Une fois n'était pas coutume, son père venait le visiter au domaine pour voir comment se débrouillait son seul et unique enfant, la chaire de sa chaire, le sang de son sang. S'il n'avait pas beaucoup de choses qui valaient la peine pour l'ancien conseiller, qui allait sur ses années septante, la famille restait un domaine de grande importance pour lui. Naturellement chaleureux et souriant, le père Arakne était tout l'inverse de son fils ... L'espoir et la bonhomie était sa marque de fabrique, et il aimait beaucoup à se laisser aller dans les tavernes, même à l’époque où il officiait.

Ce fut donc sans ménagement qu'il "proposa" à son fils de l'accompagnait un soir durant, dans une petite fête qui s'organisait en plein milieu de la capitale, durant les beaux jours qui sévissaient sur Aryon. Et bien qu'il fût puissant, sagace et surtout très demandé, comme tout les enfants qui aimaient leur parents, Kâ ne pouvait rien lui refuser.

Après tout, il lui devait tout.

C'est donc sans rechigner qu'il était monté dans le carrosse qui les mèneraient vers le lieu des festivité, en plein coeur de la ville. Se laissant porter par les cahots de la voiture, il porta son regard vers l'extérieur, tandis que le ciel se noircissait, comme sous les coups d'un peintre divin, qui s'amuserait à faire tomber le noir sur la vie des gens d'Aryon.

- Je ne sais pas si tout cela est bien prudent père, vous savez très bien que demain nous avons des rendez vous importants avec les fournisseurs ... Fit-il alors que le paternel indiquait une adresse en particulier, une taverne où il avait ses habitudes à l'époque. L'Aventurier Téméraire, était en soit, plutôt une bonne adresse. Avant que sa retraite ne lui fut signalée, Khal Arakne, venait passer tout ses moment de libre dans cette taverne précisément, et Kâ ne savait pas bien pourquoi, et ne souhaitait pas poser la question.

Moins il en saurait sur les débauches de son père, mieux il se porterait.

- Allons mon fils, ce n'est pas parce que nous passons un morceau de soirée ici, que nous ne serons pas frais comme des gardons demain ! Fais moi confiance, allons-y ! Qu'il dit en faisant stopper la voiture, et mettant déjà pied à terre, se hâta de rejoindre le bâtiment en bois qui ne payait pas de mine.

A l'intérieur, une musique forte se déversait comme si c'était la dernière fois que l'on pouvait fêter quelque chose. Les musiciens étaient des sortes de saltimbanques de passage, que ne connaissait pas Kâ.

Cependant, il les trouva bon. Les paroles étaient recherchés, la musique entraînante, le rythme endiablé. Il commença même à dodeliner de la tête, tandis que son père le tira vers le comptoir, où il salua un homme grand et brun, qui servait la boisson. Pas étonnant qu'il connaisse Khal dans ce cas, se dit le jeune homme.

- Je vais prendre un panaché, mon père lui, boira de l'eau !

Et c'est là que l'histoire de nos deux hommes commence ... Tandis que son paternel pestait contre son fils, et refusait de boire de l'eau pendant une fête.

La taverne ne payait pas de mine, Kâ reconnût les gouts très ordinaires de son père en terme de débit de boisson. Lui, préférait largement déguster son propre vin, dans ses caves ; Là ou la température en faisait un doux néctare, délicieux en bouche, incroyable sur le palais. Mais chacun ses petits plaisirs, et le jeune Arakne se serait bien gardé de juger son propre père, qui l'avait vu naître et grandir. Il avait du respect pour les choses et les gens, il savait tout le bien que cela rapportait de laisser leur chances à ceux dont les apparences étaient trompeuses.

Et il eut raison en découvrant l'homme responsable de cet établissement.

Une voix forte, graveleuse et profonde, lui parla de manière tantôt charmeuse, tantôt franchouillarde, mais toujours emplit d'un profond respect pour sa personne. Kâ y reconnût un professionnel dont le sourire devait être à tout épreuve ; Et surtout un homme qui savait se servir d'une arme. Les cales sur ses mains, la façon dont il se déplaçait, sa manière même de regarder ce qu'il se passait dans son bar, sans jamais cesser de faire attention aux deux Arakne... Oui, cet homme était sûrement un ancien combattant de la garde, ou bien l'un de ses aventuriers téméraire qui peuplait Aryon.


