Cela fait trois mois que Devon et moi sommes ensemble officiellement. Trois mois depuis son retour d’un accident tragique. Il n’a toujours pas retrouvé l’usage de son bras, mais nous avons espoir qu’il puisse guérir un jour. À vrai dire, cela ne me sert à rien de stresser pour cela et surtout vu la condition dans laquelle je me trouve, il serait mauvais pour moi de me mettre dans tous mes états. Le médecin m’a formellement conseillé de me reposer et à vrai dire je me sens à la fois confuse et désemparée. Oui, c’est quelque chose que nous voulions, mais pas si tôt. De plus, si j’en crois les dires du médecin, la petite chose qui grandit dans mon ventre devrait bientôt avoir trois mois. Ce qui veut dire que la petite araignée a été plus ou moins conçue lors de nos retrouvailles ou dans ces environs-là. Bon, heureusement, nous avons réussi à régler mon petit souci de dette ce qui nous avait enlevé un poids de nos épaules et la taverne de Devon avait repris du poil de la bête. Ce qui voulait dire que nous passions moins de temps ensemble. S’occuper d’une taverne seule demande beaucoup de temps et de présence et malheureusement, il ne peut pas se permettre de prendre congé, puisque c’est son pouvoir qui lui permet ses recettes. D’ailleurs, le fait que nous soyons occupés chacun de notre côté ne nous a pas réellement permis de nous retrouver. Il n’a pas pu voir toutes les fois où je me suis sentie nauséeuse sans compter mes allés et retour à la salle de bain parce que j’ai des envies d’uriner constantes. Bref, je dois vous dire que ce n’est pas très pratique tout cela lorsqu’on est en forêt. De plus, cela voudra dire que les chasses et les promenades en forêt me seront interdites par mon aimé. Je le connais, il ne voudra pas qu’il nous arrive du mal et surtout il ne voudra pas que je prenne des risques pour ne pas le perdre…

C’est donc en passant à toutes ces choses que je me promène doucement à la recherche d’un cadeau pour Devon dans les allées de la place commerçante. Déjà j’aimerais le remercier de m’avoir soutenue et de ne pas m’avoir repoussée lorsqu’il avait appris la vérité. Puis,  je dois trouver une façon de lui annoncer sans simplement le lui dire comme ça, non? C’est quand même un évènement important et j’aimerais que ma mère, qui me regarde là-haut, sourie. Enfin, ce n’est pas tout ça, mais si je continue à réfléchir ainsi, je vais passer à côté de quelque chose!

La température commençait à se rafraîchir et bien évidemment, je n’étais pas sortie sans ma fidèle cape, mais sans couvrir ma tête. Je ne portais pas mon armure et ne m’étais pas équipée de mon arc. Non il n’y avait que moi et mes dagues que je cachais. On ne pouvait jamais être sûr qu’une main chapardeuse se glisse par-derrière. Ma cape me permettait au moins de me protéger, mais il ne faut jamais prendre de chance! Mon drarbustre était fidèle à ses habitudes et me suivait à mes côtés.  Enfin, rien ne me tape réellement à l’œil puis soudainement, l’annonce d’un homme m’attire au loin.

« Venez profiter de mes grilles-gourmant! Vraiment pas cher! Il y en a de toutes les tailles, du petit facile à glisser dans votre sac sans fond au grand pour accueillir toute la famille! Approchez! Vite, tout doit partir. C’est encore le temps de profiter d’un bon barbecue avant que la neige ne s’installe! »

Un grand sourire s’élargit sur mon visage et je m’approche alors de ce cher monsieur qui me regarde un grand sourire aux lèvres.

