Aussi, Arthorias et elle n'avaient aucunement le droit à l'erreur. Le moindre faux pas de leur part risquait de leur coûter cher, de compromette leurs vies comme cette enquête, et Dahlia en avait cruellement conscience. La présence du Capitaine à ses côtés n'était pas sans lui insuffler du courage, l'aidant à résister de toutes ses forces à cette envie irrépressible de prendre la tangente, mue par la peur tapie en elle, que lui inspirait ce décor morbide et vicié. Mais Dahlia parvint à mener son dialogue avec l'Hydre à terme, non sans être investie d'un certain soulagement lorsqu'Arthorias reprit le cours de l'échange, se gardant toutefois de le laisser transparaître.
Les arguments avancés par son supérieur firent mouche de par leur pertinence, auprès de leur interlocuteur. Toutefois, ce dernier requérait des preuves, ne pouvant se contenter de leurs dires. Un engagement n'avait en effet que peu de valeur, s'il n'était conforté par des actions venant l'étayer. Face à cette réserve, Arthorias laissa miroiter une possibilité de transaction, qui trouva immédiatement un écho intéressé chez le trafiquant.
« D'ici demain, dites-vous ? Eh bien, nous recevons une livraison d'incandescent ce soir-même... Nous devrions donc pouvoir vous en fournir à hauteur de ce que vous requérez, sans difficulté aucune. La concordance des temporalités place notre partenariat sous les meilleurs auspices. »
Cette information attisa l'intérêt de Dahlia : si des tonneaux leur étaient livrés le soir-même, l'on pouvait présumer qu'un représentant du fournisseur serait certainement présent, pour s'assurer du bon déroulement de la transaction. Les deux gardes ne pourraient-ils pas en profiter pour se mettre en relation avec ce dernier, et s'enquérir directement auprès de lui du rendez-vous à la source tant espéré ? Elle osa le tout pour le tout.
« Pourrions-nous... participer à la transaction que vous évoquez ? Bien sûr, nous effectuerons notre premier achat auprès de vous. Vous restez notre pourvoyeur privilégié, en attendant de pouvoir conclure un partenariat profitable avec votre fournisseur. Mais cela nous permettrait justement de le rencontrer, et d'évoquer avec lui la possibilité d'une visite du site de production, à laquelle nous tenons absolument, pour les raisons avancées par mon conjoint. »
« Apportez le versement requis avant celle-ci, et nous serons en effet disposés à vous mettre en relation avec ce dernier, afin qu'il étudie votre demande. »
« Entendu. Nous pouvons sceller cet accord ici, dans ce cas. Nous nous retrouverons ce soir, pour conclure la transaction, puis rencontrer votre fournisseur. »
Même s'ils étaient deux gardes et parmi les plus rigides du pays, le duo improvisé s'en sortait relativement bien. Celui qui se faisait passer pour l'hydre semblait de plus en plus enclins à les croire. C'était cela la vie d'un criminel, jauger les gens, essayer de déterminer s'il fallait leur faire confiance, au risque de finir sa vie derrière des barreaux d'une prison. Ou pire, totalement libre au nord du mur.
Et voilà que ce dernier avait prit le risque.
-Dans ce cas je devrais pouvoir réunir les fonds pour ce soir, le temps d'un aller retour là ou nous stockons les cristaux.
Il serait dommage de rater une occasion pareille ! N'est ce pas chérie ?
L'ambiance se voulait moins angoissante, maintenant que la discussion avait été engagée. Quand aux fameux cristaux, la couronne avait un fond exprès pour ce genre de cas. Et il était plus que temps de taper dedans. Quelques cristaux contre la sécurité... C'était très peu cher payé.
Se levant, l'officier prit le temps d'observer l'ombre avant d'aider sa compagne à en faire de même.
-Même lieu, à la tombée du jour ?
