Cela faisait quelques jours que je n'osais plus lui parler, j'avais été tellement insupportable au début de notre trajet que j'avais peur de la réaction de Valvran, mais je ne voulais pas non plus le quitter, ni m'excuser d'ailleurs, il n'aurait pas dû quitter le dispensaire.
Il ne boitait presque plus, mais il avait gardé son bandage et son attelle sûrement plus pour me faire plaisir que par utilité, j'étais presque sûr qu'il n'en avait plus besoin. Heureusement qu'il avait encore du mal à marcher, car il aurait bien pu me semer. Seule dans ces contrées, je n'aurais sûrement pas survécut bien longtemps et j'étais de plus complètement perdu.
Un jappement joyeux suivis d'un bruit de course se fit entendre, les aboiements se rapprochaient distinctement. Mon instinct me disait d'escalader au plus vite un arbre, un chien était en train de me foncer dessus, s'arrêtant à mes pieds, sa queue frétillait joyeusement alors qu'il me tournait autour et tandis que je m'apprêtais à lui grattouiller la tête, je le reconnus : YamiIl me léchât les mains comme pour me demander de continuer, alors qu'interloquée mon attention c'était reportée sur le buisson d'où il était sorti. Des bruits de pas se firent entendre et une silhouette atypique et reconnaissable entre mille venait de faire son apparition
Niraen!
Je n'eus même pas le réflexe de me demander ce qu'il faisait là, que trop heureuse de revoir un visage amical, persuadée que Val voulait perdre dans cette partie de la forêt. Je me jetais au cou du druide, oubliant complètement la présence du jeune homme à proximité.
Derrière, Aube suivait toujours, désormais muette, ce qui l’intriguait au plus haut point. Elle ne cherchait plus à le faire stopper à mi-journée, ne regardait plus le pansement… En bref, lui fichait une paix royale.
Cette fille le surprenait, et malgré lui il se posait des tas de questions… De temps en temps, il lui jetait un regard à la dérobée. D’abord elle suivait. Quand il pensait « suivre » c’était vaillamment, pas comme une petite princesse des villes en rouspétant et râlant que ses chaussures seraient abimées ou que ses cheveux étaient décoiffés par le vent ! Ensuite, elle changeait d’humeur comme… il réfléchit, comme… la lumière derrière les nuages !
Tantôt sèche, volubile, déplaisante, charmeuse, adorable, exécrable. Il dut bien s’avouer qu’il n’avait pas la moindre expérience en femme, peut être étaient-elles toutes comme ça ? Celle-là en tout cas l’avait soigné, certes en l’enguirlandant plus que de raison mais sans rechigner.
Et puis son aptitude à marcher des journées entières, sans faiblir, sans le ralentir, sans geindre, ça, ça la faisait remonter dans son estime.
Comme elle n’avait rien demandé, il n’avait rien dit de la destination. En fait, il allait au nord, il voulait retrouver son refuge d’enfant, celui où le vieux Frère l’avait emmené, soigné, instruit du mieux qu’il pouvait quand il avait foncé droit devant lui après… enfin, c’était le passé.
Chemin faisant, il vit la faune changer, et aperçut même ce qui lui parut être un magnifique floki, loin et de façon furtive. Craignant une réaction exagérée de sa compagne, il se garda bien de le lui signaler !
Tout à ses réflexions et au plaisir de retrouver un environnement sauvage, il se laissa surprendre par le gros chien et eut la stupéfaction de le voir faire la fête à Aube.
L’entendant crier, il resta bouche bée devant l’arrivant !
N’ayant jamais vu d’hybride Valravn porta la main à sa dague, sur la défensive, et son regard méfiant allait du chien à Aube et d’Aube à … Niraen ?
- C’est qui lui ?!
Il se rendit compte qu’il avait presque crié. Regardant Aube et Niraen il restait bâton en main et dague à portée. Pour comble de malheur, l’étrange type semblait parfaitement se maîtriser, et aucun dragon ne venait renseigner Valravn sur sa nature profonde.
Essayant de se contrôler et de ne pas céder à la panique face à l’aspect incroyable du gars, il répéta d’une voix moins aigüe :
- C’est qui ? Tu savais qu’il serait là ? Depuis le début ?
Il n’était pas loin de se sentir manipulé et dû respirer lentement et calmement pour faire baisser la pression… En lui-même, furieux, il s’enjoignit à plus de maturité ! Comment l'aurait-elle su alors qu'il ne lui communiquait pas la route suivie ? Le corbeau lui ne paraissait pas du tout effrayé et du haut de la branche sur laquelle il s’était posé, regardait l’hybride avec intérêt.
Aujourd'hui, comme souvent, il ne se déplaçait pas totalement au hasard. Ses pas le menaient vers les sapins ornant le flanc des montagnes. Mais sans doute que là où il se rendait, il n'y aurait plus de sapins du tout, ou si peu!
Sans surprise, il n'était pas tout seul! Yami l'accompagnait, bien sûr! Parce que deux nez valent mieux qu'un, d'autant que même avec son amélioration, le flair du suiky reste meilleur que celui de l'hybride, alors autant en profiter! Talja commence aussi doucement à suivre sur ses propres pattes, mais Zemir est aussi de la partie, avec plusieurs affaires et tout ce qu'il faut sur son dos pour accueillir dans le confort la petite catosor si elle était trop fatiguée pour marcher. Par rapport au poids que le rapidodo devrait porter si c'était Niraen sur son dos - avec les bagages - c'était une promenade de santé! Mais ça, Zemir n'en avait pas forcément conscience, au final le druide l'avait extrêmement peu chevauché. La marche, ça lui allait beaucoup mieux que d'être trimballé par une autre bestiole, fut-elle plus rapide à pied que lui! Du moment qu'il n'avait plus de bagages qui lui écrasaient les ailes, ça lui allait très bien!
Il avait un peu hésité à ramener toute la ménagerie avec lui, vu que leur destination était en montagne. Les rapidodos n'étaient pas les plus adaptés à ce climat, d'autant qu'il commençait à faire froid. Mais c'était une expédition de plusieurs jours, alors autant s'équiper en conséquence! Et son investissement dans un petit sac sans fond s'avérait bien utile aussi, pour réduire un peu le poids et l'encombrement. C'était un sac de la taille de sa besace habituelle, mais c'était toujours ça!
Ils avaient déjà bien avancé, les arbres de basse et moyenne altitude commençaient déjà peu à peu à laisser la place aux conifères. Yami ouvrait la marche, pour l'instant suivit de Talja qui, après avoir finit sa nuit sur le dos de Zemir, avait finit par descendre pour découvrir les environs d'elle-même. Le groupe avançait tranquillement, pas pressé. Enfin, tranquillement... Pour les animaux, c'était un rythme tranquille, les deux jeunes étaient plein d'énergie et le rapidodo avait une sacrée allonge. Pour le druide, le rythme était soutenu, mais c'était son rythme de marche normal. Et il était seul, personne à attendre, donc il pouvait se le permettre!