- Kâ, fit-il en tendant une mains à l'homme, qui était fort beau pour quelqu'un de ce sexe. Kâ n'était pas en reste, bien qu'il soit blanc comme un linge, et plutôt filiforme que baraqué comme le propriétaire de l'établissement. Il semblerait que vous lui manquiez autant que moi ! Fit-il tandis que son père se renfrognait et buvait d'une seule traite son eau glacée. Depuis qu'il a prit sa retraite, ce n'est plus pareil la capitale ... Fit-il en reportant son attention sur la musique, et sur les gens qui peuplaient l'établissement ... Mais faite comme bon vous semble, nommez moi comme vous le voulez, je ne suis pas ce genre de magistrat, qui demande qu'on soit très a cheval sur le protocoles ...

Il y'en avait pour tout les goûts, des hommes, des femmes, des jeunes, des vieilles, des beaux, des moches. Vraiment, cet établissement était très hétéroclite. Arakne était homme à goutter ce genre de chose, tout comme son fils, qui se disait qu'il avait bien fait de sortir avec son père aujourd'hui. Après tout, c'était l'un de seul homme à le comprendre réellement, le connaître à fond, et à l'aimer quand même. Il connaissait toutes ses faiblesses, tout ses échecs, ses hésitations, ses contradictions ... Ses rêves les plus fous aussi.

- C'est vous qui tenez l'endroit ? Demanda-t-il finalement quand revint vers lui Devon, tandis que son père en profitait pour demander un cognac, sec, sans glace. Kâ fit comme s'il n'avait rien vu, bien que l'état de santé de son père nécessitait, depuis plusieurs années déjà, de ne pas boire une seule goutte sous peine d'avoir des conséquences néfastes sur son bilan annuel. Cependeant, pouvait-il vraiment lui réfuser cette soirée ? Cet alcool et tout se plaisir ? Quand on est à l'aune de sa vie, on doit bien commencer à s'en foutre des conséquences, et à vivre pleinement, n'est-il pas ?

Il y'a des hommes ainsi, en quelques secondes à peine, ils peuvent gagner votre sympathie et votre coeur, pour y laisser une marque. Pas une cicatrice, mais juste une marque, quelque chose que l'on ne fait que sentir ; Quelque chose de particulier. Un lien spécial. Unit par l'amour des conventions, du respect et de la bienséance, les deux hommes partageaient une connivence qui faisait plaisir à voir depuis l'extérieur, surtout pour un père qui craignait continuellement pour la vie sociale de son fils.

Il fallait dire que Kâ n'était pas vraiment le plus fortiche pour se créer des amis, en dehors du bureau du ministère. Quand cela concernait le travail, il était tout à fait capable de faire des efforts, de mettre les formes, de changer son comportement, de se déguiser, pour mieux séduire ou bien convaincre. Mais dès lors qu'il s'agissait de sa vie personnelle, il mettait un point d'orgue à ne jamais s'attacher, et cela se voyait tant et si bien que, plus personne ne voulait se lier à un individus incapable de rendre la pareille.

Il semblait pourtant que cette fois-ci, la mayonnaise prenait entre les deux protagonistes de ce soir, sous le regard attendrit de l'ancien conseiller du roi.

Kâ aimait les manière franches et peu orthodoxes, il aimait les approche du style de Devon, sans ambages, directement dans le mille, sans tourner autours du pot. L'homme disait ce qu'il avait à dire, comme il le pensait, sans filtre. Un bon tavernier sait également quand se taire, et l'homme était capable de ce don sans aucun doute. Cela se voyait à la manière qu'il avait d'hocher la tête quand vous parliez, on eut dit qu'il était vraiment intéressé par ceux qu'ils rencontraient ... Pas comme tout ses magistrats de la cour, tout ses affabulateurs, ses menteurs, ses hypocrites, ses gens bouffis de confiance et pétris d'incompréhension qui naissait avec une cuillère en argent dans la bouche, mais ne cherchait qu'à avoir de l'or à la place.

Enfin, cela mériterait débat, ce qui n'était pas au programme des festivités ce soir. Place à l'amusement et à la découverte ! Revenons à Kâ, qui, charmé par la teneur des propos du tenancier, commençait à se mettre dans l'ambiance.

- Ca marche, Devon, je te tutoierais donc, mais ce n'est pas mon habitude... Je risque d'avoir un peu de mal à ne pas me tromper ! Fit-il en buvant sa cervoise par petite lampée, sans jamais se laisser aller à la déraison. Kâ détestait perdre le contrôle, il faisait donc bien attention à sa consommation en règle générale.

Après il y'avait toujours exception à la règle, bien entendu.