-Pas ici, retrouvez nous sur les quais, nous vous attendrons sous l'un des ponts
Hochant la tête, l'officier emmena Dahlia loin de cette pièce qui commençait à tenailler ses nerfs. Cette ambiance constante de pourriture finissait par le rendre nerveux et il n'était pas dans son envie de s'éterniser. Cet "Hydre" n'était pas la cible final, à peine plus qu'un rampant qu'ils pouvaient laisser de côté et se servir comme d'une marche pour frapper plus haut.
Viser la tête, même s'il y en avait plusieurs.
Une fois dehors, et à bonne distance, Arthorias se permit un petit soupir et emmena Dahlia dans leur planque ou il retira ses protection et s'assit sur le lit.
-Je déteste être aussi faux... mais je crois qu'on à réussit à faire passer le message...
Bien que calme habituellement, l'officier sorti une bouteille d'eau d'un des placard, qu'il versa dans deux grand verre
Dont un qu'il tendit à la garde. Dire que ce n'était que le début... Et qu'il allait falloir aller bien plus loin
-Si tout se passe bien nous allons pouvoir remonter à la source, mais ce sera la bas qu'on sera le plus vulnérable... Et notre couverture devra être aussi solide qu'une armure si nous voulons y arriver jusqu'au bout...
Et pour tout le mal que cela avait fait hier... Au moins pouvaient ils se targuer de se connaitre un peu mieux que deux simples collègues de travail.
-Prête pour la suite ?
Ce ne fut qu'une fois qu'ils furent de retour dans leur planque que Dahlia s'autorisa un vrai relâchement, en se laissant choir de tout son long sur le lit sur lequel Arthorias était également installé, mais avec un peu plus de décence. Cependant la garde avait décidé de faire fi de celle-ci, car elle avait grandement besoin de se détendre, ne pouvant contenir une once de temps supplémentaire toute la pression accumulée lors de leurs récents agissements. Dahlia finit tout de même par se redresser quelque peu, afin de répondre à son supérieur lorsqu'il s'adressa à elle.
« En effet, et cette armure devra être d'autant plus indéfectible que ne pourrons pas aisément en changer, si celle-ci se trouve compromise... »
Dahlia venait d'égrener une référence au pouvoir du Capitaine, qui lui permettait de pouvoir s'incarner et voguer à loisir au sein des armures se trouvant à proximité. Arthorias lui avait donné un aperçu particulièrement mémorable de ce dernier, lors de leur première rencontre. La garde avait donc trouvé de bon ton de poursuivre la métaphore en faisant un petit clin d'œil à leur histoire commune.
En y repensant, Dahlia n'avait jamais osé demandé à Arthorias ce qui l'avait amené à la choisir, pour cette mission. Il l'avait vue faire ses preuves face à un Kerberus Alpha, mais cette présente assignation les menait sur un terrain totalement différent. Moins guerrier, et versant davantage dans l'infiltration et le jeu des apparences. Un espion aurait donc été davantage indiqué pour celle-ci, tout bien considéré. Aussi, la garde se trouvait particulièrement honorée d'avoir été sélectionnée pour la réaliser, malgré son manque de légitimité, et espérait ne pas le décevoir avant la fin. S'emparant du verre qu'il lui tendait, elle lui répondit avec un sourire équivoque.
« Oui, mon Capitaine... Mais je crois qu'il va me falloir plus que de l'eau. »
Heureusement, ou malheureusement, ils n'avaient pas apporté de bouteilles d'alcool dans leurs affaires. Dahlia allait donc être obligée de trouver son courage ailleurs, et serait préservée de finir sous le joug d'une alcoolémie un peu trop élevée.
Comme convenu, ils quittèrent leur cachette pour rallier les quais à la fin du jour, là où la transaction devait se tenir. Le ciel était rougeoyant, s'y délayaient les somptueux roses des derniers éclats du jour mourant. Les deux gardes devaient y retrouver leurs partenaires commerciaux, sous l'un des ponts qui enjambait le Grand fleuve. Chargés des cristaux empruntés à la Couronne, ils étaient parés pour réaliser l'échange prévu. Lorsqu'ils s'y présentèrent, le cœur de la garde se mit à battre la chamade, sous l'adrénaline. Un groupe d'hommes, sombrement vêtus, les y attendaient effectivement, dans l'ombre de l'arche de pierre.
