Les repaires de Zahria sont complètement chamboulés. Vaelin, occupé avec le Myrmidon. Calixte, loin d'elle, et en froid, certainement. Ils n'ont pas réussi à se parler depuis ce soir fatidique. Vrenn est son nouvel homme de confiance, mais le double lien qu'ils entretiennent complique tout. Pour ça, qu'il fallait pas coucher avec ses collègues. En même temps, elle peut pas s'empêcher de retourner chez lui, soir après soir, pour réclamer sa dose, comme une toxico. Et le jour, elle s'est enfermée dans le travail.
En dehors du meurtre de Ruth,les dossiers ne manquent pas, et il y a toujours à faire. En ayant perdu deux de ses plus fidèles espions dans un temps si rapproché, il est des moments où elle est obligée de faire du travail de terrain, pour éviter de donner des missions à des espions qui peuvent encore être suspectés. Car la taupe est toujours là, c'est sûr, c'est bien la seule chose qui ressortie de l'enquête. Et si Vrenn les espionne, les uns après les autres, pour l'instant, ça ne donne rien. Ils se savent surveillés, et l'esprit familial des espions est parasitée par cette ambiance de paranoïa. Elle sait qu'on se demande, dans son dos, si ce ne serait pas de son fait, et si elle est capable de tenir la barre. Et si sa culpabilité et ses doutes n'ont pas complètement disparu, l'entretien avec Haru lui a tout de même donné le courage d'aller de l'avant, et l'ambition d'essayer. Au moins, si elle rate, personne ne pourra dire qu'elle n'a rien foutu, parce que ce n'est pas vrai.
Alors aujourd'hui, comme beaucoup d'autres jours, Zahria a laissé Fledric s'occuper de petits dossiers administratifs sans trop d'importance, et elle est sortie pour aller à la rencontre d'un indic. Un gars qu'elle ne connait pas encore, recommandé par un autre, et qui pourrait la mener à un petit réseau de tables de jeux illégales, où l'on pourrait jouer jusqu'à des vies humaines. Pas très différent de ce qu'elle a connu, quelques lunes de cela, à la Forteresse, chez les nobles, mais ici ce serait dans les bas quartiers, les tapis en velours laisseraient place à des planchers mités, et les échanges cordiaux à des règlements de compte dans une ruelle. Quelque part, un univers avec lequel elle est finalement bien plus à l'aise, il faut le dire.
C'est simple, on lui a dit de rencontrer un homme, brun, jeune, plutôt grand, au carrefour des Embrunes, et de lui demander du feu. Apparemment le gars sortirait autre chose que cette bonne vieille pierre de feu si commune, et ce serait ainsi qu'elle pourrait le reconnaître. Zahria prend donc le temps, lentement, de rouler sa cigarette, en observant les gens. Le seul qui corresponde à la description, c'est un jeune homme aux longs cheveux noirs qui semble attendre quelque chose, lui aussi. Elle a l'habitude de ce genre d'entrevues, et de repérer la personne qu'elle cherche. Et là, c'est sûr, c'est lui. Elle finit donc de rouler sa clope, et s'approche de lui, pour planter ses yeux irisés dans le regard orangé du jeune homme.
« T'aurais pas du feu, par hasard ? »
Un regard, un sourire, ils se sont compris. Bien, et maintenant, c'est quoi, ce truc de différent qu'une pierre de feu, qu'il va lui sortir ?
C'était pas dans mes plans, au début. Assis dans mon bureau, avec m'man on regardait les matériaux qui sont nécessaires pour retaper la cabane. Une journée pleine d'enthousiasme, on passait notre temps à sourire et se projeter sur la nouvelle gueule de la boutique. Faut dire que depuis quelques temps et après la rencontre de cette ange au cheveux mauves, tout est devenu positif. La roue tourne y paraît, même si j'ai passé vingt-cinq piges de merde qui font qu'aujourd'hui j'ai l'impression d'en avoir soixante. Notre bulle imaginaire explose en éclats quand les gonds de cette putain de porte hurle comme un goret. Puis un client arrive. Ouais, c'était bien un client.
Il m'a fallut cinq secondes pour comprendre qu'il venait pour un truc louche. Et j'aime pas quand m'man reste dans les parages dans ce cas. Elle remarque de suite, prend son sac à main et prétexte qu'il manquait des choses à grailler et par faire un tour à la Place Commerçante. Bien habillé, bon orateur, marqué par les outrages du temps. On lui doit du pognon, et il commence à me raconter sa petite sauterie dans les jeux des bas quartiers de la capitale. J'y fout les pieds que pour enquêter d'habitude. J'hésite, cette mission ne s'annonce pas très propre. Mais, même si Haru a soulagé ma situation, son argent s'épuisera avec le temps, et je veux bien l'utiliser. Et puis, il faut éviter le gouffre financier entre deux Lunes.
Il me raconte sa vie. Un bonhomme qui s'invite dans la partie de jeux sur table et s'invente comme un des meilleurs joueur du quartier. Lui bonne pomme, fait confiance et envoie la monnaie. Il perd, puis prend la tangente. L'arnaque classique.
Maintenant il a une prime sur sa tête. Et j'vais devoir le trouver. Parce que ouais, ce type a les boules et il a allongé comptant, à croire que le problème n'était pas l'argent, mais qu'on ne vole pas ce type. Principe? Honneur? M'en cogne, il paye et c'est très bien. Il m'explique que j'dois rejoindre un indic pour mieux me faufiler, et qu'après je le retrouve. J'aime pas bossé dans ce cadre, heureusement que Dragmar ne m'a pas inspecté sur ce genre d'affaire. "Pas de soucis à vous faire Adjudant", j'ai dis ça moi ?
Il me dit où et quand va se passer cette rencontre, il me fait une description vite fait, une nana exotique avec des iris qui sort de l'ordinaire et surtout, que je dois lui demander une clope. Carrefour des Embrunes, une clope, je note. Mot de passe banale et efficace cela dit. Avant de quitter l'établissement il me file un acompte, me raconte que c'est très important de le choper, question d'honneur blablabla "je parle de valeurs alors que mon boulot est dégueulasse". Mais, y'avait un paquet à se faire, et je dis pas non aux extras.
Puis la nuit tombe. Pleine saison froide, j'ai décidé de mettre une épaisseur en plus sous mon trois quart. La chaleur humaine baigne quand même dans la capitale, mais j'suis pas trop friand de sortir sans soleil. La peur? Bien sur que non. J'fais surtout une tête de constipé lorsqu'il s'agit de faire autre chose qu'une petite flamme dans ma main. Il me restera toujours les poings et mon gantelet de métal si j'dois jouer les dentistes. Ce soir, c'était une nuit sans lune et l'obscurité gagne du terrain quand je m'engouffre dans les bas quartiers. De moins en moins de personnes, et le peu qu'y reste paraissent suspect. Ouais, un concours de moche avec que des têtes de vainqueurs. L'endroit est sale, obscur, abandonné, et l'alibi parfait pour défoncer des personnes sans se faire choper par la garde. L'envie monte, mais j'dois rester discret.
Alors j'me pose sur un mur, mains dans les poches puis je balaye du regard tout ces ordures à la mort-moi-le-nœud, j'avais l'impression d'être comme eux au final, attendre ma dose de drogue, une tapin ou bien... Une personne qui s'approche de moi pour demander du feu par exemple? Je l'avait pas vu venir, son pas était très léger, et ses iris sortent effectivement de l'ordinaire. Elle avait sa clope dans les mains, puis j'affiche un sourire complice.
