La halte du montagnard

Avec Nora Eos

La Halte du Montagnard

Ain L. Sunrick

D'un accord commun, le duo s'éloigna de la petite auberge pour s'enfoncer un peu plus loin dans les bois, direction nord-est comme l'avait indiqué Gareth, propriétaire de l'étape dans laquelle ils avaient fait halte la veille. En suivant les premiers panneaux de bois partiellement rongés par les termites, Nora pu apercevoir de loin, en amont, une partie du delta qu'ils cherchaient à dépasser pour se rendre à flanc de montagne. Un long soupire fila lorsque le froid, devenu de plus en plus intense, força le jeune homme à monter le col de sa cape jusque sur son nez pour se tenir chaud. Les phalanges blanches et la peau rouge, maintenant fermement les guides de sa monture, il s'efforça d'adapter le positionnement de son corps en fonction du terrain pour faciliter la route à son destrier l'accompagnant maintenant depuis quelques jours. Une petite pensée pour Titouan et l'autre écuyer plutôt bruyant qu'ils avaient rencontré au village perché, aussi ne faudrait-il pas manquer de leur ramener la bête une fois cette aventure parvenue à son terme.

Après quelques temps de marche, Nora et Ain n'ayant que peu échangé durant ce trajet purent constater le paysage changer drastiquement sitôt passé le pont séparant la forêt du flanc de montagne. Les palettes de vert et de brun, de senteur boisée et de chant des derniers oiseaux et insectes fut remplacé par un blanc nuancé de pierre grise, alors que le parterre de neige crissant sous les sabots des montures fut la seule mélodie audible, couplée au souffle las du vent. Si la neige s'installait progressivement derrière eux, à l'avenir ne verraient-ils plus que ça. Un peu à regret pour les bois qu'il affectionne tant, l'aventurier se ragaillardit en pensant aux sources chaudes qui les attendraient une fois arrivés à destination. Certes, ce n'était pas la porte à côté, Forteresse, pour autant chaque pas fait dans la direction de la cité de pierre les rapprochait de cet objectif et d'à n'en pas douter, une soirée pour le moins agréable.

Encore plus tard, alors que lentement le souffle de vent devenait un peu plus puissant, levant dans son sillage les flocons de neige pour les ficher dans les vêtements du duo, la vision de colonnes de fumée s'élevant dans le ciel au travers du blizzard naissant mit la puce à l'oreille du chasseur qui pensait avoir trouvé leur objectif, ce qu'il fit confirmer par Ain peu après. Et effectivement, voici la Halte du Montagnard, refuge pour aventuriers, occasionnellement marchands, sous forme non pas d'une grande auberge au bord de la route mais plutôt de multitude de chalets sur un plateau enneigé. Non loin de ça, une petite forêt de sapins, dont plusieurs troncs coupés étaient empilés assez proche des maisonnettes laissait s'imaginer le genre d'ambiance à laquelle ils auraient droit une fois bien installé au chaud. D'un coup d'œil circulaire, Nora chercha les écuries pour y protéger les chevaux du froid et trouva effectivement une bâtisse en bois autour de laquelle la neige avait du mal à prendre. Visiblement, ils ne laissaient pas les bêtes avoir froid et c'était pour le mieux. Ainsi ils se rendirent face à l'écuyer qui prit en charge les bêtes moyennant un premier paiement pour les frais de location des boxes et le duo put se rendre dans le chalet principal après que Nora ait demandé confirmation au jeune homme en charge des montures.

Après quelques pas à pied dans la neige, les deux aventuriers entrèrent dans ce qui s'avéra être non pas seulement le plus grand chalet, mais aussi la réception de l'auberge qui plutôt que de louer des chambres, proposait des chalets plus petits, aménagés pour quiconque souhaiterait passer une nuit ou plusieurs dans les environs. Une charmante idée qui eut le chic de séduire le brun, abordant le tenancier en annonçant venir de la part de Gareth, le premier aubergiste. Son frère, Marel, agréablement surpris, engagea une brève discussion avec Nora qui déboucha en la location d'une "chambre" plutôt bien positionnée, juste à l'orée de la forêt, légèrement en retrait des autres.

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Avec Nora Eos

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Ain L. Sunrick

Arrivés à la réception, face à Marel.

- "Vous êtes mariés ?"
- "Hein ?!"

Tiré de sa rêverie, le garçon n'ayant pas spécialement suivi le reste de la conversation pour s'occuper de Nocturne tiqua seulement à ce moment, la seconde fois lorsque Ain régla le montant demandé.

- "C'est moi qui paie cette fois."
- "Ah ? Arf ... Si tu y tiens."

Quelque peu dépité, Nora n'avait aucun prétexte pour le lui refuser. Après tout, il lui avait bien fait le même coup la veille et ne pouvait que se plier. L'aubergiste s'éloigna légèrement et examina un tableau à l'arrière du comptoir sur lequel était entreposé un bon nombre de clés, toute numérotées.

- "Alors, on a la trois qui est disponible, elle est bien située, on a vu sur la falaise et les écuries sont juste à côté, idéal pour jeter un coup d'œil à vos montures si vous êtes inquiets. Enfin, j'sais pas si vous avez vu mais on carbure au cristal chauffant pour s'assurer que vos bestioles ne choppent pas froid ! Familier comme client, tout le monde y trouve son compte à la Halte du Montagnard ! Bouarfarfarf !"

- Papa, pourquoi il aboie le monsieur ?
- Il n'aboie pas, il est juste ... spontané.
- Spontaquoi ?
- Ca veut dire qu'il mâche pas ses mots.
- Mais ça se mâche pas les mots ...
- Arf ... ce serait compliqué de t'expliquer tout ça maintenant, ma chérie.
- Mais je veux savoir !

Nora ignora la complainte du familier qui mécontent, commença à agiter sa queue en donnant de petits coups de patte dans le mollet du chasseur.

- "Si vous avez un chalet isolé, ce sera le mieux je pense."

Un regard cherchant l'approbation de Ain fut rapidement capté par le sourire en coin et le sourcil haussé de Marel.

- "Isolé, hein ? Pas besoin de la bibine que vous avez déjà les idées en place ! Bouarfarfarf ! Quelle fougueuse jeunesse !"

Nora soupira.

