Après discussion avec notre spécialiste, je suis convaincu qu’il vaut mieux attendre qu’une nouvelle couvée soit en cours avant d’envisager la suite. A ce stade, toutes les étapes auront alors été vues par Domovoï et ses sbires et tous les doutes auront été soulevés, ce qu’on cherche justement à faire. Que Niraen se rassure, il n’aura pas à faire le boulot dans deux élevages différents. Les deux élevages, c’est pour un aspect pratique sur le long terme. Evidemment que les formatés seront réunis au même endroit pour apprendre ce qu’ils ont à apprendre. Ils vont pas se tourner les pouces, les rigolos, pendant que les autres bossent et qu’ils nous fassent des bêtises pendant qu’on a le dos tourner. Plus on recrute de gars et qu’on ajoute des métiers au sein de l’organisation, plus il faut penser à tout. C’est du boulot. Pour que la machine soit bien huilée et qu’il n’y ait pas d’impair. Hé.
Les jours suivants, on les occupe en priorité à récupérer de nouveaux chapardeurs. Parce que s’il faut attendre que ça se fasse naturellement, on en aura suffisamment dans un petit moment. On en récupère peu, mais assez pour lancer de nouveaux taverniers dans la grande arène de l’éducation des chapardeurs et pour répondre à la demande d’amour animalier de Domovoï. Et puis, ça fera des couples supplémentaires s’ils veuillent bien s’entendre pour… enfin… vous voyez. On va pas les forcer, hein. Je sais pas si ça marche pareil que nous chez les chapardeurs, mais je veux bien leur laisser le temps de se tourner de temps, de développer leur sentiment, de vivre de fabuleux moments de couples puis de songer à fonder une famille. Ou alors ils sont plus rapides et on expédiera plusieurs étapes. Pour sa part, Niraen chapote beaucoup plus la phase de formation. Régulièrement, il fait la tournée des différents propriétaires, prenant des nouvelles, répondant à des questions et jaugeant des progrès des chapardeurs qui, parait-il, semblent plutôt bien s’adapter à leur environnement. C’est même parfois difficile d’avoir le temps de les éduquer, parce qu’ils s’éclipsent et trouvent quelques mains agréables pour les gratouiller et pour jouer avec eux. Les mains étant bien souvent jeunes et innocentes, c’est toujours un peu rude de leur enlever des mains. On leur laisse cinq minutes de plus, puis on insiste. Humain avant le business, ouai.
Deux semaines plus tard et on peut se dire qu’on a bien progressé. Les premiers chapardeurs commencent à échanger des messages entre leur établissement de domicile et les différents bâtiments recensant les informations. Deux ou trois itinéraires, c’est largement suffisant. On pourra augmenter dans les années à venir, mais ça n’arrivera probablement pas, puisqu’avec plus de chapardeurs, on peut combler ce problème. Et un jour ou l’autre, on en aura trop. Et ce jour-là, ce sera terrible. Il faudra convaincre Domovoï qu’il y ‘en a trop. Vous voyez le problème ? Je suis sûr que vous voyez. N’y pensons pas. Ça donnerait presque envie de tout abandonner pour ne pas à devoir subir ça. Bref, les chapardeurs transmettent les messages et on leur file quelque chose en retour pour qu’ils daignent bien donner leur message. Un petit objet ou un cristal. Il y a plein de possibilités. On envisageait même avec Domovoï d’avoir une rotation sur les objets à donner. Parce qu’au retour, les petits potes peuvent savoir si le message a été pris en compte et si l’objet en question correspond à ce qu’on donne, on s’assure que le message n’a pas été intercepté. C’est une sécurité. Vous allez me dire que je dramatise beaucoup à propos de mes messagers qui se font interceptés, mais c’est vital. Si tout le monde peut se permettre d’exploiter le réseau, on ne sert plus à rien. Car être les seuls à avoir une information fait que cette information a de la valeur. Savoir que la princesse a fugué, bon, ça n’a pas de valeur, parce que tout le monde le sait, mais si je connaissais le nom du Maitre-Espion, là, ça serait quelque chose, je peux vous dire.
