Il était tôt dans la matinée et pourtant, deux âmes avaient déjà quitté la forteresse depuis longtemps pour rejoindre le poste-frontière. Il s’agissait du capitaine Von Andrasil et d’une de ses lieutenants, le médecin en chef Wendy Waltz, promues il y a peu toutes les deux. Les deux jeunes femmes avaient déjà effectué une bonne partie de la route à un rythme soutenu, chevauchant deux palefrois empruntés aux écuries de la forteresse et ce, malgré la neige épaisse qui recouvrait le sol montagneux. La raison de ce voyage était une simple mission de routine. La rousse devait vérifier l’état de santé des soldats y travaillant. Elle comptait par la même occasion, vérifier les règles d’hygiène. Il vaut mieux prévenir que guérir après tout. La demoiselle n’était pas du genre à faire les choses à moitié, étant impliquée dans son travail.

Le duo continuait sa route, paisiblement. Le poste-frontière était encore un peu plus loin, laissant donc au commandant et au médecin le temps de discuter un peu. La rousse ne connaissait pas encore trop le coin. Poussée par sa curiosité, elle lança un regard brillant à sa supérieure, accompagné d’un sourire avant de lui poser une question des plus basiques.

- Alors commandant, est-ce que vous avez quelques coins sympa à me conseiller ? Je dois avouer que je ne suis jamais trop allée dans le grand nord à part pour cueillir des plantes !

C’est vrai qu’en dehors de son travail, la jeune femme n’a jamais trop eu le temps de sortir et de se balader. Enfin, c’est plutôt qu’elle passait son temps en forêt pour trouver des plantes ou alors, elle prenait un peu de temps pour se reposer et rattraper les nuits blanches qu’elle passait à travailler. En gros, elle ne profitait pas vraiment de ses pauses et elle avait envie de changer ça ! Or, commencer à repérer de bons endroits dans le coin était une bonne idée. Le nez de la demoiselle était quelque peu rougit par le vent qui soufflait, soulevant un peu la neige par la même occasion.

Wendy souriante, reporta son regard droit devant elle pour éviter d'entraîner sa monture sur un chemin trop escarpé ou encombré. Elle semblait plutôt bonne cavalière et supportait le froid sans réelles difficultés. Quoi que ... Elle portait tout de même d'épais gants du solstice et dans ses bottes, elle portait les chaussettes du solstice, tout aussi épaisses. Discrètement, elle se protégeait donc bien du froid ~

Un moment toutes les deux avec le Médecin en Chef, voilà quelque chose que j'espérais avoir depuis un moment désormais. La fête passée, nous n'avions pas encore eu le temps de nous organiser et cette première visite au Poste-Frontière était une bonne occasion pour nous retrouver. Déjà, en chemin, nous parlions de tout et de rien, tandis que la jeune femme se questionnait sur ce qu'elle allait bien trouver outre-frontière.

« - Je n'aurais pas tendance à conseiller les terres sauvages. Il s'y terre des monstres dont c'est le domaine, que seules les patrouilles savent repousser ou, parfois, fuir. Après, le spectacle est fascinant et je suis sûr qu'il doit y avoir des plantes exotiques que l'on ne trouve que là-bas... »

Peut-être fallait-il tempérer les attentes de Waltz ? Je n'étais pas encore sûre de vouloir l'amener dans une zone aussi dangereuse, sans raison valable. Normalement, un laissez-passer du Capitaine était nécessaire, mais en l’occurrence le Capitaine c'était moi... Et c'était une étape obligatoire pour tout Lieutenant : de comprendre ce contre quoi nous nous battions pour protéger le Royaume. Et il en allait aussi du mental des hommes à la frontière.

« - Alors, comment se passe cette prise de poste ? Vous vous habituez au climat des Montagnes ? Je sais, cela m'a fait un choc à moi aussi : même si je suis originaire des Conflans, j'ai passé la majorité de ma vie à la Capitale... »

Nous trottions à présent, car le chemin n'était plus long jusqu'aux portes du fort qui fermait l'accès aux Terres Gelées. Nous en apercevions déjà les palissades, à vrai dire.

En écoutant la réponse de sa supérieure, la demoiselle ne peut s’en empêcher de pouffer de rire. C’était assez adorable. La capitaine n’était pas discrète dans sa volonté de tempérer ses attentes ! C’était compréhensible. Celle-ci ne voulait surement pas voir sa médecin en chef s’aventurer dans des endroits dangereux simplement par pure curiosité. Et heureusement pour elle, Wendy avait beau être joyeuse, elle n’en était pas pour autant inconsciente. Elle décida donc de rassurer la capitaine d’un sourire et d’une simple réponse.