- "Oh, j'oubliais, vous avez le bonjour de Gareth, de l'auberge non-loin de-"
- "Nooon, vous avez vu Gareth ? Il allait comment ? Cette vieille branche ! Depuis qu'il s'est installé avec sa gonzesse il a arrêté de battre les sentiers pour reprendre le business familial ! Le pire c'est qu'elle l'a largué après avoir pondu son gosse, comment qu'elle s'appelle déjà ... Eloine ? Héloïse ?"
- "Elise ?"
- "AH ! Tout à fait ! J'vois qu'vous avez fait sa rencontre, eh, l'aventurier court plusieurs lapins hein ? J'aime ça ! Bouarfarfarf !"

Le réceptionniste mit plusieurs coups de coudes à Nora d'un air approbateur, riant bruyamment. Ce dernier força un sourire sur ses lèvres et jeta un nouveau coup d'œil vers Ain, l'air de lui demander à l'aide et pourtant, cet adversaire là était beaucoup trop fort pour eux deux réuni. Un véritable moulin à parole.

- "Arf ... sinon, pour le ... le chalet ?"
- "Ahahah, excuses-moi mon garçon, je parle, je parle, mais toi t'as sûrement envie de te mettre à table ! On sert le repas à la porte juste avant la tombée de la nuit, essayez de pas tout casser dans la barraque avant ! ARFARFARF !"

Il attrapa une clé étiquetée du numéro 9 et depuis la fenêtre, pointa un chalet reculé au sein duquel aucune lumière ne transparaissait à l'heure. La cheminée était visiblement éteinte, également.

- "C'votre nid pour la soirée, à tout à l'heure les tourtereaux !"

Et sur ce, le duo fut dirigé vers la sortie, ne manquerait plus qu'à s'installer au chaud, à l'intérieur de leur logement provisoire. Nocturne leva les yeux vers Nora.

- Papa est un aventurier fougueux qui court les lapins ! Je l'ai vu !
- Hum ... je ne suis pas sûr qu'il parlait des mêmes lapins.
- Oh ! Les lapins fromagers alors ! Comme Papa m'avais dit vouloir en manger ! Papa veut se mettre à table !
- Je ne pense pas non plus qu'il voulait dire "se mettre à table" dans ce sens là non-plus ...
- Nocturne comprends ! Parfois on mange par terre après la chasse ! Papa a mal aux fesses à force de manger par terre !
- Mes fesses vont très bien !
- Et il vous a traité de tourtereaux ! Mais vous avez pas d'ailes ! Il est trop bête le monsieur !
- Ca, je vais pas le nier ...

Il soupira et se tourna vers Ain.

- "On y va ? Je suppose qu'il va falloir s'occuper d'allumer le feu, j'irais chercher quelques buches dehors, tu peux partir devant."

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Avec Nora Eos

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Ain L. Sunrick

Nora laissa partir Ain en première et jeta un coup d'œil aux alentours. Tout proche du chalet de réception se trouvait un petit abri pour y stocker le bois, contrairement à toutes les autres habitations en étant démunies, certainement pour éviter des frais supplémentaires. Alors le brun s'y rendit et poussa le battant en bois vernis qui repoussait le plus gros de la neige, afin d'éviter que le bois à l'intérieur ne devienne humide. Un coup d'œil à droite, puis à gauche, l'aventurier constata à son grand regret l'absence de bois pré-coupé, laissa filer un soupire et attrapa le fendoir laissé à disposition sur un établi. Il fit ensuite marche arrière et se dirigea vers les troncs échoués en bordure de forêt, là où quelques rondins de 30 centimètres de longueur avaient été débités à l'avance. Une souche plate en guise de billot, un premier bout de bois stabilisé au milieu et l'outil fièrement brandit dans les airs, Nora fit pleuvoir plusieurs coups secs avant d'obtenir la largeur désirée pour son bois de cheminée. Par ailleurs, sans grande surprise, nul autre bois que celui de sapin, abondant dans cette zone des montagnes. Accompagnant le mouvement jusqu’au bout du geste, le chasseur eut terminé sa tâche en moins d'une dizaine de minutes, réunissant un petit fagot de bois tranché avant de retourner le fendoir à sa place, pour revenir avec le fruit de son labeur.

Le brun ouvrit la porte du chalet et croisa le regard de son amie, à mesure que l'analyse progressait, il se mit à rougir de plus en plus. Vêtue d'une chemise ouverte dévoilant une partie de son abdomen musclé, sous la brassière, ce fut comme s'il avait du mal à décrocher le regard de ce spectacle pour le moins ravissant, seulement lorsqu'elle lui proposa son aide peut-il regagner un peu de consistance.

- "Euh, ah, oui ! Merci."

Elle le délesta de son fardeau et touché par son attention, inclina instinctivement le haut du corps en guise de salut. L'air frais à l'extérieur n'était pas des plus agréable pour le brun qui contrairement à son amie, ressentait les changements de température et celui à l'intérieur du chalet fut le bienvenu. Qui donc avait fait cadeau du feu, de la chaleur aux êtres humains ? Qui que soit cette personne avait l'éternelle gratitude de l'éphèbe qui s'installa non-loin de Miel en veillant à ne pas empiéter sur son espace personnel. Nocturne aussi se glissa près du Solnar, un peu plus proche cependant, comme si elle sentait sa chaleur et voulait timidement en profiter.

Lorsque les braises prirent et que de l'âtre émanait une radiance chaleureuse, Nora se débarrassa de sa cape et de ses affaires, puis jeta un réel coup d'œil à la pièce. Une grande chambre, ce fut le moins que l'on puisse dire, équipée d'une curieuse bassine dans un coin et ... d'un lit double à baldaquin. Le cœur du chasseur fit un bond, voici donc ce que voulait dire le réceptionniste lorsqu'il parlait de chambre double et de mariage. Dans la panique, il jeta un second coup d'œil circulaire à la recherche de quelque chose qui aurait pu faire office de second lit et instinctivement, se tourna vers le semblant de bassin renfoncé dans une estrade. Au fond se trouvaient deux cristaux qu'il connaissait très bien, lui étant adepte de bains. Quelle était donc la pire chose, que le lit était double et représentait la seule surface sur laquelle dormir, ou que même le bain était prévu pour deux places ? Le rouge monta aux joues du brun qui constata que malgré tout, dans un élan de bonté, la personne chargée de l'entretien des lieux avait fait disposer deux peignoirs propres pour suivre la baignade ... Par gentillesse, tu parles ! Cette suite d'évènement avait visiblement envie de charrier le garçon qui avait vu en quelques jours bien plus d'émotion qu'il ne pouvait en gérer. Alors il se tourna vers Ain et en affrontant sa timidité, lui proposa.

