Les commerces avaient de ces devantures, c'était de la nargue.. purement et simplement. Il avançait la tête penchée, les mains dans les poches. Franchement s'il retrouvait celle qui l'avait roulé... il la forcerait à voler de la bouffe. Il donnerait tout pour un festin à s'en faire péter le bide... Il avait 18 ans, venait d'entrer en plein dans son rêve de gosse .. et passait le plus clair de son temps à chercher de la nourriture. Le jeune homme n'aurait jamais fait la manche au risque d'avoir la honte. Dans ses poches, il avait bien deux ou trois cristaux.. rien de méchant.. pas de quoi se payer... ce poulet rôti fort appétissant et ces tendres patates dorées si joliment. Alors qu'il avait posé ses mains sur la vitre, une autre personne zyeutait aussi le même plat que lui. Il se frottait le menton en se disant que faire une cagnotte pour s'en mettre plein la panse.. c'était tout de même mieux que de continuer de rêver à son futur repas.. vu les bruits de son ventre : le temps pressait.
" Hey salut ! Juste une question, si t'as faim.. tu manques de compagnie on se le fait ce poulet.. T'en penses quoi ? "
Pas de préchi, précha, ils ne se connaissaient pas du tout, mais Zoran avait ce franc-parler un peu abrupt pouvant apparaître surprenant. Il ne voulait pas cacher son projet, surtout quand ils cherchent le même but. Le reflet de la vitre renvoyaient bien l'image de deux affamés dont un repas offrirait une bonne compensation face à cette journée qui déclinait peu à peu.
" ... Et puis bon, je te proposais de manger ensemble, mais... tu fais ce que tu veux. C'est juste plus sympa... "
Allez Zoran, crois en ta sympathie, tu es un bon gars et tu vas trouver un moyen de vite te rassasier. Il jouait sa carte du regard attendrissant envers cette jeune femme qui devait avoisiner son âge de très peu. Il n'osait pas trop la charmer au risque de voir partir cette aubaine, mais il y songerait par la suite si elle en venait à accepter. Enfin, c'était à voir.. il lui faisait un regard non pas suppliant, mais charmeur. Plus il mettait les chances de son côté, plus il allait pouvoir l'avoir ce petit
poulet... Il le fallait. Zoran était prêt à tout pour obtenir le soutien de cette jeune femme, elle le voulait aussi ce repas. Il se sentait en symbiose avec cet appétit, il le comprenait et tentait tant bien que mal de l'utiliser pour son propre profit.
Son premier “vrai” travail. Du moins quelque chose pouvant être considéré comme tel et non pas des petites quêtes insignifiantes que n’importe qui pouvait réaliser. Elle n’avait pas été facile du tout : La preuve en était d’un pansement qui ornait sa joue gauche, et du bandage autour de son épaule droite dissimulé par ses vêtements. La faune locale avait été pour le moins vindicative… Mais elle en avait triomphé.
Par contre, son manteau avait été particulièrement amoché, et, de tout de façon, avec l’arrivée de la saison froide, elle comptait bien en changer. C’était pourquoi elle s’était rendue dans le quartier commerçant de la capitale pour, justement, en acheter un nouveau. La boutique où elle s’était retrouvée semblait parfaite, bien qu’un peu chère. Le manteau rouge et blanc qu’elle était d’ailleurs en train d’essayer lui allait particulièrement bien mais était bien trop voyant à son goût. En quelques jours de voyage, il serait déjà sale et le nettoyer sera sûrement une horreur. La jeune aventurière prit tout de même le temps de se contempler dans le miroir quelques instants, testant un peu les poches et le rembourrage du manteau.
Non, elle repassera sur son premier choix, un manteau plus sombre, d’un gris presque noir, plus épais, plus pratique, mais aussi plus cher… Alors que l’aventurière comptait ses cristaux d’ailleurs, elle remarqua qu’une fois son réapprovisionnement passé en rations de survies et autres nécessités, il lui restait pile poil assez pour acheter ce qu’elle convoitait. Et celui-là, elle en prendrait soin et le recoudrait si nécessaire! Si tant est qu’elle puisse d’abord apprendre à coudre…
Elle était donc sortie de la boutique heureuse, mais avec une bourse quasi-vide à peine une heure après avoir touché sa récompense. Alors qu’elle parcourait les rues de la capitale en chantonnant emmitouflée dans son tout nouveau manteau, elle s’arrêta devant une boutique qui avait attiré son œil. Ce poulet rôti… était bien trop appétissant. La peau semblait parfaitement craquante, dorée à point, la chair juteuse, et, clairement, si elle avait les moyens pour se jeter dessus, elle l’aurait fait sans la moindre once d’hésitation. Seulement voilà, elle savait très bien quel était l’état actuel de ses finances, et le prix annoncé lui laissait entendre qu’elle ne pourrait pas profiter du goût de ce volatile fort appétissant.
Ce fut ce qu’elle pensa alors qu’une voix masculine la tira de sa rêverie avec une offre pour le moins alléchante. Il avait à peu près son âge, cheveux sombres, les yeux d’un bleu vif. Elle braqua ses prunelles sombres vers les siennes, il semblait assez honnête dans sa demande et semblait aussi avoir été fixé comme elle sur ce magnifique poulet. Et il lui proposait donc un repas et de la compagnie?