Bref, un début de trajet classique, jusqu'à ce que Yami ne s'arrête brusquement avant de courir dans une direction, jappant joyeusement.
- Yami!
Heureusement, Talja ne l'avait pas suivit, tout aussi surprise par la brusque course du chien. Le druide l'incita mentalement à rester près de Zemir, qui suivait tranquillement, avant de suivre la direction prise par Yami. Il n'avait pas dérivé du chemin, mais ça tournait, et de là où il était, le dresseur ne voyait ni n'entendait rien de bien utile. Le sens du vent n'était plus en sa faveur, mais vu la réaction du suiky, il doutait que quoi que se soit de dangereux ne les attende. Au contraire, c'était sûrement quelqu'un de connu à en juger par sa réaction, mais s'était arrivé si rarement qu'il ne s'y attendait pas, surtout en pleine montagne!
Au détour d'un sentier, il comprit vite : Aube se trouvait plus loin, une jeune fille rencontrée il n'y a pas si longtemps que ça à la capitale. Yami était pourtant plutôt distant et méfiant vis à vis d'elle à la fin de leur rencontre, mais ce chien n'était pas rancunier... Ou alors il avait la mémoire sélective, en l'état c'était un peu difficile de savoir! L'hybride eu à peine le temps de commencer à saluer Aube et l'inconnu qui l'accompagnait qu'elle lui sautait au cou, visiblement toujours aussi démonstrative.
Hé bien... Visiblement, Yami n'avait pas oublié Aube, mais Aube non plus n'avait pas oublié Niraen!
L'hybride agita les oreilles, gêné, sa queue remuant doucement derrière lui. Ses bois n'étaient pas aussi grands qu'en plein été, mais restaient visibles, avec leur petite ramification, et lorsqu'Aube le libéra de son étreinte, il se retourna un peu pour s'assurer que le rapidodo bleu et la petite catosor suivaient bien, laissant entrevoir ses ailes aussi rousses que ses oreilles et sa queue. Certes, il avait la télépathie avec eux, et Zemir était plutôt bruyant, mais Talja perdait de plus en plus la maladresse des chatons, même alors qu'elle était toujours plus petite que Yami. Sans doute une habitude à force de jouer à chasser de petits animaux...
Autant, malgré son caractère très changeant, Niraen gardait plutôt un bon souvenir d'Aube, se souvenant de sa gentillesse, avec le cadeau qu'elle lui avait fait dès leur rencontre en lui donnant exactement l'ingrédient dont il avait besoin!
Autant, pour l'homme qui l'accompagnait, la première impression générale était bien moins bonne. Le regard de Niraen fut naturellement attiré par le corbeau l'accompagnant, ce qui causa naturellement une adaptation du langage corporel de l'hybride à son égard, comme un bonjour animal, mais il reporta rapidement son attention sur l'inconnu en le voyant mettre la main à sa dague, visiblement sur la défensive.
Sa question le fit plaquer les oreilles en arrière, non pas en signe d'agressivité, mais juste à cause du son trop fort. Talja, elle, s'était déjà réfugiée derrière les pattes de Zemir, intimidée, et Yami commençait à perdre ses attitudes joyeuses et joueuses pour tourner la tête d'incompréhension devant le comportement inattendu de l'inconnu, surtout devant des retrouvailles aussi joyeuses! Heureusement que ce chien ne se hérissait pas au moindre danger, au moins ça ne rajoutait pas de l'huile sur le feu!
Les rapides regards aux différentes parties de son anatomie venant de façon évidente de son hybridation eurent vite fait de lui faire comprendre l'origine du problème.
Ah.
C'est vrai que les gens présentant des hybridations n'étaient pas les plus courants en Aryon, et vu l'apparence du gars, il ne devait pas aller en ville souvent! Ses guenilles ne devaient pas bien le protéger du froid, son hygiène avait l'air assez déplorable, et en plus il était blessé. Mais visiblement, il n'était pas sans défense pour autant! Heureusement, il semblait plus sur la défensive qu'agressif, aussi Niraen jugea plus prudent de laisser ses mains loin des armes qu'il portait lui-même, à savoir deux dagues dont l'une visible par l'inconnu.
Malgré son désir de faire preuve de patience et de sang froid, le druide ne put retenir un soupir agacé devant la réaction clairement disproportionnée, avant de répondre.
- C'est la première fois que tu rencontres un hybride? Tu sais que tout le monde a des pouvoirs sur Aryon, c'est pas parce que je suis hybride kaetsu que je vais essayer de te manger.
Autant dire clairement son animal d'hybridation, car tout le monde ne s'en rendait pas compte, surtout les gens connaissant peu la faune, et ça l'apaiserait peut-être. Si l'inconnu n'était pas autant sur la défensive, le dresseur aurait pu s'approcher pour tendre une main amicale, mais il n'avait pas envie que cela ne l'affole encore plus. Si c'était son apparence qui l'effrayait, autant rester à distance pour le moment, il n'avait pas envie de s'imposer.
- Je m'appelle Niraen Thrani, et il se trouve juste que j'ai déjà rencontré Aube lors d'un passage à la capitale. Et vous?
De toute évidence, leurs rapports ne devaient pas être les meilleurs du monde, sinon il n'aurait pas réagit comme ça, l'air de penser que la jeune fille l'avait trahit ou un truc comme ça! Ou alors c'était une forme très poussée de jalousie, mais son odorat et son instinct lui soufflaient le contraire.
Niraen me semblait maintenant beaucoup plus menaçant maintenant. Ne m'avait-il pas dit qu'il communiquait avec ses animaux? Avait-il utiliser Yami pour me piéger? Allait-il nous donner en pâture à ses animaux ? Est-ce que les hybrides mangeaient des êtres humains? Ou est-ce une tradition druidique? J'avais essayé de me renseigner à la bibliothèque à propos de leurs traditions, mais il n'y avait aucune information à ce sujet.
Effrayée par ces idées noires Valravn me parut d'un coup bien plus sympathique, mais voilà que le jeune homme pensait que je l'avais guidé jusque là. Que va t-il penser de moi maintenant ? Il va peux être même croire que je ne l'ai soignée que pour ça. Est-ce que Niraen m'écouterait si je le lui demandais ? Accepterait-il d'épargner Val ? Et moi ?
Terrorisée par ces pensées macabres, j'éclatais en sanglots, me jetant une nouvelle fois sur le druide, répétant d'une voix suppliante :
Ne nous mange pas !
Ne nous mange pas !
Ne nous mange pas !
...
Valravn du coup éloigna sa main gauche de la garde de la dague et tenta de se détendre. Un kaetsu ? Il dévisagea l’homme, enfin, l’être ? « Niraen » avait dit Aube ?
Son pouls commençait à ralentir quand Aube justement se mit à paniquer.
Ne nous mange pas !
Ne nous mange pas !
Ne nous mange pas !
Il fit un bond en arrière, reportant sa main à son arme, croyant qu’elle avait surpris un geste agressif de l’autre.