Travailler avec Dahlia avait quelque chose de naturel, qui rappelait à Athorias ses années, plus simple, de garde sans réel poids. C'était étrangement simple. Un seul objectif et une seule possibilité pour l'accomplir.
Depuis qu'il était devenu capitaine, il avait dut mettre de côté la simplicité, à tel point que son air froid et calculateur le surprenait lui même. Il y avait tant de plans dans les plans, que lui même parfois s'y perdait.
Cette petite mission avait redonné un peu de vigueur à l'officier qui avait pendant un court moment, cru que le terrain était derrière lui, et que les piles de rapports serait son futur.
Ils prirent quelques heures pour se rafraichir, et le jeune homme se perdit plusieurs dizaines de minutes sous la douche, repassant la mission depuis le début.
Un côté analysa le chemin qui avait été parcourut depuis le début. Si le fait de coucher avec sa partenaire n'avait absolument pas été anticipé, il fallait tout de même avouer que l'illusion que cela avait donné était plus que parfaite, et une bonne dizaine de témoins auraient pu jurer à qui voulait bien l'entendre que leurs ébats avaient été plus que réels. Ce point là serait sans doute compliquer à gérer une fois tout cela finit, mais chaque chose devait attendre son tour
La prise de contact avec l'intermédiaire avait elle aussi débouchée sur une futur entrevue, et il ne restait plus qu'à conclure la transaction.
Le couple d'occasion fut donc rendu sur les quais à la tombée du jour. A l'heure ou le jour laissait entrevoir la possibilité d'un monde plus poétique avant de sombrer dans l'obscurité. Et si le ciel se faisait plein de promesse, c'était aussi l'heure ou les ombres s'allongeaient, et là ou les bâtiments d'habitudes si ordinaires se faisaient plus menaçant.
L'heure rêvée pour ce genre de transaction car c'était typiquement à cette période que les rondes de jour prenaient fin, pour laisser place aux groupes de nuit. Une heure grise que l'officier avait déjà relevée comme faiblesse du palais et promptement corrigée.
Mais ce "défaut" offrait des occasions, et cette dernière était à saisir absolument.
Le pont n'avait rien de très spécial, comme les autres, il était relativement haut, pour permettre aux navires de passer dessous, et quelques mousses s'accrochaient aux pierres vieillies par l'exposition à l'humidité. Toujours ce vert maladif omniprésent...
Cette mission lui ferait définitivement bannir cette couleur de ses habitudes.
S'approchant avec nonchalance du groupe d'homme, la main de Dahlia dans la sienne, il fit un petit salut au groupe qui se tenait dessous avec un sourire enjoué
-On dit qu'il n'y a pas d'amis aux crépuscule, mais ironiquement, vous avez l'air plutôt sympathique ! Si vous voyez ce que je veux dire ahahah
Un ton badin, mais qui cachait tout de même une certaine nervosité de la part du garde, qui était tout de même rassuré par la présence de Dahlia dans son dos, lui confiant implicitement ses arrières
-C'est pas le bon mot de passe
-Ouais je sais, mais je veux pas non plus perdre trois heures pour un simple deal, et comme je connais les tenants et les aboutissants de votre système de code, je préfère abréger, je suis pas là pour parler société secrète.
-Mouais je...
-Laisse, j'le reconnais c'est bien not gars, avec un tignasse pareille, y f'rait concurrence à sa poule
Haussant les épaules, le garde fit mine de ne rien avoir entendu, passant une main sur le fauchon accroché à sa hanche, avant de se saisir du sac de cristaux récupéré à la planque, le secouant doucement pour en faire tinter le contenu.
-Quoi qu'il en soit, je ne me trimballe pas avec autant pour des sous fifres à l'humour douteux, alors dépêchons
-A voilà ceux dont on m'a tant parlé !
