou du moins pas avec un ton aussi sérieux. Même son air revêche avait laissé place à une moue curieuse, qui fut ébranlée lorsqu’il la désigna comme ex trésorière. Si elle s’épuisait à maintenir ses deux postes ce n’était certainement pas pour qu’on la qualifie d’ex. Elle était toujours trésorière, un point c’est tout. Ce n’était pas pour autant qu’elle le coupa et lorsqu’il eut terminé elle ne pipa mot.
- Trésorière. Rectifia-t-elle enfin. C’était plus fort qu’elle. - Je suis toujours la trésorière du royaume. A mi temps peut-être mais je le suis toujours. Quand ils furent enfin à l’endroit qui convenait à Keith elle abandonna sa main et se tourna vers l’extérieur, observant les alentours. Elle s’était étonnée qu’à leur première rencontre ils ne parlent pas affaire. Peut-être aussi parce qu’ils n’étaient pas franchement en état de le faire et que la soirée ne s’y prêtait pas. Néanmoins ils avaient finit par y venir. Se creusant les méninges, la jeune femme se demanda de quelle façon elle pouvait bien contribuer à une entreprise comme celle là. Tout son petit manège avait l’air de bien tourner, le nom de Veriano courrait sur de plus en plus de bouche et il ne semblait pas avoir de problème financier. Cet homme avait au moins le mérite de toujours piquer sa curiosité. Après un certain temps elle daigna enfin ouvrir la bouche. - Quel genre d’appui ? Votre entreprise fonctionne bien. Que pourrais-je bien apporter que vous n’avez pas déjà ?
Son verre toujours dans la main elle y déposa ses lèvres avant de fermer les yeux dans l’espoir de faire taire son esprit qui s’acharnait à trouver une réponse qui ne pourrait sortir que de la bouche du jeune homme. Comme si cela allait lui permettre de penser à autre chose elle revint sur la course et ce qu’il lui avait dit un peu plus tôt.
- Les chevaux sont de bien trop stupides créature pour que l’on puisse leur ordonner quoi que ce soit. De toute façon ce sont des animaux grégaire qui fuit au premier bruissement de feuille. Je ne comprend pas l’engouement qu’ont tout ces gens pour cet animal. Elle soupira. - Bien revenons en à votre affaire. Dites moi tout. Son ton était beaucoup plus détendu mais il se voulait aussi pressant. La curiosité était un vilain défaut chez elle.
"Mes excuses, Queen. Je croyais à tort qu'avec la promotion, venait un changement de titre et de vocation. Je suis ravi d'apprendre qu'une personne de votre trempe est encore aux finances du pays. Et à vrai dire, c'est sur cela que je compte. Vous qui êtes au gouvernement, à un poste clef qui plus est, j'aurais besoin de votre concours pour mes affaires. Bien entendu ma chère, ce sera donnant-donnant. Et je crois avoir de quoi combler vos attentes et vous aider dans vos ambitions."
Keith attendit quelques minutes avant le départ de la course. Il ouvrit en grand la fenêtre qui donnait sur le public, et après quelques secondes où son sourire s'épanouissait sur son visage, le crieur le vit. Keith lui fit signe, et l'employé de Keith rugit dans son cor de bronze.
"MESDAMES ET MESSIEURS ! Une annonce en provenance de Monsieur VERIANO ! Que vous pouvez voir à la fenêtre sur votre GAUCHE ! Accompagné de MADAME QUEEN MILAN ! En l'honneur de la présence et de la promotion de Madame Milan, l'hippodrome multipliera les gains des courses par 4 jusqu'à la fin de la journée !"
Un vent de salutations, un cri unanime de contentement monta depuis les gens gradins, assaillant Queen et Keith. Celui-ci en rit même ! Toujours aussi joyeux et à l'aise dans ce qu'il faisait et prévoyait. Il salua la foule avec plaisir et invita Queen à faire de même. Une fois les cris calmés, principalement à cause des joueurs partis parier de nouveau, Veriano se retourna vers son invitée, en réajustant ses longs cheveux qui avaient flotté au vent.
"Je peux faire de la propagande comme personne, et on m'en redemanderai. Voilà ce que j'ai à offrir : une notoriété publique. Bien que vous n'aimiez pas le peuple, tant qu'il vous mange dans la main, c'est que votre ascension est toujours d'actualité. Je serai une plus-valus dans vos projets avec ma Compagnie, Queen." Il salua de nouveau la foule, s'appuyant sur le rebord de la fenêtre. "Et vous avez presque raison : que pouvez-vous m'apporter, à moi qui semble avoir une entreprise de qualité parmi Aryon ? Ce n'est pas tant la question du quoi, mais du quand. Votre aide accélérerait mes plans. J'ai beaucoup à développer encore, mais je suis limité par le nombre de projets dans lesquels je peux investir à la fois. Vos... Prérogatives au gouvernement et quelques cadeaux fiscaux pourraient changer la donne."