- Incroyable, c'est vous toi qui a fait tout ça de tes propres mains ? Habile ! J'aime beaucoup même si cela mériterait quelques aménagements pour être véritablement  à mon goûts... Son perfectionnisme le perdrait un jour... C'est très courageux de travailler seul, même le Roi lui même à  besoin de nous dans sa tâche, personne ne peut rester seul bien longtemps, j'en ai bien peur... Il n'explicita pas, mais son point de vue de solitaire lui donnait du grain à moudre dans ce débat là. Pour lui, moins il voyait de monde, mieux il se portait. Cela lui empêchait de cruelles désillusions et des faux espoirs qui pourraient tuer dans l’œuf toute détermination de sa part.

- Moi ? En dehors du ministère tu veux dire ? Eh bien, je consacre mon temps au pouvoir que j'ai la chance de posséder, ou bien je travaille au domaine viticole que nous avons acquis il y'a de cela quelques générations ... J'aime à travailler dans la nature, même si cela  ne se voit pas vraiment sur moi ... Fit-il en se désignant d'un claquement de doigt. Il reprit de la boisson, qui était fort bonne cela étant dit.

Il laissait volontairement un voile mystérieux sur ses activités, car après tout, le connaître, cela se méritait.

Il n'y a rien de mieux qu'un homme humble, qui sait reconnaître ses défauts, ou bien ses manquements, ou bien le caractère inévitable que la vie impose à chaque être ; Celui de ne pas toujours correspondre aux attentes, d'être non conforme aux normes d'une société, ou d'un autre individus. Bien que tolérant et ouvert, Kâ avait ses propres critères, sa propre vision des choses, malgré tout les efforts qu'il faisait pour agrandir le prisme de sa vision sur Devon, il n'arrivait pas à comprendre entièrement le bonhomme. C'était aussi la beauté de la vie, quelque chose qu'il chérissait malgré un désespoir chronique sur la condition humaine.

Et puis tant qu'il lui manquerait la clé, il ne pourrait déverrouiller le cadenas.

- Ah oui ? Je ne savais pas ça, c'est remarquable ... Effectivement, c'est ce qui m'a aussi plût, ce côté pittoresque, qui nous donne l'impression de rentrer dans la cabane du chasseur, pour y disserter sur les animaux fantastiques que l'on a attrapé ... Fit-il en souriant, espérant que son compliment soit perçu comme tel. Il adorait la chasse pour son côté rustique, justement. Ëtre proche de la nature, mais tout en ayant un but qui animait le groupe, ou bien sa solitude, lui donnait une entière satisfaction. C'était dans l'ordre des choses qu'il accompagnât souvent son père pour une chasse dans les bois entourant le domaine, pour y chasser quelques créatures fantastiques, dangereuse ou simplement passionnante, qu'il pouvait étudier dans leur milieu naturel.

- Nous avons près de vingt hectares de vignes à bulles, je serais ravis de te faire visiter le domaine dès que tu le souhaiteras ... Il sourit tandis que l'atmosphère de la salle était à son comble pendant une reprise d'une chanson populaire d'Aryon, que tous chantaient en coeur comme une sorte d'hymne. La soirée battait son plein, et les deux hommes semblaient dans une sorte de bulle qui leur empêchait de sombrer dans l'alcoolisme le plus mondain qu'il soit, ou bien encore la joie la plus totale.

Son père quand à lui, était partis saluer un autre convive habitué des lieux, qu'il n'avait pas revu depuis des années maintenant. Qu'il s'amuse, à son âge, il en avait bien besoin. On avait qu'une vie,  et la vivre pleinement était la seule façon d'en profiter.

- Je suis sur le point de créer un vin rosé, qui demande plus de maturation au niveau de la vigne, c'est bien simple, un raisin plus il vieillit, plus il sera gorgé de sucre. Une fois le processus de maturation optimum, j'utilise la même méthode que pour le vin blanc, une saignée dans le raisin, qui me permet de faire suer le produit et lui donner tout son arômes...

Il s'était encore laissé emporté dans ses explications, c'était probable que le barman n'ait pas demandé autant d'explication,mais quand Kâ était partis pour discuter d'une de ses passions, rien ne pouvait plus l'arrêter ... Il allait même continuer quand une main se déposa sur épaule, son père, qui revenait alors et lui dit en ses termes : Allons, arrête d'abreuver notre amis de terme technique, tu lui feras goûter ta nouveauté un de ses jours, ça ira plus vite !