Les yeux de la toute jeune aventurière s’ouvrirent un peu plus, se mettant à briller à l’annonce qui venait de lui être faite, se gorgeant d’espoir et de reconnaissance pour ce qu’elle venait de comprendre comme étant un repas gratuit. Gratuit pour elle, évidemment. Elle ne remarqua pas du tout le genre de regard que lui lançait celui qui venait de l’aborder d’ailleurs, bien trop captivée par son annonce et l’espoir qu’elle engendrait.
« Oh? Vraiment vraiment? Tu le partagerais avec moi? » demanda-t-elle alors, pleine d’espoir dans son regard alors que les deux mains, jointes devant l’aventurière, applaudissaient légèrement dans de petits gestes rapides sous l’excitation d’une telle annonce alors qu’elle sautillait à moitié sur place. Il avait semblé sérieux dans ses mots, ce n’avait pas l’air d’être une blague et elle était, de tout de façon à cette époque, bien trop naïve pour qu’elle se dise que cela pouvait être une blague. Ou autre chose.
« J’ai vraiment très faim et il me reste tout juste deux cristaux noirs, alors je comptais me contenter d’un peu de pain frais et d’un peu de viande séchée! Alors, clairement, oui! » ajouta-t-elle alors avec candeur et innocence. Là encore, lancer Violette sur une discussion, et la faire taire pouvait relever de l’exploit la plupart du temps. Même si elle n’avait pas encore énormément d’histoires à raconter, elle avait, néanmoins, énormément de questions du haut de ses dix-sept ans.
« Alors, qu’est-ce-qu’on attends? Tu vas l’acheter? » demanda-t-elle sans vraiment faire attention à sa réaction face à son annonce précédente. Après tout, elle était bien trop obnubilée par la volaille pour daigner payer la moindre attention à quoi que ce soit d’autre. Attrapant la main du jeune homme dans la sienne, elle commença à l’entraîner vers l’entrée de la boutique.
« Plus on attend, plus j’ai l’impression que je vais mourir de faim d’une seconde à l’autre tant que je reste à moins d’un mètre de ce poulet! » déclara-t-elle toujours avec entrain, complètement ignorante que même à deux, ils n’avaient sûrement pas assez pour acheter le poulet entier.
" Mais oui, je le partagerai ! Si je te le propose c'est pas juste pour regarder ! Tu crois quoi !"
Leurs deux habits de la même couleur pouvaient même donner l'impression qu'ils sortaient tous les deux de la même boutique, pire qu'ils étaient ensemble même si Zoran ne comprenait pas cette volonté de vouloir s'habiller pareil. Il eut un léger regard à son manteau presque amusé de ce constat jusqu'à ce qu'elle fasse chavirer ses convictions... Pas assez d'argent de quoi ? Ah cela changeait la donne ça, de beaucoup ! C'était fou cet enthousiasme, il n'avait pas même le temps de placer une remarque qu'il était déjà à l'intérieur. Mais bon il ferait à sa sauce.. ils auraient leur poulet après tout quand on a faim, on crache pas sur les moyens. Il se laissa porter en réfléchissant à un plan tandis que le traiteur les saluait en les invitant à regarder ses produits. Le problème n'était pas le choix du produit, mais bel et bien les apports à fournir.
" Allez, je nous le prends et on va manger t'inquiète... Bonjour Monsieur, nous prendrons ce poulet en vitrine... "
" Oui, bien sûr, vous le voulez découpé ? "
" On demande la découpe ?"
Zoran s'était retourné vers cette fille qui ne lui avait pas lâché la main depuis qu'ils étaient dans la boutique, à croire qu'elle ne voulait pas lâcher son bon plan. Elle était amusante à sa façon. Suite à leur décision, l'homme se retourna pour préparer le poulet.
" Vous voudrez bien me faire un peu de monnaie...? "
" Volontiers, vous voulez pour combien ? "
" J'ai ces cristaux à échanger... "
Le truc vieux comme le monde mais qui marchait souvent si bien.. Zoran aimait embrouiller les gens c'était même la base de son caractère. Dès lors que la personne lui fit face, il mit un cristal hésita puis en remit d'autre jusqu'à acquérir plus d'argent ni vu ni connu. Quand le poulet arriva dans un sac, on lui proposa le paiement... Zoran avait encore un ultime tour de passe passe à donner et le tour était joué, il regardait Violette avec confiance.
« Ow, entier ça devrait aller! » déclara-t-elle en agitant rapidement sa main libre, puisqu’elle avait appris à découper ce genre de mets et avait une dague qui pouvait notamment servir à ce genre de choses. Et que cela leur permettra d’en profiter plus vite. Surtout que ce genre de surcoût stupides n’étaient clairement pas nécessaires car il y avait des boutiques ou ladite découpe était facturée. Et en plein milieu de la capitale, c’était probable que ce soit le cas...
Violette ne fut pas des plus attentives alors que le brun jonglait avec ses cristaux, elle avait fini par lâcher sa main en voyant qu’il ne s’était pas enfui face à ses responsabilités, et son regard était parti parcourir la pièce de la boutique et était revenu principalement du côté de la vitrine également.
Cela ne l’empêchait pas de jeter de temps en temps un petit coup d'œil en arrière pour vérifier qu’il était toujours bien ici, et qu’il payait bien le poulet promit. Elle, pendant ce temps, flânait dans la boutique en chantonnant doucement une petite mélodie qu’elle avait entendue à la taverne la veille et qui ne voulait vraiment pas quitter sa tête.