Mais non, il paraissait parfaitement calme malgré les cris de la fille qui s’agrippait à lui, le trempant de larmes, et n’affichait qu’une surprise immense. Toutefois, l’épisode avait dû le toucher plus qu’il ne le montrait car Valravn vit se matérialiser…
Euh… Rien !
Une étrange aura translucide apparut à côté de Niraen, on distinguait vaguement des ailes et une queue qui auraient pu aussi bien être une copie de celles de l’hybride. De petites cornes surmontaient l’édifice à peine visible. Seul Valravn savait que c’était le dragon… Décidément, les sangs mêlés avaient leurs secrets qui ne lui étaient pas dévoilés.
Lâchant totalement son arme il fit un pas en avant pour tenter d’apaiser la soigneuse, le dragon à peine formé ne l’avait même pas fatigué et comme il était d’une clarté immaculée, le type devait donc être fiable.
Regardant le druide, il fit un geste navré et prononça :
· On m’appelle Valravn Wraith, désolé, je ne voulais pas…
Il baissa la tête.
Et il était accompagné d'un corbeau, car c'était forcément lui que le corbeau suivait. Aube n'avait aucun animal quand il l'avait vue, et même à cette distance, Niraen pouvait sentir la légère odeur du volatile sur lui.
Ok, qu'un animal daigne vous suivre n'était pas gage que vous étiez quelqu'un de bien, il est vrai. Mais le corbeau n'était pas un familier, ni un animal de compagnie classique, et il avait l'air en très bonne santé, donc ça restait bon signe. Le druide remarquait très vite quand un animal n'était pas en bonne santé ou si la relation le liant à son maître n'était pas bonne, et du peu qu'il avait vu jusqu'à maintenant, ça semblait être le cas. Cela ne faisait pas du type quelqu'un de très compétent pour interagir avec des humains, surtout à en juger sa dégaine, et le langage corporel des oiseaux était trop différent de celui de mammifères plus classiques pour que la communication de Niraen via les mouvements de ses oreilles et sa queue soit forcément très utile ici, mais qui sait! En théorie ça pouvait toujours aider.
En tout cas, le corbeau réagissait bien à son langage non verbal. C'étaient des animaux intelligents, il devait bien savoir comment communiquaient les autres bestioles autour de lui, même sans avoir lui même d'oreilles mobiles, ni même visibles d'ailleurs!
C'est visiblement grâce à ça que l'inconnu commença à se calmer à son tour, écartant sa main de son arme. Bon, c'était un petit coup de flippe initial, rien qui ne devrait pas se régler avec un peu de calme et d'explications! C'est pas super comme première rencontre mais ça devrait finir par s'arrang...
Argh. Mes oreilles!
Plus inquiet par la potentielle agressivité de l'inconnu - après tout, il semblait simplement sur la défensive, mais il pouvait facilement mal interpréter un geste même en faisant attention et se dire que l'attaque valait mieux que la fuite, auquel cas il ne ferait peut-être pas trop attention à Aube à proximité et il aurait tout intérêt à réagir vite - aussi il n'avait pas vraiment fait attention à la réaction de la jeune fille, qui du coin de l’œil avait l'air un peu surprise et indécise. Elle n'y croyait quand même pas? Enfin, en théorie elle n'était pas une menace dans l'immédiat... Jusqu'à prouver le contraire à ses oreilles, éclatant en sanglot avant de se jeter à nouveau sur lui, le secouant comme une poupée en répétant inlassablement la même phrase.
Mais... Que... Quoi?!
Il avait déjà expérimenté les sautes d'humeur d'Aube. Il se doutait qu'elle n'avait pas changé cet aspect de sa personnalité depuis la dernière fois qu'il l'avait vue, que ça avait l'air d'être une partie intégrante d'elle-même au vu de sa réaction quand il l'avait interrogé à ce sujet. Mais ça... Non, vraiment, il ne s'y attendait pas. Il aurait plus cru qu'elle ferait le coup sur l'inconnu, lui demandant de se calmer, mais ça...
Non, vraiment, il allait finir par regretter que Yami ne les ai pas remarqué et ai juste continué son chemin sans les voir! Lui que Lucy semblait pourtant avoir à la bonne en temps normal, avait-il fait quelque chose justifiant de perdre sa bonne étoile?
En tout cas, évidemment, l'autre mec revint vite sur la défensive, heureusement toujours sans dégainer, et pour une fois, Niraen était trop perdu pour comprendre ce qui se passait. Comprenant le danger que pouvait représenter la situation, Zemir proposa avec tout le calme du monde de foncer sur les deux humains à problème, mais le druide eu vite fait de l'en dissuader. C'était vraiment la dernière chose dont ils avaient besoin! Heureusement, Talja était toujours planquée derrière le rapidodo, ayant trouvé refuge sur son dos, et Yami faisait des allers et retours entre tout le monde, quémandant sans succès des caresses à Aube et n'osant pas encore trop approcher de l'autre personne qu'il ne connaissait pas.
L'hybride commença à tapoter l'épaule d'Aube, cherchant quoi dire pour l'apaiser elle et convaincre aussi le type avec elle que tout ça était un énorme malentendu. Comment elle en était venue à le supplier de ne pas le manger au juste? Quand même pas à cause de ce qu'il avait dit plus tôt? Il avait justement précisé ne PAS manger les gens!
Puis il se passa quelque chose de curieux. Le regard de l'autre homme sembla se porter sur le vide, un peu à côté de Niraen. Il parut surpris, puis se calma de lui-même, s'excusant même avant de se présenter.
Oh, ça... Si c'était pas un pouvoir, il se demandait bien ce que c'était! Enfin, du moment que ça jouait en sa faveur, il n'allait pas s'en plaindre. En tout cas, la principale menace potentielle désormais calmée, il pouvait se concentrer sur la madeleine qui trempait actuellement le devant de ses vêtements, quoique le début pouvait aussi s'adresser à Valravn.
- Ça va aller, calme toi. J'ai pas dis que j'allais manger qui que se soit, justement! Si tu avais bien tout écouté jusqu'au bout, je disais que les hybrides ne mangeaient pas les gens. Pas moi en tout cas.
Il en profita pour s'écarter un peu, laissant Aube se remettre de ses émotions et jetant un coup d'oeil du côté de ses familiers. Son lien mental indiquait que le duo de montures n'avait pas trop bougé. Yami, lui, s'était carrément désintéressé de la scène et avait commencer à s'amuser avec un bâton en guise de jouet... Ok, heureusement qu'il n'avait pas répondu à la méfiance de Valravn par de l'agressivité, mais de là à ignorer complètement ce qui se passait... Niraen ne savait pas s'il devait s'en amuser ou s'en inquiéter! Mais c'est vrai que le chien n'avait jamais eu affaire à des humains réellement agressifs, ce qui n'était pas plus mal, donc il ne pouvait pas vraiment lui en vouloir de réagir différemment par rapport à quand ils croisaient des animaux sauvages dangereux.
- Est-ce que tous les malentendus sont dissipés ou il faut encore que je montre patte blanche? Je ne sais pas ce que vous faites ici, mais si ma présence vous gêne on peut chacun retourner vaquer à ses occupations, ça sera peut-être plus simple...
