LENNOX HENRY

Il y a trente ans, dans un pauvre village se situant dans le nord du pays, un événement extraordinaire se produisit. Certains, après coup, eurent même l'audace de parler de miracle, ou encore de cadeau du ciel. Cet événement, il s'agissait de la naissance du plus extraordinaire des êtres : Henry Lennox.
L'enfant grandit sans connaître ses parents, et eut une enfance aussi normale que possible lorsque l'on se trouvait dans un village tel que le sien. Ce dernier se trouvait proche de la Forteresse, et était bien moins peuplé que celle-ci.

En grandissant là-bas, Henry dut très vite comprendre deux éléments de vie : La première chose était qu'il devait se débrouiller tout seul pour survivre, et ça tombait bien car la seconde chose était qu'il n'avait besoin de rien d'autre qu'être lui-même pour subvenir à ses besoins. En effet, le jeune homme comprit très vite que, même s'il grandissait dans la pauvreté et ne possédait pas de biens matériels, il avait la chance d'avoir les capacités de se procurer tout ce dont il avait envie. Il avait la chance d'être Lui, et rien de plus n'était suffisant.

Ainsi, s'enflant d'orgueil, le Lennox utilisa ses dons hors normes pour se servir là où il le voulait. Il volait aux marchands, chassait les animaux aux alentours, laissait son regard traîner un peu trop longtemps sur une poitrine généreuse... Contre toutes attentes, un tel comportement ne lui valut pas la colère des citoyens, bien au contraire. Il y avait cependant une raison logique à cela : L'adolescent avait beau avoir un problème de vanité, il était spécial, et il savait se rendre utile. Non, l'orgueilleux n'était pas du genre à aider son prochain, mais il y avait une exception à toute règle. Pour celle-ci, l'exception était le village natal de l'enfant, et tout ce qui s'y rattachait, et cela comptait les habitants...
Henry lui même n'aurait pu expliquer exactement pourquoi il était devenu l'homme à tout faire du hameau, ou alors se refusait-il à l'admettre...

Dans tous les cas, il était indéniable que pour le village, un nouveau système commençait à se former autour de l'arrogance du jeune homme. Bientôt, ce système s'installa dans la routine générale, et Henry était devenu la coqueluche des citoyens.

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Un jour, alors que le soleil se levait à peine, un cri se fit entendre. Il s'agissait d'un appel à l'aide. Le village se faisait attaquer par un troupeau d'ours, et il n'y avait bien entendu qu'une seule personne pouvant le protéger.
Un des animaux leva sa patte dans le but de l'abattre sur un des voisins du Lennox, chose qui n'était pas au goût de ce dernier. À peine arrivé sur la scène qu'il avait déjà sauvé quelqu'un, en attrapant le bras de la bête, et en utilisant son immense force pour la balancer d'où elle était venue. Sans perdre de temps, le héros inspecta la troupe d'ennemis qui lui faisait face. Il les compta, et après une courte réflexion, arriva à la seule conclusion possible.

- Va-t-en, dis à tout le monde de s'enfermer. Lança-t-il à la personne qu'il venait de sauver. Y a que moi qui peut les arrêter... termina-t-il un énorme sourire sur le visage.

Sans même voir si sa demande avait été exécutée, Henry se lança dans le combat. Pour chaque coup de griffe reçue, il envoya le double de coup de poing, et pour chaque mètre parcouru par les intrus, il les faisait reculer de dix. Il avait raison, il en était persuadé, lui seul pouvait les arrêter. Il était le meilleur, il avait le plus fort des pouvoirs, rien ne pouvait le vaincre, sûrement pas des nounours géants.
Au milieu du combat, il se fit envoyer dans une maison par un de ses assaillants. La force de l'impact était telle que l'orgueilleux traversa le mur et atterrit dans le salon d'une famille qu'il connaissait bien. Ensanglanté et commençant à perdre son souffle, il se releva, et s'apprêta à continuer le combat.

- Vous inquiétez pas, je réparerais ça quand je les aurais tous viré d'ici. Déclara-t-il avec toujours autant de confiance.

- Attends, Henry, prends ça ! Cria un des enfants en lui lançant ce qu'il pensait allait être utile.