- J'ai toujours du feu sur moi. T'aurais pas une clope, du coup?
Je claque des doigts, et une longue flamme effilée similaire à une bougie apparaît entre mon pouce et mon index. La lumière illumine et réchauffe nos deux visages, et j'vois qu'elle commence à sourire au phénomène. Elle approche son visage, cigarette au lèvres, et tire deux taff. La fraise au bout devient rouge. Elle me fait une deuxième roulée et j'profite de ma flamme toujours présente pour flamber l'extrémité. Je fouette ma main vers le bas et la lumière ardente disparaît, l'obscurité se fera pas attendre juste après. Après avoir récupéré la cigarette, je tire dessus une fois et je fais un signe de tête à ce qui semblerai être... mon nouveau binôme? Le tabac était pas dégueulasse en tout cas.
- Alors, on y va?
Ma question était implicite, parce que les murs ont des oreilles et pis, on s'est compris non ?
Il lui fait comprendre qu'il préfère parler à l'abri, et elle acquiesce. Y'a une ruelle plutôt discrète un peu plus bas dans laquelle ils pourraient aller discuter sans trop se faire remarquer, alors Zahria prend la tête pour le mener là-bas. Il la suit d'un pas décidé. Elle se demande quel genre d'indic c'est. Est-ce que le gars mouille dans le trafic qui l'intéresse, ou il connait des gens qui connaissent le cousin d'un mec qui traîne là-dedans ? Il va vouloir quoi, des services, des cristaux ? Des fois, les gars, on les voit venir à mille lieux, là c'est un peu plus compliqué de savoir comment il réfléchit ou pourquoi il fait ça. Rien qu'une petite pinte ne saura résoudre, à priori.
Ils croisent des gens, peu, et finissent par s'engouffrer dans la dite ruelle. Zahria vérifie d'un coup d'oeil qu'il n'y a personne, puis s'avance un peu plus loin dans l'ombre, avant de s'adosser à un mur, en relevant une jambe pour assurer son équilibre. Elle tire une longue latte sur sa cigarette en fixant son indic du regard. Il s'installe et fait comme elle, et c'est un combat de regard qui est entamé. Zahria la première rompt le silence pour lancer les hostilités.
« On parle de quelle somme pour les infos ?
- Ton tarif habituel, j'me cale dessus.
- Ok, bah disons trente cristaux noirs l'info, tu roules ?
- Je roule. »
Ils échangent un sourire. Voilà un langage facile à parler. Voilà une affaire qui va bien se passer. Zahria reprend, sans trop attendre, après avoir soufflé la fumée de sa cigarette.
« Du coup, histoire d'être sûre qu'on est bien là pour la même chose, on parle de ce tripot avec des grosses sommes d'argent en jeu, et parfois même plus...
- Ouais. Paraît qu'il y a des gens avec des grosses dettes. »
"Paraît". Soit le gars préfère rester mystérieux, soit il n'est lié que de loin au tripot. Pas grave, tant qu'il peut lui donner des infos, en soit. Il faut qu'elle sache où se trouve cet endroit, et comment y entrer.
« On pourrait peut-être y aller, tous les deux, nan, après la clope ?
- En voilà, une riche idée. »
Ils se sourient, et fument. La localisation de l'endroit, c'est encore ce qu'il pourrait lui amener de mieux. C'est presque trop simple, mais il faut savoir apprécier un peu de simplicité, une fois de temps en temps. Ça fait du bien, avec tout le calvaire qu'elle a vécu ces derniers temps...
Nous sommes d'accord, et j'espérais pas mieux. Rencontrer un inconnu et tenter une négociation c'est jamais évident, et je ne suis pas le plus calé dans le domaine. D'où l'intérêt de choper des primes à des prix fixes et non négociables. Nos sourires concluent la négociation et on profite de cette pause clope, peut-être la dernière avant de réellement commencer à "travailler".
La ruelle est plutôt sombre, on est tranquille mais c'est vrai que j'aimerai mieux m'activer et sortir de cette endroit crade et sans intérêt. Mais ça me ramène à la grande question de cet échange: où est ce foutu tripot? Il faudrait réfléchir à comment entrer, si il faut se faire passer pour des joueurs plein de thunes en poche ou pas.
J'tire une autre fois sur la cigarette et en faisant un clin d’œil j'augmente la taille du brasier et consume la dernière partie de la roulée. Le reste au bout du doigt, elle finira par terre avant d'être écrasée par mon talon. Elle me voit faire, fait donc la même chose et nous quittons nos murs avant de marcher vers la sortie de la ruelle. Cette ruelle était un lieu sombre et chaotique. Des poubelles renversées jonchaient le long des murs et une odeur malsaine se rependait à l'intérieur … Plus loin on peut voir un mendiant, bouteille a la main et un regard hagard, qui me regarde fixement. J'hausse un sourcil, puis sort un cristal sombre que je jette dans une boite de conserve à côté de lui. Il fait un signe de tête, moi aussi, décidément c'est facile de se faire comprendre ici.
Arrivés à l’extérieur, je l'a regarde, confiant. Mais bizarrement elle me regarde aussi confiante. Je pige pas, elle attend quoi ? J'vais lui payer des ronds pour qu'elle me conduise au tripot c'était ça le deal non? J'hausse à nouveau un sourcil, et me met face à elle.
- Alors?
- Alors quoi ?
- Bah, j'te suis ?
Elle recule d'un pas, ne comprenant pas trop la situation. J'fais de même. Pis là j'commence à piger...On nous a enflé, ou bien c'est un foutu malentendu. Je me frotte la tête, désespéré.
- D'accord, on a un problème.
Qu'est-ce que c'est que ce bordel, Comment on a réussi à se foutre dans une telle situation, toute cette affaire est vraie au moins ? On se regarde, la gêne s'installe, ça me gave, et apparemment elle aussi. La désertion dans la rue continue de progresser et pis je m'en rend compte que je suis complètement perdu. Et finalement, est-ce que cette nana est digne de confiance au moins? Non...Elle aussi n'a pas l'air de savoir se qui se passe. Et donc elle aussi a le droit de se méfier. Je crois que c'est le meilleur moment de calmer la situation avant que l'un d'entre nous fasse un geste regrettable.
Je lève les mes mains vers elle, puis j'essaie d'étirer un sourire amicale. J'ignore à quoi je dois ressembler avec cette tronche, mais prions qu'elle voit le sourire aussi.
- Ok, je comprend pas trop moi non plus. Mais moi aussi je pige pas trop se qui se passe. Mais j'te promet, qu'on est deux dans cette situation.
Allez, pas de conneries ma mignonne.
« Ok, Flammèche, c'est pas ta faute. Pas d'embrouille. Tu peux rentrer chez toi maintenant.
- Quoi, rentrer chez moi ? Ça va pas la tête ? Faut que je le trouve, ce putain de tripot !
- Bon, écoute, Flammèche, j'ai pas le temps pour me trimbaler un merdeux qui veut se faire du fric illégalement en croyant avoir trouvé la solution pour tous les arnaquer. Si tu déguerpis tout de suite, j'oublie ton existence, et on en parle plus.
- On va vite mettre les choses au point. Je ne m'appelle pas Flammèche, je ne cherche pas le tripot pour participer à une quelconque activité illégale, et tu vas baisser d'un ton sinon...