Les petits potes font les malins, mais on fait un petit examen avec l’ami Niraen, histoire de voir qu’ils n’ont rien loupés. Quand on leur présente le truc, ils protestent. Avec leur grosses voix, soi-disant qu’ils sont plus à l’école et que c’est infantilisant de les tester là-dessus. Que c’est même une rupture totale de la confiance mutuelle que de vouloir leur imposer ce test. Puis Domovoï a grogné et ils ont répondu bien sagement aux questions. Le grand homme voulait aussi s’assurer que ces protégés n’auraient pas d’ennuis. Les résultats n’ont pas tardés et dans l’ensemble, on peut dire qu’ils ont écoutés, ce qui est plutôt une bonne chose. Un seul petit pote a écopé d’un cours de rattrapage avec Domovoï et je peux vous dire qu’il ne le refera pas deux fois, parce que la prochaine, il imprimerait les réponses à coup de poings dans la tête de celui qui n’écoute pas. Et je n’exagère pas.
-Bon ? Il serait pas temps de troquer les chapardeurs par les ptidodos ?
Tout est organisé. Mais on s’accorde plusieurs semaines pour s’assurer, une nouvelle fois, qu’aucun problème majeur ne vient remettre en cause la formation des chapardeurs. Et puis, il faut récupérer des ptidodos. Et ça, c’est pas un boulot pour Domovoï.
Heureusement, il y a des astuces pour éviter ça. Déjà, répartir mâles et femelles dans des zones différentes de la ville. Certes, ça n'exclus pas les chapardeurs d'autres gens que les petits potes, mais ça limite les risques, surtout que ces petites bêtes sont au final assez concentrée si la récompense en vaut la peine! Le tout a plus été de trouver ce qui motive chaque individu, et si ça en motive plusieurs d'un coup c'est l'idéal.
Pour le reste, hé bien certaines plantes ont tendance à apaiser leurs pulsions de ce côté là. Niraen a eu un peu de mal à faire entendre raison à Domovoï sur ce point et a du jouer au méchant loup, à lui raconter tout ce qui pouvait mal aller dans des familles trop nombreuses, même avec les meilleurs soins du monde! D'autant que vu leurs objectifs, le but n'était pas de crouler sous les chapardeurs non plus, ils n'allaient pas les refiler aux gens ensuite!
En tout cas, le système était à peu près opérationnel, et rapidement, le dresseur vit que les efforts de certains petits potes pour rapprocher un couple de chapardeurs semblait porter ses fruits. Plus qu'à attendre!
Quand il ne passait pas son temps à vérifier le dressage et les connaissances de chacun, Niraen prévoyait la suite des opérations. Après le petit test de connaissances, auquel il ne fit qu'assister, Domovoï était bien plus efficace que lui pour inciter les gens à répondre, il ne tarda pas à retourner voir Jack pour revoir les détails de l'opération ptidodos.
- On part sur une dizaine pour commencer, comme pour les chapardeurs c'est ça? On commence ici, histoire que Domovoï voit aussi comment ça marche?
Non parce que les contrats c'est bien mignon mais tous les détails ne sont pas notés dessus, ils ont juste vus les détails il y a un moment et continué de peaufiner entre temps, en attendant d'être sûr avant de signer, donc ça a pu changer. Et puis vu tout ce qui se passe partout, Niraen préfère ne pas trop se fier à sa mémoire! Les planifications d'une telle envergure, c'est pas sa tasse de thé, il n'a pas l'habitude.
En tout cas, Jack lui confirme bien une chose : c'est le bon moment pour passer à la seconde étape de sa mission. Alors Niraen suggère de laisser passer un mois, histoire de leur laisser le temps de terminer les préparatifs de leur côté, voir s'ils s'en sortent bien sans lui, et laisser Domovoï souffler aussi un peu, mine de rien. Ok, et l'hybride aussi, parce que même si c'est plus tranquille, ça reste pas rien, et puis il n'est jamais resté aussi longtemps sans rentrer chez lui! Sa sœur et sa belle sœur sont vite fait passées lui rendre visite à un moment, parce que Yang avait une commande à honorer à la capitale, mais sans plus, et il n'a pas revu Nede et Sassran depuis son départ.
Il n'y a pas que ça... Pour les ptidodos, c'est comme avec les chapardeurs, il faut trouver les œufs, et ça se fait pas en deux heures! Alors Niraen voit ce qu'il peut trouver à la capitale, puis il rentre chez lui, profiter d'un peu de repos bien mérité avant de se lancer à la recherche des œufs de ptidodos. Cette fois, pas d'adultes au programme, ils peuvent être un peu difficiles à amadouer au début et si Domovoï refait le même coup que la dernière fois, à faire éclore tout le monde d'un coup ou presque, ça risque de vite devenir ingérable, alors il faut ruser!
