LA CITÉ ENFOUIE

Une journée de travail ordinaire vient de s'écouler. Une petite expédition dans les environs, et une cinquantaine de cristaux en plus dans la bourse. Pour une promenade, il fallait être fière d'avoir gagné autant. La chaleur de la journée se dissipait petit à petit, tandis que les derniers rayons du soleil se cachaient derrière la forêt.

Rebecca rentrait chez elle, non sans avoir une idée derrière la tête de comment passer sa soirée. Calixte et elle étaient aller acheter une nouvelle pastille à la mode ces temps-ci : la pastille de rêve. A ce qu'il paraît, elle aurait la capacité de nous faire avoir le plus beaux et doux des rêves. Vu les nuits agitées qu'elle a depuis quelques temps, cela ne lui ferait pas de mal.

La petite pastille trônait fièrement dans un écrin rouge brillant. L'ayant acheté la vieille, le fait de l'utiliser ce soir rendait Rebecca quelque peu tendue. Le vendeur était fort sympathique, et lui rappeler sans difficulté quelqu'un qu'elle avait déjà croisé. Tatoué de la tête aux pieds de glooby en tout genre, il n'avait pas hésité à user de tous les subterfuges pour que les deux jeunes gens cèdent à la tentation. Un sourire de sa part et l'achat fût facturé.

Assise au bord de son lit, Rebecca regarde le petit écrin dans ses mains. Faut-il vraiment faire ce genre de chose ? C'est la première fois qu'elle essaye une telle pastille. Le vendeur lui a affirmé que les rêves seront chauds et dépaysant. Une belle plage à cocotiers, avec une eau plus claire que le ciel. Non, une petite cabane à plusieurs mètres du sol, où seuls les gazouillement des oiseaux la dérange. Tellement de possibilité pour s'échappe de cette vie jonchée d'habitude. Alors, sans plus d'hésitation que cela, la pastille disparue dans sa gorge, suivis d'une gorgé d'eau. Et petit à petit, Rebecca laisse aller son esprit à la rêverie, souhaitant voir rapidement un magnifique soleil au dessus de sa tête, et entendre le doux bruits des vagues.

Quand elle rouvrit ses yeux, la première chose qui la frappa fut la noirceur du lieu. Peut-être est-elle dans une espace de vestiaire, et que la plage l'attend juste derrière la porte. Mais non, aucune porte, aucun bruit de vacance paradisiaque. Seulement la noirceur et le silence pesant. En regardant autour, elle se rendait compte qu'elle était au milieu d'une place. Une petite place, d'une trentaine de mètres. De nombreuses rues se connectent à elle, et entre chacune des intersection, une alcôve accueille une statue finement ouvragée de trois mètres de haut. Dotée de quatre bras armées, ces huit statues trônent fièrement, comme si elles étaient contentes de revoir l'aventurière.

Debout au milieu de cette place trop familière, Rebecca se prend la tête entre les mains et murmure sans fin : "Non non non....ce n'est qu'un cauchemar....qu'un simple cauchemar...". Mais non, qu'importe ce qu'elle faisait, elle ne pouvait pas se réveiller. Se pincer, fermer et ouvrir les yeux rapidement. Elle était obligée de continuer à vivre son pire souvenir jusqu'à ce que les effets de la pastille de "doux" rêves se soient dissipés.

Tous ces pires souvenirs refont surface en même temps, provoquant une immense migraine. L'entrée dans la Cité Enfouie, l'attaque des rats géants, les goules, les Wardans, les Jagras. La mort d'Arthorias. Oui, c'est peut-être ça, le plus éprouvant pour elle, voir l'homme qu'elle aime s'effondrer sans vie, au sol. Et puis, comme si elle était appelé par ce lieu si important pour elle, la voix se réveille. Ah bah il n'avait pas menti le vendeur ! C'est le plus belle endroit que j'aurai pu choisir !! .

Tellement prise dans le tourbillon de souvenirs négatifs, Rebecca ne voyait pas qu'elle n'avait pas fait le voyage seule. Une autre ombre, à côté d'elle. Une femme qui avait également souffert de sa venue dans ce lieu. Reprenant tout de même assez d'esprit pour ouvrir les yeux, elle vit enfin la jeune personne.

- Zahria ? Qu'est-ce...qu'est-ce que tu fais ici ?

N'était-ce pas censé être un doux et heureux rêve en célibataire ?

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Que faisait donc Zahria dans son rêves de cocotier et de maillot de bain ? Même si celui-ci c'était plutôt transformé en cauchemar, cela n'explique pas sa présence. Le vendeur avait dit que Rebecca serait seule dans son rêve. "100% Détente et merguez, achetez notre pastille de rêve !". La situation ressemble à une mauvaise pièce de théâtre plus qu'à autre chose.