- "Uh, hm ... si tu veux profiter du bain, je peux ... hum, comment dire ... enfin ..." Il piqua un fard. Après l'avoir déjà vue entièrement nue une première fois, il n'était pas sûr de pouvoir y résister une seconde fois. "J-Je veux dire, si je peux aider d'une quelconque manière, je ... enfin, tu vois-ce que je veux dire ..."

Simplement avait-il omis le fait que le jour de leur rencontre, il avait pu effleurer sa peau et l'aider à se débarrasser des cicatrices infligées par la lumière du soleil. Une manière de proposer son aide, certes, pour autant il s'imaginait plutôt quitter la pièce et affronter le froid à l'extérieur qu'un tout autre scénario.

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Avec Nora Eos

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Ain L. Sunrick

Lorsqu'il lui proposa, l'aventurier espérait secrètement un revirement de situation lui permettant de s'occuper pendant qu'elle prenait son bain. Oh, non pas que le corps de cette demoiselle ne soit pas à son goût, au contraire justement. Il avait encore un peu de mal à se remettre de cet instant pour le moins singulier, lorsqu'elle retira son peignoir devant lui sans la moindre once de pudeur ainsi que du rêve de la veille. Ainsi, il fut plutôt surpris de sa réponse.

- "Merci mais ça ira ne t’inquiète pas. Tu veux y entrer en premier d’ailleurs ?"
- "Uh ? Hum ... pourquoi pas, oui, si tu n'y vois aucune objection ?"

Une fleur de la part de la demoiselle qu'il ne se permit de refuser. Sûrement avait-elle quelque chose à faire avant cela et en profitait justement pour laisser le brun passer le premier, évitant finalement le duo de se croiser pendant ce moment où ils seraient vulnérables à l'œil l'un de l'autre. Nora activa alors les cristaux dans le bassin puis trouva un coin de la pièce, isolé pour s'y retirer et se dévêtir, ressortant plus tard avec simplement une serviette nouée autour des hanches. Un regard circulaire lui indiqua que son amie était toujours là et pensant qu'elle se serait absentée, il se mit à rougir en s'imaginant défaire le nœud tenant son seul habit. Le bain, déjà presque remplit était prêt à l'accueillir et le brun enjamba l'estrade avant de retirer quoi que ce soit, puis d'un coup d'œil vers son amie, profita qu'elle ait le dos tourné pour terminer de retirer le drap blanc et se glisser dans l'eau jusqu'au menton. Dans un bruit doux de clapotis, accompagné de la chaleur combinée de la cheminée et de l'eau, le garçon observa timidement les alentours et en oublia presque de se détendre.

Depuis sa position, il put observer l'extérieur. La nuit reprenant ses droits, fit voler les flocons de neige à chaque bourrasque de vent, laissant filer un sifflement dans le chalet, comme si l'air pouvait y circuler librement malgré l'absence de courant dans la pièce principale. Ainsi, le crépitement des bûches au feu, le remous de l'eau ainsi que le blizzard se livrèrent à la conversation contrairement aux deux partenaires n'ayant échangé un seul mot depuis. Légèrement mal à l'aise, Nora s'apprêtait à engager la conversation lorsque quelqu'un toquant à la porte l'interrompit. C'était Marel portant le repas et si en d'autres circonstances, son intervention aurait pu aider, cette fois-ci elle coupa les ailes au jeune homme qui retourna barboter silencieusement, plus profondément dans son bain. Ain s'en alla ouvrir et ramena un panier en osier chargé de victuailles pour la soirée. Nocturne leva la tête vers le la table où Ain y déposa le paquet et annonça télépathiquement, dans un miaulement audible par les autres habitants provisoires du chalet.

- Manger ? Nocturne a faim ! Nocturne veut du talbuk !
- Je ne pense pas qu'il y en ait au menu de ce soir, malheureusement ...
- Nocturne est à la montagne ! Nocturne veut manger du talbuk !
- On pourra toujours en chasser demain.
- Non, ce soir !

Un soupire du brun et il jeta un coup d'œil vers l'extérieur. Le blizzard ne semblait pas trop violent et il avait toujours le contact télépathique avec elle si besoin. En jouant avec le Solnar, elle réitéra la demande.

- Copain renard aussi ! Nocturne va chasser avec lui !
- Seulement si Ain le permet.

Un long soupire du brun et en prenant son courage à deux mains pour rompre le silence, il demanda à sa partenaire si elle avait une objection à ce qu'ils sortent et une fois débarrassé de toute formalité, il ne restait qu'à leur ouvrir la porte. Ain étant occupée, Nora chercha une manière de se glisser hors du bain sans prendre de risque, avant d'avoir le déclic. Il tendit sa main vers l'entrée et se concentra sur un souvenir plutôt récent. Après une grande inspiration, il prononça calmement.

- "Memoria."

Depuis l'extérieur, son image tenant le bois de chauffage ouvrit la porte. D'un coup d'œil vers son familier, il vit son regard s'illuminer et après avoir laisser filer un ronronnement satisfait, cœurl et solnar s'éclipsèrent avant que le souvenir ne ferme la porte derrière lui et disparaisse de la même manière qu'il était apparu. Ain se mit alors à tousser et le regard interrogateur, Nora l'observa, assez vite rassuré de voir qu'elle semblait bien aller malgré la quinte de toux soudaine. Elle approcha alors pour lui remettre une boîte et d'autant plus intrigué, il l'ouvrit pour voir un assortiment de chamallows et de chocolats. Sans plus comprendre que cela, il goûta plutôt l'un après l'autre les deux types de sucreries, commençant par la plus douce. Rien à signaler, sinon une impression similaire à lorsqu'on mange quelque chose d'épicé, comme une chaleur descendant le long de sa gorge sitôt avait-il avalé la confiserie. Peut-être était-ce cette sensation qui avait perturbé son amie ? Non, à en juger par la disposition dans la boîte, c'était l'autre qu'elle avait goûté. Il prit alors un chocolat pour en avoir le cœur net et l'envoya directement dans sa bouche sans trop de précaution, sentant la liqueur se déverser au premier coup de dent. Surprit, il n'eut pas la même réaction que son amie, plutôt il tenta de discerner chaque saveur en faisant rouler le bonbon fissuré sur sa langue. Si le goût d'alcool était léger, celui du gingembre et de la poire était lui, bien présent. Ce n'était pas non plus le genre de gourmandise qu'il appréciait plus que tout, mais à mieux en observer le contenu de la boîte, ainsi que la manière dont était alterné chamallow et chocolat, une supposition vint à l'esprit du chasseur qui prit deux nouvelles confiseries pour les goûter ensemble. Effectivement, tout le mélange se dévoila à ce moment. L'alcool sublimé par la sensation de chaleur, le gingembre et le sucre du bonbon aussi doux qu'un nuage, la poire et le chocolat, trois combinaisons, trois révélations.