Néanmoins, alors que la transaction commençait un peu à tarder, elle s’intéressa un peu plus à ce qu’il se passait du côté de la caisse. Ce n’était pas si compliqué que ça d’acheter une volaille, si? Juste donner le prix, le marchand rend la monnaie et on part avec le poulet entier sous le bras, non? Elle resta néanmoins silencieuse même face à la confusion du marchand qui se retrouvait un peu perdu. Ce n’était pas le moment de poser des questions stupides, pas quand ce fichu poulet occupait la majeure partie de ses pensées.
Une fois l’achat réalisé, elle fut bien évidemment la première à passer la porte de sortie d’un petit bond et à tenir la porte ouverte pour ce brave qui lui faisait un si beau cadeau. Mais même si l’envie de le dévorer tout entier était plutôt tentant, la rue même était assez triste.
« Allons sur les quais du fleuve, ça doit être bien plus joli pour déguster une telle pièce et c’est à deux pas d’ici! » proposa-t-elle alors, tout en désignant la direction en le laissant, en plus, porter la volaille. Elle ne le faisait pas vraiment exprès, d’être si pressante et énergique, à vrai dire. La jeune femme se trouvait toujours dans cet état d’esprit spécial où chaque jour était une aventure, et où un simple achat comme celui-là était suffisant à la faire partir en vrille.
« D’ailleurs, je ne connais pas ton prénom! Moi c’est Violette! Encore merci pour cette moitié de poulet! » se présenta-t-elle alors alors qu’elle le remerciait pour ce qui était bel et bien la première fois et non la deuxième, et qui était bien la première politesse qu’elle venait de lui faire. Ce qui était assez dommage pour lui qu’elle soit aussi affamée que ça, d’ailleurs, puisque le brun avait également de quoi susciter son intérêt.
Elle ne tarda bien évidemment pas à poser ses fesses sur une rambarde en pierre au bord du cours d’eau qui traversait mollement la capitale, et, avant de dégainer sa dague et de passer aux réjouissances, planta son regard sombre dans l’azuré du voleur, comme si elle sondait son âme.
« Enfin… J’espère bien que tu l’as payé honnêtement ce poulet! Parce-que j’ai pas tout suivi! » le menaça-t-elle alors avec une suspicion soudaine qui sonnait un peu comme une menace. Comme si un tel acte serait impardonnable à ses yeux et qu’elle était capable de détecter le moindre mensonge. Alors que, honnêtement, il n’en était rien. Mais elle devait soulever le doute qu’elle avait eu sur ses épaules. Après tout, elle n’accepterait décemment pas d’être complice d'une telle arnaque, aussi insignifiante soit-elle.
" En vous remerciant" fit-il avant de quitter la boutique.
La jeune femme passa devant lui tandis que la sonnerie de la clochette suspendue de la porte teintait comme une alerte. Zoran avait toujours trouvé cet accessoire inutile au delà du fait qu'il ne protégeait pas grand chose, c'était surtout un sacré handicap quand il fallait s'introduire en catimini... Et là venait ce tintement si joyeux devenu si lugubre à ses oreilles...
" Autant le déguster, pars devant je te suis... "
Elle avait même le sens du détail... ce serait parfait à déguster loin de cette boutique. Mieux valait ne jamais trop tarder sur les lieux de son crime. Vu son envie de chanter, il ne faisait aucun doute que ce repas était très attendu. Depuis combien de temps n'avait-elle pas mangé ? C'était à se demander si ce chiffre ne montait pas en terme d'années. Les quais étaient superbes en cette saison encore parés de leurs belles couleurs, les branches se figeaient avec l'arrivée progressive du gel. Des rambardes en pierre délimitaient les allées, ce qui étaient de bons sièges pour leur repas à l'improvisite. Bizarrement sans qu'il lui désigne le lieu, elle en avait déjà pris l'assaut. Zoran se mit à sourire à nouveau en se disant qu'ils avaient les mêmes idées. Cette place était parfaite.
" Ah oui, ce serait bon que je connaisse mon invitée. Tu me devras un service attention, je fais mes comptes" rit-il en ne le pensant qu'à moitié. Il n'allait pas non plus dire que certains contrats se nouaient aussi de cette façon, qu'il tentait de trouver un gain dans toutes ses actions. Il préférait autant que cet aveu passe pour une simple plaisanterie et qu'ils se retrouvent plus tard pour si possible la faire valoir... " Donc... Vio.. lette" fit-il mine d'écrire sur un calepin imaginaire comme s'il prenait des notes. Venait aussi cet autre moment délicat où il devait se présenter... Comme elle n'avait pas vu son tour de passe passe, il pouvait se présenter sous son nom ordinaire, il était confiant en disant " Zoran, zoran fournisseur de poulet officiel pour vous dame Violette ici présente, découpe moi vite ce poulet, il va refroidir ! " plaisanta t-il. Puis il y eut cet autre moment délicat.. S'il avait volé, ah non.. ce poulet avait volé vers eux bien entendu, il ne pouvait en être autrement. Le vendeur avait été magnanime et leur avait cédé à moindre coût... Ce qui était pratique avec le mensonge c'était qu'il suffisait d'en être convaincu, de revêtir un rôle pour que celui-ci ait les couleurs que vous vouliez qu'il ait. Zoran avait une chance inouie d'être un bon comédien.
