La pièce était toujours la même, loin d'être sombre, faite de pierre et éclairée comme l'aurait été n'importe quel bâtiment de ce standing. Des lampes magiques qui valaient le salaires de certains pauvres des bas quartiers...
Et pourtant, rien ne faisait luxueux, tout était fonctionnel, les cadres n'étaient pas travaillés outre mesure, et l'usures de leurs support dénotait du temps qu'elles avaient servit.
C'était un univers bien différent du sien, mais un univers auquel elle devrait s'adapter tout de même. Car c'était dans ce dernier qu'elle serait coincé pendant... Très longtemps.
-Prête pour ta prochaine tache ?
La voix résonna dans la pièce, une voix dure et froide, rendue métallique par un heaume de fer à la figure grimaçante... Son nouveau maitre désormais... Et si elle connaissait son visage, seuls ses yeux étaient visibles
-Oui maitre...
Une main gantée se posa sur son crâne comme pour l'encourager avant qu'il ne lui rappelle une dernière fois son but.
Ce qui aurait pu l'agacer prodigieusement auparavant, mais qui n'était maintenant qu'un nouveau signe de son "contrat"
-Débarrasse toi-en, de façon spectaculaire ou sordide, peu m'importe, tant qu'il paye
La vipère releva ses yeux jaunes vers la silhouette en face d'elle avant de porter une main sur le masque de son interlocuteur.
-Il en sera fait selon tes désirs
********************
Esclave n'était pas le bon terme, le contrat était complexe mais c'était pour cela qu'elle l'avait accepté : la récompense serait grande et vaudrait bien tout les sacrifices, même celui d'une partie de sa liberté
La cible était donc au Grand-Port, un noble une fois de plus... Mais si la dernière fois il avait été question de cambriolage, cette fois il fallait tuer.
Et au vu du profil du suspect, cela ne serait pas chose aisée.
Un influent dans la ville qui avait privé son maitre de quelque chose...
L'ordre était absolu : tuer.
C'était donc presque naturellement qu'elle était partie de la capitale, jouant de son pouvoir pour passer d'identité en identité, parfois marchandes, parfois serveuse, parfois pèlerin. Les portails étaient bien trop surveillés, et mieux valait que tout son parcours reste inconnu.
La vipère s'amusait toujours autant à voir les gens oublier celle qui avait partagée leurs carrioles pendant quelques jours, se demandant pourquoi la carriole avait encore une place de libre, ou pour qui la chambre avait été louée.
Et comme d'habitude, leur esprit faisait le travail à sa place.
C'est par une belle matinée qu'elle arriva dans le Grand port, sous les traits d'une belle nobles qui loua une chambre d'hôtel au même endroit que sa cible, un hôtel luxueux destiné uniquement à la noblesse. Non pas par son règlement, mais bien par ses prix prohibitifs.
Au moins le service y était, le soir venu, elle s'installa tranquillement dans un des salons de thés, attendant l'heure avec une infusion fumante entre ses mains, telle une comtesse attendant ses servantes
Sang sur le port
Ayant désertée la capitale depuis trois jours, j'essaye de me reposer dans une petite auberge. A la base, j'avais réservé une chambre dans l'hôtel juste en face, mais la mauvaise fréquentation du lieu est venus à bout de ma patience.
je n'avais pas prévus de faire quoique ce soit pendant ce séjour, mais je ne pouvais pas passer à côté de cela. Le noble en question parlait trop fort et avait les manières d'un paysan qui n'a jamais quitté son bourg.
J'attendait donc que la nuit tombe dans le grand port, et attendit encore un peu plus pour être certaine que le nombre de marcheur nocturne soit réduit à son minimum. Et puis discrètement, habillée de mon chapeau haut-de-forme et de mon long manteau noirs préféré, je sors dans la rue.
L'air frai de la saison fraîche est revitalisant. On se sent vivant, quand il passe dans nos poumons pour les rafraîchir. Prenant un peu de temps pour apprécier le calme du port, je me tourne vers l'océan. Ah l'océan...un paysage tellement beau et reposant. Tiens ! Ma mise en scène de ce soir sera une dédicace à elle, même si je sais que mon œuvre ne pourra jamais égaler la beauté de cette eau.