- J'ai...j'ai pris une...pastille de rêve.

En pleine crise d'angoisse, il lui était difficile de faire une phrase sans devoir hyper-ventiler. Comment allaient-elles pouvoir sortir d'ici ? Se pincer le bras ne résout pas tous les problèmes, malheureusement. De ce qu'elle se souvient, la pastille de rêve fait effet jusqu'à ce que le corps n'a plus besoin de dormir. Rester ici une minute de plus est impossible...alors y rester plus de sept heures ?

- Il faut...vraiment qu'on trouve....comment sortir.

Il fallait plutôt commencer par essayer de la calmer. Dans cet état, ça serait presque une mission impossible de la faire se lever. Comment est-ce que Zahria fait pour rester aussi calme ? Aucune émotion sur son visage, comme si tout cela était banale et facile, pour elle. Les gardes ont vraiment une vie remplie de rebondissement.

Pour l'heure, il fallait faire disparaître cette crise. Et pour ce faire, rien de mieux que de jouer à la balancelle. Entourant ses jambes de ses bras et en les serrant contre elle, Rebecca commençait à faire de petites impulsions contre le sol pour que son corps se balance d'avant en arrière. C'est ce qu'elle faisait, il y a des années et des années de ça, quand elle a dû faire le deuil de ses parents.

Et au bout de quelques minutes de balancement, sa crise d'angoisse prit enfin fin. Elle pût se relever sans problème et regarder ce qui l'entoure.

- Je connais cette place...il y a un bâtiment pas très loin où on a pu se mettre à l'abri quand...quand on était vraiment là.

Fallait-il rester là jusqu'à ce que les effets de la pastille se soient dissipés, ou valait-il mieux se mettre à l'abri ? Dans un rêve, est-ce que leur corps pouvait être blessé ? Les monstres d'autrefois sont-ils encore là ? Trop de question, trop d'incertitudes ! Pourquoi avoir avaler cette pilule ? Elle aurait mieux fait de faire ses cauchemars habituels.

Peut-être est-ce ça, le secret pour sortir d'ici. Tout ce qui les entoure n'est que rêve, peut-être que grâce à leur pensée, elles allaient pouvoir faire apparaître des choses. Comme un transat, et soleil, et une plage au sable fin. Son esprit est trop embrouillé pour essayer de faire d'autres hypothèses. Rebecca espère donc que sa colocataire de rêve puisse trouver la solution.

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Même si elle est debout, l'esprit de Rebecca ne s'est toujours pas remis. Elle a l'impression que rien ne va, son environnement n'est plus pris en compte. Si elle meurt ici, elle se réveille, non ? Alors laissons la mourir, c'est beaucoup plus simple que de devoir affronter les souvenirs du lieu. La main de Zahria entrelacée à la sienne l'a réveillé (façon de parler, bien sûr) et elles se mirent en route vers le bâtiment si connu d'elles deux.

Mais voilà qu'un grand Jagras apparaît, à la demande de la colocataire de rêve. Rebecca la fixe avec de grands yeux. Elle avait tellement envie de lui demander : "mais pourquoi t'as fait ça, espèce de fille à glooby !" mais se retient quand celui-ci lui explique que tout ce qu'on imagine en lieu et place dans ce rêve prend vie. Elle fait suivre son explication d'un exemple tout à fait crédible. Une poutre s'abat sur le Jagras, le forçant à faire quelques pas en arrière. C'est pour ça que l'endroit à l'air désert et qu'aucun autres bruits que les deux jeunes femmes n'étaient perçus. C'est elles qui doivent peupler cet univers.

Se concentrant, Rebecca essayait de faire apparaître un autre objet qui pouvait tomber sur l'animal. Quelques chose de gros, de lourd, avec des touches noirs et blanches pour le style et la musique. Cette chose --dont elle ne connaît pas le nom, évidemment-- tombe sur le Jagras dans un fracas de son musicaux. Celui-ci n'a pas eu le temps de l'esquiver et se l'ai prit sur le haut du crâne. S'en doute mort sous les gravas de cordes et de bois , tout ceci disparus dans la brume : la poutre, le piano (non non, Reb ne sait pas du tout d'où elle tire ce mot) et le corps sans vie de l'adversaire.