" Non, mais c'était un peu le bazar dans sa besace, j'avais un peu de tout. J'espère juste ne pas avoir fait perdre de temps à ce monsieur. Ce n'est pas dans mon habitude. Si tu comptes assassiner ce poulet avec ce regard là.. sache qu'il ne dira rien, mais nos ventres en revanche... J'ai une faim.. " Oh il en était si désolé que ses yeux s'étaient chargés d'inquiétude pour ce brave homme obligé de sans cesse recompter ses cristaux. Il s'imaginait vraiment avoir eu un excédent de monnaie au point de parvenir à avoir un air réellement désolé. C'était dommage qu'elle l'ait soupçonné... il aurait pu faire croire qu'elle ait perdu son argent et lui dérobé même en étant allié c'était parfois passé, mais vu son air mieux valait qu'il fasse l'homme affamé un peu dépassé par sa monnaie.
« Comment ça un service? Ce n’était pas un cadeau fait de bon cœur? » demanda-t-elle alors avec une once de déception dans sa voix. Elle qui avait espéré que ce soit juste un présent. Le genre d’actes qu’elle était parfaitement capable de faire spontanément d’elle-même si elle avait de l’argent, face à quelqu’un dans le besoin… Enfin, peut-être que le dit service serait juste un petit truc tout stupide comme lui laisser le sot-l’y-laisse.
« Je peux te laisser la meilleure partie, c’est déjà un super service non? Moi je pense que je vais commencer par une cuisse, j’ai vraiment trop faim aussi ! Merci, fournisseur de poulet officiel! » déclara-t-elle alors en croyant complètement ce que venait de dire Zoran, dégainant sa dague pour aller commencer simplement par découper deux bouts, un pour chacun. Elle n’allait pas faire toute la découpe d’avance, mais bien au fur et à mesure : Cela aiderait le poulet à rester chaud plus longtemps, et cela les ferait manger plus vite.
Une fois cela fait, assez rapidement et de manière d’ailleurs très approximative et rapide, elle se saisit de son prix et attaqua sa part sans la moindre formule de politesse. La viande juteuse et la peau croustillante et parfaitement grillée étaient un délice et les jambes de l’aventurière s’agitèrent frénétiquement alors que le bout de cuisse qu’elle venait de dévorer semblait presque fondre dans sa bouche. Ce petit mouvement s’accompagna même d’un petit bruit de joie alors qu’elle obtenait enfin l’objet de tous ses désirs.
La cuisse du pauvre animal ne vécut d’ailleurs pas bien vieille - même si elle était déjà morte - et l’os bien rongé vola par dessus l’épaule de la jeune femme directement dans le fleuve. Il n’eut même pas le temps de toucher la surface de l’eau que déjà sa dague entamait une nouvelle fois la volaille pour en découper deux nouvelles parts. La sienne ne survécu pas bien plus longtemps que la cuisse précédente, et c’est d’ailleurs dans un silence religieux que Violette dévorait sa partie du poulet. Un fait assez rare pour être noté.
Dans ce qui aurait pu être un record national, la moitié de poulet avait disparu dans l’estomac de Violette, qui se décala sur le côté avant de s’allonger sur la rambarde de pierre, regard droit vers le ciel de la capitale. Elle laissa échapper un petit soupir de soulagement, posa les mains sur son ventre, et ne bougea plus.
« Ce poulet aurait pu profiter d’un peu de garniture mais il était tout de même très bien... » fit-elle remarquer, tout de même assez rassasiée avec tout ce qu’elle avait dévoré. Même si elle n’aurait pas dit non à un petit peu plus par pure gourmandise, cela faisait un petit bout de temps qu’elle n’avait pas mangé autant. Malgré la température extérieure, elle pourrait presque faire une petite sieste ici emmitouflée dans sa couverture, même si elle n’avait actuellement pas la foi de sortir la dite couverture de ses affaires.
« Je t’ai laissé la meilleure part, le service est repayé du coup, non? » tenta-t-elle juste de négocier en relevant la main mollement, se demandant si faire un feu de camp et une petite sieste n’était pas maintenant la meilleure des idées. Une chose tout à fait impossible en plein centre de la capitale du royaume, bien évidemment, tant les feux de camp en pleine ville n’étaient pas bien vus par les gardes...
" Tu sais, on peut offrir de bon cœur et rendre la pareille, rien n'empêche. Non, mais les meilleures parties, tu te sers. "
C'était déjà une bonne chose qu'elle prenne en charge la découpe de ce butin, le mot avait failli fourcher sur sa langue, mais il devait bien se garder d'être aussi claire. La clair semblait juteuse, tendre, en d'autres termes par son geste elle accélérait la faim de Zoran. Si elle voulait une cuisse, il allait s'attaquer à sa semblable. Il voulait le déguster à la même vitesse.
" Ah ben, si t'en veux d'autres, je peux m'en arranger, suffit de me trouver et de le demander. Je suis souvent ailleurs, mais … ouais à l'occaz."