Il n'allait pas s'imposer si sa présence gênait, et honnêtement, vu son objectif du jour, il n'avait pas vraiment envie de perdre trop de temps ici à s'expliquer avec un inconnu et une pas si connue. D'autant que de toute façon, ils n'allaient sûrement pas dans la même direction que lui, alors autant ne pas trop s'attarder dans tous les cas. Il aurait pu en profiter pour faire une petite pause et discuter, mais hé, être sociable c'était aussi savoir quand sa présence est de trop, et autant il n'avait pas donné de raison aux deux autres de réagir ainsi, autant lui en avait une bonne pour chacun de ne pas trop traîner!
C'est vrai ?
Alors qu'il acquiesçait, je me souvins d'avoir lu dans les livres que les kaetsus étaient de paisibles créatures. Comment j'avais pu croire qu'il voudrait nous manger ?
Malgré mes yeux embué de larmes, je retrouvais très vite ma joie de revoir Niraen.
Enthousiaste, je montrais à l'hybride que sa leçon avait porté ses fruits en désignant le bandage que Val avait au bras, me désintéressant de lui tout aussi vite.
Calmée, toute guillerette je lui pris la main. Peut-être allait-il chez lui, peut-être avait-il plus d'animaux, peut-être qu'il pourrait me les présenter. Toute existée je le tirais l'incitant à continuer son chemin sans même savoir où il allait
Les seuls à, peut-être, s’en rendre compte restèrent donc les animaux, du moins son corbeau à qui il prêtait sans doute des pensées exagérées, mais qui comme souvent paraissait se gausser…
Laissant le couple à ses retrouvailles, il leur emboîta toutefois le pas, se demandant un court instant pourquoi il le faisait. Tendant le bras dans un geste habituel, il invita l’oiseau à se percher sur son épaule, et lui murmura :
- Tu devrais savoir toi où on peut trouver un feupagnol… Après tout, les corbeaux chassent parfois…
Il marqua un arrêt, regardant si le volatile écoutait et paraissait comprendre, mais le corbeau se laissait balader en lui picorant les cheveux, comme il le faisait si fréquemment. Valravn continua à voix basse, mais son timbre grave et le silence alentour rendait ses paroles parfaitement audibles pour qui se donnerait la peine d’écouter un peu…
- Qu’est-ce que tu crois ? Qu’il te remplacerait ? Mais non, toi tu es toi, on se connaît depuis si longtemps. C’est mignon un feupagnol, ça ne mange pas beaucoup, c’est affectueux. Toi, parfois je me demande si je ne suis pas juste un perchoir…
Tout en parlant, il regardait le ciel qui s’obscurcissait, non pas en raison de l’heure, il était trop tôt de beaucoup, mais parce que le froid s’accentuait et que le vent se levait. L’altitude ne suffisait pas à l’expliquer, de gros nuages denses couleur de suie s’amoncelaient, et bientôt les premiers flocons, épars, se mirent à danser dans l’air.
Le vagabond s’emmitoufla mieux dans sa cape, remerciant Lucy et surtout les esprits de la nature, d’avoir permis qu’il s’équipe d’un tissu anti-climat pour remplacer la guenille qu’il avait usée jusqu’à la corde. Toutefois, il n’en était pas moins une fois encore dehors sous la neige, pieds nus, et le ventre vide.
Il jeta un coup d’œil à ses deux compagnons, se disant que l’un et l’autre étaient correctement vêtus, et puis pour l’instant, les flocons étaient plus jolis que gênants, restait à savoir s’ils auraient le temps de recouvrir le sol, ce qui semblait assez probable vue l’abondance de nuages. Comme pour lui donner raison, leur chute s’accentua, le vent les rabattant dans ses yeux et sur son visage.
Revenant au corbeau qui remuait les ailes pour en chasser la neige, il reprit sa conversation, enfin, son soliloque…
- Tu sais, un feupagnol, non seulement ça donne plus d’amour que sa taille pourrait le laisser deviner, mais ça a plein d’avantages… Par exemple, ça doit pouvoir allumer un feu ? Et faire griller des marrons ? et puis la fourrure c’est doux, même si l’animal est tout petit… Reste à savoir comment on trouve un œuf, c’est tout petit un œuf, et ça n’est sans doute pas la saison…
Il avait les yeux brillants d’un enfant en train d’envisager l’arrivée d’un chaton au foyer et ne paraissait pas remarquer l’absence totale d’intérêt du volatile pour ce qu’il lui disait. Le corbeau d’ailleurs, ayant étiré ses ailes une fois de plus, pris son envol en croassant brièvement, et montant haut dans le ciel commença à chercher son repas.
Devant, Aube et Niraen ne lui accordaient aucune attention, il secoua la tête comme pour chasser des pensées puériles et fit mentalement l’inventaire de ce qu’il avait dans son sac…
La conclusion le rappela à la réalité, haussant la voix il dit à l’attention des deux autres :
- Je vais chercher des baies et des champignons avant que la neige recouvre tout ! Et du bois aussi ? ou savez-vous où trouver un abri pour ce soir ?
Il envisagea de chasser, mais la faim était parfaitement supportable, point n’était besoin de priver de vie une créature animale… Sans un regard pour les autres il s’écarta du groupe, le nez en l’air pour tenter de repérer une odeur comestible… Il se souvenait avoir vu courir sur un mur écroulé un ou deux pieds de vignes à bulles rabougris, mais cherchait surtout des baies de lucols bleues généralement communes à cette saison. Quelques champignons puddings auraient été bienvenus aussi, mais il n’était pas certain d’en ramasser dans des forêts de montagne. S’il trouvait des herbes médicinales, il pourrait aussi les cueillir et les proposer à la vente.
Se souvenant qu’Aube était médecin, il se rembrunit un peu, s’il lui montrait elle les réclamerait sans doute et il se voyait mal lui refuser, après tout, elle l’avait soigné sans rien demander. Haussant les épaules il se dit qu’il trouverait bien un autre moyen d’acquérir les denrées qu’on ne pouvait trouver dans la nature et eut honte de son égoïsme…
Se secouant, il marqua une dernière pause et se tourna résolument vers la forêt, sans attendre de réaction.
Bien que concentré sur la réaction d'Aube, il se tourna vers Valravn pour voir le bandage qu'Aube lui désignait, mais avant d'avoir pu s'y intéresser d'avantage - non pas qu'il doute des capacités de soin de sa collègue, mais il était curieux de comment c'était arrivé, et venait de réaliser à nouveau que le garçon en guenilles était pieds nus en plus de ça. Il ne doutait pas que certaines personnes pouvaient marcher pieds nus en permanence, il le faisait souvent aussi... Mais en été. Et s'il ne s'était pas trompé, son pouvoir n'avait rien à voir, donc... Est-ce que c'était bien normal?