- Sinon, quoi ? »
Il a fait apparaître une flamme dans son poing fermé, comme pour lui montrer qu'il n'a pas peur d'utiliser la violence face à elle. Ni une, ni deux, Zahria capture la lumière de sa flamme et renforce ses propres poings, qui se mettent à luire. Les deux adversaires se jaugent, la température commence à monter. Tout à coup une voix s'élève non loin d'eux. C'est celle du mendiant à qui Flammèche a filé un cristal, il ricane et ça fait comme un bruit de porte qui grince.
« Vous vous êtes faits avoir, bande de cons...
- Et dis donc, le pouilleux, si t'as un problème je peux te régler ton compte, à toi aussi !
- Oh bah s'il faut que ça pour faire plaisir à la demoiselle, moi je veux bien, ça fait longtemps que j'ai pas été intime avec une jolie nana... »
Il se met encore à ricaner, et cette fois c'est Flammèche qui le saisit par le col pour le soulever de quelques centimètres. Bizarrement, ça ne le fait que ricaner encore plus fort.
« T'es au courant de quelque chose ?
- Non, pas vraiment, et puis même si c'était le cas, je parle pas gratos... Vous aviez pas proposé... Trente cristaux noirs ? »
Impossible qu'il les ait entendu naturellement, ils étaient bien trop loin de lui quand ils ont eu leur discussion. Zahria comprend vite, heureusement. A défaut de s'être rendue compte que Flammèche était pas son indic, elle a toujours le reste de son intuition, un peu mise à mal, mais intacte.
« Ton pouvoir, c'est une super ouïe ?
- Oh bah, dis donc, elle a enfin compris quelque chose la jolie nana !
- Du coup t'entends tout ce qui se passe dans le quartier ?
- Ouais. Trente cristaux noirs pour la suite.
- Un repas et une chambre dans l'auberge la plus proche, c'est tout ce que je t'offre. Et si t'es suffisamment sympa, je demande même à Flammèche de te poser par terre pour que tu marches jusque là-bas tout seul.
- Je m'appelle pas Flammèche !
- Ta gueule, toi, je négocie avec le monsieur là.
- Dis donc la Luciole, si tu me cherches tu vas me trouver.
- Et sinon, pour mes trente cristaux noirs... ?
- C'est mort. Un repas et une chambre, ou le poing enflammé de Flammèche.
- Que je te vais foutre dans ton petit minois juste après, Luciole.
- Bon d'accord, vous battez pas, c'est bon, on roule pour le repas et la chambre. Lâchez-moi, par contre... s'il vous plait ?
- Je préfère ça.
- Vas-y, lâche le, on va aller en bas de la rue, y'a une petite auberge tranquille. »
Comme Flammèche lâche le mendiant, Zahria le saisit par le bras et l'entraîne vers le bas de la rue. Il pue et il est crasseux, mais elle n'a pas de temps à perdre. Bizarrement, l'autre enflammé se met à les suivre.
« Qu'est-ce que tu veux, encore ?
- Bah je viens ! Moi aussi je veux les infos !
- Mais je te dois rien à toi, c'est moi qui ait négocié avec lui !
- Oh bah si le monsieur veut mes infos, il peut toujours payer les trente cristaux hein...
- Ta gueule on t'a dit ! »
Zahria lâche un peu violemment le mendiant, qui s'écroule contre un mur, un petit sourire narquois sur les lèvres pendant qu'il observe le réglage de comptes entre Flammèche et Luciole.
« Pourquoi tu cherches le tripot Flammèche ?
- J'ai pas à te dire. Mais c'est rien d'illégal, si ça peut te rassurer. Et toi ?
- Hum. Pareil. Prouve le.
- Ptain t'es chiante toi hein ! Je suis chasseur de primes, je cherche un type qui a une grosse dette envers mon client.
- Ah, d'accord. Bon, c'est bon, tu peux venir.
- Attends, tu vas pas me dire ce que tu cherches dans le tripot, toi ?!
- Non. »
Et les voilà repartis, plus vifs que jamais, chacun accrochés au mendiant de chaque côté, prêts à le cuisiner sur toutes les informations que le vieux peut avoir. Et Zahria ne l'avouera pas, mais elle sait bien, maintenant qu'elle s'est rendue compte qu'il n'est là pour des raisons malhonnêtes, qu'elle vient de trouver quelqu'un dont le pouvoir a une parfaite synergie avec le sien, et qu'elle est intriguée. Si bien que quand ils arrivent devant l'auberge, sa colère s'est quelque peu apaisée. Ils s'installent à une table discrète au fond de la salle de restauration et commandent un repas complet. Et l'interrogatoire est prêt à commencer.
Qui elle est, bordel. Primo, elle en a sous le capot. Secundo, c'est quoi ce pouvoir . À scintiller comme une déco de la fête du Solstice? Et tertio, elle est qui pour me parler comme ça? Mais non, je n'ai pas envoyé son crâne dans un mur à dix reprises. Non, je ne l'ai pas brûlé surplace. Non je ne lui ai pas pulvérisé la totalité de ses dents. Je suis resté là comme un idiot, complètement déstabilisé par la situation. J'sais pas, y a un truc qui m'intrigue, elle pensait que je traînais dans ce genre de sales affaires. Et vu sa façon d'en parler, elle n'a pas l'air d'y foutre les miches aussi. Peu importe, j'aurai le fin mot de tout ce merdier, quoi qu'il arrive.
On rentre dans l'auberge, aussi chaotique que l’extérieur, quoiqu'un peu plus chaleureux. Les serveuses sont dégueulasses à regarder et doivent sans doute servir de tapin pour ramener plus de blé dans l'établissement. Il y a trois péquenots qui jouent de la gratte dont un qui tape dans un tambour, les instruments sonnent tous faux, trop usés sans doute. Tous les clients paraissent louches, à se demander si ne nous sommes pas arrivés dans ledit tripot. Luciole et moi-même tenant les bras du clodo discrètement en balayant du regard tous ces pouilleux. Saut que c'est nous qui faisons tache paradoxalement, car beaucoup trop propre. On s'installe, elle passe commande et pour ne pas éveiller les soupçons je commande deux chopes de bière. Le mendiant se frotte les mains, se mouche dans un chiffon marron, qui devait être blanc dans une autre vie. La petite Lumière ouvre encore sa gueule la première.
- Bon, accouche. Qu'est-ce que tu sais?
- Patience, patience...Vous n'allez pas questionner un homme qui a le ventre vide non?
- Si tu l'ouvres pas, ton bide, je l'ouvre en deux par le bas.
- Aaah, la pitance !
Une écuelle en bois présente des fèves dans une espèce de bouillon. À présent sur la table et devant sa tronche, l'homme commence à sortir son chiffon avec lequel il s'est mouché ya deux secondes pour le foutre en bavoir; complètement crade le type. Nos chopines ne vont pas tarder à ce pointer et l'homme entame les premières cuillères. Il bouffait la bouche ouverte, et les mastications avaient comme un bruits de bottes qui piétinent dans la boue. J'arrête de regarder le massacre et bois une grosse gorgée pour me donner du courage. La bière est dégueulasse. J'peux pas l'interroger à ma manière au vu du cadre et j'sais pas si la nana à côté de moi tolère ce genre de traitement. Je racle la gorge et pose mon poing sur la table.
- Ton bide se remplit ça y est ?
- Allez y, posez vos questions.
- Tu sais très bien ce qu'on veut, le pouilleux !
- T'as entendu la donzelle.