Zoran avait parfaitement conscience qu'il lui faudrait varier ses coups pour éviter de reproduire sans arrêt les mêmes… Sinon il serait vite percé à jour, mais sinon leur accord pouvait se conclure sans souci. Au moins, il avait sous-entendu qu'il était capable de lui demander un service, elle savait que s'il s'investissait, ce n'était pas sans contrepartie. La conversation avait visiblement échappé à la vigilance de son interlocutrice trop occupée à se délecter. Zoran ne put s'empêcher de la comprendre et respecta son silence de façon méticuleuse. Il pencha la tête en arrière en sentant le jus de viande descendre dans son gosier. Si le goût se percevait déjà juste ainsi, le reste suivrait sûrement. Alors qu'il dégustait, la jeune femme avait déjà fini sa cuisse depuis longtemps comme si c'était un concours de vitesse. Si Zoran affichait un calme très palpable, la jeune femme célébrait vraiment ce repas en bougeant les jambes tout en manifestant une joie semblable …
" On dirait que c'est ton anniversaire…? C'est le cas" la taquina t-il pour se moquer un peu de toute cette joie qui malgré tout changeait la dimension de ce repas. C'était comme si un ouragan s'abattait constamment sur la carcasse de ce poulet. Zoran la regarda même comme s'il doutait sur sa capacité à se retenir… Allait-il en avoir réellement la moitié ? Cela restait à prouver. A des moments, il faisait semblant de vouloir se saisir du même morceau, comme s'il cherchait soit à la freiner soit à l'embêter. Visiblement, il était bluffé par sa rapidité. Ce n'était même pas étonnant qu'elle s'allonge pour se reprendre de cette dégustation.
"Enfin là… vu comment t'es installée.. t'es prête pour la chieste" fit-il en mangeant tranquillement sa part. En regardant de près, il avait bien remarqué son sac, il avait déjà bien une idée de comment estimer le service qu'elle pouvait lui rendre… Qu'avait-elle dans ce sac ? Bien sûr, il ne montrerait pas la face du voleur, mais bien celui du jeune homme dévoué pour une femme charmante (et il devait bien l'avouer qu'elle l'était) et même plutôt rigolote. Il n'avait pas à se forcer pour être agréable, c'était tout bénéfice.
" Oui, je dois reconnaître qu'un peu de patates chauffées et marinées dans la sauce, mais t'aurais pas eu la place, je pense. T'es partie pour la sieste, pas pour manger. " fit-il remarquer en continuant de la taquiner. " Non, mais tu sais, j'ai des connaissances comme ça on garde contact et on se serre les coudes. Moi, je te propose juste ça, ne va pas chercher au delà. Vu ton appétit… tu roules pas sur l'or… " Ses mains s'étaient étirées vers le sac qui étaient au pied de la jeune femme en toute innocence. Comme il la vit bouger; il ne chercha pas à faire de geste brusques, il s'expliqua très simplement. Elle n'était donc pas assez assoupie… c'était juste pour voir si elle n'avait pas un bijou ou autre sur elle.
"T'as peut-être une couverture ou quelque chose que je puisse te couvrir. Pour la siesta. Moi j'ai même pas une couverture à proposer tu vois… mais je sais bien que des personnes comme toi voyagent moins léger. "
De toute façon, tout ce qu'il avait vu c'était un bout de tissu et c'était bien pour cette raison qu'il avait rebondi sur cette excuse. En usant de son côté comédien, il s'excusait bien sûr de son impudence.
"Mais par compte… j'ai une pierre de feu sur moi si tu veux… "
De quoi cette conduite vous semblez étrange ? Il cherchait simplement à brouiller les pistes en posant sa pierre près d'elle.
"Et donc que faisais-tu par ici ? Avec une faim… aussi forte, raconte moi."
« Je vais pas dire non à plus de poulets comme celui-ci! Enfin, pas tout de suite, en tout cas! T’es souvent où, du coup? » demanda-t-elle alors rapidement, même si elle-même serait incapable de dire précisément où elle était tant elle pouvait se balader d’un côté à l’autre du Royaume au gré de ses envies et des quêtes qu’elle avait à faire. La seule façon de trouver volontairement Violette était de tomber sur elle par hasard ou de la pister sur les routes et d’auberges en auberges. Des endroits en général où elle était assez bavarde pour ne pas être des plus difficiles à traquer.
« C’est pas mon anniversaire, non, mais ça reste un beau cadeau! Pas besoin que ce soit mon anniversaire pour que ça fasse plaisir! » répondit-elle sans avoir trop compris ce qu’il voulait exactement entendre par là. Après tout, cette date n’avait jamais été plus spéciale que cela pour Violette, cela ne changeait pas grand-chose à son domicile par le passé de tout de façon. Il n’y avait pas particulièrement de gentillesses ni d’attentions en plus à son égard, ce qui rendait la date particulièrement quelconque à ses yeux.
« Mais arrête avec tes patates, tu vas réussir à me redonner faim. » plaisanta-t-elle en restant un peu allongée une fois son repas terminé. Elle n’allait pas spécialement s’endormir ici. Après tout la pierre était froide et très peu confortable et pour monter un camp avec un petit peu plus de confort, cela nécessiterait aussi plus d’effort, dont un feu. Une chose parfaitement impossible si proche du centre de la capitale. Et elle n’avait pas envie de se retrouver avec la garde sur les bras pour quelque chose d’aussi stupide qu’un petit feu, même parfaitement maîtrisé.
« Tu parles presque comme si tu étais une sorte de commerçant. C’est quoi l’offre que tu proposes, livreur de poulet à domicile? Tu comptes monter ton commerce? » demanda-t-elle alors, ne comprenant toujours pas trop ce qu’il voulait vraiment dire par là. Effectivement elle ne roulait pas sur l’or mais elle voyait difficilement quel genre d’arrangement serait profitable à eux deux. Violette ne comptait pas changer de métier et était en train de se lancer de plus en plus dans des grandes expéditions. Du moins elle en avait le projet.