« - Ah, voilà quelqu’un qui me semble bien intéressé!
- Le grand, vous le vendez combien?
- C’est pour vous?
- Un cadeau familial, mais surtout pour monsieur, dis-je en rigolant.
- Vous allez en faire tout un heureux, ma parole! Il est bien chanceux que d’vous avoir.
- Ah, ça, je dirais plutôt que c’est moi qui suis chanceuse. »

Bref, on discute doucement, je lui donne les cristaux et bien évidemment, la grille-gourmand ne vient pas déjà tout assembler. Il me propose de le faire livrer, mais je lui propose plutôt de me prêter son petit chariot pour l’amener. Il est plutôt réticent, mais je réussis à le convaincre en lui offrant un dépôt qu’il me remettra au retour du chariot. De toute façon, ça ne devrait pas être bien long, non? On se serre la main et me voilà maintenant en train de pousser mon cadeau en ayant surestimé mes capacités qui ont régressé depuis quelque temps, mais je ne dois pas m’arrêter. Seulement, j’ai chaud bien plus rapidement et je commence à démontrer ma fatigue. Même mon drarbustre semble avoir pitié de moi et dépose ses pattes avants du même côté que moi et avance. Je ne remarque pas de différence en réalité, mais je ne lui fais pas savoir. À mi-chemin, entre-deux étales, nous prenons une pause et je souffle un coup en passant mon bras contre mon front.

« Si seulement, Devon était là pour m’aider… » Enfin, en y réfléchissant bien ça serait gâcher son cadeau.


Skaemp

Je souffle un coup essuyant les petites perles d’eau saline qui s’étaient doucement formées sur ma peau sombre au niveau de mon front. C’est dément à quel point porter une petite chose en soi peut dérégler votre système. Je pouvais courir des heures durant sans sentir la fatigue, mais voilà que maintenant le moindre effort physique m’essouffle et m’épuise rapidement. Si cela continue ainsi, je ne pourrai plus le cacher bien longtemps à Devon et cela gâchera ma surprise. J’imagine qu’il sera heureux, du moins je l’espère. Après tout, cet enfant n’était pas du tout prévu dans l’immédiat alors qu’il y a encore des choses à régler. Par exemple, convaincre mon père de quitter le village perché pour venir s’installer à la capitale. J’aimerais qu’il se rapproche de moi et puis avec ces rumeurs de meurtre, je ne veux pas prendre de risque. Je saurai le convaincre.

Enfin, je prends finalement appui contre la cargaison et à peine ai-je posé mon fessier sur celui-ci que j’entendus une voix bien assez proche de moi pour me sentir interpeller qui me demandait si j’avais besoin d’aide. Surprise, je tourne la tête à la recherche de l’individu et non loin de moi se tient un homme à la chevelure flamboyante et au regard doré. Son regard bienveillant s’était vite figé sous la surprise lorsque nos regards s’étaient croisés. Il prononce mon prénom bafouillant sur le reste, mais me demande s’il s’agit de moi. Je plisse les yeux suspicieux. Déjà, sa tête semblait me rappeler quelque chose, mais je ne pouvais pas mettre de nom sur sa frimousse.

« M’oui, c’est bien moi. » Répondis-je tout simplement.

Je ne suis pas des plus sociable je peux vous l’accorder et je dois dire que de me faire interpeller par mon prénom dans la capitale par un homme dont je n’ai pas souvenir rend les choses plus difficiles. Il fait référence à un certain nombre d’années comme si nous nous connaissions depuis longtemps ce qui veut dire qu’il s’agissait d’un garçon du village perché.

« Désolée, mais je n’ai pas souvenir de ton nom. » Dis-je d’un ton plus sec que je le voulais vraiment. Enfin, la moindre des choses aurait été qu’il se présente, non? « Et si tu me connais depuis aussi longtemps, cela veut donc dire que tu étais aussi au village perchée. »

Je cherche dans mes souvenirs que j’ai tentés d’enterrer durant de longues années préférant me concentrer sur la formation que m’offrait mon père. Mais je me dis qu’une tête comme la sienne devait être facile à remarquer, non? Il me semble qu’il ne faisait pas réellement partie des têtes qui s’en prenait à moi, mais plus je fouillais dans mes souvenirs plus son visage semblait se débrouiller pour apparaître à quelques reprises derrières les autres garçons.