- J’attendrais l’occasion d’une mission pour y jeter un oeil alors ! Ce serait idiot de ma part de m’y aventurer seule !

Après tout, elle aurait l’occasion d’y aller, le moment venu. Et honnêtement, elle avait le temps. Ce n’était pas sa priorité. La santé de ses patients, qui veut dire les soldats du nord, était sa priorité. Heureusement pour elle, la discussion ne mourra pas, ravivée par Elina qui semblait être ouverte à la discussion.

- Plutôt bien ! Les médecins de la forteresse sont très compétents et ils comprennent vite ! Quelques uns ont commencé à me sous-estimer par rapport à mon âge mais la situation a rapidement était réglée !

La belle rouquine échappa un petit rire en repensant au quarantenaire qui devait lorgner sur cette promotion depuis un moment et qui, frustré, avait cherché à la discréditer. Elle lui avait alors simplement prouvé que ses compétences étaient supérieures aux siennes et que s’il souhaitait tout de même se rebeller, alors il prendrait la porte et ce, sans attendre. Il avait alors ravalé son égo mal-placé et était retourné au travail bien sagement sous les quelques moqueries de ses collègues.

- Mais je m’habitue plutôt bien aux températures ! Mes gants et mes chaussettes sont mes meilleurs amis ~ J’aimerais parler avec le cuisinier pour ajouter certaines plantes dans le menu ! Le système immunitaire de nos soldats en serait amélioré et on éviterait des rhumes et autres petites maladies du genre !

Il s’agissait de petits détails mais cela positif dans tout les cas. Mais en se perdant dans cette conversation, Wendy n’avait pas remarqué qu’elles avaient enfin atteint le poste frontière avec son camps, son immense pont et la grande grille empêchant tout accès à la frontière Nord du pays. La demoiselle leva lentement son regard vers ce panorama des plus surprenant et ses yeux s’écarquillèrent. C’était la première fois qu’elle venait ici et elle ne put lâcher qu’un “Whaou” impressionné. Sa monture se stoppa lentement et la jeune femme descendit de celle-ci, s'enfonçant dans la neige de quelques centimètres. Elle remonta son grand sac sans fond sur son épaule d’un mouvement souffle avant de se tourner vers Elina, un petit sourire gêné aux lèvres à cause de sa réaction.

- Le poste frontière est vraiment … impressionnant !

Elle avait hâte de travailler ici et remonta rapidement ses manches avant de s’avancer vers le poste frontière, un peu plus détendue. Elle rentrait dans son rôle de médecin et lorsque c’était le cas, elle se sentait bien plus confiante.

Je rendais son sourire au médecin, ravi d'entendre de ses nouvelles quant à son installation. Plus encore que l'atmosphère ou le temps, c'étaient généralement les hommes du Nord qui pouvaient s'avérer rudes et il était établi pour beaucoup que les soldats du Blizzard n'étaient pas parmi les plus courtois. Mais c'étaient des braves hommes.

« - C'est une bonne idée, je suis sûre que le Chef appréciera vos conseils, tant que ceux-ci ne dénaturent pas ses plats, » glissai-je dans un clin d'oeil, tandis que nous arrivions devant les palissades.

Nous avions atteint une porte en partie située sur une butte qui nous donnait de la visibilité sur tout le paysage environnant, notamment l'imposant Gouffre et le précieux pont, construit dans des temps immémoriaux. J'imitais ma subordonnée tandis que celle-ci mettait pied à terre, après avoir brièvement fait signe aux gardes sur les palissades qui n'eurent pas de difficulté à me reconnaître. Mon dernier passage, avec l'Adjudant Theldj, avait en réalité fait forte impression...

« - Et encore, vous n'avez pas été de l'autre côté, Miss Waltz. »

Dans un fracas de bois gondolé, gonflé par l'humidité, et soumis à rude épreuves, les deux pans de rondins qui nous faisaient face se soulevèrent légèrement avant de s'ouvrir vers l'extérieur. Nous nous situions encore à bonne distance pour ne pas être obligées de reculer, tandis que l'intérieur du fort nous accueillait et, en son centre, les hommes de la garnisons venus saluer leur Capitaine ainsi que l'Officier Gildan, bien moins fier à présent.

Menant nos palefrois par la bride jusqu'aux écuyers qui prirent le relai pour les tirer vers les humbles écuries du lieu, nous avançâmes en silence. Je ne savais alors s'il s'agissait d'un acte d'effronterie, mais l'organisation des hommes laissait à désirer et l'absence de rangs formés pour saluer notre entrée était clairement un mauvais présage.