L'arrogant combattant se saisit de l'objet et constata qu'il s'agissait d'un long bâton au bout duquel on avait attaché un couteau à l'aide d'une corde.

- C'est une lance, pour que tu casses la bouche de tous ces méchants ours !

- Je vais pas leur casser que la bouche... lâcha le Lennox en retournant dans la bataille, arme en main, sourire ravivé aux lèvres.

Oui, lui seul pouvait sauver le village, il en était convaincu. Tout seul, contre ce troupeau dont les effectifs ne faisait qu'augmenter...
Si le possesseur du pouvoir de gigantisme était réellement le meilleur, alors pourquoi avait-il autant de difficultés face à ces animaux sauvages ? Plus le combat durait, plus il s'affaiblissait, et plus eux gagnaient en nombre et en force. L'idée n'osait lui traverser l'esprit, mais la possibilité était de plus en plus grande...Peut être qu'Henry allait échouer.

Comme pour empirer sa situation, alors qu'il peinait à terrasser un ennemi, le Lennox sentit le sol trembler sous ses pieds. Quelques secondes suffirent à lui faire comprendre qu'une nouvelle difficulté allait se présenter.

- Toi, t'es pas comme les autres, hein ?


Devant le prétendu héros se tenait une bête qui était sans aucun doute le chef de groupe. Un rugissement de sa part suffit à faire s'écarter le reste des prédateurs. Une fois ceci fait, il s'avança en direction du manieur de lance. Son intention était claire.

- Un duel, hein ? Mon pauvre, tu sais pas à qui t'as affaire ! Cria l'orgueilleux avant de se jeter à l'assaut.

Le chef était d'un tout autre niveau comparé aux ours, il semblait spécial. Malheureusement pour lui, une telle appellation était déjà prise par quelqu'un d'autre des environs, et le Lennox n'était pas prêt de se laisser voler sa singularité par une bête sauvage à crête. Les morsures et coups de griffes de l'animal étaient redoutables, mais elles ne valaient rien face à une véritable arme. Ainsi, ce ne fut pas un poing géant qui valut la victoire au combattant, mais bien un couteau profondément planté dans l’œil.

En effet, le combat contre les intrus duraient déjà depuis un long moment, et les limites du pouvoir d'Henry faisaient qu'il ne pouvait plus garder ses capacités actives très longtemps. Ainsi, épuisé, il ne pouvait plus garder le poing d'un géant que le temps d'une seule attaque, un uppercut qui fit lever la tête de son adversaire juste assez longtemps pour que le moustachu se mette en position pour l'attaque finale. Henry saisit sa lance de fortune et, quand l'ours fut remis de l'uppercut, enfonça l'objet avec une telle force que le bâton se brisa, et seulement un bout de bois était resté dans sa main, tandis que la partie dangereuse de la lance était ancrée dans le crâne de l'animal mort.

Posant sa botte sur le cadavre à crête, l'orgueilleux leva son bâton vers le ciel et poussa dans un cri de soulagement :

- ET OUII ! C'EST QUI L'PATROON ?!

Le reste du troupeau resta un moment sans bouger, ils semblèrent presque ne pas savoir faire. Après une poignée de secondes, cependant, ils montrèrent les dents. Comprenant que la victoire n'était toujours pas sienne, Henry ordonna à son corps meurtri de se mettre en garde. Ses mouvements étaient lents, lourds, et il était méconnaissable sous ce manteau de sang. Même ses plaies n'étaient pas visibles, même si le futur héros sentait parfaitement bien leur présence.
Malgré tout ça, il n'abandonnait pas.

- Amenez-vous. Ordonna-t-il sèchement aux ennemis qui l'encerclaient.

Dans un rugissement, tous se lancèrent sur le jeune homme, qui affichait toujours ce sourire indestructible sur le visage. Il avait bien raison de sourire, car ses agresseurs cessèrent tout mouvement, alors même qu'ils étaient à deux doigts de mettre fin à sa vie. Sans que le Lennox ne comprenne pourquoi, les bêtes étaient figés sur place, les yeux fixés sur lui.

- Alors comme ça il en restait encore...