Rassurée un peu par les évènements récents, une idée surgit dans la tête de Rebecca. Si les deux jeunes femmes ne peuvent pas aller à la plage, et bien c'est la plage qui viendrait à elles. L'endroit est assez haut et long pour convenir. Essayant de ne pas mélanger souvenirs et peurs avec ce future paradisiaque, l'aventurière se concentre. Elle image tout : le tronc légèrement orange, les petits grains de sel incrustés dans l'écorce, les longues feuilles vertes. Et à la manière d'une croissance rapide, le palmier voit le jour. Il est assez petit, oui, mais cela suffit à vendre du rêve.

- On peut très bien faire notre paradis perdu ici.

Elle demande l'aide de l'imagination de Zahria. Bin oui, hein. Un concours de t-shirts mouillés ne peut pas s'imaginer toute seule.

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La chute fut rude, le sol trop dur. Atterrissant sur les fesses, Rebecca  devait se masser plusieurs secondes avant de pouvoir ressentir autre chose que des picotements.

- Tu veux faire quoi ?

A cette simple pensée, tout son corps se raidit. Non, elle ne voulait pas. Si affronter sa peur la faisait sortir du rêve, et bien elle préfère rester enfermée ici jusqu'à la fin de sa vie. C'est comme si vous demandiez à un arachnophobe de prendre une tarentule dans les mains ! De un, ça ne se fait pas. Et de deux, il va falloir être fort pour le retenir pendant son coma.

- O-on peut pas trouver une autre idée...moins...moins comme ça ?

Mais au fond d'elle, l'aventurière sentait que c'était la seule chose à faire pour se réveiller. Combattre ses angoisses et sortir victorieuse de tout ce bazar grotesque. De toute façon, la première chose qu'elle fera une fois revenue dans le monde des éveillés, c'est d'aller botter le postérieur de ce marchand. Il allait devoir trouver, lui aussi, une porte de sortie pour ne pas que Rebecca dévalise son stand. "Vente de faux produits", ça devrait passer auprès des gardes, non ?

Ne trouvant rien d'autre d'aussi exploitable que la solution de Zahria, la jeune femme lui laisse le plaisir de faire apparaître la créature. En l'espace de quelques secondes, une brume se posa tout autour d'elle, l'obscurité se faisait plus noir, plus cauchemardesque. Un rire mélodramatique se fit entendre, suivis de bruits de pas lents et réguliers.

- J'espère que tu l'as fait plus gentil que l'originale...

En situation de crise, Rebecca avait du mal à se concentrer. Les objets qu'elle faisait par la pensé se dématérialisèrent au simple contact de sa main. Impossible de faire une arme ! La voie de sa collègue lui parvient, mais c'est comme si elle était dans une bulle. Vient-elle de dire "Concentre-toi" ou plutôt "Con-ichiwa" ? Tout était brumeux. Et plus les bruits de pas arrivaient vers eux, plus la brume épaississait.

Et puis le bruit de pas cesse, et le rire revient. Un rire roque, sale, dégoulinant de barbarie et de plaisir de voir souffrir. Rebecca recule d'un pas. Sans le bras de Zahria qui la pousse en avant, elle serait déjà recroquevillait dans un coin, à se balancer d'avant en arrière en espérant que cela passe tout seul. Et puis, la boule de peur se brisa quand elle entendu le nom de son ex-mari. C'est vrai que c'est un monstre comme lui qui l'a tué, qui a provoqué toute cette colère, cette folie cachée au plus profond d'elle.

Comme une deuxième renaissance, Rebecca se remit droite, le visage fermé prête à en découdre avec tout ce que cette chose lui a fait subir. Dans sa main droite se matérialisa une petite dague, pas plus longue que cinq centimètres. D'un regard de feu, l'aventurière s'approche en marchant de la créature. C'est un rêve, après tout, si la jeune femme ne veut pas que la créature attaque, elle n'attaquera pas.

Se trouvant maintenant au niveau de ses jambes, le coup de couteau fut sec et rapide. Le Wardän mit un genou à terre, et poussa un cris de douleur. Dans un sourire plus glaçant que le rire du monstre, elle se retourne vers Zahria.

- C'est à ton tour. Essaye de ne pas la tuer tout de suite, ça serait triste.

Le jeu commença. Chacune à son tour, elle tapa le monstre, la perdante sera celle qui donnera le coup de trop. A chacun de ses tours, Rebecca changeait d'arme. Une dague, un marteau, une lance. Rien ne pouvait l'arrêter. Et à chaque coup, elle ne peut pas s'empêcher de rire. C'est plus fort qu'elle ! Tout cette peur, cette angoisse, ces réveilles en nage. Tout ça remonte dans un tourbillon informe. Et la seule manière de passer outre, c'est de rire.

Rire jusqu'à en pleurer.