Mais il ne put poser aucune de ces questions qu'Aube lui prit la main et commença à le traîner, continuant dans la direction approximative où, logiquement, Niraen aurait continué son chemin s'il ne s'était pas arrêté pour leur parler. Tout cela ne lui disait toujours pas où eux allaient, mais sans doute que c'était la bonne direction pour eux aussi et que vu d'où ils venaient, elle avait supposé que c'était sa destination aussi... Enfin, si elle avait réfléchit aussi loin, vu sa saute d'humeur, il n'en était même pas sûr! Vu son attitude, à le traîner quelque part sans demander son avis, il aurait bien retourné leur malentendu initial contre eux, mais il doutait qu'ils apprécient l'ironie, et ça risquait surtout de repartir n'importe comment, alors... Autant éviter!
D'autant que la jeune fille semblait à nouveau toute joyeuse, parlant de choses et d'autres, sans laisser le temps à Niraen de faire connaissance à Valravn. Vu la tête qu'avait tirée le jeune homme tout à l'heure, lui non plus ne devait pas être très habitué de son caractère... Particulier. Ou alors c'est juste que même en la connaissant, ça surprenait toujours, ça lui paraissait être une possibilité tout à fait probable! Mais il ne la vérifierait pas dans l'immédiat.
Il gardait quand même une oreille aux alentours, par principe de prudence, et il surpris ainsi sans trop de difficultés les questions posées par Valraven au corbeau. Le corbeau n'était pas un familier, il avait donc peu de chances de répondre, mais si Aube ne l'avait pas tiré à nouveau en avant à cet instant, il se serait sûrement retourné pour lui répondre. Mais Aube ne semblait pas décidée à le lâcher, dans tous les sens du terme. Même ses familiers semblaient surpris en les suivant. Zemir marchait à quelques pas de distance, Talja sur son dos. Yami, en revanche, courait entre tout le monde, visiblement très heureux qu'il n'y ai plus de disputes, allant parfois faire un tour sur le bord du chemin avant de rapidement revenir quémander des caresses chez l'un ou l'autre des humains présents.
Le trajet était assez... Particulier. La discussion d'Aube et Niraen n'en était pas vraiment une, cela ressemblait plutôt à Aube qui monologuait, demandant confirmation à l'hybride plus qu'elle ne lui posait de réelle question et restant en tête la plupart du temps. C'était... Un peu bizarre aux yeux du druide, mais il ne savait pas vraiment comment la couper dans son élan sans qu'elle ne risque une nouvelle saute d'humeur.
Heureusement, la question de Valravn vint à point nommé! Se retournant, le dresseur en profita pour lâcher la main d'Aube avant de répondre, hésitant :
- Hé bien, je ne sais pas où vous allez, mais pour ma part je vais continuer plus haut dans les montagnes, donc autant ramasser du bois là où je m'arrêterais, il devrait y avoir le nécessaire là bas aussi! Pour la nourriture... C'est vrai que le froid peut abîmer des choses, donc on peut faire une récolte rapide.. Enfin, si vous voulez qu'on continue de voyager ensemble bien sûr!
Après tout, Niraen avait prit de quoi grignoter dans sa besace qu'il avait à portée de main, et aussi de quoi tenir quelques repas, mais il devrait sans doute trouver sa propre nourriture à quelques occasions sur le chemin, et il n'était pas pressé, donc la suggestion de Valravn était loin d'être idiote. Il y a peu, il était plutôt en train de trépigner d'impatience devant son projet, mais à leur manière, le duo l'avait pas mal distrait et douché... Et pas sûr que ce soit pour le mieux!
Se tournant vers Aube, il demanda :
- Et toi, ça va? Tu as de quoi manger?
Non parce qu'il voulait bien partager ce qu'il avait, aucun soucis, mais entre lui et ses familiers, ça partait déjà vite, alors pour trois humains au lieu d'un seul, autant dire que ça risquait de ne pas faire long feu!
Niraen ne vit pas Valravn se rembrunir, mais il le vit du coin de l’œil s'enfoncer dans la forêt, de façon un peu trop décidée, l'incitant à marcher un peu à sa suite en l'incitant à attendre un peu. Certes, ils seraient plus efficaces en se séparant, et lui devrait pouvoir à peu près se débrouiller pour les retrouver grâce à ses sens, mais s'ils s'éloignaient trop, même pour lui ça pouvait devenir délicat. Il n'eut cependant que peu de temps de développer tout ça car à peine avait-il fait un pas dans sa direction qu'il se prit dans une branche et s'étala au sol, sa chute heureusement amortie par le tapis de neige déjà présent. Yami se précipita aussitôt, plus pour le léchouiller que par inquiétude, et Niraen émit un grognement avant de rouler sur le dos dans la neige pour se relever. Talja était descendue du dos de Zemir et semblait s'en donner à cœur joie elle aussi. Le druide se releva et s'épousseta avec un sourire gêné en direction d'Aube.
- Hum, c'était gênant... On peut faire comme si t'avais rien vu?
Disons que d'habitude, il faisait attention où il marchait, et surtout il avait un peu plus de réflexes et d'équilibre que ça! Enfin, en attendant, autant eux aussi faire quelques récoltes avant de reprendre leur route. Mais après, il faudrait quand même qu'il s'y remette sérieusement, il n'avait pas beaucoup avancé depuis qu'il les avait croisés. Certes, sa seule urgence était son impatience, mais quand même...
Regardant dans toutes les directions pour trouver Val afin de lui en envoyer une pour le convier au jeu, je m'aperçus qu'il n'était plus là. Depuis quand avait-il disparut ? M'avait-il laissé seule avec le druide ? N'aurait-il pas pu me dire au revoir ? Pourquoi était-il parti ? Était-il jaloux du druide ? Peut-être, c'était-il tout simplement perdu ! Oui ça devait être ça ! Inquiète j'essayais de l'appeler.
Valravn ?
VALRAVN ?
J'avais beau m'époumoner, aucune réponse ne me parvenais. Peut-être s'était-il blessé, peux-être pouvait-il pas nous entendre, il allait sûrement mourir de froid ici et tout ça à cause moi. Je revins penaude vers Niraen, des larmes se mettant à perler sur mon visage. Je me jetais une nouvelle fois dans ses bras, me lamentant et trempant encore une fois ses vêtements de mes larmes.
On l'a perdu ! C'est ma faute !
J'ai été stupide, méchante et maintenant, il va mourir seul dans le froid.
à cause de moi !
Rouge de colère contre moi-même, je m'écartais d'un bond comprenant que partout où je passais le problème c'était moi. Furieuse, je me retournais, ne voulant pas qu'il me voie pleurer, avant de partir au hasard dans la forêt tout en fulminant.
Non ! Va t'en ! Laisse moi ! Je ne mérite pas...
J'allais m'asseoir quelques mètres plus loi, sur un tronc abattu par le vent à moitié recouvert de neige, tournant le dos au druide, me remettant à sangloter de ma stupidité et de ma façon d'avoir agi avec Val ces dernières heures. Je m'en voulais d'avoir été si dur avec lui, d'autant plus que je ne le reverrais jamais. Et alors que je m'apitoyais, une silhouette familière apparue à la limite de mon champ de vision
VAL !