« Ne fais pas semblant d’être mon ami… J’imagine que tu veux te payer ma tête ici aussi? » Simple question, mais très direct. Je ne sais pas dire s’il s’agit de mes hormones qui me travaillent, mais j’ai soudainement un coup de stress et une boule à l’estomac me prend comme si penser à ces évènements m’affectait toujours autant comme si j’y étais toujours. Mes yeux se remplissent de larmes, mais qui ne coulent pas et je détourne aussitôt la tête sur le côté en essuyant rapidement à l’aide de mes poignets les larmes naissantes.

« Je n’ai pas besoin d’aide merci. » Dis-je en tentant de le chasser d’un geste de la main.



Skaemp

Bien évidemment, mon attitude envers ce dernier semble le choquer plus que l’énerver. Il fige sur place et semble être pris de cours par mon ton sec et presque déplaisant. J’ai peut-être oublié son nom, mais je sais que mes souvenirs du village n’ont rien de bon. Les adultes étaient hypocrites alors que les enfants, n’ayant aucun filtre, agissaient directement contre moi que ce soit par les mots ou les coups. Alors je mets tout simplement tout le monde dans le même panier. Sauf que ce dernier, malgré l’avoir mentionné que je n’avais pas besoin de son aide, s’inclina alors devant moi. Surprise à mon tour, je l’observe un moment avant de regarder tout autour de nous. Sa position devant moi semblait attirer les regards curieux des passants.

Je l’écoute se présenter à moi sans broncher. Après tout, si j’ai bien appris quelque chose, c’est de permettre aux autres de s’exprimer et puis je ne suis pas si méchante que cela. J’ai seulement de la rancœur envers ces enfants qui ont peut-être vieilli ou réalisé que ce qu’ils ont fait était stupide. Seulement son approche était peut-être trop amicale voir maladroite selon moi. Du coup, si je comprends bien ce dernier n’a jamais été de ceux qui me voulaient du mal, mais qui tentaient de s’interposer et parfois une seule personne ne fait pas la différence. Enfin, s’il m’avait réellement tendu la main comme il le mentionnait si bien, peut-être m’en serais-je mieux sortie?

« Déjà, relève-toi, Dante. Nous attirons bien trop les regards. » Je dépose ma main contre son épaule pour l’obliger par la même occasion à faire de même.  « Et cesse de me vouvoyer… Nous avons le même âge plus ou moins et je n’ai pas de titre honorifique. » Je pousse un léger soupir en regardant vers mon chariot. « Nous étions enfants et je n’aurais pas dû réagir de la sorte. Tu m’as seulement surprise et rappelé de mauvais souvenirs. Je ne porte que très peu de gens du village perché dans mon cœur… C’est pour cela.  »

Mon drarbustre ne comprenant pas trop ce qui venait de se passer, sauta sur ma cargaison et se mit sur ses pattes pour nous observer à tour de rôle. Bien sûr, il semblait suspicieux du rouquin à mes côtés qui avait suscité une étrange réaction de ma personne.

« Nephalie, t’es peut-être pas très gros, mais déjà que je dois pousser ce chariot et me supporter moi-même, descend de suite avant que je ne décide qu’on mange du dragonnet ce soir… »

Il prend une tête faussement surprise et saute aussitôt de son piédestal. Pire qu’un enfant je vous dis! Et dire que je vais devoir supporter ce petit monstre quadrupède qui aura fortement grandi ainsi que les cris d’un enfant d’ici six mois.

« Bon, je vais accepter ton aide, Dante. Je dois me dépêcher d’amener le grille-gourmand à la maison pour ramener le chariot au vendeur afin de récupérer mes cristaux… On prendra le temps de discuter par la suite si tu le veux bien. »

Skaemp

Dante avait assisté à mon échange avec le petit dragon après s’être excusé de nouveau et cela semblait l’amusé. Qui ne le serait pas? Après tout la petite créature avait pris en assurance et nous mettait souvent dans de drôle de situation. La pire ayant été la fois où il avait décidé de sauter dans l’eau du bain après être arrivé en courant de bien loin. Je dois dire que sur le coup, je ne l’ai pas trouvé drôle, mais avec recul, je me dis que si quelqu’un avait vu la suite par la fenêtre, il devait avoir trouvé cela des plus étrange.