Keith la regarda, tout en écoutant distraitement son hippodrome au cœur battant. Le crieur annonçait la prochaine course et la fin des paris d'une minute à l'autre. La foule retint son souffle à peine une seconde avant de hurler le nom de son cheval fétiche. Keith perdrait à peine d'argent dans la manœuvre. Et puis, il voyait cela comme un investissement nécessaire pour gagner les faveurs du public et l'approbation de la Dame face à lui. Se redressant, un peu plus solennel, il prononça ses mots entre deux exclamations folles.
"Qu'en dites-vous, ma chère ?"
Les yeux de Queen se firent rapidement plus affûtés. Le jeune homme n’en était pas encore venu au cœur du sujet mais l’héritière n’était pas sotte, loin de là et elle savait que si un homme comme lui abordait un tel sujet ce n’était pas pour rien. Elle ne l’interrompit pas et ne prit même pas la parole lorsque la voix criarde retentit de nouveau. Son regard se fit cette fois interloqué alors que la foule scandait sa joie. A ce moment précis elle comprit qu’il l’avait bien cerné ou qu’il avait suffisamment tendu l’oreille pour entendre ce que tout un chacun savait : Queen n’était pas l’amie du peuple et surtout elle ne comptait pas le devenir. Primus lui rabâchait sans cesse que c’était une erreur, qu’au contraire le peuple était une force. Elle n’avait jamais rien voulu entendre et c’était encore d’actualité aujourd’hui. Son regard se tourna à nouveau vers le nuage de fourmis qu’ils surplombaient aisément et elle esquissa un vague mouvement de main avec un sourire forcé qui, fort heureusement, ne se remarquait pas de loin. Si ça n’avait tenu qu’à elle, elle aurait refermé la fenêtre sans plus de cérémonie.
Arriva ensuite ce qui devait arriver. Le brun n’était pas le premier à s’y essayer. Qui aurait pu lui en vouloir après tout ? Queen était l’archétype même de la corruption et du mensonge, ce n’était pas une chose difficile à deviner. Malheureusement pour lui elle tenait son travail en haute estime et s’appliquait à ce qu’il soit aussi parfait qu’elle. De plus elle était actuellement dans une position des plus délicates que cela soit à cause de Syn qui était presque continuellement dans ses pattes ou de sa cousine qui elle aussi s’évertuait à regarder par dessus son épaule, il lui serait extrêmement compliqué de falsifier quoi que ce soit. Prendre de tels risques afin de se faire aimer d’un peuple qu’elle méprisait et dont elle se fichait comme de sa première chaussette lui semblait absurde. Son regard passa de l’extérieur à Keith, puis elle soupira longuement avant de poser ses doigts sur ses lèvres tout en réfléchissant, les sourcils froncés. Elle finit par se détourner à la fois de lui et de la fenêtre, revenant vers le centre de la pièce.
- Malheureusement mon cher, vous vous adressez à la mauvaise personne. Toujours dos à lui, elle leva un doigt. - Premièrement vous avez du entendre les rumeurs qui courent à mon sujet, j’ai quelques ennuis dernièrement. Si personne ne connaît leur nature je puis vous assurer qu’il est dans mon intérêt de me tenir à carreaux auquel cas je ne pense pas vous être plus utile une fois au-delà de la frontière. Elle leva un deuxième doigt. - Deuxièmement, si vous y tenez je peux néanmoins optimiser vos comptes de façon à ce que vous touchiez le plus de bénéfices possible ou au contraire que vous dépensiez le moins possible. Peu importe ce que font vos employés je suis convaincu que je serais en capacité de trouver quelques coquilles. Je ne suis pas trésorière uniquement pour mes jolis yeux. Un troisième doigt. - A l’heure actuelle je ne peux rien vous proposer de plus que de vous prévenir avant annonce de toutes les démarches fiscales du royaume. Je peux également vous aider à entrer dans les petits papiers de certains dirigeants ou plaider votre cause dans quelques démarches que ce soit pourvu que cela nécessite l’intervention de gouvernement et non de cette masse de pestiféré en dessous de nous que vous aimez qualifier de peuple. Elle referma le poing puis baissa le bras avant de se retourner et de lui faire face.
Si Queen était arrivée avec un air jovial, il était certain que maintenant son visage avait fais place à son masque de tout les jours. Celui qu’elle portait dès qu’elle devait discuter travail. Loin d’être agressif, il se voulait neutre au possible.