Alors qu'une voix inconnue se faisait entendre, tous les corps immobilisés s'élevèrent du sol en même temps, avant de se compresser sur eux même dans un spectacle sanglant.

- Tu as de la chance que nous soyons arrivé pour te sauver la vie, mon garçon.

Restant sur ses gardes, Henry débarrassa ses yeux d'une coulée de sang pour mieux voir à qui appartenait la voix étonnement sereine. Il s'agissait d'un homme en armure dorée et possédant une longue chevelure blonde. Chose étrange, il flottait à plusieurs centimètres du sol tout en se déplaçant. Chose encore plus étrange, il gardait ses yeux fermés tout en conversant avec Henry...

- Nous avons reçu un rapport nous signalant une attaque d'ours dans la région. Mes hommes ont déjà débarrassé de leurs assaillants la plupart des villages entourant la Forteresse. Tu as de la chance que je me sois aventuré jusqu'ici pour tous vous sauver, sans ma prudence vous seriez tous morts.

- De la chance ? Non, je ne crois pas, je n'ai pas eu de la chance qu'un chevalier bidon fasse son apparition, je me débrouillais très bien tout seul. Tu crois que c'est qui qui a défoncé tous ces ours là, hein ?

L'interlocuteur du Lennox marqua un petit temps d'arrêt avant de répondre. Son visage restait impassible, et il dégageait une aura qui ne plaisait pas du tout au combattant.

- Et bien, moi, voyons...

- Qu'est-ce que tu racontes, l'aveug...

- Officier, nous venons au rapport ! Tous les ours ayant attaqué des citoyens ont été abattu, mais d'après nos estimations, la majorité du troupeau devrait encore être...Woah... Un homme à dos de cheval venait de faire son apparition en coupant la parole à Henry. C'est tous les ours qu'il manquait...Alors comme ça, ils ont attaqué ce village ? Je ne savais même pas qu'il y en avait un ici, il ne figure pas sur nos cartes. Heureusement que vous étiez là pour tous les terrasser, Officier !

- Je n'ai fait que mon devoir, soldat. Répondit l'arrogant blondinet.

- Tu racontes n'importe quoi ! T'as fait que défoncer les derniers qui restaient, c'est moi qui ait fait le gros du travail ! Cria Henry en lançant son bras dans la direction de toutes ses victimes. À chaque fois qu'il posait les yeux sur le blond en armure d'or, son sourire disparaissait un peu plus. Il s'agissait là d'un fait rare, preuve de l'aversion du jeune homme envers cet inconnu. Et puis, t'es qui d'abord ?

- Moi ? Je ne suis que le héros qui a sauvé ta vie. Répondit le blond tout en gardant son ton serein, mais en ajoutant cette fois ci un sourire narquois sur son visage.

- T'en as du cran, pour parler comme ça à l'Officier Shakal, paysan ! C'est évident que l'Officier est arrivé pour sauver ta bourgade alors que tu te faisais dévorer par les ours. Regarde toi, à moitié mort, et tu trouves encore la force de mentir.

- T'oses me traiter de menteur, enfoir...Putain... Henry entama une défense, mais c'était ce moment là que son corps avait choisi pour manquer d'énergie. Au milieu de sa phrase, l'orgueilleux fut contraint de poser un genou à terre pour garder conscience.

- Rassemblez les troupes, je ne serais pas long. Il faut que je m'assure de la sûreté des citoyens. Ordonna l'Officier.

- À vos ordres ! Vous êtes un véritable héros, Officier Shakal ! Lança le soldat plein d'admiration, avant de disparaître.

Shakal lévita jusqu'à Henry, et s'adressa encore une fois à lui.

- Ne lui en veux pas trop, à sa place, qui aurais-tu cru ? Ton supérieur, un Officier respecté de la garnison de la Forteresse ? Ou bien un péquenaud ensanglanté dont tu ne connais même pas le nom ? Et puis, je n'ai pas menti, je t'ai réellement sauvé la vie.

Henry était épuisé, et avait perdu bien trop de sang. Il ne trouvait pas la force de répondre, quand bien même il en avait envie.