Enfin, j’accepte finalement son aide et le voilà qu’il se met devant afin de tirer le charriot alors que pour ma part je continue de le pousser. À deux, c’est nettement moins compliqué et la route jusqu’à la maison se fait bien plus rapidement. Je guide donc Dante en lui précisant où il doit tourner et nous arrivons après quelques minutes. Nous ne fûmes pas très bavards pour des raisons plus que normales. Après tout, nous ne sommes pas partis du bon pied tous les deux et j’ai surtout accepté son aide parce qu’il semblait sincère dans ce qu’il me disait. Je ne suis pas une mauvaise personne malgré mon apparence étrange et mon passé douteux, mais bon. Ma réticence et ma rancune sont toujours présentes depuis toutes ces années. J’imagine que je me suis adoucie depuis ma rencontre avec Devon et que cela va continuer en s'améliorant. Je l’espère, après tout, nous attendons un enfant et je ne dois lui montrer une attitude correcte. On a tous des hauts et des bas, mais je ne dois absolument pas lui montrer à réagir comme je l’ai fait. Lorsque je vois la maison, je lui pointe du bout du doigt pour sonner la cloche de l’arrêt et ce dernier semble surpris de par ma demeure.

« Je ne suis pas du tout friande de la capitale, mais je l’ai surtout fait pour Devon. Cela ne fait que trois mois plus ou moins que je me suis installée ici avec lui, mais ça n’a rien à voir avec ma forêt. » J’ai un petit soupir suivi d’un sourire nostalgique. « Jusqu’à maintenant je m’y rendais encore pour poursuivre mes contrats de chasse, mais je n’ai plus le droit de m’y rendre seul même si ce n’est que pour une marche. Ordre du guérisseur. »

Je regarde doucement derrière lui pour essayer de trouver le meilleur endroit où le poser, mais je pense qu’il serait préférable de le déposer à l’arrière de la demeure. Alors j’ouvre la clôture pour nous permettre d’entrer avec le paquet et je l’incite à me suivre.

« On va le poser à l’arrière. Il faudra ramener le charriot après, mais avant cela, je dois faire un arrêt à la salle de bain. Je t’offre un verre d’eau pendant ce temps? »

Je retourne donc à ma position pour pousser sur le colis qu’il nous faudra glisser hors du chariot. Bien évidemment nous ne le monterons pas pour le moment. Je garderai cela pour plus tard.  


Skaemp

Après ce petit trajet qui avait demandé un peu d’effort physique, je ne suis pas surprise que ce dernier accepte mon invitation à boire un verre. Bien évidemment, je ne parle pas d’alcool ici, mais bien d’eau. La source de tout et ce qui est meilleur pour le corps et surtout que ça m’emmerderait de lui offrir un verre de rhum alors que je ne peux même plus en boire moi-même. Devenir parents ça a peut-être ses avantages, mais par contre je ne peux pas dire que porter l’enfant seule en aille beaucoup.

Je me doutais bien que ce dernier allait se questionner sur mes interdictions et il faut dire que j’ai peut-être un peu trop parlé, du coup, je l’écoute, lui qui se questionne sur les raisons pourrait pousser un guérisseur à me prescrire du repos et à rester loin de la forêt. Ses premières déductions étaient bonnes, après tout, je ne suis pas blessée c’est un fait, mais je ne suis pas malade. Du moins, porter un enfant n’est pas une maladie, mais peuvent causer bien des soucis au corps de la femme et ça je l’ai appris grâce à Niraen. Je croyais réellement avoir attrapé un truc depuis quelques mois. Je me disais que ça ne semblait pas mortel puisque j’étais toujours en vie, mais quand j’ai senti que certains inconvénients s’accentuaient j’ai sonné la cloche d’alerte dans mon esprit et je suis partie visiter un druide.