« - Gildan, je pensais que vous aviez été informé de notre arrivée.

- Mmh, pardon ? Je n'ai reçu aucun messager, malheureusement. Toutefois voici mes hommes, prêts à vous servir. »

Avec son visage narquois rappelant celui d'un rongeur, un rat plus précisément à cause de sa crinière brune et son nez avancé, le responsable des lieux me donnait envie de lui faire la leçon. Toutefois, il était plus honorable de ne pas faire étalage de ma nouvelle position hiérarchique, tant cela pouvait être mal vu et me porter préjudice.

« - Oubliez. Je suis donc venue accompagnée du Médecin en Chef, Wendy Waltz, pour qu'elle puisse rencontrer le médecin en poste et inventorier ses besoins, pourriez-vous nous guider à lui ?

- Avec plaisir... Caporal Kughert, escortez le Capitaine et Mademoiselle Waltz auprès du Docteur Fendron. »

Saisi par l'ordre de son supérieur, le Caporal sortit aussitôt des « rangs » et nous convia à le suivre. J'inspectais rapidement le regard des autres hommes, tandis que nous les dépassions, remarquant une légère amélioration dans le moral de chacun, peut-être due à ma présence ?

Nous poursuivions donc notre visite à l'intérieur du fortin, pénétrant par une des nombreuses portes qui en faisaient le tour.

Dénaturer les plats ? Comment oserait-elle ? Ce sont des vrais tueries ! Parmis les choses qui faisaient que la forteresse était vraiment en endroit où elle aimait vivre, la cuisine était une des plus importantes. Ah, les plats de la capitale étaient vraiment loin d’atteindre le même niveau. La remarque de la capitaine fit donc bien rire Wendy qui ne s’en cacha pas.

Les deux jeunes femmes avaient donc repris leur chemin à pied pour rejoindre la grande porte de bois qui menait au poste frontière. Celle-ci s’ouvrit immédiatement lorsque les soldats responsables de celle-ci remarquèrent la présence du commandant Von Andrasil qui les avait saluer d’un simple geste de main. Même la porte était impressionnante. Wendy ne put s’empêcher de penser que le nord était vraiment un endroit hors normes.

- J’ai hâte de voir ça alors, mon capitaine !

Ensemble, elles avaient alors continué d’avancer droit devant elles d’une démarche assurée sur la terre enneigée. Toutes deux furent saluées par plusieurs soldats et un officier en particulier. Si elle se fiait aux documents qu’elle avait lu, il s’agissait de l’officier Gildan. Et pour une raison inconnue, celui-ci se comportait de manière bien trop impertinente avec la capitaine au goût du médecin en chef. C’était clairement de la provocation. Les rangs n’étaient pas organisés, les uniformes militaires étaient loin d’être mit correctement et en plus de cela, l’officier au visage de rat osait mettre en doute le travail d’un message pour dissimuler son comportement. Un couard dans les règles de l’art. Si cela ne tenait qu’à elle, la rousse le remettrai à sa place. Mais pour l’instant, sa supérieure semblait vouloir laisser passer. Elle n’était aucunement en droit de remettre en question son jugement. Alors elle laissa glisser et offrit un simple sourire à l’homme qu’elle qualifierait de “tête à claque”, ne pouvant s’empêcher une petite pique au passage.

- Je suis enchantée officier Gildan ! Je suis désolée, nous vous dérangeons alors que vous devez être en plein milieu de … Réorganisation.

Le ton était un poil méprisant mais c’était assez subtil pour que nul ne puisse l’accuser d’être volontairement méchante. La seconde d’après et sans attendre une réponse, Wendy avait suivi le caporal à travers le fortin. La rouquine se concentra un peu plus sur la raison de sa venue. Une inspection détaillée des conditions de vie du poste-frontière. Et la première chose qui attira l’oeil de celle-ci, ce fut le manque d’hygiène. Et ce manque d’hygiène augmente de manière significative le risque d’infection ou de maladies. C’était à régler au plus vite. Parfois, par de simples petits changements. Parfois, par de plus complexes améliorations. La demoiselle faisait déjà mentalement une liste de ce qu’elle devait voir avec son collègue médecin. Mais avoir l’avis d’un soldat serait aussi intéressant, pas vrai ? Le regard de la jolie médecin en chef se posa sur le caporal pendant de longues secondes.

- Dites moi Caporal Kughert, j’aimerais votre avis sur le côté médical du poste-frontière. En tant que soldat, quel est le premier aspect que vous aimeriez améliorer ? Après tout, vous êtes les premiers concernés.