Je me précipitais vers lui, ayant retrouvé le sourire malgré mes yeux larmoyants.
- C’est vous qui m’appeliez ? J’ai cru entendre mon nom ?
Cédant à une impulsion, il tira sur sa manche pour en couvrir sa main sale et essuya d’un geste très tendre une grosse larme sur la joue de la jeune fille. Sans même prêter attention à sa réaction à elle, il recula comme mordu par une vipère, la bouche ouverte dans une expression de surprise extrême ! Mais qu’est-ce qui lui arrivait ?
Sautant en arrière, il bredouilla :
- Excusez-moi, je suis désolé, je ne voulais pas…
Se ressaisissant il ouvrit son sac et montra deux gros champignons pudding -pas très frais mais énormes- trois ou quatre petites grappes de vigne à bulles, et une minuscule poignée de baies de lucols bleus.
Il décrocha de sa ceinture un lièvre à demi gelé, dont la nuque dénonçait qu’il était mort l’échine brisée et qu’heureusement le froid avait congelé. Ce faisant, le jeune homme laissa une douleur étrange envahir son regard, comme pour s’excuser il murmura :
- Il était mort… il a été saisi par le gel tout de suite, il doit être mangeable.
Il répéta très bas :
- Il était mort, je ne l’ai pas tué, -puis plus bas encore, pour lui-même- les esprits me pardonnent… -d’un ton plus audible- mais il se fiche qu’on le mange maintenant…
Il ponctua cette dernière phrase en traçant d’étranges dessins dans la neige avec le bout de son bâton…
- J'ai vu des nids aussi, sur une sorte de corniche de pierre, assez haut et pas accessibles depuis le sol, de gros nids avec de la fourrure accrochée aux branchages… Les oiseaux ont du chasser une proie bien blanche… Mais je n’ai jamais vu ce type de construction de nid. Pourtant, je croyais tout connaître dans ces régions...
Changeant de conversation il sortit de nouveaux trésors, quelques feuilles de rurd et un grand sourire aux lèvres un plan superbe de phume en dentelle, prélevé avec une motte convenable ce qui expliquait ses mains pleines de terre. Il la tendit à Aube, triomphant.
- Tu vois -il se reprit tout de suite, rougissant et bégayant- vous voyez ? C’est rare non ? Par-contre je ne sais pas ce que ça soigne, en tout cas ça se vend cher en ville.
Attendant la réaction des deux autres il balaya du pied les dessins tracés et n’arrivant pas à les effacer totalement s’assit et se roula dans la neige, leur jetant un regard pour voir s’ils le prenaient pour un fou.
Relevé souplement, il sourit et ramassa ses trouvailles pour les remettre dans le sac.
Impulsivement, il modela une boule de neige et la lança à Aube avec une lueur taquine dans le regard !
Le druide avait à peine eu le temps de repérer deux trois fleurs comestibles et des baies de montagne résistant au froid avant sa chute. Il mit du temps à réaliser qu'Aube s'était jetée volontairement au sol à sa suite, croyant un instant qu'elle était tombée aussi. Rassuré, il voulu chercher Val du regard, même s'il se doutait qu'il avait du continuer sans les attendre. C'est l'erreur qui lui valu de ne pas voir arriver la boule de neige. Il se la prit en pleine tête, le laissant avec une expression ahurie du mec qui ne s'y attendait pas et qui se sentait un peu trahi.
Forcément, la tentation était grande d'en envoyer une en retour! Il se hâta de préparer une boule de neige et voulu l'envoyer sur Aube, faisant le tour pour pouvoir viser malgré l'arbre, profitant qu'elle était distraite à chercher Val... Mais sa boule fut interceptée au vol par Talja, qui forcément n'avait pas pu rester longtemps de marbre face à des petites formes volantes! Et encore, heureusement que Yami ne s'était pas joint à elle, trop occupé qu'il était à se rouler dans la neige, visiblement très heureux de cette nouvelle découverte - après tout, c'était son premier hiver!
Hélas, le temps ne resta pas longtemps au jeu. Malgré sa concentration envers son but initial, Niraen était de nature trop susceptible pour laisser passer une telle attaque sans répliquer! Mais sa tentative de vengeance avait été interceptée, et il fut vite attendrit par la petite catosor, avant de sursauter aux cris d'Aube. Il n'eut pas le temps de demander ce qu'il se passait qu'elle venait à nouveau pleurer dans ses bras. Sa façon d'entrer dans sa zone personnelle ainsi sans prévenir à répétition, alors qu'il la connaissait peu et qu'elle présentait des sautes d'humeur imprévisibles rendant sa part kaetsu méfiante, n'aidaient pas vraiment, pour autant il ne savait pas quoi faire d'autre que l'enlacer maladroitement de ses bras en essayant de la rassurer.
- Mais non, ne t'inquiète pas, il a dit qu'il allait revenir, qu'il voulait juste trouver un peu de nourriture...
Cela n'eus hélas pas l'effet escompté, puisqu'Aube s'éloigna soudain, refusant qu'il s'approche et ne l'écoutant plus. Heureusement, l'objet de son inquiétude ne tarda pas à revenir, causant un nouveau revirement à 360° dans l'attitude de la jeune fille.
L'hybride se massa les tempes, soupirant, se demandant pour la énième fois depuis qu'il les avait croisé s'il avait bien fait de venir et surtout de rester avec eux... Cela lui fit rater la vision de Valravn essuyant une larme sur la joue d'Aube, en revanche il redressa les oreilles, alerte, lorsque Valravn s'excusa et se mit à écrire au sol. Il avait un peu de mal à lire de là où il était, mais ça ressemblait trop aux concepts employés par les druides pour que ce soit un hasard. Et cette réaction devant la mort d'un animal, avant de le manger...
Il n'eut cependant pas le temps d'approfondir ni de questionner Val à ce sujet qu'il leur présentait ses trouvailles. Niraen hocha la tête d'un air appréciatif.
- C'est de la phume en dentelle, ça permet de préparer des onguent contre les hémorragie. La poudre coûte encore plus cher que la plante elle-même, encore faut-il savoir la préparer!
Et avoir le temps et la patience surtout, parce que déjà que c'était pas simple, mais surtout c'était pas rapide! C'est bien pour ça qu'Aube avait du le dépanner quand ils s'étaient rencontrés à la capitale, car même en trouvant lui-même la dite plante, il n'aurait jamais eu le temps de la préparer.
Voyant une nouvelle boule de neige partir, Niraen plaça ses oreilles légèrement en arrière, un peu inquiet. Houla, ça sentait la reprise des hostilités tout ça... Ils avaient l'air d'avoir tous trouvé des choses intéressantes, il ne vaudrait pas mieux reprendre la route. En tout cas, cette fois il était alerte, prêt à esquiver toute boule de neige arrivant dans sa direction! A côté de lui, Talja et Yami redressèrent la tête, visiblement prêt à courser la prochaine boule de neige qui serait lancée.