Bien évidemment, on termine de déplacer le grille-gourmand toujours envelopper et on le fait glisser délicatement hors du charriot avant que je ne lui réponde. Je pourrais lui mentir, après tout, Devon ne le sait pas lui-même et la seule autre personne à le savoir est le guérisseur qui m’a annoncé la nouvelle. Mais d’une part de moi, je suis assez excitée par la nouvelle. J’ai hâte de pouvoir le dire à Devon ainsi qu’au reste de notre famille, mais j’aimerais leur faire une surprise et me connaissant je vais avoir du mal à tenir en place. Surtout que je ne dois pas trop tarder sinon, Devon finira par le découvrir lui-même.

« Laissons ça ici et rentrons à l’intérieur. Je t’expliquerai… »

Même si Dante l’apprenait, qu’est-ce que cela ferait. Ce n’est un proche de Devon et moi-même alors il n’y a pas de risque que qui que ce soit l’apprenne par accident et surtout je ne vois pas pourquoi il irait le répéter. De plus, s’il se souciait de moi par le passer, peut-être se réjouira-t-il de mon bonheur actuel? Je nous fais donc repasser sur nos pas pour refermer la clôture de bois derrière nous et prends ma clé pour ouvrir la porte de la maison. La maison est modeste comme l’extérieur. Une entrée simple avec une porte-manteau et un endroit où déposer nos souliers ainsi que mes arcs et mon carquois qui trainait dans le coin, suivit d’un salon. Plus loin, la cuisine ainsi que la salle à manger. Tout au fond se trouve deux portes fermées et une troisième sur la gauche qu’on ne voit pas, mais qui se trouve à être la salle de bain.

« Entre, dis-je en retirant mes bottes, je vais nous servir à boire. »

Bien évidemment, je me dirige aussitôt vers les placards de la cuisine sortant ainsi deux verres dans lesquels je verse l’eau d’une bouteille qu’avait pour habitude d’utiliser le tavernier. Je lui mentionne de se servir et m’enferme quelques minutes à la salle de bain pour faire ce que j’avais à faire et en ressort par la suite. Je prends mon verre et tire sur l’une des chaises pour m’y asseoir.

« Désolée de ne pas avoir répondu immédiatement. Disons que je ne savais pas si je devais en parler et puis nous venons à peine de nous reparler, mais bon, ce n’est pas une mauvaise nouvelle en soi. Je dirais même qu’il s’agit d’une excellente nouvelle et que c’est pour cela que je ne peux plus partir en forêt seule. Parce qu’en réalité, je ne suis plus seule et je dois aussi prendre soin de cette petite chose qui grandit en moi. Devon et moi allons être parents. »

Sans réellement m’en rendre compte, je m’étais redressé contre ma chaise et j’avais déposé ma main contre mon ventre tout en faisant quelque cercle comme s’il allait le ressentir au travers de toutes ces membranes.

« Donc voilà, il y a quelques effets secondaires liés à cela, mais heureusement ce n’est pas une maladie. D’ailleurs, je compte sur ta discrétion. Le papa ne le sait pas encore ni même le reste de notre famille. Alors on ne dit rien à personne. Les civils, ça parle beaucoup et surtout lorsqu’ils boivent! Devon est propriétaire de la taverne de L’Aventurier Téméraire dans le quartier commerçant, alors chut! »



Skaemp

Voilà! C’était la première fois que j’en parlais à quelqu’un d’autre que le guérisseur que j’avais vu ainsi que Nemue la guérisseuse apothicaire qui soignait aussi mon père. Dante était le tout premier qui n’avait rien à voir avec la médecine dans la confidence de ce secret et pourtant nous venions à peine de nous retrouver. Peut-être que je n’aurais pas dû, après tout au vu de mon entré en matière lors qu’il m’avait abordée, jamais nous aurions pu penser être assis l’un en face de l’autre en train de profiter d’un verre d’eau. Je me suis bien assagie avec le temps. Je n’avais plus rien à voir avec la jeune femme qui avait la flèche facile. D’ailleurs, je suis bien chanceuse de ne pas m’être retrouvée en prison pour avoir tiré une flèche au niveau de la tête d’un officier de la garde. Heureusement que Valentino était quelqu’un de bien et avec un humour discutable.