C'est ainsi que le dresseur se rend au point de rendez-vous prévu, un messagerbou du village prévenant de son arrivée, toujours avec un énorme sac à dos qui contient plus d’œufs que d'affaires à lui, toujours accompagné d'un Yami également reposé et toujours plein d'énergie.
-Il ne va rien se passer de mal. Les choses vont se dérouler comme la nature l’a toujours fait.
-Mais si ça marche pas ?
-Et bien, ça ne marchera pas. Laisse-les vivre la vie qu’ils veulent.
-si il lui fait du mal. Je te jure, je l’étripe et le bouffe.
-C’est peut-être un peu disproportionner.
-Mais c’est un bébé !
-ça grandit vite, tu sais. C’est déjà plus que l’adolescence, faut savoir lâcher prise.
-Non.
-Toute façon, t’es pas là-bas et on a du travail.
Quelque part entre le grand fleuve et le village perché, Domovoï se fait un sang d’encre parce que l’une de ses protégés commence à s’intéresser au sexe opposé. Cette situation ne l’aurait même pas fait hausser le sourcil il y a six mois, la confrontation à la dure réalité des sentiments paternels a fait le reste du travail. Je fais bien de ne pas trop l’impliquer dans le processus d’éducation des ptidodos. Il a interdiction de s’en approcher et j’ai été plutôt clair là-dessus. Il a essayé vainement de me faire dire que dans certaines occasions, il pouvait intervenir, mais j’ai su rester catégorique. Il aura suffisamment à faire avec les chapardeurs. Je commence à me dire aussi qu’il va falloir lui trouver une fille pour qu’elle puisse remplir tous ses besoins affectifs qui ont quadruplés depuis qu’on lui a mis ses chapardeurs entre ces massives mains. Qu’il lui fasse un gosse ou deux et on pourra travailler en paix sans devoir regarder au-dessus de son épaule dans la peur de voir sa tête nous surveiller durement si on ne fait pas ce qu’il faut pour ses protégés.
-Voilà justement le spécialiste qui arrive.
-Il a ramené son chien !
Voilà. Parfait. Laissons Domovoï lancer un bout de bois à Yami pendant que les grandes personnes travaillent. On accueille Niraen comme il se doit. Une franche accolade parce que c’est quelqu’un de talentueux et de sympathique et on l’invite à s’installer. Dom’ s’approche un peu trop près du massif sac du druide et je lui lance un regard suffisamment noir pour qu’il cesse son approche. Personne n’est dupe. Il a bien compris ce qu’il y avait dedans. On fait un rapide tour du propriétaire. Comme auparavant, des quartiers sont prévus pour l’expert. On est dans une plus grande maison, presque une villa. Rustique, mais fonctionnel. Les éleveurs y vivront à l’année. Pour ici, c’est Marcus et Ronin qui s’en occuperont. Deux frères avec leur vie dans le village d’à côté. Des fils d’éleveurs de bovins qui ont la fibre rurale, proches de leur bêtes et qui n’ont pas peur de mettre la main dans la bouse. Pour le reste de la formation, il y a Trevor et Sybil, un jeune couple qui se sont rencontrés dans un centre équestre. Ils aiment choyer leurs protégés et sont d’une agréable composition. Tous les quatre, ils sont impatients d’apprendre et de pouvoir faire de ces petidodos, des transporteurs de messages épanouis et heureux. Ils ne sont pas totalement petit potes, puisqu’ils pourront offrir leur service à d’autres entités. Le but est qu’ils soient indépendants, mais qu’ils puissent répondre présents à nos besoins variables. On fait les présentations. Et on laisse Niraen s’installer.
Il a laissé son sac d’œufs au rez de chaussée et il ne faut pas longtemps pour que Domovoï s’en approche à nouveau, glissant silencieusement sur ses pieds, regardant ailleurs comme si personne ne voyait son petit manège.
-Bon. Domovoï. Est-ce que l’on peut éviter ce genre d’enfantillage ? J’aimerais qu’on bosse efficacement ici et je n’ai pas que ça à faire que de devoir gérer tes pulsions paternalistes.