Dit un homme que sa cape ne recouvrait qu'à peine, cette dernière laissant voir une imposante tunique rouge, brodée à l'extrême et laissant entendre le cliquetis des bijoux et des pierres.
En observant bien, Arthorias put même entrevoir des chaussures de bonne qualité.
L'homme désigna une des péniche, le simple fait de la montrer fit cliqueter ses bagues
-On me dit que vous voulez voir plus que simplement la marchandise et que vous représentez des gens prêt à payer cher pour nos cargaisons.
Je suis sur que nous pourrons trouver un arrangement, mais avant cela...
Tout les hommes tirèrent de petites dagues de leurs ceintures, les pointant vers le duo de garde
-J'aimerai m'assurer que vous ne nous donnez pas de faux espoirs. Le commerce est impitoyable vous savez
Si le premier réflexe de l'officier aurait été de dégainer son arme également, il respira un grand coup avant de prendre Dahlia par l'épaule amoureusement avant de jeter le sac au pied du dirigeant.
-Mais faites, faites, tant qu'on ne touche pas à ma chérie, vous pouvez bien les goutter et les compter un par un si ça vous chante
Ce qu'il fit, du moins pour les compter. Ce ne fut qu'après un examen minutieux de la somme que l'obèse finit par agiter ses mains pour intimer à ses molosses de ranger leurs armes
-De ce que je vois, nous avons affaire à des gens plus que sérieux, si nous allions en discuter dans ma cabine ? Nous serions à l'abris des gardes indiscrets
Dahlia était tant sur le qui-vive qu'à la vue des dragues soudainement pointées à leur encontre par les sous-fifres, elle faillit tirer au clair sa propre lame, mue par ce réflexe martial qui la faisait réagir promptement à la moindre provocation. Toutefois, la main d'Arthorias qui vint se percher sur son épaule la retint tout juste à temps de défourailler son arme à son tour. Leur besace grassement remplie de cristaux atterrit alors aux pieds de cet homme qui se détachait des autres par sa prestance très... miroitante, tant il était paré de bijoux et de pierreries. Après qu'il eut vérifié son contenu, les aiguillons menaçants ne tardèrent alors à s'abaisser, et le climat redevint plus propice au dialogue.
Leur interlocuteur jugeait préférable de tenir celui-ci dans un lieu clos, en l'occurrence la cabine de sa péniche amarrée non loin. Acquiesçant – car avaient-ils vraiment d'autre choix ? – les deux gardes infiltrés le suivirent jusqu'à cette dernière. Dahlia, qui n'avait pas vraiment l'habitude de quitter la terre ferme, fut convulsée d'un haut-le-cœur dès lors qu'elle posa le pied sur l'infrastructure flottante. Il fallait espérer qu'ils ne s'attarderaient pas trop sur ce bateau, qui bien qu'à quai tanguait déjà trop pour elle...
L'intérieur de la cabine, tout en bois sombre vernis, se trouvait faiblement éclairé par quelques cristaux mordorés, qui repoussaient les ombres dans les coins de la pièce étriquée. Dans cette ambiance feutrée, leur interlocuteur les invita à prendre place sur deux fauteuils, placés face à son bureau derrière lequel il prit paresseusement place. La garde essaya de ne pas couler trop de regards indiscrets aux papiers qui le jonchaient, çà et là, malgré la curiosité qui l'assaillait. Peut-être des informations sur la drogue objet de leur enquête se nichaient-elles dans ces feuilles éparses ?
Or les gardes n'étaient pas là pour fouiller le bureau, uniquement pour échanger avec son propriétaire, et Dahlia dut réfréner ses envies d'œillades investigatrices. Tout en attrapant la main d'Arthorias avec une dévotion qui paraissait amoureuse, elle s'attacha plutôt à mieux observer leur interlocuteur. Ce dernier possédait une silhouette pour le moins... adipeuse. Assis, sa luxueuse tenue, d'un rouge vif et moiré, se chiffonnait en laissant des apparaître des bourrelets grassement juxtaposés. La garde dut se retenir de ne pas déglutir de dégoût, tandis qu'il étrennait la discussion.