Enfin, je caresse doucement mon ventre sans réellement m’en rendre compte alors que ce dernier semble plus surpris que moi lorsque je l’ai appris. Il est vrai que je n’ai peut-être pas une tête à être mère, après tout je ne suis pas ce qui aspire le plus la confiance dans un premier coup d’œil et avec raison, mais tout de même. Il me promet de ne rien dire, sauf qu’il finit par s’approcher de moi afin de venir se positionner devant mon ventre. J’ai un léger mouvement de recul, mais il ne lève pas les mains pour me toucher. Heureusement, parce que j’en aurais eu horreur. Je lui aurais vite dégagé sa main, mais bon, ce dernier veut faire son curieux et me demande l’autorisation d’utiliser son pouvoir sur nous. Ma tête semble être étrange puisqu’il prend le temps d’expliquer la nature de ce dernier. Si ça n’implique pas de contact direct, pourquoi pas? Après tout, cela ne risque pas de nous faire du mal, n’est-ce pas? Je hausse doucement les épaules et lui mentionne d’un mouvement de tête qu’il peut agir.

J’observe le bouclier se mettre en place puisque celui-ci semble semi-transparent et je suis légèrement subjuguée par la présence de ce dernier. Bien évidemment cela ne prend que quelques secondes avant de rapporter mon attention sur l’homme qui se tient toujours à mes côtés. Je ne sais pas s’il parle simplement pour se convaincre de mes dires, mais il semble toujours ébahi par la présence de la petite créature qui grandit en moi. Je ne sais pas dire ce qu’il ressent à ce moment, mais le voir s’asseoir par la suite directe sur le sol me fait doucement froncer les sourcils.

« Oui…du chemin, j’en ai fait une sacrée route. Mais je dois te dire que ce ne fut pas facile. Lorsque nous avons quitté le village, mon père et moi, nous avons vécu à plein temps dans la forêt que lui et moi. Il m’a tout appris ce qu’il savait. À dix-huit ans, je suis partie seule et lui est retourné dans la demeure que nous avions laissée de côté. Depuis tout ce temps, j’ai vécu seule, je ne laissais approcher personne. Je prenais des boulots, j’aidais la garde dans la forêt… Puis j’ai fait la rencontre de Devon que récemment. Cet enfant est une surprise pour tous les deux et n’était pas du tout planifié à vrai dire, mais nous allons faire de notre mieux pour l’élever ensemble. »

Heureusement que Devon était apparu dans ma vie, car je me serais très certainement engagée sur des routes où il me serait impossible de faire marche arrière. Contrat douteux après contrat douteux, je me serais enfoncé trop loin dans la criminalité. Je suis une criminelle, je ne pourrai jamais effacer les actes que j’ai commis, mais voilà. Ce qui est fait est fait, il me faut simplement devenir une meilleure personne pour l’homme qui partage ma vie ainsi que pour l’enfant à venir.

«  J’espère simplement être à la hauteur… » Petite crainte personnelle puisque je n’ai pas eu d’exemple féminin à suivre. Heureusement, la mère de Devon pourra m’aider au besoin, mais je ne sais pas dire ce que l’absence d’une mère décédée bien trop tôt fera sur moi. Dans tous les cas, je donnerai le meilleur de moi-même.