D’ailleurs, il avait approché ses mains de son sac, quelque chose dont Violette n’en avait pas grand-chose à faire. Son bric à brac et son matériel ne valait pas beaucoup pour ne pas dire rien du tout. C’était en général assez moche, mais ça avait le mérite au moins de faire ce pour quoi elle l’avait acheté et elle n’en demandait de tout de façon pas plus.
« Oh je compte pas non plus rester deux heures ici à dormir, je m’allongeais juste quelques minutes. Puis c’est pas comme si j’avais grand chose de tout de façon. » déclara-t-elle en ajustant rapidement la couverture, qui n’aurait sûrement même pas vraiment le temps de se réchauffer qu’elle déciderait déjà de se remettre en marche pour une raison ou une autre.
« Elle servira à rien ici ta pierre de feu, même si j’allumerais bien un feu de camp, c’est impossible au milieu de la capitale. » précisa-t-elle alors en jetant un petit coup d'œil à la pierre. Plutôt en bon état et qui semblait fonctionnelle, elle devrait en acheter une comme ça, un de ces jours, pour allumer des feux plus facilement en forêt. Le vieux matériel qu’elle avait était simplement un silex et un peu d’acier pour faire des grosses étincelles capables d’allumer quelques brindilles. Elle n’avait pas le luxe d’acheter mieux que ça de tout de façon. Artisanal mais efficace pour peu qu’on savait s’en servir.
« Et bien écoutes, je traînais simplement dans le coin parce-que j’avais déchiré mon ancien manteau dans la Grande Forêt l’autre jour, et le temps que j’arrive jusqu’ici la déchirure s’était agrandie au delà de toute capacité de réparation alors je suis venue en acheter un nouveau. Mais du coup j’ai quasiment plus rien… Et j’étais partie pour un petit repas léger et pas bien cher. Le temps de retrouver du travail. » expliqua-t-elle alors en relevant un peu la tête vers le brun, ne pouvant quand même pas s’empêcher de le trouver un peu bizarre. Même si vu qu’elle n’y connaissait toujours pas grand chose au monde, elle n’était pas sûre que ce ne soit pas elle qui soit bizarre, en fait, dans le lot.
Mais en tout cas, elle avait très bien mangé, et gratuitement en plus, donc elle n’allait clairement pas s’en plaindre. Elle pourrait ne rien manger avant ce soir avec tout ce qu’elle venait d’ingurgiter, c’était même presque deux repas en un.
« Pas bien passionnant comme histoire, je sais, mais bon, je n’ai pas grand chose de bien dingue à raconter. Pour l’instant. Un jour j’aurai plein d’histoires trop biens! Tu verras! » répondit-elle alors, dans le doute du fait que s’ils se recroiseraient un jour elle serait déjà devenue une grande aventurière. Bon, elle en était encore très loin. Et ce n’était pas prêt de changer, mais elle allait s’améliorer petit à petit, et faire sa lente ascension vers les sommets de la gloire et la renommée.
" Alors tu vois, je fais souvent des représentations de théâtre sur la place... y a même moyen que t'ai du poulet et un spectacle. Tu auras assurément une bonne place.... on est peu connu... il faut dire les choses."
Si des fois elle pouvait ramener un peu de public, elle semblait être du genre à rendre service... Zoran savait souvent tirer partout de tout, il savait pertinemment que la compagnie n'irait pas loin sans public. A nouveau, elle le remerciait de sa charmante attention qui ne lui avait au final rien coûté. C'était vraiment un bénéfice très profitable.
" Si je réussis à te redonner faim.. c'est que t'as encore du vide là dedans" dit-il en tapotant le ventre de la demoiselle en souriant. Pour sa part, il pouvait parvenir à s'empiffrer encore sans problème. Il était le pire ennemi des buffets à volonté, la némesis des échantillons gratuits. Zoran était le genre de personne que l'on pouvait dire qu'il valait mieux l'avoir en photo qu'à table tant son appétit pouvait être insatiable. Le bougre gardait sa taille fine comme si toute cette nourriture ne parvenait pas à l'alourdir. Son pouvoir était basé sur les mouvements et lui demandait d'emmagasiner beaucoup de calories. Sa seconde solution était de se reposer si ses repas n'étaient pas présents, mais rien ne valait le délice de se régaler autour d'une bonne table.
" Oh ça non, j'ai justement fui la vie de commerçant. Trop routinier. Mais autant aider les personnes dans le besoin. J'ai connu la faim avant de parvenir à me nourrir plus correctement. Tes yeux criaient autant que ton estomac. Et en te voyant t'as l'heure, j'ai visé dans le mille. Cela m'arrive mais là j'en suis plutôt fier. Ce poulet était parfait."
Et dire qu'il avait failli être un vendeur d'armes.. pas de quoi faire rêver, il aurait passé sa vie à voir passer d'autres qui vivaient l'aventure. Il ne regrettait nullement d'avoir tourné le dos à cette vie au profit de celle qu'il avait actuellement. Violette semblait s'ennuyer d'une façon ou d'une autre, elle évoquait son manque d'activité. Mise à part dormir, elle ferait sans doute autre chose sans trop définir cette chose précisément. Zoran connaissait ce sentiment, il eut un petit sourire malicieux, il savait qu'elle n'était pas au bout de ses surprises.