Ce qu'il ne vit pas venir fut cette douce sensation de chaleur qui glissa non pas seulement dans sa gorge, mais tout son corps et l'alcool plutôt fort, dissimulé par tant de sucre. Le brun eut de légers vertiges au début mais bien vite, arriva à les contrôler. Ses sens commencèrent à s'embrouiller dans un premier instant et celui suivant, il se leva du bain sans prendre garde à son accoutrement pour ainsi dire inexistant, puis en prenant la boîte dans une main, avança vers Ain pour finir assez proche d'elle, sans même avoir pris le temps de se sécher.

- "Tu devrais essayer les chamallows ... je suis sûr que tu serais surprise."

Et pour lier le geste aux paroles, il prit une confiserie et approcha encore plus près pour la porter à quelques centimètres des lèvres de son amie, un sourire bienveillant et le regard fiévreux.

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Avec Nora Eos

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Ain L. Sunrick

En entendant le début d'une complainte, Nora ne vit d'autre manière de lui partager son point de vue, sinon en avançant un peu plus la confiserie jusqu'entre ses lèvres pour qu'elle l'attrape. Son sourire bienveillant se transforma alors en mine satisfaite lorsqu'elle accepta le présent et il pencha la tête, comme s'il attendait son verdict. Plutôt que cela, elle lui annonça aller à la douche en intimant au chasseur de se couvrir avant d'attraper froid.

- "Oh ... Oui, à vrai dire, je n'ai absolument pas froid, mais si ça peut te rassurer ..."

Il récupéra un des deux peignoirs vert et rouge et en enfila les deux manches, puis attacha grossièrement la ceinture au niveau de ses hanches. A vrai dire, ceci fut seulement suffisant pour cacher le bas de son corps, son torse lui, était partiellement exposé et l'habit menaçait de glisser de ses épaules à tout moment. Sous l'emprise de la liqueur de Rünork, ce ne fut pas seulement la pudeur du garçon qui s'effaça, mais également sa prudence pourtant bien présente en temps normal. Il retourna alors tout proche de Ain pour lui prêter main forte et l'aider à retirer ses habits, comme si l'envie de la découvrir de nouveau, dans cet état, se manifestait progressivement. La demoiselle se recula en lui intimant qu'il ne serait pas nécessaire de l'aider et il haussa les épaules, l'air résigné. Il n'y avait aucun intérêt à lui forcer la main aussi, le faisait-elle très bien toute seule. Lorsqu'elle se dirigea vers le bain, l'aventurier ne se priva pas de la dévorer du regard un premier temps, jusqu'à ce qu'elle s'installe dans l'eau.

Quelques minutes passèrent pour laisser le temps à la demoiselle de faire sa toilette, pendant lesquelles Nora resta proche de la cheminée pour se sécher. Lorsqu'Ain sortit du bain, le garçon replaça une mèche rebelle en arrière et jeta un coup d'œil vers son amie qui trouva bien assez vite de quoi se vêtir. Cependant, il y avait quelque chose qui le tracassait.

Le brun laissa revenir son amie vers lui et lorsqu'elle s'apprêta à le dépasser, il attrapa son bras pour l'arrêter. Se tournant vers elle, il croisa d'abord son regard, appréciant sa peau blanche comme la neige, dénuée d'imperfection, la forme de son nez, de son menton et loua Lucy pour chaque don pourvu à cette demoiselle aux traits ambiguës. Finalement, son regard se posa sur ses lèvres et Nora mordit la sienne. Elle avait là une petite trace de poudre rose, provenant de la confiserie qui lui avait été offerte. Alors l'aventurier passa une main sur sa joue et avança son visage pour poser ses lèvres contre les siennes, guidé tant par gourmandise du bonbon que par une envie soudaine de lui montrer l'étendue de ses sentiments pour elle. Il s'éloigna ensuite de quelques millimètres après avoir rompu le baiser, soupirant tout doucement.

- "Tu avais de la poudre de chamallow ... je ne pouvais rester là sans t'aider."

Il eut un bref moment d'hésitation. Un sourire ravit aux lèvres, il se demandait s'il ne vaudrait pas mieux y replonger pour s'emparer d'un second baiser, une idée plus que tentante, à vrai dire. Pour autant, il ne fallait pas abuser des bonnes choses, aussi, y aller progressivement n'était peut-être pas si mal ? Ainsi, pour illustrer le propos, il se recolla une nouvelle fois à elle et l'embrassa une seconde fois, un peu plus longuement. Son cœur s'emballa, malgré son présent manque de pudeur, son corps, lui, attendait, connaissait et désirait ce contact depuis plus longtemps qu'il ne se le serait imaginé. Tant et si bien qu'au moment de rompre le contact, il fut tiraillé par le même dilemme, décidant cette fois-ci de faire un pas en arrière avant de refaire une bêtise. Il planta alors son regard dans le sien, les joues rougies et une main devant la bouche, se remémorant le goût de ses lèvres. Elles étaient sucrées, même au second baiser.

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Avec Nora Eos

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Ain L. Sunrick

Cet échange muet, passant d'un regard à l'autre sans mot prononcé fit s'emballer le cœur du garçon. Tout comme s'il cherchait dans ses yeux une flamme jumelle, incandescente au frisson d'un désir mutuel, il en trouva l'éclat dans la mine gênée de sa partenaire et ses joues rougies. Guidée par un désir affectueux l'ayant interdit à tout débat avec la raison, la sénestre du brun glissa le long de l'avant-bras de la demoiselle, à la recherche d'une étreinte qu'il languissait depuis deux jours déjà. Il fit glisser ses doigts au creux de sa main, les croisa entre les siens, remontant finalement les deux mains liées aux côtés de son visage de poupée embarrassée. Tout en douceur, le brun se colla à son amie, gagnant progressivement du terrain pour finalement la faire s'allonger sur leur couche commune. Sa dextre, elle, passa sous son menton pour redresser son visage et observer les étoiles dans ses yeux. Il ne lui eut suffi alors que d'un instant, l'aventurier ayant baissé sa garde, eut un bref aperçu de ces iris profondes qui le livrèrent à une succession d'émotions envahissantes. Les portes fortifiées de son domaine personnel rongées, l'antre de ses sentiments était brutalisé, il était à ce moment victime d'un sort l'ayant subjugué par tout l'être de sa partenaire. Il plongea de nouveau pour retrouver le goût sucré de ses lèvres.