Je regarde donc en sa direction avec un léger sourire amusé tout en mouvant ma main vers une des chaises. « On ne parle que de moi, mais toi? Que fais-tu à la Capitale? Tu es de passage? Enfin, assis-toi bien évidemment. Le sol ne doit pas être confortable. »



Skaemp

J’échappe un petit rire bien malgré moi quand ce dernier s’allonge pour prouver que le plancher est d’un propre à y rester, sauf qu’il ne considère pas le fait que nous avons ici un familier quelque peu curieux qui pourrait lui sauter dessus à tout moment. Nephalie n’est pas resté dehors, mais il est bien avec nous. Seulement il fait ses petites choses, joues avec ses jouets que je lui ai donnés. Je dois le garder occupé, car lorsque nous étions que tous les deux, il pouvait se balader comme il le désirait en forêt et revenait lorsque je l’appelais d’un sifflement, mais maintenant il est enfermé entre quatre murs et je ne peux pas risquer de le laisser se balader seul en pleine ville au risque de me le faire enlever.

« Si, si t’inquiètes, nous sommes très à cheval sur le ménage. Avec une petite bête qui sort et qui rentre tout en perdant des feuilles par occasion, pas le choix de garder le tout propre. »

Enfin, ce dernier se relève et commence donc à me parler de son propre parcours. Il est maintenant membre de la garde, mais pas que. Non, il ferait donc partie de la royale; celle sensée protéger les membres de la royauté d’une quelconque intrusion voir même attaque à leur égard. On dit qu’Aryon est en paix et qu’aucun danger ne rôde, mais on ne connait jamais quelqu’un parfaitement. Pour preuve, j’ai déjà fait disparaître des gens de ce monde et pourtant me voilà en train de discuter et de boire avec un garde royal. D’ailleurs, l’un de mes amis est aussi un officier, maintenant lieutenant de la garde du sud. Alors bon, soit je sais bien m’entouré soit j’ai des tendances suicidaires, mais bon, c’est terminé. La seule personne au courant de ce côté de ma vie est mon aimé, parce que je ne désirais pas lui mentir. J’ai même été jusqu’à annuler mon dernier contrat qui aurait pu m’enrichir comme pas possible parce que ce dernier ne le voulait pas. Selon lui, il existait d’autres moyens que de me mettre dans le pétrin pour régler d’autres problèmes.

« Je peux comprendre ce que tu ressens. Je me sens pareil lorsque je déambule dans les rues. Je ne peux pas m’empêcher de me questionner sur ce que peuvent penser ces gens quand il me voit. J’ai pris longuement avant de ne plus me balader avec une cape pour me cacher des regards. Mon enfance n’a certainement pas aidé et la capitale n’a rien à voir avec la forêt. La quiétude, le silence voire même le parfum de l’environnement me manquent. » dis-je  en souriant tristement par la suite.

Je me ressers à boire une fois mon verre vidé puis je l’écoute attentivement. J’ai surtout l’impression que ce dernier tente de me faire dire que son boulot est quelque chose de louable et qu’il ne devrait pas regretter ses choix, mais je ne suis pas de ce genre de personnage. Après tout, s’il ne se sent pas à l’aise et s’il fait cela pour la simple et bonne raison que cela rend fière un membre de sa famille, cela n’a pas lieu d’être. Je plonge donc mon regard enflammé dans le sien. À la fois sérieux et doux je ne peux que lui dire que ces quelques mots.

« L’important c’est ce que tu penses toi, non? On s’en fiche que cela peut rendre fière quelqu’un d’autre si cela te rend malheureux, non? Ton bonheur est plus important que celui de tes proches, enfin tant que cela reste dans le respect de tous et chacun. Enfin, je ne pense pas que tu devrais te mettre autant de pression sur les épaules. Imagine la famille royale comme n’importe quelle autre famille, seulement, ils ont beaucoup plus de responsabilités et sont responsable de bien plus de vie que toi. » Je m’arrête un instant pour prendre une petite gorgée d’eau avant de terminer sur ces paroles. « Puis, si j’étais toi, je n’attendrais pas d’avoir la reconnaissance de mes collègues pour me sentir mieux… L’important c’est que tu donnes le meilleur de toi-même, non? La reconnaissance viendra avec le temps. »