- Oh, on dirait bien que tes voisins sont en train de sortir. Tu peux leur dire, à eux, que tu as terrassé tous les ours. Ce sont bien les seuls à savoir qui tu es, alors je te les laisse. Continua le membre de la Garde avant de tourner le dos au Lennox. Adieu, « héros ».

Alors que Shakal s'éloignait, la vision de Henry s’assombrissait. Le temps que les premiers villageois l'atteignent, il avait déjà perdu conscience.
Quand il se réveilla, il était dans le seul cabinet médical du village, enroulé de bandages, et perclus de douleurs. Néanmoins, ces dernières n'étaient que physiques, le simple passage du temps allait suffire à les guérir.
Cet Officier, cette pourriture...Lui avait blessé quelque chose qui ne pouvait être facilement réparé : L'immense fierté du Lennox.

Au moment de l'incident, Henry avait 23 ans. Après avoir été remis sur pieds, il prit une décision : Il n'allait jamais laisser ce qui s'était passer ce jour là se reproduire. Il n'allait jamais laisser quelqu'un dire que son nom était inconnu. Plus personne n'allait jamais minimiser ses exploits. Il allait montrer au monde entier qui était réellement Henry Lennox, le meilleur de tous les êtres.

À peine quelques mois après l'incident, Henry quitta le village, et se mit en route en direction de sa destinée, en direction de la guilde des Aventuriers.
Maintenant, la Forteresse était au courant de l'existence de son village, cela ne faisait aucun doute. Si ce dernier venait à de nouveau se faire attaquer, des Gardes allaient les protéger, alors le Lennox pouvait partir le cœur léger.

Henry arriva rapidement à la capitale, et l'inscription fut aisée. Il était déterminé et efficace, tout ce que recherchait les autres Aventuriers. Ainsi, durant les 7 années qui suivirent son affectation, le Lennox fit exactement ce qu'il avait prévu : Il se fit un nom. Comme l'on pouvait s'en douter, ses singularités étaient loin de faire de lui l'homme le plus discret du monde, mais ça ne le dérangeait en rien. Ce n'était pas le titre qu'il désirait, après tout. Le titre qu'il gagna au fil de ses aventures, lui, lui plaisait bien. Il le résumait parfaitement.
L'orgueilleux s'était fait une réputation d'homme à problèmes, à cause de sa façon de faire les choses. En effet, un homme possédant une telle fierté, et un pouvoir aussi destructeur, est destiné à causer des dégâts collatéraux. De tels dégâts que son passage fut comparé à celui d'un Titan.

- Regarde moi ce bordel ! Est-ce que t'es vraiment humain ?! Lui avait demandé son compagnon du jour.

- Je suis bien humain, oui. Mais je suis aussi celui qui se trouve au sommet de tous les clans, le légendaire Henry Lennox !

Bien entendu, Henry aimait sa manière d'accomplir les missions, il en était même fier, comme de tout ce qu'il entreprenait, il n'allait donc jamais la changer. Au cours des années, cela lui valut le dédain de certains aventuriers, mais l'admiration de bien d'autres.

Malgré tout cela, le Lennox avait toujours une pensée pour son hameau natal...
Un jour, alors qu'il se trouvait dans une boutique d'armes, son regard fut attiré par une étrange lance. Il s'agissait plus d'une lame soudée à un bâton que d'une lance, d'ailleurs. Elle provoqua l'apparition d'un sourire sur le visage de l’orgueilleux.

- Je l'aime bien, celle-là... Il me la faut !

Le Prideful Titan a un but : Faire connaître son nom de tous, sur toutes les terres, toutes les mers, il veut que son nom remonte même jusqu'au ciel. Tout le monde doit connaître sa légende. Quand ceci sera fait, il pourra rendre visite à un certain membre de la Garde un peu trop arrogant...  
Le Titan s'était préparé à atteindre ce but seul, il n'avait jamais imaginé découvrir quelqu'un digne de l'accompagner, mais, bien qu'il ne l'admettrait jamais, il s'était trompé. En effet, il trouva en la personne du jeune Athos Fendragon un être qui méritait son respect, fait rare en ce monde.
Ensemble, ils étaient prêts à braver tous les dangers, et faire connaître leurs exploits à la Terre entière.

- J'arrive gamin, ne crois pas que tu vas être le seul à t'amuser ici !