Ce baiser fut plus long, plus passionné, la dextre du chasseur tomba progressivement dans le cou de son amante et dénuda son épaule en savourant chaque millimètre de sa peau. A cet instant précis, il n'était plus sous l'emprise de l'alcool, mais bien sous celle de l'amour le consumant à petit feu. Aussi avait-il déjà eu ce genre d'expérience avec une autre femme, auparavant, mais en rien la chaleur qui émanait de son corps n'était similaire à celle le dévorant ce soir. Il devint esclave de cette sensation, avare de découvrir son amie et déterminé à lui montrer l'étendu de sa passion. Aussi il n'était plus le jouet de sa propre pudeur et bien au contraire, il était lui-même à cet instant. Nul autre que Nora, tout aussi simplement, l'incarnation-même de sa propre volonté, de ses sentiments. Loin du chasseur, de l'orphelin, du brun taciturne, tant et si bien qu'il rencontra également une toute nouvelle Ain et ne se lassait en rien de cette merveilleuse entrevue. Lorsqu'il fut finalement temps de rompre le baiser pour reprendre sa respiration, ce fut à regret que Nora prit un court instant pour redresser son visage, sans pour autant lâcher la dextre de la demoiselle. Il ancra dans son regard ses pupilles grises emplies d'un sentiment d'amour profond, comme il n'avait jamais aimé auparavant. Ses cheveux en bataille, sa mine rougie, ses épaules exposées, elle était bien plus belle encore que dans son rêve et un désir brûlant de la combler envahit le jeune homme.

Il voulut à ce moment la couvrir de mots doux, se dévoiler pleinement, exposer la véritable couleur qu'arborait son cœur en la présence de l'aventurière. A quel point il aime parler, voyager, passer du temps avec elle. A quel point, pour rien au monde il ne la laisserait partir. Mais l'instant présent, trop bon, si doux ne lui donnait aucune envie d'en rompre la moindre once de romantisme, plutôt, il retomba dans un jeu de lèvres croisées où il vint y joindre la langue, sentant son propre corps devenir brûlant au contact de celui de la jeune femme. Curieuse, la main droite du garçon tomba de son épaule pour caresser plus de son épiderme, progressivement, sans pudeur, sans fausse modestie, il se vit choyer chaque parcelle de son être en se collant un peu plus à elle. Sa peau, chaude, envoya des frissons par vague, éloquents en une langue de gestuelle qui ne saurait être traduite par des mots.

Bientôt, sa tenue tomba au pied du lit, non pas sans avoir tiré un bout de la ceinture pour se libérer du tissu douillet. Il se dévoilait, cette fois-ci, comme pour se présenter à elle. Non pas en tant qu'ami peu pudique sortant de son bain, mais plutôt comme un partenaire de danse. Brûlant d'envie, le brun prit malgré tout le temps de rompre de nouveau le baiser pour retrouver son regard. Le corps de Ain aussi, semblait partager cette passion et répondait à un appel du sien. Pour autant, afin d'en avoir le cœur net, il plongea une dernière fois ses yeux dans les siens et murmura d'une voix posée, non pas dénuée de passion, mais surtout emplie de douceur.

- "Faisons-le ... ensemble."

Des mots similaires à ceux qu'il lui glissait il y a deux jours, dans la forêt, empreints de la même foi, de la même affection et s'il ne s'en rendait pas compte auparavant, il n'y avait plus aucun doute aujourd'hui. Il était amoureux de son amie et ce, depuis plus longtemps qu'il ne l'imaginait.

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Avec Nora Eos

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Ain L. Sunrick

La jeune femme lui fit signe de la tête et Nora lui offrit un sourire tendre, embrassant une dernière fois ses lèvres avant de se concentrer sur ses mouvements. Tout autour d'eux, les draps et plaids déjà désordonnés par les prémisses d'un acte amoureux laissèrent s'ancrer les deux corps sur le matelas confortables et bientôt, ils furent enfermés dans une bulle de voiles en dentelle au travers de laquelle seul le son étouffé et de vagues silhouettes pouvaient transparaître.

La danse fut d'abord lente, légère, chaque acteur dut y trouver son propre rythme et s'il y eut quelques faux-pas au début, rien ne pu arrêter le concert de cœurs battants à l'unisson. Main dans la main, yeux dans les yeux, il y eut une légère augmentation de tempo et la véritable mélodie commençait. Comme deux âmes sœurs se retrouvant, d'un pas gracieux et souple, l'un guida l'autre et inversement jusqu'à atteindre l'extase, l'apogée de la beauté où sang et sueur furent mêlés, loin du champ de bataille. Si l'acte n'était pas aussi tragique que la guerre, la paix qui le suivit fut délectable, laissant deux êtres enlacés se plonger lentement dans un long sommeil réparateur.

Les songes du brun furent paisibles. La douce odeur de Ain y était presque omniprésente et il put revoir la manière dont leurs anatomies s'étaient entrelacées la veille, dérivant finalement sur une vision de ce duo main dans la main à partager une étreinte d'amour sincère. Il se vit allongé, Ain assoupie contre lui et le brun, écarter une mèche de devant son visage pour mieux l'observer. Si ce geste lui aurait parut plutôt innocent auparavant, ce soir, il sentit en émaner une bienveillance inédite et des émotions avec leur lot de mystère. Il se rappelle encore de la manière dont il aimait sa famille, aime encore son père, ses proches. La manière dont il était prêt à mourir pour certains d'entre eux et seulement à cet instant comprit-il la nuance entre amour et amitié. Il était prêt à vivre pour Ain, il n'était plus question de sacrifice, plus question de dévotion mais plutôt d'entraide. Où que ses pensées le menaient, il en revenait chaque fois à ce qu'il aimerait faire non pas pour elle, mais avec elle. Jamais il n'avait éprouvé d'émotion aussi forte et pourtant, c'est le cœur léger qu'il se réveilla le lendemain.