Durant les deux jours qui ont précédés, j'ai prit soin de noter dans quelle chambre ce rustre de noble dormait. Au dernier étage, comme c'est embâtant. Tout d'abord, il allait falloir passer le hall d'entrée, mais rien de bien sorcier quand on rentre par la petite porte de derrière, qu'on a préalablement bloquer pour qu'elle puisse rester ouverte. Se faufilant tel un renard dans une bergerie, je ne tardais pas à arriver devant la porte de la chambre.
Dernier problème, et pas des moindres : ouvrir la fameuse porte. Je me revois alors, des années en arrière, avec père qui essaye inéluctablement de m'apprendre à crocheter une serrure.
- Regarde, ce n'est pas compliqué. Ce fil de fer va te permettre de pousser les garnitures. Et quant à l'autre bout de fer, tu vas le placer tout au fond, afin d'activer la rotation. D'accord ?
- Oui, rien de bien compliqué...
Il m'a fallut plusieurs lunes pour réussir du premier coup. Et encore deux de plus pour pouvoir le faire à chaque fois. Quand le clic de la serrure se fit entendre et que la porte commençait à s'ouvrir, je remerciais Helmex de m'avoir dotés d'autant de compétences.
Le noble était allongé sur son lit, dos à moi. Parfait, encore mieux. Les chambres à proximité sont occupés, il va falloir que je l'empêche de crier. En m'avançant à pas feutrés, je pu discerner sa respiration. Calme et régulière, il dort profondément. J'ouvre ma mallette et en sors un bout de tissu ainsi que des liens en ficelles tressés.
Et dans un bond, j'attaque.
L'homme bouge, se débat. Mais qu'importe, je l'ai solidement attachés, et son bout de tissu dans la bouche n'est pas prêt de s'en aller.
- Messire, votre laideur me fait mal...
Mais je n'ai pas eu le temps de finir. Un bruit provenant de la porte me fit réagir. Le noble n'était donc pas seul ? Celui-ci ce met à bouger un peu plus, à grogner. Mais tout ce qu'il y gagne, c'est de se mettre dans une position rocambolesque et d'enfoncer le tissu un peu plus loin dans sa gorge.
Bon, ne paniquons pas. Ce genre de situation met déjà arrivé, et plus d'une fois. Une deuxième corps ne rendra que plus belle l'œuvre final. Je vois déjà du bleu sur le lit, oui, avec quelques petites nuances de blanc. Ils vont être si magnifique, d'une splendeur incomparable...
Paire de ciseaux dans la dextre, je me place derrière la porte. Comme ça, la personne qui rentre ne pourra pas me voir. J'aurai peut-être même le temps de fermer la porte derrière elle, le temps qu'elle comprenne ce qui se passe sous ses yeux.
Le clic de la serrure me donne le signal. Je me place à l'endroit, et attend que le plan se mette en place.
Peut-être aussi un peu de jaune sur le lit. Ca peut donner son petit effet artistique.
L'heure venue , Valeera sortit de son grand fauteuil, s'étirant ostensiblement pour signifier à tout le personnel qu'elle était fatiguée. Une mise en scène rendue inutile par son pouvoir, mais qui résultait d'une pratique longue de quelques années. Avec tout l'air d'une noble lambda, elle remonta à l'étage, sous le regard des domestiques qui la virent entrer dans sa chambre et s'y enfermer.
Ce qu'ils ne virent pas, ce fut la jeune qui changea de tenue en un clignement de cils, passant une combinaison en cuir renforcée, dont l'usage n'était pas vraiment soumis à question. D'une de part les couteaux de lancé accrochés sur son plastron, à son arbalète miniature installé sur l'avant bras, ou au poignard sanglé sur son épaule.
De cela personne n'en serait témoins. Son maître avait dit que pour ce noble, c'était la mort, peu importe comment. Et pour sa première fois, Valeera tenait pas à le décevoir. Rien de trop spectaculaire ce soir, un assassinat comme elle en avait fait beaucoup.
Si tout allait bien, les autorités débarqueraient demain l'interrogerait et repartiraient sur des traces qu'elle passerait la nuit à mettre en place.
Tel un chat à la chasse, Valeera ouvrit doucement sa fenêtre avant de tirer un câble de son arbalète grapin la hissant hors de vue sur le toit ou elle crocheta une fenêtre qu'elle referma doucement en laissant le loquet ouvert.