C’était pareil lorsque je devais faire des sales boulots avec des gens dits de confiance, mais que je ne connaissais pas. Je ne devais pas montrer ma nervosité, l’important c’était de réussir nos objectifs sans la moindre bavure, alors je faisais ce qu’il m’était demandé au meilleur de mes compétences et tant pis si mes camarades du moment ne m’aimaient pas. Tout ce qui comptait pour moi c’était la paie derrière. Enfin, aujourd’hui c’est différent et même si je déteste interagir avec la clientèle de Devon, je donne le meilleur de moi-même, je souris – même s’il est faux pour la plupart du temps –, je sers les dents quand quelque chose ne va pas parce qu’il s’agit de notre gagne-pain. Puis avec l’arrivée du bébé d’ici quelques mois, il va falloir adapter notre rythme de vie à ce dernier…


Skaemp

Je ne suis pas dans sa tête ni à sa place, alors je ne peux pas réellement parler pour lui puisque je ne sais pas ce qu’il vit ni ressent. Sauf que je peux tout de même me baser sur mon vécu et le conseiller malgré tout puisque ce sont des problèmes que nous pouvons rencontrer à tout moment dans notre vie. Avoir peur de ne pas avoir la reconnaissance de nos proches ou des gens que nous côtoyons au quotidien peut être dur pour le moral et je dois dire que j’ai très peur de ne pas avoir celle de mon aimé lorsque je lui ai dit la vérité sur mes activités que j’ai maintenant cessées. Me fait-il confiance? Quand je ne suis pas là, est-ce qu’il craint que je complote quelque chose dans son dos? Est-ce qu’il pense que je lui mens lorsque je pars pour une chasse. Ce sont des choses comme ça qui me trotte constamment à l’esprit, mais j’essaie de les chasser. Si c’était réellement le cas, il ne me laisserait pas partir et me surveillerait de près ou de loin.

Enfin, il semble réfléchir à mes propos ce qui n’est pas plus mal. Moi qui avais peur que ce je lui dise ne lui parle pas, mais voilà que mes conseils semblent réellement l’avoir aidé puisqu’il m’en fait part. Et bien, si c’est le cas, ça me fait plaisir. Je ne suis pas spécialement douée pour discuter avec autrui et il faut dire que si nous avions parlé cuisine, j’aurais eu l’air bien idiot sachant que j’ai appris que récemment comment utiliser les plaques de cuisson de la maison.

Enfin, non seulement il me fait savoir que je l’ai aidé, mais il me complimente par la suite. Je ne sais pas pourquoi cela me remplie de joie ainsi, mais me dire que je serais une bonne mère parce que je suis à l’écoute et attentive me fait sourire. Je porte mes mains à mon ventre que je caresse doucement tout en souriant vers ce dernier.

« Merci… » C’est la seule chose que je suis capable de lui dire pour le moment, puisque je suis émue. Enfin, les hormones ne doivent pas aider non plus après tout.  Du coup, ce dernier se lève finalement de son siège m’annonçant qu’il allait ramené le charriot pour moi histoire que je puisse me reposer. Il fut un temps où je me serais obstinée avec lui pour lui dire que j’étais capable de m’arranger et que je ne voulais pas l’aide d’un garde, mais comme je me suis assagie et que j’ai eu la chance de côtoyer de très bons gardes depuis un petit moment, disons que je me contente de le remercier de sa gentillesse. Je lui dis le prix, même si ce n’était pas bien élevé puis il me remet les cristaux.

« Bien sûr, Dante. Tu viendras nous rendre visite si tu le souhaites. Puis, si jamais tu passes par l’Aventurier Téméraire, n’hésite pas à y entrer. »

Je le raccompagne donc jusqu’à l’extérieur l’aidant au moins à sortir le chariot de la cour où nous l’avions laissé puis je le salue une dernière fois le laissant finalement partir.

Bon, avec tout ça, je n’ai pas pu trouver une façon d’annoncer la nouvelle à Devon…


Skaemp