« Je me présente, sire Sanguinelli, émissaire du Duc Pourpre. Vous vous trouvez sur l'embarcation qui m'a mené à la Capitale, et sachez qu'il me faut repartir dès que possible, car des affaires capitales m'attendent là d'où je viens. Je suis ainsi disposé à traiter avec vous, conformément à votre demande, mais dans des délais malheureusement contraints. Je ne doute néanmoins que nous saurons tirer pleinement profit du temps qui nous est imparti... »
L'homme semblait pressé. Cela le rendrait-il enclin à faire des concessions ? Rien n'était moins certain, mais il fallait espérer que cela leur ouvrirait certaines opportunités. Après s'être présentés sous leurs identités de Jurgen et Elbereth, Dahlia lui assura alors avec un sourire entendu :
« Nous comprenons parfaitement vos obligations, et souhaitons également que cette négociation aboutisse au plus vite. Aussi, nous sommes prêts à vous exposer rapidement nos conditions. Toutefois, avant de commencer... Pouvez-vous nous préciser ce que recouvre votre qualité d'émissaire ? »
« Je vous demande pardon ? » s'indigna-t-il dans son tripe menton, à la question impromptue de Dahlia.
« De quelles prérogatives vous a investi votre employeur, exactement ? Êtes-vous en mesure de négocier, et disposez-vous... de marges décisionnaires ? Où n'avez-vous qu'un rôle de messager ? »
Malgré son indélicatesse froissante, ce pointillisme sur le statut de leur interlocuteur n'était pas anodin, et bien nécessaire. En effet, traiter avec un simple messager n'avait pas la même valeur qu'avec un porte-parole plénipotentiaire, à même d'engager son commanditaire sur certaines positions et accords. Il leur fallait donc s'assurer de ce détail protocolaire avant de débuter la négociation.
« Je suis son représentant, si l'on peut dire. Aussi, je suis à même de conclure tout accord allant dans son intérêt, si cela peut vous rassurer. À présent, veuillez me notifier votre besoin, que je puisse étudier si nous pouvons y répondre, je vous prie. »
En devenant Capitaine, Arthorias avait commencé à apprendre le jeu du complot, un jeu qui se jouait sans réelles règles, mais qui était tout de même très codifié. Pour quelqu'un n'ayant pas été élevé dans ce genre de choses, les débuts avaient été plutôt compliqués, et le franc parlé couplé à une certaine rugosité du Prétorien n'avait pas aidé.
Mais à force, l'homme pouvait s'accorder sur un certains progrès comme maintenant. L'impression que cet individus leur mangeait dans la main avait quelque chose de grisant, et le voir peu à peu s'enfoncer et tout leur dire... Il dut réprimer un sourire en coin alors que l'émissaire continuait à en dire toujours plus.
-Nous tacherons alors d'être rapide, inutile que nos employeurs perdent trop de temps et de cristaux ici.
L'intervention de Dahlia fut plus que fortuite et permit de gagner d'avantage de temps, l'officier ne désirant pas s'attarder dans ce lieu plus que nécessaire. L'autorité était le plus important et déterminait si le couple allait devoir perdre du temps pour rien avec ce Sanguinelli.
Serrant la main de Dahlia, Arthorias lui offrit un joli sourire qui parut amoureux. Seuls ses yeux vairons braqués sur elle transmirent un assentiment muet avant qu'il ne reprenne sur l'opportunité qu'elle avait crée.
-Notre demande, ou plutôt celle de notre patron est simple : voir les sites de productions.
-Les sites ? C'est une demande encore inédite, puis-je savoir pourquoi ?
-Les raisons sont multiples, d'une il nous faut juger le sérieux des installations et des moyens, les sommes engagées sont bien trop importante pour tout faire à l'aveugle.
Nous somme investis de la pleine confiance de notre organisation et nous devrons juger du risque
-Et de quelles sommes parlons nous ?