Habitué à se réveiller à l'aube, aux premiers rayons, Nora ne vit pas un instant de la matinée passer jusqu'à ce qu'il ne sente quelque chose contre son bras. Une sensation de chaleur l'envahit sans trop qu'il ne sache d'où elle vienne et avant-même d'ouvrir les yeux, il tira un peu Ain contre lui pour l'enlacer. Puis petit à petit il reprit ses esprits, progressivement, constatant qu'elle ne touchait pas que son bras mais tout son flanc gauche. Au contact de sa silhouette, nue, le cœur du jeune homme manqua un battement et il ouvrit les yeux en se tournant vers elle. En temps normal, il aurait paniqué, mais en croisant son regard les mémoires affluèrent. Son rêve ne s'était pas exclusivement déroulé au pays des songes, mais bien dans cette même chambre, la veille, où homme et femme s'étaient adonnée à un acte passionné jusqu'à une heure avancée de la nuit. Lentement, il trouva un certain calme et arriva même à offrir un sourire à la demoiselle.

- "Bonjour, Ain."

La timidité doublée par le sentiment de bien-être, il pu la saluer sans pâtir du moindre bégaiement. A vrai dire, c'était plutôt inédit pour lui, de ressentir cette sensation-là après une nuit pareille. Pourtant, l'éclosion d'une émotion inconnue pour le garçon lui avait donné la force de rester composé malgré les circonstances, ainsi même de poser provisoirement sa joue contre son front de manière affectueuse. Un coup d'œil vers la pièce dans laquelle ils se trouvaient fit noter au chasseur l'absence de deux familiers, partis chasser la veille. Il appela télépathiquement Nocturne et celle-ci répondit assez rapidement, indiquant qu'elle était à l'extérieur avec Miel.

- "Nocturne et Miel sont juste devant. Je vais leur ouvrir."

Il redressa son buste et tendit une main vers la porte, manifestant une seconde fois le souvenir de son clone au passé, l'ouvrant les bras chargés de bois. Une tête féline et une seconde de renard entrèrent à cet instant et le cœurl entama une prise d'élan avant de se jeter sur le lit, observant avec curiosité le couple d'humains.

- Papa ! Il y a du sang ! Papa s'est battu avec les méchants ? Nocturne va les rattraper ! Nocturne va les faire payer !
- Du sang ? Oh, ah, euh ... comment dire ... oui, il y a eut des méchants, mais on les a fait fuir ! Ahah ... ah ...
- Woaaaah ! Papa trop fort ! La dame aussi s'est battu ? La dame trop forte ! J'espère qu'ils reviendront pas ! Sinon Nocturne les mange !
- Ils ne reviendront pas ... hum, tu peux descendre du lit ? Tu m'écrases les jambes.
- Oui Papa ! C'est parce que Nocturne et copain renard ont beaucoup mangé !

Un sourire attendrit, Nora observa le félin tacheté descendre de la couche et se tourna finalement vers Ain. La main du brun glissa sur la couverture pour caresser l'épaule de la demoiselle en remontant et finalement, comme il l'avait fait dans son rêve, il écarta une mèche de devant son visage, le regard doux pour sa partenaire.

- "Tu as bien dormi ?"

Pourvu que rien ne trouble jamais cette paix, car elle était à présent le trésor le plus précieux aux yeux du garçon.

La halte du montagnard

Avec Nora Eos

La Halte du Montagnard

Ain L. Sunrick

La jeune femme répondit de manière discrète à la question du garçon, l'air interdite par une émotion que le brun eut du mal à traduire. Il recula sa main d'un centimètre et la laissa s'extirper du lit en retenant un soupire troublé. Avait-il été trop entreprenant la veille ? Sans pudeur il s'était donné entièrement à sa partenaire et s'il avait pensé aux suites de cet acte passionné, il ne s'attendait pas à ce que la demoiselle se renferme le lendemain matin, lorsque la tension serait redescendue. Navré, Nora évita d'établir le contact visuel lorsque Ain s'installa dans son bain, plutôt, il ramassa les quelques affaires traînant ci-et-là, ne s'habillant que partiellement avec le peignoir de la veille, attaché par la ceinture au niveau des hanches. Nocturne jeta plusieurs coups d'œil à son maître visiblement angoissé et approcha pour poser sa tête contre sa cuisse en lui faisant de grands yeux ronds. L'aventurier se pinça la lèvre et sans lâcher le tas d'affaire du regard, évita celui du familier, comme s'il avait peur qu'elle ne le perce à jour en plongeant ses iris félines dans les siennes. Nocturne était sûrement naïve, car très jeune, elle était aussi très sensible à n'en pas douter une seconde, cette empathie naturelle ne lui donnait aucune information sur les détails, mais bien sur le fait que quelque chose clochait dans la tête de son maître bien trop discret.

L'appel à l'ordre terminé, il ne restait rien de plus dans la pièce appartenant au duo de voyageur, seulement les victuailles de la veille à peine touché, car trop occupés à s'embrasser, ni Ain, ni Nora n'eurent le temps de se délecter de leur repas appétissant, maintenant froid. A défaut de pouvoir emporter grand-chose des restes de la veille, le jeune homme posa son regard sur la boîte de chocolats et chamallows bazardés sur une table basse. A cause, ou plutôt grâce à elle ils avaient pu se rapprocher, mais à quel prix ? L'air songeur, le brun s'arrêta juste avant de se saisir de la boîte, la fixant avec intensité. Voilà peut-être qu'il avait une occasion de mieux comprendre la réaction de son amie, une chance octroyée par Lucy elle-même car dès lors qu'elle lui fit don de ce pouvoir, il y a des années de cela, il obtenait la capacité d'explorer le passé pour mieux le comprendre. Une impulsion magique partie dans l'avant-bras droit de Nora et au contact du carton vernis, il sentit un courant inverse partant de ses ongles jusqu'à la pointe de ses cheveux. Il lui faudrait se concentrer pour récupérer ce souvenir et Ain lui annonça qu'elle partait devant, voici son occasion.

- "Je te rejoins sous peu, le temps de me laver."