" Ah pour la garde, d'ici qu'il remarque on aurait eu le temps, tu sais. Mais dans le doute, vaut mieux être prudent. "
Zoran avait sans doute trop l'habitude de réussir ses fuites, il prenait même une assurance presque problématique. Ce moment lui donnait l'impression d'être invisible, trop assuré dans cette liberté qu'il s'offrait. Elle lui évoqua de réelles difficultés d'argent, un désir d'avoir des histoires à partager. Le voleur ne s'était jamais posé la question de l'argent en prenant comme une idée que s'il n'en avait pas, un autre pourrait sûrement le dépanner. C'était aussi simple que cela. Sur le coup, il coupa son histoire en lui prenant la main.
" Allez prends ton sac, je t'emmène en balade ! "
Dans une autre main, Zoran avait pris la carcasse de poulet pour la déposer dans une poubelle, il n'avait pas envie qu'on croit qu'il se moquait de cette ville. Il attendit juste que la jeune femme se saisisse de son sac pour la tirer vers lui comme si elle n'avait pas le choix. Le jeune homme comptait bien lui prouver qu'elle n'avait pas à attendre pour en avoir. Quelque part elle avait éveillé cette envie en lui, peut-être n'allait-elle pas accepter ce rendez-vous qu'il lui proposait ? Qu'importe. Il n'avait pas envie de passer à côté d'une bonne démonstration de petite aventure citadine. Elle allait sûrement vouloir lui poser des questions, il s'y attendait presque, mais y était préparé également.
Alors qu’il avait approché sa main pour tapoter son ventre, la jeune aventurière s’était repliée un peu sur elle-même, le protégeant tout de même de ses bras. Ce n’était pas parce-qu’elle était affalée comme une loque qu’elle n’avait plus le moindre réflexe. Surtout que c’était une action qui l’avait surprise et à laquelle elle n’avait pas du tout l’habitude, ce qui lui fit se poser bien plus de questions qu’elle n’aurait dû.
C’était d’ailleurs un ancien commerçant, selon ses dires, mais qui avait aussi choisi de changer de vie. Un choix qu’elle n’allait clairement pas lui reprocher. Mais pouvait-elle vraiment lui parler de sa situation à elle? Après tout, ce n’était pas exclu que l’on essaye de la ramener chez elle et qu’une prime n’existe pas encore pour la ramener à sa famille. Même si maintenant qu’elle avait le badge de la guilde, elle était bien plus sereine. Elle faisait partie de l’organisation et ne pouvait pas être enfermée pour des raisons familiales à la con alors qu’elle était majeure.
« Oh, je comprends, tenir un commerce ça n’est pas vraiment le plus passionnant. Faire du théâtre a l’air bien plus sympathique! » répondit-elle alors, n’allant pas contredire le reste. Elle avait faim avant, plus tellement maintenant après ce repas peu équilibré mais délicieux. La moitié d’un poulet lui suffisait largement, elle s’était habituée à bien moins. Sa mère l’avait habituée à bien moins aussi, pour qu’elle garde la ligne et soit parfaitement désirable pour un partenaire potentiel. Une chose qu’elle n’était plus vraiment maintenant, bien loin du sommet de la mode, du maquillage et du surentretien de soi. Elle gardait une bonne hygiène, évidemment, mais toutes les frivolités étaient passées à la trappe.
« On va quand même éviter de rameuter la garde et de partir dans un grand débat avec eux sur l’intérêt de digérer un demi-poulet devant un bon feu de camp en pleine ville... Ce n’est pas vraiment une discussion intéressante… » déclara-t-elle alors, préférant évidemment éviter que les gardes ne se montrent trop curieux et n’arrivent peut-être à la reconnaître. Même si elle était loin d’être la même que la fugueuse et qu’elle ne se cachait plus vraiment. Elle avait bien plus peur de mercenaires indépendants que d’être ramenée chez elle par la garde… Même si certains éléments pouvaient aussi être corrompus.
Rassemblant rapidement ses affaires, alors que le brun semblait particulièrement pressé, elle ne tarda pas à le suivre après cette petite pause déjeuner. Cela la laissa un peu incrédule puisqu’il semblait encore plus pressé qu’elle pour des choses parfaitement triviales. Ou bien était-il tant en manque de public que cela?
« Mais c’est un spectacle de quoi? Enfin, quel genre de pièce? Y a pas une heure pour les représentations d’habitude? Tu es en retard ou quoi? » demanda-t-elle alors, bien plus habituée aux horaires fixes des opéras ou autres théâtres luxueux - même si elle n’avait pas beaucoup pu y aller non plus - qu’aux horaires plus libres de ce genre d’endroits. Elle n’allait pas se plaindre pour autant qu’on l’emmène en balade et voir un spectacle, même si elle n’avait vraiment aucune idée d’à quoi s’attendre… Alors elle se laissa entraîner pour l’instant. Il n’avait pas l’air méchant.
" Ah non puis le commerce d'armes... fin ça m'a pas fait rêver... Le théâtre, ça par compte !"
Il n'allait pas dire également que s'introduire chez les gens donnait une adrénaline à nulle autre pareille. Zoran n'avait encore rien trouvé d'analogue qui procure ces sensation d'interdit. Tant qu'il n'avait aucun souci et n'était pas percé à jour, tout ce passerait bien.
" Rooh ils ont pas leurs oreilles partout, ça se saurait, mais bon... si ça te travaille, allez on s'arrache d'ici !"
Zoran n'avait aucun spectacle à cette heure, mais en revanche il souhaitait lui montrer quelques coins qu'il aimait. Comme ça par pure envie peut-être les connaissait-elle déjà, mais qu'importe. Après s'être débarrassé de la carcasse, il se mit à prendre son bras tout en accélérant un peu.