- Très bien, très bien...
L'homme pose sa cuillère, heureusement qu'elle n'est pas vivante, elle serait morte à l'instant où elle est entrée dans le bec. Il racle la gorge et ferme les yeux, sans doute pour remettre un peu tout ce qu'il a attendu, sauf si c'est de la comédie et nous fait perdre du temps. Ses yeux s'ouvrent et bizarrement son ton est sérieux. Luciole me jette un regard, moi aussi et on se rapproche pour lui faire comprendre de chuchoter.
- Vous n'étiez pas loin du tripot. Mais on n'entre pas comme ça. À l'extérieur, rien ne le démarque du reste des bâtiments du coin. Il a la même architecture, la même façade sale, et la porte possède une chaîne pour empêcher les gens d'entrer en juste enfonçant la porte. Plusieurs gardes sont à l'intérieur; un gros roux du nom de Marx s'occupe de faire entrer et sortir les personnes. Pas par crainte d'espions ou de forces de l'ordre, mais qu'un client avec des pouvoirs à la con ne se pointe et fasse un scandale. Il y a un gérant, qui chapeaute le tout. Il est souvent proche de ses employés, car il doit les connaître pour garder la main dessus. Les gens viennent pour jouer, parier ou tirer un coup avec des femmes de joies.
Il marque un temps en faisant un clin d’œil à Luciole, puis reprend une bouchée de fèves. Pendant ce temps je m'assure que personne ne nous écoute, ou nous regarde. Pour l'instant, rien.
- Il faut continuer à descendre dans les bas quartier, après le Carrefour des Embrunes. Il y a un cristal qui fait une lumière bleue au dessus d'une porte en bois, vous ne la louperai pas. L'intérieur est richement décoré, il met à l'aise. Un feu de cheminée central, de l'alcool à gogo, des coins confortables. C'est peu lumineux avec peu de fenêtre. De l'encens peut brûler pour adoucir l'odeur générale. Enfin, y paraît.
- T'as l'air vachement au courant.
- Je suis très attentif.
- Et moi j'ai bonne mémoire. J'te retrouverai si tu nous as enflés.
Je laisse une poignée de cristal et Luciole se barre au comptoir pour payer le gite de notre... Indic? Bref, on se fait pas trop attendre pour sortir et je lui ouvre la porte avant de sortir moi aussi.
Fini le bruit des fausses notes du groupe de tocards qui étaient à l'intérieur, et on retrouve les coins sombres de l'extérieur. Luciole commence déjà à marcher vers la direction donnée, sans m'attendre, encore une fois.
- Hey !
Elle continue, et ça commence sérieusement à m'énerver. J'arrive à son niveau, je l'attrape par l'épaule et la pivote de force vers moi.
- Quoi ?!
- On devrai peut-être réfléchir à un plan non ?!
- ...
- T'iras pas seule, alors la solitaire va arrêter de jouer avec ses mains qui font de la lumière, et va gentiment me laisser travailler avec elle. A commencer par me dire qu'est-ce qu'elle veut, vraiment.
Sa respiration est bruyante, la mienne aussi. Et j'ignore si on est partie pour se casser la gueule ou y aller une bonne fois pour toute, à ce tripot. Quelle soirée de merde, j'te jure.
« Ecoute, tout ce que t'as besoin de savoir, c'est que je suis du côté des gentils, que je cherche des infos sur ce tripot et les gens qui le gèrent, pas pour mon propre intérêt ni pour un souci de vengeance personnelle... »
Quoi que, s'ils sont vraiment liés à la Cabale, un peu quand même...
« ... mais juste pour rendre justice, si possible, d'accord ? J'ai entendu dire qu'il y avait du trafic humain dans c't'endroit, vois-tu. Je veux tirer le vrai du faux. Maintenant, si tu tiens vraiment à venir avec moi, arrête de me poser des questions et commence à me faire confiance.
- Mais c'est toi qui a commencé à ne pas me faire confiance et à poser des questions !
- Ouais, mais t'étais louche, fallait que je sois sûre.
- Pas plus louche que toi Luciole.
- Ouais ouais, c'est ça.
- Du coup, le plan c'est quoi ?
- Le plan c'est: "on se fait passer pour des clients, on rentre, on joue, et on observe."
- Ça a l'air simple.
- Tu vas réussir à suivre, Flammèche ?
- Ce sera pas plus compliqué que de résister à te foutre mon poing dans la gueule, en tout cas. Bon, et si on trouve des trucs louches ?
- On avisera, mais on va éviter de foutre la merde et tout cramer, si tu vois c'que j'veux dire.
- Ça marche, on fait profil bas.
- Allez, ferme ta gueule maintenant, on y va.
- Me donne pas d'ordre.
- D'accord, bah j'y vais sans toi.
- Nan, c'est bon, je viens. »
Sacré duo que celui-là.
Ils parviennent à arriver en silence, et même plutôt calmes, jusqu'au tripot indiqué par le vieux mendiant. Devant la porte, y'a un jeune homme brun avec une boîte d'allumettes et une femme aux cheveux et yeux roses pailletés. Si ce serait pas les indics avec qui ils avaient rendez-vous au départ ? De toutes façons, ils se font refouler à l'entrée. Donc ils auraient pas été très utiles. C'est Flammèche, qui s'avance vers le vigile, certainement le fameux Marx, vu la rousseur de ses cheveux.
« Pourquoi ils sont pas entrés eux ?
- C'est des fauteurs de trouble, ils essaient de se venger parce qu'ils ont perdu leur pognon dans le tripot y'a une semaine, depuis ils nous ramènent des gars louches à qui ils auraient "indiqué" l'endroit comme un tripot illégal. Pourquoi, vous les connaissez ?
- Nan, pas du tout.
- Et vous voulez entrer ?
- Oui, ce serait bien.
- C'est quoi vos pouvoirs ? »
Zahria s'avance et interrompt Flammèche avant qu'il ne puisse répondre.
« Lui il fait pousser ses cheveux deux fois plus vite que la normale, et moi j'ai les yeux qui changent de couleur. Et toi, c'est quoi ?
- Je peux deviner quand quelqu'un me ment.
- Ah, c'est génial ! C'est pas le pouvoir de la reine, ça ? Ça doit être bien pratique.
- Ça l'est. »
Il la fixe intensément du regard, pendant quelques secondes. Zahria lui sourit calmement. Puis il sourit à son tour, et s'efface pour les laisser passer. Une fois à l'intérieur, Flammèche s'approche pour lui chuchoter quelques mots à l'oreille.
« J'ai pas compris.
- Les gars qui annoncent qu'ils ont le pouvoir de la reine, on en voit tous les jours, c'est pour décourager les gens. Une tactique habituelle de vigile. Suffit de ne pas changer d'attitude, ils savent reconnaître la nervosité des menteurs.
- Mais comment tu savais que c'était pas vrai ?
- Je savais pas, j'ai tenté ma chance, c'est tout. »
Une fois à l'intérieur, on leur demande de ranger leurs armes dans un coffre fermé par un membre du personnel, et on les amène vers un petit guichet où on leur indique qu'ils peuvent échanger leurs cristaux avec la monnaie du tripot, des sortes de jetons qui servent à payer tous les services de l'endroit. Bah dis donc. Zahria attendait le vieux tripot sordide des bas-fonds, c'est presque plus luxueux que chez Maître Shirin. Et on ferait du trafic humain, ici ? A première vue, ça a l'air d'être un tripot tout à fait réglementaire, avec sa partie jeux et son bordel à l'étage. Ou alors, il cache bien son jeu. Il est temps de démêler le vrai du faux.