Elle était vraiment intéressée par son avis. Et le caporal semblait plus ouvert à la discussion que son désagréable supérieur. Il était le mieux placé pour répondre à son humble avis. En attente d’une réponse, la rousse continuait d’observer les alentours, souriant à quelques soldats qu’ils croisaient. Il faut dire que la douce jeune femme contrastait avec le décors, que ce soit par son apparence frêle ou bien sa chevelure rouge.

« - Peut-être serait-il plus simple d'aborder ces questions avec notre médecin, Miss Waltz ? »

Je voyais bien le regard désolé du bonhomme. Peut-être ne souhaitait-il pas trop se mouiller vis à vis du Lieutenant, peut-être préférait-il conserver un minimum de responsabilités. À vrai dire, sa mission pour le moment était de nous mener jusqu'à l'interlocuteur de la jeune femme.

Ce fut chose faite après quelques minutes supplémentaires à passer de couloirs en couloirs. Déjà, l'état dans lequel se trouvait le fort pouvait bien renseigner ma subalterne sur la qualité de l'hygiène. Rien à voir avec Forteresse, les affaires et équipements étaient véritablement laissés à l'abandon entre deux services et certains gardes dormaient alors qu'ils étaient en poste.

Je ne manquai pas de redresser un peu les larrons sur lesquels on tombait, les rappelant strictement à l'ordre. Oui, le mot était passé que le Capitaine était sur place et pourtant certains trouvaient toujours le moyen d'être en-dehors des clous.

Finalement, nous arrivâmes bien dans une petite pièce aux allures de laboratoire dans laquelle se trouvait le médecin. Probablement pas ses appartements, même si la présence d'un lit y faisait croire, c'était plus une sorte d'infirmerie. Bonne nouvelle toutefois : l'endroit était propre et le docteur semblait affairé à remettre en place l'épaule d'un soldat en attendant notre arrivée.

L'ouverture de la porte constitua un élément de surprise suffisant pour faire la manipulation douloureuse chez son patient. En même temps que nous entrions, nous fûmes surpris par le craquement et le cri de douleur du pauvre homme.

« - Ah, Capitaine Von Andrasil, Lieutenant Waltz, vous tombez bien !

- Je vois ça... » ne pus-je m'empêcher de remarquer tout en observant le blessé s'asseoir sur le lit en attendant de retrouver assez de forces pour quitter la pièce.

Peut-être valait-il mieux en profiter pour laisser un peu de repos au bonhomme, mais celui-ci récupéra ses affaires rapidement et passa à notre gauche. La main sur le bras de ma subordonnée, je la poussais à se déplacer légèrement pour laisser l'individu sortir, alors que le docteur se redressait sur sa chaise pour nous saluer officiellement.

« - Le Médecin en Chef Waltz est de passage pour faire l'état des lieux de la garnison en matière d'hygiène et de soins. Je l'accompagne cette première fois. »

Dommage, elle n’aurait pas les informations de la part de l’officier. Mais comment aurait-elle put lui en vouloir à la vue de ce regard désolé ? Le pauvre était dans une situation assez compliquée et s’il n’avait aucune affection pour son lieutenant, il était obligé de rester prudent au risque de se faire punir si ce n’est renvoyer.

“Oui vous avez raison Capitaine”

Elle s’était alors concentrée sur leur trajet et l’observation des conditions de vie du poste-frontières et si un mot devait sortir de tout cela ce serait : Sale. Il n’y avait aucune organisation. Les armes étaient laissées au sol dans la crasse et les microbes, les vêtements des gardes étaient tachés et l’odeur était loin d’être des plus agréables. Être soldat au poste-frontière n’était pas une raison pour autant se laisser aller comme ça ! Et après, vous entendrez certain se plaindre d’attraper des infections et de perdre un membre … Quel foutage de gueule. Si Wendy ne disait rien, elle préparait un vrai rapport dans sa petite tête pour remettre les choses en place ici.

Finalement, le petit groupe arrive enfin dans ce qui semble être l’infirmerie du poste-frontière, surprenant le médecin qui s’y trouvait et qui replaça quelque peu brutalement une épaule. Au moins, la pratique avait été exécutée proprement et cette infirmerie était propre. Alors pourquoi le reste de l’endroit était si sale ? Est-ce que le lieutenant en charge du poste-frontière ne donnait pas assez d’autorité à son médecin ? Il y avait des chances.