Il attendit alors qu'elle sorte pour préparer son propre bain et disposa la boîte sur le rebord de la baignoire, la transportant dans un bout de tissu pour ne pas risquer d'en altérer le souvenir. Il se glissa ensuite dans l'eau chaude et après un soupire d'aise, il reporta son attention sur les confiseries, l'air angoissé. D'un geste lent et hésitant, il dirigea une nouvelle fois le bout de ses doigts vers l'emballage et sitôt a-t-il reçu le signal qu'il adressa un dernier regard vers la porte d'entrée avant de fouiller son propre souvenir.

Il était debout, mouillé, n'ayant prit le temps de se sécher en sortant du bain, il avançait nu vers son amie, la boîte en main. Ses sens étaient subtilement engourdis et si l'esprit lucide du Nora présent le sentait, le Nora du passé n'en avait qu'une vague idée malgré la sensation lui tenant chaud aux joues et au bas-ventre. Il approcha d'Ain jusqu'à pouvoir lui saisir le bras et lui offrir une confiserie. Son expression gênée et sa petite complainte laissèrent l'aventurier pensif, ainsi que son regard après le premier baiser lui fit se poser une bonne dizaine de question. Elle avait été prise au dépourvu, nul doute là-dessus et pourtant, si elle avait été emportée avec lui par le flot de passion, cela n'excluait pas qu'elle avait aussi son lot d'inquiétude. Les choses s'étaient-elles précipitées ? Lui-même avait-il manqué de tact ? Ou le problème était-il encore tout autre ? Torturé, l'aventurier quitta le souvenir au moment où son lui passé posa la boîte sur la table basse, en emmenant la belle brune sur leur lit pour la suite de l'étreinte dont il connaissait déjà les détails.

De retour dans le bain, Nora se mordit la lèvre. Un mélange d'inquiétude se tournant lentement vers l'anxiété naquit en son sein, comme redoutant d'avoir nuit à sa relation avec Ain en se laissant porter par la passion dévorante. Il termina rapidement son bain, se sécha, se rhabilla et s'apprêta à sortir une fois équipé de tout ses effets personnels. Un regard vers la boîte de chocolats, l'hésitation aux lèvres, il termina son mouvement en l'envoyant dans son sac avant de quitter le chalet. La neige tombait avec une lenteur captivante, laissant le brun s'échapper de sa tête pour aussi longtemps qu'il contemplait les flocons se poser sur la nappe blanche s'étendant jusqu'à perte de vue. Ain se trouvait là, sous le porche, accompagnée de Miel posté face à elle, tout deux étaient alors silencieux et gêné, Nora fut bref en explications pour ne pas se sentir de trop.

- "Je vais rendre les clés du chalet. Tu peux partir devant, afin de récupérer les montures."

Ainsi il n'attendit pas plus longtemps pour marquer le sentier enneigé en prenant de l'avance, songeur à ce qu'il pourrait dire à son amie à présent. Il ne voulait pour rien au monde créer de la distance avec elle, encore plus avec des sentiments grandissants à son égard. Malgré quoi, elle semblait elle aussi traîner son lot de questionnement et il valait peut-être mieux réfléchir un peu avant d'engager la conversation sur une mauvaise base. Nocturne, étrangement, ne suivit pas son maître et se posta à côté de Ain et Miel, balançant sa queue comme le bras d'un métronome, seulement bien plus souple. Elle tenta de capter l'attention du Solnar en lui donnant des coups de patte joueur et finalement, tourna la tête vers la maîtresse, laissant filer un petit miaulement en la fixant, comme si elle attendait quelque chose.

La halte du montagnard

Avec Nora Eos

La Halte du Montagnard

Ain L. Sunrick

En plusieurs foulées, le brun arriva aux portes du chalet principal. De rondins et planches empilés, il n'avait pas eu un aussi bon aperçu du détail architectural la veille, lorsque le soir et les journées plus courtes brouillaient son champ de vision. Néanmoins à la lumière du jour, la bâtisse faisait montre de finitions pour le moins remarquables, sans qu'une écharde ne dépasse, ni qu'un clou soit décalé du moindre centimètre. Il poussa la porte d'entrée, entra dans le similis de taverne servant aussi à la réception et trouva affairé derrière son comptoir Marel s'adressant à deux enfants. Une fillette de 12 ans environ et un garçon de quatre à six ans de moins.

- "Papa ! Je veux qu'on aille jouer dehors !"
- "Pas pendant le service, mon chou. On verra pour faire ça après manger."
- "Mais je veux jouer dans la neige ..."
- "Non, c'est non. Je t'ai dit après. Oh, si c'est pas le jeune homme d'hier soir ! Approches donc, n'ai crainte, les gamins te croqueront pas."

L'aventurier pencha la tête et malgré son anxiété, ne put faire autrement que d'esquisser un sourire. Les deux têtes d'anges pivotèrent vers lui, diable tourmenté et il tenta de se montrer amical pour ne pas rompre ce moment privilégié en famille.

- "Je viens rendre les cl-"

Il s'arrêta net. Tapota chacune de ses sacoches, la poche de son pantalon dans laquelle devait se trouver le sésame de leur nuit passée, aucune trace. Pourtant, il était absolument certain de l'avoir rangée dans ce même ourlet qu'il fouillait frénétiquement. Marel haussa un sourcil et soupira en pensant saisir la situation.

- "Tu l'as faite tombée en chemin ?" Interdit, Nora se pinça la lèvre en lançant un regard incertain à son interlocuteur. "Et bien ... t'as a bien choisi ton timing. Les enfants, vous vouliez aller jouer dehors ? Allez aider ce monsieur à retrouver la clé du chalet, c'est la numéro neuf."

Les yeux pleins d'étoiles, les deux bambins se hâtèrent vers l'extérieur et Nora, à la ramasse, lança un dernier regard vers le réceptionniste.

- "Je vous retrouve la retrouve rapidement, excusez-moi du désagrément."
- "Arf, te fais pas d'bile. Les petits voulaient faire un tour dehors, mais ils aiment pas y aller sans adulte, j'ai simplement profité de l'occasion."

Le brun hocha la tête. Toute aide serait la bienvenue et il se dirigea donc vers la sortie. A l'extérieur, la neige tombait en continue et bientôt, les traces de ses pas dans la neige s'estomperaient progressivement, ne laissant là où il avait foulé le sol qu'un vague renfoncement au milieu de la plaine glacée, un souvenir éphémère. Les deux petits se tournèrent donc vers Nora sitôt sortit et en sautillant sur place, lui posèrent plusieurs questions.