- Excusez moi... Je voudrais pas déranger, mais vous allez où? Personnellement je dois avancer encore un peu plus loin dans les montagnes, je cherche...
Il s'interrompit brusquement, ne réalisant que maintenant ce que Valravn venait de dire quelques instants plus tôt. Il se tourna vers lui, soudain concentré.
- Attends... Un nid avec de la fourrure blanche tu dis? Tu l'as vu où?
Il n'était sans doute pas assez haut dans la montagne pour trouver ce qu'il cherchait, mais... S'il connaissait le coin et qu'il n'en avait jamais vu, s'agissant d'un animal rare, ce n'était pas impossible que ce soit ce qu'il cherchait... En tout cas ça valait le coup de vérifier!
Pour qui il se prend ?
Je m'étais inquiété pour lui et il me remercie en me jetant une boule-de-neige
Ma rage passagère disparut, honteuse de ma réaction, je me précipitais de nouveau vers lui inquiète, l'enserrant dans mes bras, heureuse de le voir sur pied. Je m'écartais précipitamment, gênée, rouge de honte, tête baissée, devant le regard que Niraen nous lançait, ne pouvant m'empêcher de me demander s'il était jaloux.
Je ne voulais pas qu'il se sente jaloux, je ne voulais pas qu'il s'en aille, l'idée même de le voir me quitter une deuxième fois me fis monter les larmes aux yeux et naturellement, je me jetais une fois de plus dans ses bras.
Calmée rapidement, les entendant parler d'un nid, je m'écartais, soucieuse, me demandant comment je pouvais empêcher Val de partir sans que je le sache. Je me souvins d'un coup de Loki dans la forêt et du premier soir après que j'eue soigné sa main. Le nez en l'air, je me mis à la recherche d'une liane assez fine, ayant trouvée mon bonheur, je me précipitais de nouveau vers mes deux compagnons, attachant un bout de la liane à mon poignée et l'autre à celui de Val sous son œil médusé. Une fois chose faite, toute joyeuse, je pris la main de Niraen, lui faisant comprendre que l'on pouvait se remettre en chemin.
Cela fait, il s’adoucit et la rapprocha de lui, l’enlaçant doucement.
- Je ne sais pas pourquoi tu as fait ça, mais on ne gagne rien à entraver les autres !
Il la serra contre lui, lui caressant la chevelure de sa main libre tout en remettant le poignard à sa ceinture. Puis réalisa qu’une fois encore il l’avait tutoyée… Elle ne parut pas s’en apercevoir.
- Allez, on oublie ? Je vous suis, pas de problème, mais librement.
Il se retourna alors vers le druide qui avait assisté à la scène sans piper mot.
- La plante, je peux te la donner, je n’ai pas tant besoin d’argent. -Il se reprit, se mordant les lèvres- vous la donner
Si Niraen et Aube eurent un regard pour ses haillons, il ne s’en rendit pas compte, il souriait, il l’avait ramenée pour la soigneuse mais elle paraissait s’en moquer alors que l’hybride, lui, avait fait marque d’intérêt. Après tout, que gagnerait-il en la conservant jusqu’à une ville ou un village ? Quelques cristaux ? Il se procurerait bien autrement ce qui lui manquait…
Il répondit plus difficilement à l’autre question, ce qu’il faisait là ne regardait que lui, il n’avait même pas tenu Aube au courant de leur but alors qu’elle le suivait plus ou moins malgré lui.
- J’ai à faire plus haut, là où les brumes se lèvent, je cherche…
La phrase resta en suspens, ce qu’il cherchait était personnel, et il ne le trouverait sans doute pas, mais ça valait la peine d’essayer…
- J’ai grandi près d’ici, il doit rester quelque chose de notre cabane je pense, un peu plus au nord est. Elle était bâtie en partie en pierre... Je cherchais la route pour y aller, et le corbeau, quand j’ai vu les nids. Je suis sûr qu’ils n’y étaient pas quand j’ai quitté la région, ils sont… enfin je n’en ai jamais vu de cette sorte.
Lâchant Aube il fit quelques pas en avant, priant pour qu’elle ne se jette pas en travers de sa route en pleurant ou hurlant.
Il montra le ciel devant eux, au nord, on apercevait au loin un début de falaise de pierre gris sombre marbré de roches plus claires et brillantes qui s’élevait entre les arbres plus rares, la montagne, la vraie commençait... Un croassement strident lui fit tourner la tête et il sourit à nouveau, de toutes ses dents.
- Les nids sont à la limite de la neige, plus haut, on ne peut pas les atteindre par ici, il faut contourner, j’ai d’abord cru qu’il y avait de la neige dedans, mais ce sont des poils on dirait bien. Je me demande quels oiseaux font ce type de nid… Si vous voulez les atteindre, il faudra plusieurs jours de marche je pense, et sans doute de quoi grimper.
Pensif il tendit le bras et le corbeau atterrit lourdement, le griffant au passage, ce qui lui fit arquer les sourcils d'un air étonné.
Sans grande surprise, le garçon eu vite fait de se libérer, sous le regard mi médusé mi atterré du druide. Est-ce que leur relation était ainsi? Il ne savait toujours pas trop à quel point les deux se connaissaient. Ils avaient l'air de voyager ensemble depuis un petit moment. Est-ce que Valravn était simplement un patient de la jeune fille? L'inquiétude d'Aube à l'idée qu'il parte allait à la fois dans se sens, et un peu plus, mais vu son attitude vis à vis du dresseur qu'elle n'avait vu qu'une fois, il n'était sûr de rien...
Enfin! Valravn s'était très bien tiré tout seul de là. Niraen lui adressa un sourire compréhensif avant de cligner des yeux devant la phume en dentelle qu'il lui tendait.
Accepter la poudre d'Aube sans payer, passe encore, il lui avait donné des connaissances en échange, mais là... Certes, l'endroit était propice à la récolte, pour autant l'hybride se sentirait comme le dernier des enfoirés d'accepter ça de la part d'une personne en guenilles, peu importe qu'elle affirme ne pas avoir besoin d'argent ou non! Il tourna la tête vers Aube, puis vers Val, gêné.
- Oh, j'ai refais mes stocks, je n'en ai pas particulièrement besoin... Tu la veux peut-être pour tester la recette que je t'ai expliquée Aube? Sinon je peux te la racheter, bien sûr!
En attendant, s'il pouvait réussir à trouver un nid de ribec, ce qu'il était venu chercher, se serait quand même bien!
Laissant le temps à Valravn d'expliquer sa présence ici et où il avait vu les nids, Niraen le suivit, se postant à côté de lui pour mieux voir ce qu'il désignait et il pencha la tête sur le côté, intrigué, utilisant l'avantage de sa vision de kaetsu à longue distance, tel un aigle, pour essayer d'apercevoir ce dont parlait son voisin.
- Tu les as vus à l'instant? Tu as une bonne vue de loin pour les avoir repérés, ils sont assez hauts! Et je confirme, ce n'est pas de la neige, mais un mélange de poils et de plumes...