- Je sais que ce n’est pas ce que vous attendiez mais je n’ai pas mieux à vous offrir. Et encore, elle prenait la peine de le lui offrir, uniquement parce que jusque ici, il avait eut le mérite de lui faire bonne impression. Sinon elle n’aurait pas donné cher de sa peau.
Très vite, lorsqu'ils en revinrent à parler affaire, Keith comprit s'être mal exprimé sur un point, mais laissa tout de même la Milan terminer. Question de politesse. Mais il avait très vaguement entendu parler des ennuis de la Milan. Pour lui, ce n'était pas quelque chose que l'on pouvait ignorer librement, mais cela ne privait pas non plus les opportunités. Keith continua d'écouter avec son sourire ancré sur son visage, à tel point qu'on l'aurait cru sculpté dessus. Une fois fait, il se rapprocha, léger comme une plume et s'arrêta à côté d'elle. Le comportement de la Dame laissa penser au jeune homme qu'elle était un peu mal à l'aise de la situation, du moins, son sourire s'était évanoui.
"Mais ma chère, c'est amplement suffisant. La Capitale ne s'est pas faite en un jour ! Queen, mon amie, ne serait-ce que d'être informé des lois fiscales à venir avant les autres est un important privilège en affaire. Rien qu'en cela, votre aide est inestimable." Il fit une petite pause, observant les réactions de la trésorière. "De plus, si vous avez des ennuis et que mon aide extérieure peut vous être utile, n'hésitez pas à m'en faire part. Peut-être aurais-je une solution à vos problèmes. Vous avez des ennuis et des rumeurs courent sur vous ? Ma chère, je suis l'opposé de tout cela. Ma réputation pourrait vous être bénéfique et faire croire à vos surveillants que vous vous remettez sur la "bonne" pente comme ils l'espèrent !" Il eut un rire léger, presque lointain. "Mais cela, c'est à votre convenance. Je suis disposé à vous aider en juste retour et je tenais à ce que vous le sachiez."
Veriano recommença à marcher dans la pièce jusqu'à rejoindre la fenêtre. Il observa la foule, les chevaux et toutes ces transactions qui avaient lieu en contrebas. Au fur et à mesure qu'il parlait, il se retourna vers Queen pour lui faire face.
"Je sais parfaitement que nos objectifs ne concordent pas, ma chère. Et en toute bonne foi, j'ignore en réalité quels sont les vôtres, je sais juste que ce n'est pas aider le peuple. Mais cela ne veut pas dire que nous ne pouvons être d'une aide mutuelle. Vous n'avez pas mieux à offrir ? Mais ce que vous offrez sont de précieuses informations. De l'argent sous une forme que la majorité des gens ne comprennent pas. Je serai honoré de travailler avec vous."
Keith regardait son invité, toujours en se demandant ce qu'il allait proposer si sa réputation ne l'intéressait pas. Promettre de répondre à une faveur n'était pas envisageable, mais ils trouveraient bien au besoin.
Elle suivit ensuite les mouvements de l’homme sans s’en détourner un instant et écouta attentivement lorsqu’il reprit la parole.
Keith était décidément un étrange personnage. Vif d’esprit mais semblant tout le contraire. Gentil mais qui, à elle, lui donnait l’impression de faire face à un requin déguisé en sardine. Plus étrange encore, elle se surprenait à ne pas le détester. A ses yeux le Veriano était un égal. Du moins, pour l’instant.
- Il vaut mieux que vous continuiez à les ignorer mon cher. Finit-elle par trancher après un long moment de mutisme. En quelques enjambées elle franchit la distance qui les séparaient et s’arrêta une fois que cela lui sembla raisonnable. - J’ose espérer que je ne fais pas là une erreur… Elle arrêta sa phrase et observa un moment son visage. L’offre qu’il lui proposait ne serait que de courte durée. Si elle voulait accepter c’était maintenant, de même si elle préférait emmètre un refus. Elle lui tendit finalement la main. - J’accepte votre offre. Abandonnant sa main elle se détourna de lui rapidement et retourna au centre de la pièce.
- J’honorerais ma part du marché dans la mesure du possible. De même, si vous avez besoin de quoi que ce soit, n’hésitez pas à vous rapprocher de moi. Au delà de mes titres, j’ai plus d’un tour dans mon sac et aider un ami ne me fait pas vraiment peur. Elle soupira un moment avant de lui lancer un regard en coin. - Comment savez vous que je suis surveillée ? En dehors des personnes concernés, personne ne le sait. Même si son visage n’exprimait aucune émotion, il était clair que son ton était tranchant. Jusqu’où était-il informé de sa situation ?
Quelle douce journée.