-C’est pas du tout ce que tu crois !
-Dom’ !
Je lui lance un nouveau regard noir. Et cette fois, je rigole plus. C’est comme tout, il faut s’énerver pour avoir des résultats. Les gens vont te dire « ah mais je savais pas que ça t’embêtait » alors que ça fait dix fois que tu leur dis d’arrêter. Ça, c’est parce qu’il croit que tu déconnes, que c’est pour la blague. Mais des moments, c’est non. Domovoï essaie de rappliquer mais je le fais taire.
-Sois tu files droit, sois tu retournes à la capitale et je trouverai quelqu’un d’autre pour gérer ici.
-…
-Compris ?
-Compris.
Ça, c’est fait. Il s’éloigne des œufs. Il est un peu boudeur, mais je pense que le message est compris. Finis les enfantillages. Place aux adultes responsables. Niraen revient. Je claque des mains.
-Bon. Commençons ?
Et encore, repos... Faut voir la gueule du repos! Non parce que chez lui, il y a toujours des choses à faire, des gens qui viennent pour diverses raisons, quelqu'un dans la maison pour avoir besoin d'aide... Autant dire que ça ressemblait plus à une semaine normale, avec juste plus de temps de sommeil que d'habitude, mais ça lui a fait du bien quand même. Revoir tout le monde, ses parents, ses animaux... Les suikys lui firent la fête, comme prévu, mais même les pinplumes semblaient contents de le revoir, lui voletant autour pour lui souhaiter la bienvenue à son arrivée.
Yami, lui aussi, avait été très heureux de ces retrouvailles, sans doute encore plus que lui, et après quelques jours à passer l'essentiel de son temps à dormir, il avait recommencé à vaquer à ses occupations. Niraen avait quand même un peu peur qu'en le voyant reprendre des œufs et faire ses affaires pour repartir, il ne soit réticent à le suivre, mais ça n'avait pas du tout été le cas, et le chiot avait semblé au contraire toujours aussi enthousiaste, si ce n'est plus!
Le trajet jusqu'au lieu d'élevage des ptidodos n'avait heureusement pas été beaucoup plus long que pour aller à la capitale. Les routes étaient un peu moins grands et bien entretenus, mais ça ne posait pas de soucis au druide, qui aurait pu se diriger même sans chemin, et il fut heureux de revoir Jack et Domovoï, tout comme Yami qui, malgré le trajet, conservait assez d'énergie pour leur faire la fête et jouer un peu avec Dom'.
Comme la dernière fois, les salutations sont assez rapides. Niraen fait rapidement la connaissance de Marcus, Ronin, Trevor et Sybil, les personnes qui seront en charge de cet élevage-ci. Jack en profite également pour lui faire faire le tour du propriétaire, et le druide en profite pour poser ses affaires, comme la dernière fois, ayant mit ses affaires perso en haut pour qu'elles soient plus facilement accessibles. Il laisse donc les œufs en bas, sans méfiance, sachant Jack présent et sur ses gardes, et Yami faire son propre tour du propriétaire, avant de redescendre rapidement une fois le strict minimum de rangement fait.
Une fois que c'est fait, le dresseur ne se fait pas prier pour accepter une invitation du couple à s'installer pour se reposer un peu et se désaltérer. Il en profite pour faire plus ample connaissance avec le quatuor qui sera en charge de l'endroit et de ses pensionnaires, répondant à leurs questions les plus basiques pendant qu'il grignote un peu.
Une fois ceci fait, Niraen place 4 œufs de côté avant d'aller installer les autres dans la pièce qui leur est dédiée, ordonnant à Yami, qui a terminé son 1er tour du propriétaire, de les garder. Le chiot, fatigué, ne se fait pas vraiment prier et s'affale à proximité, bâillant. Le dresseur sourit, ne se faisant aucune illusion sur l'efficacité de sa garde dans les heures qui vont suivre. Le pauvre suiky dormira sans doute si profondément que même un Domovoï éméché ne réussirait pas à le tirer du sommeil! Enfin, il mérite bien son repos.