Inutile de le refermer, cela pourrait leurrer les enquêteurs sur l'enquête. Autant leurs proposer plusieurs voies de sorties. Cela ne rendrait leur jeux que plus amusant.
Se glissant dans le grenier, elle fit attentions aux lattes, ses pieds trouvant celles ne grinçant pas avant qu'elle ne se glisse doucement à l'étage inférieur.
Les lumières étaient déjà éteintes, et au vu des bruits qu'on entendait dans la chambre des domestiques, ces derniers avaient mieux à faire que passer voir leurs patron. Surtout au vu des bruits réguliers et des petits éclats de voie.
La Vipère espérait que celui responsable de tout ça n'irait pas trop vite au bout de sa course... Une victime de plus... ou deux, cela avait de quoi faire passer un assassina propre pour une boucherie sans nom.
Et si elle aimait bien une chose, c'était le travail bien fait.
Se coulant le long des ombres profondes, Valeera finit par atteindre la porte ciblée, et s'attaqua à en déverrouiller le mécanisme, sortant d'une poche de son avant bras, un crochet élaboré bien qu'usé par ses nombreuses utilisations.
Mais à sa grande surprise, le verrou était déjà ouvert, et lorsqu'elle poussa la porte, elle préféra observer doucement la scène.
Était-il partit aux toilettes ? Ou peut être était-ce lui le responsable du tapage à côté ?
Bien rapidement, la théorie fut chassée par la réalité, l'homme étant encore sur son lit, bien que dans une position peu naturelle... Un examen détaillé lui révéla quelque lien qui le retenaient au lit ce qui lui fit lever un sourcil.
Si elle avait vu bien des pratiques étrange, cette dernière ne lui semblait que trop familière. Si on oubliait qu'il n'avait pas l'air d'attendre quelqu'un...
Était-ce une noble qui l'avait laissée là ? Ou une sorte de piège élaboré ?
Quelque chose clochait... Et l'hydre n'aimait pas cela. L'imprévu étant le pire ennemi de l'assassin.
"Peut être allait il falloir faire cela moins proprement que prévu" pensa t'elle en logeant un carreau à son arbalète grappin.
L'engin n'aurait pu perforer une armure, mais si proche, et sur une cible quasi nue, un trait en acier suffirait à faire l'affaire. Mais n'étant jamais assez prudent, elle enduisit la pointe du poison de son poignard, pas assez puissant pour le tuer, mais suffisant pour l'empêcher de s'enfuire
Tendant doucement le bras sur lequel était fixé l'arme, elle laissa simplement dépasser la pointe métallique du projectile par delà la porte, ce dernier luisant faiblement de son éclat métallique, et laissant deviner le revêtement opaque du poison
Sang sur le port
Moi qui avait pensé que j'avais fermé la porte à clefs, la voilà qui s'ouvre sans un bruit. Ce n'est pas grave, cela doit faire partie de la volonté d'Helmex. Il doit vouloir d'une œuvre spectaculaire ce soir. Sois rassuré, mon Dieu suprême, je répondrai à ta demande.
Le temps passe au ralenti, mon cœur tambourine dans ma poitrine. Je ne suis pas une experte des combats rapprochés, j'ai toujours été médiocre pour attaquer, et encore plus pour me défendre. Mais si j'arrive à attaquer et à immobiliser la personne qui rentre, tout devrait bien se passer.
Tandis que le temps continue de passer, je vois un éclat de lumière, reflété par la lumière de la lune qui passe par la fenêtre. Une lame ? Cette personne n'est pas là par hasard, et ce n'est certainement pas quelqu'un qui veut du bien au noble. Avoir de la concurrence dans ce genre de chose...C'est bien la première fois que cela m'arrive.
J'attend que la main de la personne tenant la lame se fasse voir pour passer à l'action.
Rapidement, je m'empares de la main, passe dans son dos, et l'immobilise au sol. Une prise mal prise, dommage. J'aurai espéré pouvoir la faire un peu mieux. Mais cela a suffit pour prendre l'individu au dépourvu.
L'individu en question n'est sûrement pas un noble lambda. Il s'agit d'une femme en tenue légère, mais sacrément équipé. Je ne pourrais pas tenir la prise extrêmement longtemps. Je m'empresse de pousser la porte ouverte avec mon pied.
- Ma dame, qui êtes-vous ?