La politique était un jeu qui amusait beaucoup Keith et il aimait y participer autant que possible. Joindre l'utile à l'agréable, heureusement qu'il trouvait beaucoup de distraction à se mêler au peuple et autres nobles. Un être social dans toute sa félicité. Alors que la Dame regardait ailleurs, le jeune homme la scruta avec une certaine insistance, pencha un peu la tête. Elle parlait d'aide, d'honneur et d'amitié. Cela força d'autant plus Veriano à sourire, qui commençait presque à avoir mal aux joues. Et lorsqu'elle regarda de nouveau dans sa direction, il redressa la tête bien droite, attentif. Et ses dents retournèrent se cachaient sous ses lèvres, mais son air détendu ne s'envola point.
"Vous êtes spécifiquement surveillée, ma chère ?" Il porta un doigt à ses lèvres en semblant réfléchir. "Il est vrai que j'ai utilisé le terme surveillants, mais n'est-ce pas normal pour des gens comme nous ?" Keith recommença à marcher dans la pièce, allant jusqu'à son bureau, comme s'il cherchait quelque chose, tout en parlant. "Nous sommes des personnes connues publiquement, riches, puissantes et nos noms inspirent, entre autres, la convoitise et la jalousie. Il est naturel que des gens veulent nous soutirer ce qui nous appartient ou tend à le devenir. Et là... Je ne parle que d'adversaires." Ne trouvant rien, il alla vers Queen et s'arrêta à quelques pas d'elle. "Si j'étais le couple royal, s'il y a bien quelque chose dont je voudrais m'assurer, c'est de l'efficacité et de la loyauté des membres de mon gouvernement. Je ne suis pas naïf au point de croire qu'ils n'ont pas d'agents de contrôle, que l'on appelle espion. je suis sûr que depuis que je concurrence leur hippodrome avec le mien, je suis également surveillé. Désolé de vous avoir fait croire que je connaissais votre situation, mon amie."
Et merci de m'avoir appris quelque chose. Les mouvements de Queen sont donc restreints...
Une pareille information serait à prendre en compte dans toutes les actions qu'il effectuerait avec elle, dans ce qu'il lui demanderait ou dans sa façon d'agir avec elle publiquement. Fort heureusement, Keith avait toujours été propre en public et ses revenus étaient également honnêtes.
"Aussi Queen, selon votre offre, j'aimerais vous faire parvenir ma comptabilité pour que vous m'aidiez à y faire davantage de profit. Chaque pièce que je gagne est une avancée dans mes projets futurs. Vous me seriez d'une aide précieuse, comme nulle autre à dire vrai."
- Avez vous de quoi noter ? Lui dit-elle simplement tout en faisant quelques pas dans la pièce à la recherche de papier et d’un nécessaire d’écriture. Lorsque enfin elle le trouva elle se pencha légèrement et commença à griffonner de son écrire tout en pointe et en italique. - Ce n’est pas normal pour des gens comme nous. Finit-elle par lâcher, rompant le silence. - Pas plus que pour le dernier prolétaire du coin. Imaginez vous faire surveiller chaque puissant d’Aryon ? C’est impossible. Nous sommes trop nombreux. Ils en surveillent certain pour certaines raisons comme vous venez de le dire. Soupirant elle se redressa tout en secouant le morceau de papier qu’elle avait entre les doigts pour faire sécher l’encre. Son regard se porta ensuite sur le jeune homme et elle poursuivit. - Le problème de la famille royale, c’est sa confiance aveugle… Elle murmura. - Heureusement leurs espions sont diablement efficace. Méfiez vous en. Lui lança-t-elle sur un ton d’avertissement. Oh oui, elle avait bien trop goutté à leur efficacité et s’en mordait un peu les doigts aujourd’hui. - Sauf quand il s'agit de protéger les membres de son gouvernement. Grommela-t-elle dans sa barbe. Enfin, le temps n’était pas aux pleurnicheries et bientôt elle se dirigea vers Keith avant de lui tendre un papier où était écrit son adresse complète. - Tenez. Faites les donc parvenir quand bon vous semblera et… Elle réfléchit un instant. - Comptez un délais d’une bonne semaine. Je croule sous le travail en ce moment. Entre la nouvelle expédition à la frontière et le retour du prince, le palais ne sait plus où donner de la tête et moi non plus. Cela vous convient ? Tendant toujours le papier, elle daigna enfin lui offrir une esquisse de sourire. - Il est évident que vos comptes seront plus performant que jamais. Vous faites le bon choix mon cher. Je suis ravi que vous le fassiez d’ailleurs. Ne put-elle s’empêcher d’ajouter.
Ensuite ils profitèrent des dernières courses, trinquant à plusieurs reprises à leur nouveau partenariat. Puis le temps vint les rappeler tout deux à l'ordre et ils se quittèrent en toute courtoisie.
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