Ils échangent une somme de cristaux contre des jetons, et s'installent à une table différente tous les deux. Flammèche cherche son homme, Zahria, ses preuves. Sauf qu'elle rame. Une demi-heure passe, puis une heure, sans que rien d'étrange ne semble se passe. Flammèche, dans son coin, a l'air aussi désemparé qu'elle. Ils finissent par se retrouver, dans un coin tranquille, au bout d'un long moment.
« Alors ?
- Chais pas, j'ai presque l'impression qu'on est pas au bon endroit.
- Pourtant, j'ai demandé, y'a rien d'autre que ce tripot-là, dans le coin.
- Et ton gars ?
- Ils le connaissent, en tout cas, mais il est pas encore là ce soir.
- Donc on est au bon endroit pour ton cas.
- Ouais, à priori. Mais du coup, y'a pas grand chose de louche. Rien entrevu qui fasse croire à un quelconque trafic.
- Pareil.
- Du coup ?
- Bah je vais t'aider à trouver ton gars, maintenant qu'on est là. Si ça se trouve, en l'attendant, on découvrira peut-être quelque chose pour ton affaire.
- Ou alors, tu t'es fait roulé dans la farine.
- C'est très possible, ça. »
Et ça arrive même un peu trop souvent, ces derniers temps, que ses indics lui donnent des fausses pistes. Comme si quelqu'un, dans l'ombre, cherchait à lui faire perdre du temps, à l'envoyer se balader à droite et à gauche sans but réel. Ça corrobore l'idée que ces connards de la Cabale sont infiltrés chez elle, et ça la met en rogne.
« Hé, Luciole, t'énerve pas, c'pas grave. Tant mieux, j'ai envie de dire, si le tripot est propre.
- Ouais, t'as raison. Bon, trouvons ton gars.
- Allez. »
Et le duo se mit à travailler ensemble, aussi étonnant que ça puisse paraître.
Y'a pas à dire, elle fait chier. Elle souffle le chaud pour dire le froid, elle arrive sans problème à me faire partir au quart de tour et pourtant ... Faut reconnaître que son caractère décapant doit très bien lui servir. Elle sait aussi se faire petite quand il le faut, et de ce que j'ai vu lorsque nous étions chacun de notre côté j'ai pu constater qu'elle sait prendre le temps d'analyser les choses. Chasseuse aussi ? Ça ne m'étonnerait pas. En tout cas, ça ne change rien. Elle rame. Elle rame grave même, et finalement, ça m'embête pour elle. J'connais ça, avoir la certitude d'être au bon endroit et pis finalement perdre son temps plus qu'autre chose. Je découvre son altruisme non sans surprise, à vouloir me donner un coup de main sur la capture de ma prime, ou peut-être qu'elle s'ennuie et veut rentabiliser tout ce temps perdu pour quelque chose. Cette nana est un vrai un mystère. J'garde toute cette curiosité pour moi et on sort de notre coin pour retrouver nos places respectives.
C'est vraiment chic ici. De belles tapisseries, une petite cheminée, des tables en bois qu'on pourrait largement trouver dans des salons de bourges. Et c'est clean, jeux de cartes, de dés, et même une espèce d'assiette avec des cases chiffrées dedans qui tourne sur elle-même avec une bille à l'intérieur. Les joueurs parient leurs jetons sur la couleur de la case et le chiffre. 'Connaissais pas. Les clients sont plus ou moins bien habillés; des gens un peu moins friqués tentent leurs chances, d'autres qui viennent en conquérant avec leurs tapins sur les genoux. Ceux qui ont fini de jouer montent à l'étage. Assis à ma table, j'pose mes jetons et me trouve dans une partie de cartes. À ma droite un mec avec un costard qui pourrait payer ma boutique, à ma gauche un gros lard avec une blonde assez jolie qui lui masse le dos et en face, un homme, cheveux bruns plaqués en arrière, les gants blancs et une canne d'apparat posée sur sa chaise. J'crois que je n'ai pas du tout le profil pour m'installer, ils ont l'air de me le faire savoir en m'zyeutant comme si j'étais un animal, j'interrompt cette scène ridicule qui me fait ni chaud, ni froid. Enfin si, très chaud, mais c'est pour leurs pommes que j'm'inquiète.
- Messieurs.
- Nouveau joueur, je présume ? Me dit le Tonneau humain.
- Ouais, j'tente ma chance.
- Vous connaissez les règles j'espère? Me répond le costard 32 pièces.
- Sans dec'.
- La tradition dit que c'est les nouveaux joueurs qui commencent. Me rétorque Monsieur la Canne, sans doute celui en quel j'ai le plus d'appréhension.
- Bien. J'commence avec 10 jetons.
Tout le monde me suis, et là l'obèse claque des doigts avant qu'un croupier se pointe avec un paquet de cartes et commence à distribuer. J'en profite pour commencer mon interrogatoire. Juste avant, je cherche des yeux Luciole... Génial, elle a choisi l'angle parfait pour qu'on puisse se reluquer en cas de besoin. Elle joue aux dés et les joueurs louchent sur elle, c'est vrai qu'elle est canon. Ahem. Donc, on disait quoi déjà ?
- Vous avez pas l'habitude des nouveaux joueurs alors?
J'récupère mes deux cartes et regarde ma main. Elle vaut que-dalle, putain.
- Oh si, mais je vous avouerai qu'ils ne restent jamais bien longtemps. Ajoute le Tonneau sur les gloussement de sa blonde.
Tout le monde regardent leurs mains et attendent que j'embraye. J'suis pas venue pour gagner, mais j'adore le fric...
- J'ajoute 20 jetons.
Tout le monde suis et le croupier avait posé 5 cartes, 4 étaient faces caché et il retourne la suivante.
- Apparemment y'avait un nouveau joueur qui se débrouillait pas mal. Enfin, il paraît.
La Canne fronce les sourcils et relance de 10 jetons.
- C'est ce qui vous amène ici ?
- Disons, que ça m'a encouragé à vouloir tenter ma chance. V'voyez ?
- Bien sur...
Puis la porte s'ouvre. J'me retourne et vois un homme rentrer. Il a l'air de correspondre au profil que mon client avait décrit. J'me retourne vers les autres joueurs et me rappelle c'que Luciole m'a dit avant d'entrer. " J'ai tenté ma chance, c'est tout."
- Quand on parle du Fenrir...
Ha, bingo. Toute la table baisse les yeux et j'fais de suite le lien.
- Sans dec', il vous a tous arnaqué?
- Sa suffit ! Vous jouez ?! S'enflamme le Bibindum sous mes moqueries.
- Tcheck'. Que je répond en tapant deux doigts sur la table en essayant d'étouffer mon rire.
Le flop est entièrement retourné et c'est l'heure de se coucher. J'pose mes cartes, eux également et c'est La Canne qui rafle la mise. Moi, rien à cirer, me contente de fixer ma proie. Elle s'approche de la table de Luciole et lui dit bonjour, j'entends pas trop se qu'ils blablatent, et pile à ce moment, une tapin va me gâcher la vue en se mettant devant moi, louchant sur mes jetons et tentant de m'faire un clin d’œil coquin.
- On peut jouer à un autre jeu si tu veux, beau brun.
- Mauvaise idée, dérapes. J'ai pas le temps.