-Nous parlons de l'est du pays, pas uniquement le village perché, les clients ne s'arrêtent pas à la capitale, ainsi, si le marché est aussi prometteur que nous l'espérons, les commandes risqueraient de dépasser celles de la capitale, et de loin
-C'est amusant, je n'ai jamais entendu parlé d'une organisation qui gèrerait tout l'est du royaume...
L'homme était repoussant mais pas stupide, l'appât du gain avait certes attiré son regard, mais au vu de son apparence, il n'était pas qu'un simple passeur. Son rang et son titre devait lui donner bien plus de poids que sa bedaine le laissait paraitre.
Arthorias répondit par un petit rire dédaigneux.
-Si vous en aviez entendus parlés, c'est que la garde en aurait fait autant. Le secret est notre meilleur allié. Mais si la somme versée ne vous conviens pas, je suppose qu'il faudra aller voir à ailleurs
Un dilemme apparut dans les yeux de Sanguinelli, un tiraillement entre l'appât du gain et la prudence. Mais Arthorias ne lui laissa pas le temps de réfléchir, lançant quelques cristaux supplémentaires sur la table
-J'aimerai d'ailleurs acheter en plus du stock déjà promis, quelques cristaux pour ma consommation personnelle, j'imagine qu'il sera d'autant plus facile de convaincre nos puissants si je leur apporte une preuve de qualité.
Cumulez les assauts et acculer la cible jusqu'à saturer sa réflexion. C'était basique mais comme le prouva la réaction du noble.... efficace
-Très bien, va pour votre achat et la visite, mais il me faudra tout organiser en amont, je vous demande une lune de délais, cela vous parait-il convenable
Approchant Dahlia de lui, Arthorias se mit à rire
-Et comment ! Qu'en dit tu mon Elbereth ?
Mais l'émissaire du dénommé « Duc Pourpre » n'était point sot, loin de là. Ses yeux, discernables sous ses paupières alourdies par la graisse, laissaient entrevoir une rouerie particulièrement redoutable. Ils avaient affaire à un interlocuteur retors et rompu à ce genre de négociations, qui devait sans peine savoir éconduire les demandes jugées irréelles. Toutefois, Arthorias parvint, avec force arguments, à lui faire accepter cette possibilité. Ce fut en lui faisant miroiter un marché vaste, s'étendant sur tout l'Est d'Aryon, qu'il réussit à faire pencher la balance en leur faveur, tout en endormant la méfiance du représentant sur la nature et le réseau de leur propre cartel.
Le bluff fut plus que réussi, si bien qu'ils finirent par avoir son accord. Le sourire qui étira les lèvres de Dahlia, à l'entente de ce dernier, fut rayonnant d'authenticité : il ne s'agissait plus là d'un simulacre, mais d'une victoire véritablement savourée. Ils avaient réussi. Ils allaient pouvoir remonter à la source de cet incandescent tant convoité, dans une lune à peine. Reprenant un air plus sérieux, elle tâcha toutefois de tempérer sa joie avec une méfiance avisée :
« Une lune de délai, dites-vous ? Quelle confiance pouvons-nous avoir en votre parole ? »
« Une confiance proportionnelle à celle que je place présentement en la vôtre, très chère. »
L'émissaire et Dahlia se jaugèrent un instant, en silence. Puis, finalement, un éclair de complicité crapuleuse, de duplicité entendue traversa leurs prunelles, et la garde se fendit d'un nouveau sourire, un brin canaille.
« Voilà qui est très justement répondu. Marché conclu, très cher collaborateur. Nous nous réjouissons déjà de ce partenariat, qui s'annonce assurément profitable. »
La confiance... une notion qui pouvait, en l'occurrence, être bâtie sur un total faux-semblant. Mais le mensonge n'était-il pas le seul moyen de coincer des personnes de cette engeance ? Ce fut à cette conclusion que parvint Dahlia, lorsqu'elle s'éloigna avec Arthorias de cette péniche, pour quitter ce milieu en clair-obscur... jusqu'à la prochaine lune.
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