Le groupe retourne dans le salon, le dresseur s'étant bien assuré que Dom' reste tout le temps avec le groupe et n'essaie pas de s'éclipser pour aller voir les œufs. Avoir pu les voir, vérifier qu'ils allaient bien semblait avoir un peu apaisé ses inquiétudes, mais malgré les regards que lui lancent Jack, Niraen préfère lui aussi garder un œil sur leur papa poule de service. Si les quatre autres s'avèrent être de la même trempe, ça risque de devenir très vite assez folklorique...
Heureusement, ils sont plus nombreux, en théorie cela devrait donc être plus simple. Et ainsi, le dresseur se retrouve à leur expliquer en détails tout ce qu'il faut savoir pour s'occuper de bébés, et surtout comment les faire éclore, leur demandant à tous de trouver un nom qui leur plaise avant de leur mettre l’œuf dans les mains, évitant ainsi de se retrouver avec des ptidodos au nom improbables comme ce fut le cas avec les premiers protégés de Domovoï.
Voyant chacun s'émerveiller devant le ptidodo devant eux, s'en occupant avec prudence pour certains, craignant de leur faire mal, et avec entrain pour d'autres, Niraen passe de l'un à l'autre, prodiguant conseils et recommandations tandis que Jack fait tout son possible pour empêcher Domovoï de les assister et d'aller se chercher son propre œuf.
Cette première journée terminée, ils font rapidement éclore les derniers œufs dans les jours à venir, laissant le soin au quatuor en charge de l'élevage de les faire éclore mais laissant Domovoï aider un peu à leurs soins pour le calmer, sinon il n'aurait jamais tenu sur la durée. Et maintenant que tous les ptidodos ont tous éclos, les choses sérieuse vont pouvoir commencer...
Une vie très active. Alors, faut profiter des petits moments de tranquillité. Le lendemain, je me lève tranquillement. Le soleil s’est levé il y a une bonne heure. C’est la grasse matinée. Je traine dans mon plumard en pensant à ce que je dois faire, puis je me rends compte que je suis à des centaines de kilomètres des taches dont je dois m’acquitter. Je traine dix minutes de plus. Puis, je finis par me lever, parce que j’ai faim. En pyjama, je descends à la cuisine où le formateur et les élèves ont déjà tout rangé, parce qu’on est pas là pour trainer. Je me fais un petit déjeuné tranquille en lisant un vieux journal de la capitale. Puis je remonte sans ranger et je m’habille, parce qu’il fait un peu frisquet. Puis je retourne en bas. Je passe devant les quatre élèves, concentré sur les propos de Niraen qui leur parle de l’importance des premiers jours. Je capte Domovoï au fond de la pièce, attentif et concentré lui aussi. De ce que j’ai entendu de la veille, il n’a rien fait pour ce faire remarquer, il semble avoir tout à fait compris le message et ça m’incite à davantage prendre le temps de me reposer. Entre les petits potes et la guilde, vous pouvez savoir comment c’est compliqué. Je sais même pas comment je vais mettre ces formations dans ma timeline. C’est dire.
Bref, je passe devant, pour aller dehors. Je déniche une chaise branlante et je me pose au soleil, profitant de ces doux rayons, d’une brise pas trop fraiche et de la douce odeur de la rosée du matin plus vraiment du matin et des murmures de la vie à la campagne. Ça serait bien d’y vivre, moi qui suis habitué à bosser dans les villes et les milieux urbains, mais une bonne conversation avec des copains autour de trois pintes de bière, c’est quand même une expérience agréable dont on ne saurait se passer. Et au milieu de la cambrouse, ce n’est pas le genre de chose qu’on peut se permettre. Faut être dans un village, au moins et déjà, on perd de ce charme naturel. En vrai, je décolle pas beaucoup de ladite chaise, sauf pour aller manger avec les autres et apprendre de leur progression d’une oreille distraite. Faut bien être à l’écoute de l’équipe. C’est fou que quand on fait rien, on a tout le temps faim. Je mange comme deux, mais les stocks sont bons, pas d’inquiétude. Et je retourne à la sieste indispensable là où la classe nature va tester leur protégé à la rencontre avec la nature. Apprendre à ne pas s’inquiéter des terribles hautes herbes est un truc assez important pour des coursiers qui devront parcourir des trajets assez importants.