- Oh !
- Les gars, c'était sympa.
Finalement j'me retrouve un peu con quand j'essaie de rejoindre l'autre table. Les hostilités avaient déjà commencés, et ce connard a déjà misé ses premiers jetons. Luciole me regarde, j'lui fais un signe de tête pour indiquer notre homme. Elle pige de suite, décidément travailler avec elle c'est une partie de plaisir. Mais moi j'peux pas rester là comme un crétin à les espionner. Pas assez de jetons pour relancer une partie, j'me retourne vers la nana aux cheveux bleues électriques qui m'avait proposée ses "services". Elle avait une clope au bec, alors une idée me vient à l'esprit.
- Hey !
- Ca va j'ai compris, te fatig-
- Si j'te dis que je peux monter la température, en un clin d’œil?
- Hm ?
Mes yeux deviennent incandescents et en fermant une paupière, le brasier de sa cigarette le consumera entièrement jusqu'au filtre. J'abuse de mon regard charmeur en ajoutant un sourire carnassier, et la donzelle se rapproche, conquise. Je joue au chat et à la souris jusqu'à m'asseoir sur un fauteuil en sa compagnie, avec toujours luciole et ma prime en plein dans le viseur. La table était complète, et fallait qu'elle trouve un moyen de le sortir de cette partie, sans lui laisser la chance de prendre la fuite bien entendu. La prostituée reprend la charge en se penchant vers moi, avec un décolleté et une poitrine interminable. J'suis piégé. Tout repose sur Luciole Grande Gueule, maintenant.
Mais... elle devrait y arriver, si ?
A table, ça joue. Pour l'instant, le gars que lui a indiqué Flammèche n'a monté aucune combine étrange, mais elle sent bien que son collègue de fortune ne va pas attendre des plombes pour le dézinguer. Surtout qu'avec son petit jeu avec la cigarette, il a attiré l'oeil de l'un des vigiles, et qu'ils sont visiblement en train de parler de lui, un peu plus loin. Bah ouais. C'est sûr qu'ils doivent pas très bien voir le lien entre le fait de faire pousser ses cheveux deux fois plus vite que la normale et embraser une cigarette jusqu'au filtre en un clin d'oeil. Ils doivent se dire qu'ils ont mal vu, parce qu'ils finissent leur conversation en haussant les épaules et repartant chacun de leur côté. Coup de chance pour Flammèche, mais faudrait qu'il pense à faire gaffe, quoi.
Zahria fait semblant de mal jouer, elle qui pourtant a tout appris du poker et autres jeux à Calixte et Vaelin. Elle fait aussi semblant d'être un peu cruche. Elle rigole beaucoup, pour rien. Et Zahria tire sur son décolleté, en envoyant des œillades enflammées à la cible. Le gars fait semblant de ne pas remarquer, au début, et puis Zahria se penche vers lui, pour lui demander conseil sur la mise pour la prochaine main, et ses yeux n'ont pas d'autre choix que de tomber là où elle les voulait. Il déglutit, la conseille - mal - et son regard ne remonte jamais. La partie s'achève, il rafle la mise, un peu par hasard - et parce que Zahria a fait exprès de le faire gagner, mais chut, il ne faut pas le dire.
« Tu m'invites à un verre ?
- Volontiers. »
Et voilà, la prise est ferrée. Ils se lèvent tous les deux, il pose sa main dans le bas de son dos pour la pousser vers le bar. Continuant son petit jeu de charme, Zahria fait discrètement signe à Flammèche, au loin, de les rejoindre à l'étage. Une bonne occasion pour elle de visiter le reste du tripot, même si elle n'a plus vraiment de doutes sur le fait de s'être fait rouler sur les informations. Au moins, si elle aide Flammèche à récupérer sa prime, sa journée ne sera pas complètement perdue. En se penchant pour sussurrer quelques mots dans l'oreille de leur gars, sa joue se frotte contre sa barbe, ça lui fait penser à Vrenn. Pas le moment.
Il ne faut pas plus de dix minutes de minauderies pour qu'il lui propose de monter. Flammèche a disparu, certainement déjà en haut, mais elle l'a perdu de vue à un moment, donc elle n'est même pas sûre. La main du gars cette fois-ci est carrément sur ses fesses, plus aucune honte. Il est convaincu d'avoir tout raflé ce soir, tant mieux, c'est plus facile de les surprendre quand ils sont en confiance. Il paye la chambre, on leur confie la clé. Une fois d'être dans la chambre il commence à l'embrasser, Zahria se laisse faire. Il la soulève, la dépose sur le lit. Bizarre, ça fait longtemps qu'elle n'a pas fait ça avec un inconnu. Zahria lui enlève sa chemise, commence à jouer avec, et l'utilise pour attacher sa main gauche au lit. Le gars est séduit. Tellement facile.
Deux minutes plus tard, quand elle se relève du lit, après lui avoir attaché les deux mains, et que son sourire disparaît, il ne comprend pas tout de suite. Il faut qu'elle ouvre la porte, pour laisser entrer Flammèche, pour qu'il se dise qu'il y a un truc qui cloche. Elle se rhabille, s'assoit dans un coin de la pièce.
« Pas de conneries, Flammèche, ce serait con de faire des vagues ici. Je connais pas tes méthodes, mais reste doux, pas envie de me faire virer de l'établissement avec un coup de pied au cul. »
Elle ne les connait pas, mais vu le début de leur relation, elle les devine très bien, après tout... Bien, c'est à lui de jouer, maintenant. Elle croise les jambes, et observe. Faut voir s'il est vraiment efficace. Ça peut être bon d'avoir un chasseur de prime compétent dans ses contacts, après tout...
Finalement, ça lui va plutôt bien, la donzelle groupie toute niaise. Vrai que niveau comédie, elle est très forte. Notre homme n'y voit que du feu... Et il ne m'a pas encore vu à l'oeuvre. Son plan a l'air de fonctionner à merveille, mais, bizarrement, il n'a enflé personne. Enfin de mon poste c'est pas évident d'y voir s'il avait une carte dans sa manche. Et va essayer d'embobiner des gens dans un jeu de dés. Elle joue comme une catastrophe, l'allume et se rapproche de lui comme une pauvre adolescente dopée aux hormones. S'en est presque effrayant parce que j'me dis qu'elle pourrait carrément m'avoir aussi. J'me suis fait avoir par Haru... mais ce n'est pas le moment de penser à elle. La partie se termine et ils échangent un mot avant de se diriger vers le bar, c'est le moment de-
- Eh oh ! Tu rêves ?!
Ah merde c'est vrai y'a elle aussi.
- Hum, désolé. Ta compagnie me procure une drôle de sensation. Que j'dis avec un ton faussement mielleux.
- Ah oui...? Et pourquoi ça ? Qu'elle me répond, tentatrice.
Mes yeux bloqueront indubitablement vers ses... Yeux, oui voilà ses yeux. C'est ça qui faut regarder.
- Tes prunelles, chérie.
Pendant qu'elle me prend dans ses bras je zyeute par-dessus son épaule l'objet de mon enquête. L'homme part en vainqueur vers le bar en se disant qu'il a eu le beurre, l'argent du beurre et le fessier de Luciole. Elle profite d'un moment opportun comme moi pour dire qu'ils ne vont pas tarder à monter. Donc va falloir que je trouve un moyen de monter aussi. Mais j'ai un passe-partout avec des cheveux bleus et des atouts... indiscutablement avantageux. Je quitte son étreinte et sors un jeton de 100 entre les doigts.