" Allez marche digestive ! Dis moi, tu connais quoi de cette ville ? Si je t'emmène dans des endroits que j'adore, cela te dirait ? Un moyen de conclure notre petit accord "livraison de poulet". Je connais plein d'endroits qui en valent le coup. "
En vérité, Zoran songeait bien à une chose : tenter de lui insuffler son enthousiasme pour en faire une bonne associée, peut-être allait-il vite en besogne ? Mais comment savoir sinon en tentant ?
" Si t'aime le théâtre, le mieux c'est le théâtre de rue, c'est ça le vrai théâtre et pas celui dans toutes ces salles, même si ça me donne un peu le vertige."
En parlant, il avait un peu freiné le rythme de marche comme s'il ne parvenait pas à suivre la conversation tout en se dépêchant, ce qui n'était pas un mal sans doute pour son invitée improvisée.
" Si tu cherches du travail, on a toujours besoin de gens au théâtre, c'est pas ce qui manque. Fin moi ça a été ma solution quand je trouvais rien d'autre au début... puis voilà"
Zoran les guida vers une rue animée par différentes vitrines, non loin de la place commerçante. Les gens s'affairaient un peu partout sans tenir compte du passage.
" T'es déjà montée sur les toits de la ville ? La vue est superbe ! Je t'y emmène ? "
Une maison était un peu plus grande que les autres et donnait sur la campagne aux alentours. Il aimait beaucoup le panorama depuis ce point surtout en cette heure précisément. Ce n'était pas parce que le repas n'était pas gastronomique qu'il ne pouvait pas tenter un brin de drague, autant essayer à ses risques et périls. De toute façon, il aurait eu envie de s'y rendre avec ou sans elle, mais il fallait se presser pour voir cet instant précis d'ensoleillement.
« Pas la peine d’être un génie pour voir une colonne de fumée qui ne vient pas d’une cheminée au milieu de la Capitale… » fit tout de même remarquer Violette, ce qui risquait fort bien d'amener une patrouille jusqu’à leur position bien plus vite que prévu. Sans compter que trouver du bois n’était pas vraiment le plus facile à faire en pleine ville. Bref, beaucoup de soucis en perspective.
Au final, le plan sembla changer assez vite pour Zoran, partant au final pour une marche digestive. Pourquoi pas, après tout? Même si la Capitale était loin d’être son endroit favori, elle lui rappelait de mauvais souvenirs et le côté urbain n’était pas vraiment son fort. Même si elle n’avait pas spécialement de problèmes avec les autres villes, en y pensant.
« Tu penses à quoi en particulier comme coins? Je ne connais pas tant la capitale que ça, c’est pas vraiment mon genre d’endroit. Mais y a sûrement un ou deux endroits sympathiques à connaître, j’en doute pas! » répondit-elle alors, même si elle avait grandi à la Capitale. Elle n’en connaissait au final que très peu, ayant passé la majorité de son temps au manoir familial. Après tout, le centre du Royaume devait bien renfermer une ou deux surprises alors elle ne voyait pas de soucis à profiter d’un guide.
« Par contre, ton super service de livraison de poulet, il livre ailleurs qu’à la Capitale? Parce-que j’y suis pas souvent de mon côté, à part pour faire quelques courses. » demanda-t-elle alors, plus par curiosité qu’autre chose. Violette n’était pas vraiment du genre à tenir en place et pour le moment cela ne lui posait aucun souci. Après tout, elle se disait bien qu’elle en recroiserait la plupart bientôt, alors que le Royaume était bien plus vaste qu’elle n’aurait pu le penser.
« J’ai jamais beaucoup été au théâtre, mais je te crois sur parole, dans les grandes salles, ça a l’air trop artificiel et faux. » répondit-elle alors, même si vu son expérience dans le milieu son avis ne valait pas grand chose. C’était plus une réaction anti-nobilité classique qui leur reprochait la masturbation intellectuelle effectuée sur certaines œuvres “subversives”, et ce genre de comportements. Finalement, les pièces n’avaient plus grand chose de théâtral aux yeux de Violette, du peu qu’elle en avait vu.
« Mais je pense pas que monter sur scène soit vraiment mon genre de trucs! Enfin, c’est pas que je sois timide mais c’est que répéter un texte ou devoir se donner en spectacle c’est pas plus mon genre que ça. » ajouta-t-elle alors. Même si c’était plus vrai dans le théâtre professionnel, le théâtre de rue ne devait pas non plus se faire entièrement en improvisation. Du moins le pensait-elle. Elle n’en savait rien, après tout. Mais l’idée de se retrouver sur scène à déblatérer des choses lui semblait bien étrange. Elle préférait des petites aventures tranquilles aux quatre coins du Royaume, pour le moment. Mais si l’opportunité se présentait dans un futur lointain, cela pourrait toujours lui offrir un petit bol d’air frais.
« Les toits? Sur que les gardes vont pas nous tomber dessus? Mais on peut garder ça pour une prochaine fois! La prochaine fois, j'aurai peut-être de quoi acheter ce poulet parce-que je serai meilleure! D'ailleurs, je pense même que je vais m'y mettre de suite! » répondit-elle, motivée à aller faire quelques quêtes de plus pour essayer de mieux s'en tirer. Il fallait dire qu'elle n'était pas encore très douée, mais elle s'améliorait de jour en jour! Et un jour, elle se paiera tous les poulets qu'elle voulait!