Vous voulez que je vous parle de la formation ? Bah, j’y connais rien, hein. C’est bien pour ça qu’on fait appel à des personnes extérieures. Comme dit plus haut, la logique serait même que je sois pas là, mais on serait face à une situation un peu complexe à vous expliquer, alors, on fait ce qu’on peut pour vous être agréable. Quelle idée de se lancer dans un projet pareil. C’est bien ce que je me dis quand je rouvre les yeux et que je m’aperçois que le soleil va s’éclipser derrière une colline. Un bon petit roupillon, mais je suis toujours aussi fatigué. Et j’ai faim. Comme les autres. Mais ils sont plus méritants. Là encore, ils parlent de leur formation. J’écoute religieusement. Domovoï n’a toujours pas fait de bêtises. S’énerver, ça a du bon. On finit sur le digestif, juste un doigt, hein, parce qu’il faut pas faire n’importe quoi. Rester professionnel. Puis direction le lit, car demain est une nouvelle journée. Une nouvelle journée à ne pas faire grand-chose.
Bon, peut-être que je vais retourner à la capitale, non ?
Niraen ne saurait pas vraiment le dire, il avait perdu le compte! Sans doute que c'était noté quelque part, mais les différentes étapes étaient assez floues dans le temps dans son esprit.
Toute l'époque de l'élevage des chapardeurs, à devoir s'occuper de tous en même temps à cause de l'impatience de Domovoï, lui paraissait si loin! Il y était retourné depuis pourtant, pour s'assurer que tout allait bien, répondant à quelques questions par courrier, devant se déplacer pour soigner un chapardeur malade ou accidenté, mais tout tournait globalement bien, sans avoir besoin de lui désormais.
Côté ptidodos, Jack n'avait pas tardé à retourner à ses obligations de la capitale dès son arrivée. C'était déjà bien qu'il ai prit le temps de venir, Niraen en était heureux, et cela lui avait sûrement fait du bien d'ailleurs! Il l'avait donc invité à revenir rapidement prendre des nouvelles quand il le pouvait, devinant que ça faisait un peu comme des vacances pour lui. Et puis s'il savait comment réceptionner un message et en envoyer un nouveau, c'était bien aussi quand même... Dans le doute!
Domovoï n'est pas resté tout le temps non plus. Après le départ de Jack, il était de toute façon limité dans les bêtises possibles par le fait de ne plus avoir aucun œuf à faire éclore! Restait à calmer ses ardeurs de papa poule, à apprendre le métier à tout ce petit monde, et à tenir Dom' au courant à son retour. Car lui aussi avait du rentrer par moments, pour gérer le réseau des chapardeurs, prendre un peu de repos sur ordre de Jack, ce genre de choses!
Même Niraen n'était pas resté tout le temps à vrai dire. Il a passé un mois sur place, pour s'occuper des moments les plus importants de la vie des bébés et assurer une formation complète à ses élèves, leur expliquant aussi en avance la suite des évènements, répondant à toutes leurs questions au mieux, assurant le dressage et aidant à la mise en place du début du réseau. Car oui, si les ptidodos finiraient par grandir et devenir de magnifiques rapidodos, pour l'heure ils étaient encore petits, mais restaient capables de transporter des messages assez rapidement! Les premiers tests furent donc faits dans des villages à proximité, avant de commencer à tester des messages à plus longue portée.
Domovoï et les autres avaient toutes les clés pour s'occuper de leurs protégés et continuer le dressage commencé, alors Niraen aussi avait demandé à rentrer, aider chez lui où il était resté absent bien longtemps. C'est que le reste de sa famille ne restait pas les bras croisés pendant son absence, bien sûr, et s'ils faisaient leur possible pour se débrouiller sans lui, parfois, ça devenait délicat...
Pour autant, il revenait aussi bien aider côté chapardeurs que ptidodos quand c'était nécessaire. Surtout côté ptidodos vu que le projet était plus récent et pas encore totalement en place, mais c'était en excellente voie! Même Domovoï commençait à se sentir assez en confiance pour partir de son propre chef sans personne pour l'y forcer, et ce n'était pas peu dire! Les messages circulaient entre de plus en plus de villes, et si l'aspect reproduction avait déjà commencé avec les chapardeurs, il ne se ferait pas avant un petit moment encore concernant les ptidodos, pas aussi rapides à atteindre la maturité sexuelle, mais Niraen s'était assuré de leur donner toutes les clés et connaissances nécessaires, allant jusqu'à les emmener voir des rapidodos adultes d'un éleveur de sa connaissance pour des démonstrations plus pratique.