- Sa t'dis de poursuivre à l'étage? Que j'lui propose du même clin d'oeil que le premier.
Elle saisit mes deux dextres qui tiennent le jeton puis l'insère dans sa poitrine sans me quitter des yeux.
- Ça tombe bien, j'ai plutôt froid.
Bingo. J'souris à ses avances et on quitte le fauteuil tandis que Luciole fait semblant de fondre sous son charme. L'occasion de monter avant elle pour le coup. Le haut est aussi chic que le rez-de-chaussée. Un grand tapis bordeaux couvre le sol de l'allée qui sépare les chambres. Par contre, le manque d'isolation nous fait savoir qui couche avec qui. Les portes occupées sont indiquées par un ruban rouge noué en papillon sur les poignées. La donzelle attrape mes mains et marche comme un félin vers une porte disponible. Elle fait le nœud, on entre, puis elle se retourne.
- 100 jetons, tu peux m'avoir pendant une heure.
- Dommage, c'est juste l'échauffement pour moi. Bon écoute, faut que j'te dise quelque chose.
C'est le moment de sortir la flûte, la flûte à mensonge, j'veux dire.
- T'as vu y'avais une nana...
- La métisse qui jouais à la table des dès?
- Ouais.
- Je vous ai vu entrer tout à l'heure, oui.
- Ouais bah... Je voulais passer du temps avec elle et j'me suis demandé si tu pouvais me laisser cette chambre pendant une heure, du coup.
- Oh.. Vous êtes...
- Ouais, c'est ça.
Elle me juge du regard, l'air de dire que pour un rencard ya mieux comme endroit qu'ici. Et j'suis d'accord. Mine de rien elle prend mon jeton comptant et s'en va, déçue. De toute façon j'en ai pas grand-chose à cirer de comment on pourrait me voir, j'aurai faits de la politique sinon. J'attends une minute, le temps d'entendre ses talons s'éloigner de la chambre avant d'entendre les rires de luciole qui glousse comme une dinde qui montent les escaliers. Je me rapproche de la porte, puis j'entre ouvre pour avoir un oeil de ce qui se passe. Voilà, ils prennent une chambre à deux portes d'ici. Comme elle a l'air de gérer du steak sa prise, j'vais attendre une éventuelle évolution de la situation. De toute manière si j'entends des hurlements j'irai le cuir surplace. Mais rien pour l'instant. Une minute, deux minutes, et je n'ai pas bougé d'un centimètre. Puis la porte s'ouvre. Je me dépêche d'y aller, et constate qu'effectivement, Luciole est vraiment une pro. Attaché comme un chevreuil avant de se faire dépecer, torse nu, Luciole me sert ma capture sur un plateau d'argent. Encore une personne envers qui je vais avoir une dette. L'homme pige que dalle à ce qu'il lui arrive, jusqu'à ce qu'il entend son ex conquête du soir me demander d'y aller mollo. Et j'avoue... Oui. Elle a encore raison.
- Eh ! T'es qui toi?!
- Quelqu'un que t'as pas envie de connaître.
- On peut m'expliquer ce qui se passe? Tu vas répondre, pouffiasse?!
Avant qu'on se fasse entendre davantage je plaque ma main gauche sur ses lèvres. La main droite va devenir incandescente, rouge orangée, et on y verra à travers mes os et mon sang circuler à toute vitesse. Elle se rapproche doucement du derme de son ventre qui commence à suer et rougir.
- On va y aller méthodiquement, tous les deux. Je sais qui tu es et faudra pas me mentir. Si je ressens l'once d'un doute. Je passerai à la phase Une. Ma main qui est sur ta bouche va fondre tes lèvres et se coller entre elles. En phase Deux, je vais plier quelque chose. Quelque chose qui n'aime pas qu'on la plie. Et en phase Trois, tu perdras connaissance, je te réveillerai et on reprendra la phase Une sur une autre partie de ton corps. J'aurai ce que je veux, à l'écrit, en clignement de l'oeil ou en signe de tête. J'ai toute la nuit, mon pote. Et la nana qui va nous regarder faire ne te considère même pas comme une trace de merde sous ses godasses. D'ailleurs, moi aussi. Te descendre, ne me fera ni chaud, ni froid. Cligne des yeux si t'as pigé.
Il acquiesce à ma demande. L'entièreté de son ventre est rouge écarlate, comme un gros coup de soleil, et ma main reprend une couleur normale. Je relâche ensuite doucement ses lèvres et sors la prime de mon manteau que je déplie devant lui.
- Morice Langer. C'est ça?
- ...Oui.
- Alors, mon p'tit Morice, t'es un peu emmerdé je crois. Tu sais pourquoi Morice ?
- ...Non.
- C'est Archibald Melchiore qui m'envoie.
Ses yeux s'écarquillent, tétanisés. Il est temps de lui faire croire qu'il a une chance maintenant.
- Tu l'connais, hein Morice?
- Ca fais longtemps, une longue connaissance.
- Ah, mais il t'a pas oublié Morice. Tu es toujours dans sa p'tite tête, et tu sais pourquoi, Morice?
J'adore son prénom. Mais il est temps de passer aux aveux alors je lui envoie des petites gifles agaçantes pour qu'il se dépêche.
- Arrêtez s'il vous plait ! Il m'a prêté de l'argent...!
- C'est pas tout à fait ça, Morice.
Ma main redeviens flamboyante et s'approche de sa bouche.
- Il m'a prêté de l'argent aux jeux... Et...
- Et ?!
- Je l'ai perdu...
- Tout à fait, Morice. Et maintenant, il m'envoie pour te dire qu'il est temps de passer à la caisse. Morice. Que je rétorque, satisfait, et en éteignant ma main en la secouant.
Il s'en fou de ton pognon, il te veut, toi. Bon...
- Où est ton argent.
- ...
- Morice... Que je souffle exaspéré et relevant la main.
- Dans mon coffre ! Dans mon coffre. 10 Impasse Grimvor Renmyrth.
- La résidence à côté du parc ? la "Caravelle D'Aryon" machin truc?
- C'est ça.
- Très bien. Et bah tu vois, c'était pas compliqué. Tu vas m'y emmener.
J'commence à rire faussement, pendant quelques secondes jusqu'à ce que l'homme se fasse avoir en souriant, avant de rire aussi. J'l'attrape à la gorge pour briser ce moment et de le surprendre, et mon visage tout entier prend feu.
- Si tu me mens ou tente de fuir, je te retrouve et je te brise. Que je menace avec une voix qui est double lorsque mon visage est en feu. Une gueule qui pourrai donner des cauchemars aux cauchemars.
Il répond vivement d'un signe de tête et mon visage revient à la normale. J'me lève. Puis je le détache.
- Bon, on va sortir tout les trois, et tu vas nous faire un joli sourire. Mais... Un pas plus rapide que le mien, tu manges une déflagration et je serai en face pour voir les cendres tomber.
J'reprend un visage amical vers Luciole.
- T'arriverai à nous sortir du tripot?
J'suis pas l'homme le plus discret d'Aryon, mais elle si. C'est une certitude même.