La jolie rousse s’avança donc doucement dans la pièce, arborant un sourire pour détendre l’atmosphère et amener une ambiance de discussion afin de faire progresser le niveau de vie de ce foutu poste-frontière.

“Docteur Fendron, c’est un plaisir !”

Une simple poignée de main et voilà que la demoiselle passait en mode professionnel. Les deux professionel de santé prirent alors place au bureau, laissant le capitaine Von Andrasil et le caporal Kughert sortir pour faire une visite du poste-frontière et s’il le veulent, parler.

Le visage angélique de la rousse prit un air sérieux et elle commença à expliquer toutes les choses qui devaient être modifiées mais pas seulement. Wendy apportait des solutions à chaque problèmes, demandant parfois quelques informations complémentaires à son collègue médecin pour mieux comprendre la situation du poste-frontière et des choses qui l’empêchait d’agir facilement. Le docteur Fendron était plutôt une bonne personne … Il était intelligent et voyait bien la situation de son lieu de travail mais malheureusement, il n’avait aucune autorité ni aucun moyen pour agir. L’officier Gildan. Encore et toujours. Frendon ne pouvait pas mettre en place un système de corvée à cause de celui-ci car, selon lui “Les soldats n’ont pas qu'ça à faire”. Bref, une belle épingle dans le pied. Après 40 minutes de conversation, les deux médecins avaient rédigé un papier qui résumait un peu près tout ce qu’ils avaient dit pendant cette entrevue.

La demoiselle se leva doucement et s’étira, échappant un petit bâillement. Le capitaine n’était pas encore revenu … Elle pouvait se permettre de visiter un peu, non ? Après avoir dit au revoir au médecin, elle partit de l’infirmerie et se laissa alors aller dans les longs couloirs gelés du poste-frontière, un petit sourire aux lèvres et saluant quelques soldats sur la route, sûrement un peu surprise de voir la jeune femme toute seule.

Le temps pouvait être long lorsque l'on s'ennuyait. Écarté de tout, le Poste-Frontière n'était pas un endroit accueillant et l'absence de civils contribuait au désespoir des gardes. Alors, lorsque Gildan leur menait la vie dure, je devinais la difficulté des hommes à tenir la route. Comme je repassais dans les couloirs, j'en surprenais encore à roupiller ou jouer aux dés. Non, naturellement je ne leur en voulais pas de ne pas respecter leur poste, d'autant plus que le danger véritable émanait des patrouilles, mais tout de même. S'ils étaient ainsi, c'était à cause de la paresse généralisée de la garnison.

Le Caporal affichait un visage morne, absent à tous ces détails qui devaient paraître un quotidien à présent. Nous discutions un peu et j'apprenais qu'il avait été muté ici quelques mois auparavant. Je me surpris alors à ressentir un certain soulagement, me disant que tout aurait sans nul doute été différent pour moi si j'avais été affectée ici.

« - Ne vous en faites pas, je tiens compte de vos demandes et agirai pour redynamiser un peu le fort.

- Merci, mon Capitaine. »

Je laissai le jeune homme devant l'entrée Nord, appréciant après son départ le paysage devant mes yeux. La herse était levée en prévision d'un prochain départ vers les Terres Gelées. Une idée me traversa alors l'esprit, repensant à ma précédente conversation avec le Médecin en Chef.

Me rendant aux écuries, je demandai deux montures supplémentaires pour accompagner la patrouille, prétextant une mission exploratoire. Ce n'était pas tout à fait faux, puisque les espèces de plantes qui poussaient outre-frontière étaient assez mal connues. Embarquer une spécialiste, pour quelques heures seulement, pouvait s'avérer une bonne chose.

J'accueillis d'ailleurs ladite experte une dizaine de minutes après avoir fini de sceller nos destriers. Il s'agissait de chevaux élevés et entraînés pour la course, parmi les plus rapides du Royaume, en raison de la dangerosité des monstres qu'il s'agissait des fois de distancer. La différence avec les palefrois que nous avions montés précédemment serait palpable, j'espérais juste que cela ne perturberait pas trop la jeune Waltz.

Je l’interrompis, la voyant s'avancer vers moi avec ses quelques feuilles de papier, dont je devinais déjà la nature du contenu.

« - Capitaine je...

- Ne dites rien, j'imagine que c'est vos recommandations à faire appliquer. Nous verrons ça plus tard, voulez-vous bien ? La patrouille ne va pas tarder à partir... et nous avec. »

La surprise maculait son visage alors que je lui tendais les rennes avant de mettre le pied à l'étrier. Les hommes se préparaient et les questions viendraient plus tard.

Le Grand Nord nous attendait.