C'est pendant une visite de Domovoï et Jack que Niraen avait commencé à discuter de la possibilité de les laisser se débrouiller pour la majeure partie du temps et de ne revenir qu'en cas de soucis. Après tout, sa présence devenait de moins en moins nécessaire, et il avait d'autres obligations à assurer. Et lui comme Yami ne diraient sans doute pas non à rentrer retrouver un rythme un peu plus normal... Quoi que ça veuille désormais dire pour eux!
-Tu lui as donné quoi ?
-Un petit morceau de cuivre.
-Je me demande ce qu’ils en font de tout ça.
-Il doit avoir quelque part une caverne aux trésors, j’te dis.
-Aux trésors, oui, enfin, avec du cuivre, c’est pas la fortune.
-Vrai.
Il faut leur donner des choses pour qu’ils veuillent bien faire les messagers. Si au début, les messages faisaient cet office, les chapardeurs ont bien compris qu’ils se faisaient enflés à la longue puisqu’on reprenait les messages. Ils ont réclamé autre chose. Et Dom’ a fait son possible pour trouver des petites choses pas trop grandes et suffisamment intéressantes pour satisfaire les petits chapardeurs. Suffisamment intéressantes pour eux, hein. Voir chacun de ces chapardeurs remplirent sa tache avec une efficacité qui me surprend encore me dit qu’on a quand même bien fait de se lancer dans ce projet et de traverser tous ce temps d’apprentissage et de travail. Grâce aux bons enseignements de Niraen, tout cela a pu être possible et la conclusion de notre partenariat étroit a été un certain soulagement car la charge était grande. Mais l’important, c’est que les résultats ont été très bons. Je finis de regarder mon document, puis j’approuve de la tête.
-Ca te va ?
-Oui. Peut-être ajouté l’histoire avec la créature que des aventuriers ont découvert dans le nord, histoire qu’ils soient au courant, peut-être qu’ils auront des cas similaires par chez eux
-Ils sauront gérer. Je vais ajouter ça.
Je lui passe et il ajoute la brève en question au reste. Puis il enroule le tout dans un tube de métal qu’il ferme hermétiquement. Enfin, il part chercher Gustav, un solide ptidodos repus de deux jours de repos bien mérités à dormir, à manger et à faire le beau devant Géraldine. Ce brave Gustav va transmettre les informations du nord au sud, vers Trevor et Sybil qui gèrent l’élevage du sud. Assembler des informations, c’est bien, mais redispatcher les informations à tous les petits potes, c’est important. Car le tavernier écoute et renseigne. Et dans ce genre de situation, il peut aussi aiguiller une conversation pour tirer des choses de son vis-à-vis. Vous allez dire que c’est malhonnête, mais je vous dis que non. Ils se présentent toujours en mon nom, quand ils en viennent à ce genre de moment. Ils présentent une carte de visite stipulant qu’ils ont ma confiance. Et les gens semblent plutôt bien me connaître, puisqu’ils généralement, on leur en dit plus. Du coup, je leur fournis aussi des cartes de visites supplémentaires, au cas où ils en perdraient. Et passer à côté d’une information capitale, ça serait quand même triste. Domovoï vérifie que Gustav est en parfaite santé et qu’il ne manque de rien, parce que même s’il connaît le chemin et qu’il peut se débrouiller, il vaut mieux mettre toutes les chances de son côté. Une fois que tout est conforme, Il sort avec pour le départ. Il revient cinq minutes après, l’air maussade.
-Toujours compliqué de les laisser partir ?
-Il pourrait lui arriver n’importe quoi…
-Il a déjà fait plusieurs fois le chemin. Tu finiras par t’y faire.
-Tu me le dis à chaque fois, mais à chaque fois, ça me fait toujours un pincement au cœur.
Toujours aussi émotif avec ces protégés, le grand garçon. Elle s’y fera. Forcément. Même si le nombre de petidodos, et de chapardeurs, n’est pas encore très grand, il est amené à grandir. A la fin, il y aura tellement de ses protégés sur les routes d’Aryon que s’ils devaient s’inquiéter pour tous, son cœur lâchera à coup sûr. Il évoluera. Tout le monde évolue. Comme les organisations. Et grâces aux ptidodos et aux chapardeurs, les petits potes ont sacrément grandis.
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