- "Dis monsieur, elle est où la clé ?"
- "Eh monsieur ! On peux jouer au chat ?"
- "Monsieur ! Je peux jouer avec ce chat-là ?"

Le plus petit pointa du doigt Nocturne qui, après avoir tenté de capter l'attention de Ain, avait finalement renoncé et était retournée tranquillement auprès de son maître. Elle lança d'ailleurs un regard inquiet à son père adoptif lorsque le plus jeune des bambins la désignait avec un regard excité.

- "Hum, elle n'aime pas les câlins, c'est mon familier. Vous feriez mieux de ne pas l'approcher."

- Papa a menti ! Nocturne adore les câlins ! Mais ... il fait peur le petit monsieur. Je veux que des câlins de Papa !
- Tu en auras autant que tu veux, mais pas maintenant. Rejoins Ain si tu veux être tranquille.

Un petit miaulement en guise de réponse et le cœurl s'en alla sur les pistes de l'aventurière. Pendant ce temps-là, le trio fraîchement formé s'occupa de retrouver cette fichue clé perdue dans la poudreuse et si à première vue, l'affaire n'aurait pas dû s'avérer vraiment difficile, ça l'était certainement plus qu'escompté. Après quelques minutes à retourner la neige en sens inverse du chalet, Nora soupira sans rien avoir trouvé. Il y avait là sur le côté du sentier initial plusieurs tas de neige et si le brun n'était pas immunisé au froid, ses mains rouges le lui firent sentir.

- "Ouais ! Un bonhomme de neige ! Super idée, monsieur !"

Et les enfants se mirent à pousser tous les tas de neige au même endroit pour commencer à élaborer les plans de la future création artistique. En ce faisant, ils dévoilaient d'autant plus le sol et si l'envie de participer à cette activité n'enchantait guère le chasseur, la démarche lui permettrait au moins de faciliter les recherches en stimulant l'esprit ludique des enfants. Il les aida donc à déplacer la neige au même endroit et le plus jeune du groupe tendit ses mains vers le tas pour produire un miracle. La neige entassée se mit à vibrer, se déplacer comme muée par sa propre volonté, jusqu'à finalement former un tronc stable, une sphère presque parfaite d'une quarantaine de centimètres en diamètre. Celle-ci fut surmontée par une seconde sphère un peu plus petite et finalement, une troisième encore plus maigre. La sculpture de presque un mètre de hauteur à qui il ne manquait plus qu'un visage se figea alors, la magie du petit la quitta.

- "Monsieur ! Je suis trop petit pour faire la tête ! Tu peux lui faire des yeux et un gros sourire ? S'il-te-plaîîît ?"

Le brun n'avait pas que ça à faire, mais si le garçonnet était plus loquace que sa sœur, les deux lui lancèrent un regard avec de grands yeux tout ronds, suppliants. Nora soupira et attrapa une poignée de petits cailloux noirs et les enfonça dans la neige compactée, dessinant un sourire et deux petits yeux sous les exclamations joyeuses de son publique. Le gamin s'emballa alors et sautilla de nouveau sur place.

- "Le nez ! Je veux lui mettre le nez ! Tu peux me porter monsieur ? Steuplait steuplait steuplait !"

Bien. Pourquoi pas, tant qu'on y est ? Puis s'il pouvait arriver à convaincre le petit de l'aider, avec son pouvoir lui permettant de déplacer la neige, il arriverait peut-être à temps auprès d'Ain qui devrait bientôt avoir terminé de préparer les montures. Il souleva alors l'enfant par-dessous les aisselles et le positionna face au visage de la sculpture où il y planta un nez pour le moins ... singulier.

- "Nicola ! Où as-tu trouvé ça ?"
- "Qu'est-ce que tu racontes, Mia ? C'est le nez du bonhomme !"

La vue obstruée par le petit corps qu'il soulevait, Nora le posa sur le côté et contempla l'œuvre qu'ils avaient conçus à trois : un bonhomme de neige dont le nez était fait d'acier dentelé. A vrai dire, c'était plutôt une tige d'acier, munie d'un panneton à son extrémité. La clé numéro neuf que l'aventurier cherchait.

- "Je l'ai trouvée et ... je me suis dis que ... ça ferait un très bon nez pour monsieur Neige ... vous êtes fâché contre moi, monsieur ?"

La culpabilité semblait envahir le gamin et Nora posa une main rassurante sur sa tête. Au moins, ils avaient trouvé ce qu'ils cherchaient. Il caressa alors sa tignasse blonde avec un sourire amical.

- "Voyons, pourquoi je serais fâché ? Tu as trouvé la clé, c'est même super de ta part ! Je te remercie, Nicola."

Son visage s'illumina soudainement, comme si l'orage avait été chassé par si peu de mots. Mia, elle, s'était rapprochée de son frère et avait pris sa main.

- "Il faut rentrer maintenant ! Sinon papa va se mettre en colère."

Nicola hocha la tête et sitôt construite, la sculpture de neige fut altérée lorsque Mia attrapa la clé pour l'emmener avec elle. Bien plus à l'aise pour exprimer sa pensée que son cadet, elle se tourna une dernière fois vers Nora en se dirigeant vers l'entrée du chalet principal.

- "Merci de nous avoir accompagné, monsieur. Je vais rendre la clé à mon père."
- "Passez lui mes salutations."
- "Je le ferais, vous concernant ... n'ayez crainte. Elle ne vous déteste pas."

Sur ces mots-là, elle disparut à l'intérieur en laissant Nora bouche bée. Cette dernière observation semblait extrêmement pertinente avec la situation dans laquelle il se trouvait et s'il voulut se dire que ce n'était sûrement qu'une coïncidence, il n'en avait aucune preuve. Cette fillette possédait-elle un don de voyance ou quelque chose du genre ? Troublé, l'aventurier s'en retourna vers le reste de son expédition et y retrouva les familiers et Ain, qui s'excusa de ne pas encore avoir préparé les montures.

- "Ne t'en fais pas, laisses moi t'aider."

Sa mine était nettement moins déconfite, par rapport au moment où ils s'étaient quittés. Il lui offrit un sourire affable et s'approcha des boxes pour lui porter main forte, comme porté par une grâce occulte l'ayant délesté d'une partie de son angoisse. En un rien de temps, ils furent parés à reprendre la route et Nora enfourcha son cheval, adressant un regard à son amie en le faisant trotter de quelques pas en avant.

- "Sommes-nous partis ?"