« Allez, chéri, c'est pas grave, ça doit être les crevettes de ce midi, on va te ramener à la maison... Tu nous aides, mon chou ? »
Sur le pallier, y'a la fille aux cheveux bleus qui arrive avec un nouveau client, et qui la regarde avec la même surprise que Flammèche dans les yeux. Zahria lève un sourcil agacé. Flammèche sort à ce moment-là en soutenant Morice, Cheveux Bleus écarquille les yeux. Alors la brune se rapproche des deux hommes, se collant à Flammèche, mais gardant les yeux braqués sur Cheveux Bleus.
« Pour une fois qu'on avait trouvé un endroit tranquille... C'est pas facile, 'savez, l'amour à trois, les gens ont tendance à juger... »
Zahria détourne son attention de la pimbêche, et capture les lèvres de Flammèche tout en passant une main lascive sur Morice. Du coin de l'oeil, elle voit Cheveux bleus hausser les épaules et rentrer dans une piaule avec son gars, et elle se détache aussitôt. Cheveux Bleus a certainement vu bien pire que ça dans sa vie, et Zahria le sait, la discrétion c'est parfois d'être tellement visible qu'on ne fait plus attention à vous. Saisissant Morice par l'autre bras, elle le force à se pencher comme s'il était malade, et ils descendent l'escalier comme ça.
Zahria prend le temps d'expliquer à la sécurité, en bas, que Morice est malade, et on les fait sortir rapidement - ils n'ont visiblement pas envie qu'il souille leurs beaux tapis. Un gars prend même leurs jetons pour leur rendre leurs cristaux en les faisant passer en priorité. Si c'est pas du service de luxe, ça, dis donc. Une fois dehors, ils s'éloignent rapidement du tripot après avoir fait un coucou à leur ami le videur, et quand ils sont de retour au Carrefour des Embrumes, leur point de départ, Zahria s'arrête. Elle sort sa clope, Flammèche l'allume sans même y réfléchir. Elle lui sourit, puis lui sert la main.
« Bon, Flammèche, c'était un plaisir de bosser avec toi... finalement. Mais je vais te laisser là, je crois que tu peux te débrouiller pour la fin, et moi j'ai d'autres chats à fouetter. Nos chemins se recroiseront, chuis sûre. »
Et sur cette promesse sans aucun sous-entendu, Zahria disparaît dans une ruelle.
Merde. Elle a oublié de lui demander son nom.
Mentir, jouer le jeu, faire la comédie, anticiper, s'adapter, bordel... Elle marche sur l'eau aussi? Je n'imaginais pas sortir de ce pétrin, aussi vite, aussi facilement et comme ça. On s'fait pas trop attendre quand on quitte l'établissement pour rejoindre le carrefour de notre premier rencontre. Morice traîne de la patte mais on lui demande pas son avis. Elle dégaine sa clope et aux dernières nouvelles elle n'a pas l'air d'avoir de pierre de feu sur elle, alors je l'allume sans proposer. Elle tire une taff, et moi j'me dis qu'une pause clope me ferait un grand bien aussi. Elle ressort plus ou moins satisfaite de ce binôme qui était bien partie pour un règlement de comptes comme je les connais si bien. Elle me laisse avec ma capture qui comprend pas trop ce qui se passe et ma partenaire disparaît comme elle est apparue pour la première fois. J'souris légèrement, en m'disant que sa serai sympa de la revoir. Dans un meilleur contexte. Y me semble que j'ai oublié un truc. Mais Morice va me sortir de mes pensées.
- Et maintenant?
- Ta gueule. On s'en va.
- On devait pas aller chez moi pour le fric?
J'réponds pas et le traîne de force sans négocier davantage. Il semblerait que mon petit spectacle dans la chambre continue de faire effet et continue de suivre le pas sans trop m'en empêcher. Évidemment je garde encore pour moi la future surprise qu'il attend. Il est de moins en moins rassuré cela dit. On remonte le boulevard qui descend dans les bas-quartiers et le cadre s'améliore pas après pas. Les ruelles dégueulasses et sombres sont remplacées par des pavés propres et éclairés par les cristaux des habitations. Les poubelles remplacées par les fontaines, les mendiant par des passants nocturnes qui se promènent, et le tripot par des auberges et autres tavernes dont la musique intérieur et rythmée par les tapements de pieds de clients. Une meilleure odeur rentre dans mes poumons, au revoir la sueur, de foutres et autres odeur de fluides bizarre, ou bien les bouteilles d'alcool vides, ou bien remplit d'urine. Plus jamais j'y fous les pieds... Ou alors pour nettoyer la vermine qui reste. M'enfin d'ici là, j'vais attendre.
Et puis ça y est. On se retrouve dans un coin de la place commerçante, un endroit qui appartient aux loueurs de stocks de marchandises, des salles remplies de caisses de je ne sais quoi. Deux calèches noires attelées par des Tsy'li sont garé devant l'un d'eux. Un groupe de personnes habillées avec des tenues sombres également et au milieu coiffé d'un chapeau de noblard, Archibald attend. J'fais une petite flamme avec ma main pour lui faire savoir que c'est moi et m'arrête aussitôt. Morice commence à voir l'entourloupe.
- Attendez...Je le reconnais !! C'est-
J'lui laisse pas le temps de réfléchir quand j'lui décolle un uppercut qui l'endort sur le coup. Je le réceptionne avant qu'il tombe et le porte sur mon épaule. En marchant plus longtemps, parce que le bonhomme a l'air de manger des génauvan par dizaines au p'tit dej' apparemment, j'arrive à quelques mètres de mon client. Il fume son cigare, décidément tout le monde aura fumé ce soir. J'balance Morice à ses pieds et dénoue mon épaule.
- Vous êtes en retard.
- Des complications sur la route.
- Vous n'avez pas trouvé l'indic?
Pas exactement. M'enfin, ce n'est plus important maintenant. Si?
- Ouais, pas évident de la trouver dans cet endroit.
Il commence à regarder Morice comme pour vérifier l'état du gibier.
- Il est en bon état...On m'a dit que vous étiez plus méchant que ça.
Remercie Luciole mon pote.
- Il a vite craché le morceau. Il est plus sage que la moyenne.
Il m'affiche un rictus pour valider ma blague puis crapote sur son cigare, à nouveau.
- Vous avez des informations?
- Allez jusqu'à la Caravelle d'Aryon, le petit parc. Cherchez l'adresse suivante : 10 Impasse Grimvor Renmyrth. C'est sa cabane, vous trouverez votre pognon.
- Bien. En parlant d'argent...
Un de ses sbires me lance une bourse que j'attrape par réflexe. Elle est lourde, mais je regarde quand même l'intérieur... Bingo. J'vais peut-être prendre des vacances moi... Deux autres de ses hommes arrivent avec un sac et le foutent dedans avant de le balancer à l'arrière du fiacre. Archibald retire son chapeau et vient me serrer la main.
- C'était un plaisir de travailler avec vous, monsieur Hidoru.
- Plaisir partagé. Vous allez faire quoi du type?
- Ha...
Il retourne vers son véhicule sans me répondre mais je tiens à dire quelque chose avant qu'on lui ouvre la porte.
- Eh, si vous êtes des criminels... Tachez de ne pas avoir une prime sur votre tête.
- Et vous sur la votre, monsieur Hidoru.
La porte se ferme derrière lui et les cochers claquent les rennes. Je crache par terre, lassé de cette soirée. Mais... J'aurai fais une rencontre des plus étonnantes, aujourd'hui. J'caresse mes lèvres, amusé encore par la façon dont les siennes se sont posées dessus. Luciole, experte en infiltration et emmerdeuse à souhait. Mais oui... c'est ça que j'ai oublié !...
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