Un grand sourire enthousiaste commençait à se former sur le visage de Niraen, le sourire qu'on fait quand on a l'impression de toucher au but! Car on pouvait encore trouver des chouettes griffines à cette altitude, mais elles ne faisaient pas de nid.
- Arriver en bas des falaises devrait suffire! Mes ailes ne sont pas là juste pour décorer. Si la cabane dont tu parles est dans le coin, je pourrais peut-être essayer de la retrouver aussi! C'était il y a longtemps? En principe la végétation ne recouvre pas ce genre de vestiges trop vite, surtout ici, mais on ne sait jamais!
Et la où en plus basse altitude, la végétation pouvait facilement être un problème pour retrouver un lieu, ici, c'était plutôt les éboulements et mouvements de terrain!
Déçue, de le voir couper la liane, je me détournais de son présent, affichant désormais une mine boudeuse. Je n'avais pas eu l'impression d'avoir fait quoi que ce soit de mal avec cette liane, je voulais simplement m'assurer qu'il ne s'enfuit plus sans rien dire.
Jalouse, je traînais des pieds dans la neige, regardant mes deux compagnons discuter ensemble comme si je n'existais plus. Ils désignaient un point en haut d'une falaise que l'on ne pouvait pas atteindre, aussi, je m'en désintéressais.
De plus, marcher derrière eux me permettais de les surveiller afin de m'assurer qu'aucun d'eux me fausse compagnie. Yami faisait des aller-retours entre nous comme pour me pousser à rejoindre mes deux compères.
Toujours boudeuse, je m'asseyais sur un rocher, sous un arbre mourant dont le feuillage avait été remplacé par de grosses boules de gui. Valravn et le druide discutaient au pied de la falaise à propos d'un nid. Étant le seul à faire attention à moi, je caressais machinalement Yami.
Le vagabond se dit que décidément, il ne comprenait rien aux humains, et plus particulièrement rien aux femmes… Le regard pétillant et un petit sourire errant sur les lèvres, il du reconnaître qu’il lui aurait été difficile de s’y connaître, alors que la seule compagnie qu’il avait pu avoir pendant presque dix ans était un vieil homme taciturne et grave qui paraissait trouver l’accouplement aussi inutile pour l’espèce humaine qu’essentiel chez les animaux !
Pendant que le druide regardait la falaise, il recula un peu et voulut saisir Yami pour le caresser et enfouir son visage dans sa fourrure, comme il le faisait encore malgré son âge, dans les plumes du corbeau… Mais le chien qu’il ait voulu jouer ou qu’il ait pris peur, fit un écart brusque. Valravn glissa et tomba à genoux devant la soigneuse assise sous le gui qui pendait à la branche d’un gros arbre. Lui saisissant la main pour se rattraper, il lui fit ce qui ressemblait extraordinairement à un baise-main, posant les lèvres sur les doigts de la fille pour lui embrasser les phalanges ! Horrifié, il se releva d’un bond et sauta en arrière, se retournant vivement vers l’hybride pour cacher son trouble.
Il détourna aussitôt l’attention des autres, ou du moins tenta de le faire.
- La plante, je peux vous la donner, la vendre si vous préférez, j’ai juste besoin de quelques denrées qu’on ne trouve pas dans ces régions, du sel, de la farine peut être si vous savez ou en trouver, et d’autres plantes qu’on ramasse plutôt sur les côtes pour faire des onguents. J’aimerais rester dans la cabane un moment.
Il se reprit, il avait l’impression de voler l’homme en parlant de paiement, et plus encore en l’embarrassant de détails aussi triviaux.
- Je n’ai pas besoin d’argent, je trouverais bien ce qu’il me faut, et si je ne trouve pas je m’en passerai. La cabane, je ne sais pas si vous la verrez, en fait, c’est une cavité naturelle sous un arbre…
Il revit l’endroit et son regard d’enfant émerveillé… Tout en parlant, il semblait ailleurs, dans une dimension à la fois lointaine et proche, et le Valravn fermé et méfiant qu’il affichait habituellement faisait place à un être lumineux et gai.
- Il est immense, presque aussi grand que l’arbre sacré ! -en y réfléchissant, ça lui parut exagéré, mais à 7 ans, il l’avait vu ainsi- son écorce est d’un blanc parfait, dans la neige on le verra difficilement, mais l’été, il a de toutes petites feuilles rouge sang, comme des milliers de plumes ! Il est magnifique. Et des fleurs de la même couleur qui tombent au bout de quelques heures et font comme un tapis écarlate autour sur l’herbe ! Le vieux Frère disait que c’était un des derniers arbres de vie…
Son regard était extatique, tourné vers un passé incertain, celui d’un petit garçon terrifié et blessé, presque traîné par un vieil homme bougon et qui arrive devant une merveille magique !
- Il n’a jamais dit ce qu’étaient les arbres de vie, mais les racines de celui-là forment une sorte de grotte, le plafond est entièrement formé par des radicelles et des racines secondaires, et les fondations le sont par les racines principales. Le Frère avait juste entassé des pierres, sans mortier, pour soutenir l’ouverture devant et y mettre une porte.
Il se reprit, le corbeau lui béquetait l’épaule d’un bec désapprobateur !
- Si vous voulez, on peut y dormir, il doit toujours y avoir un semblant de cheminée, et deux châlits en bois sculpté par le vieux Frère. C’est assez grand pour nous trois et vos bêtes ! et il y a une source en contrebas.
Il ne pensait plus au baiser involontaire, ni aux nids, ni à rien d’autre qu’à cet endroit où il avait été… heureux.
Revenant à lui toutefois, il regarda Niraen en entendant une phrase qui le stupéfia :
Niraen Thrani a écrit: Arriver en bas des falaises devrait suffire ! Mes ailes ne sont pas là juste pour décorer
- Vous volez ! Oh par les dieux ! Si j’avais pu choisir mon don c’est ce que j’aurais demandé…
Il se retourna pour prendre Aube à témoin, mais la fille, toujours assise sous son arbre le regardait… Il tourna la tête, ne voulant pas analyser son expression… était-ce sa maladresse de tout à l’heure ?
- Je suis vraiment désolé, je ne voulais pas -il bredouillait plus que jamais, son regard éperdu et l’œil prêt à lâcher une larme d’impuissance- Je suis navré, il faut me croire…
Le corbeau eut-il une expression presque humaine de … commisération ? Il s’envola, comme désespéré par son compagnon.
Niraen le laissa faire, concentré sur les nids désignés par Valravn. Mais l'avantage d'avoir une excellente ouïe, c'est que ça lui faisait comme des yeux dans le dos! Il devina l'écart du chien et la gamelle du jeune homme, mais il n'y faisait pas vraiment attention et ne se retourna pas immédiatement.
- Je n'ai pas de farine sur moi et on en obtient pas si aisément... Du sel, j'en ai, mais peut-être pas assez pour ce que vous voulez faire? Pour les plantes et onguents, si c'est pour du soin dites toujours, j'ai souvent ce qu'il faut pour la bobologie de base!
Et s'il n'avait rien de ce que cherchais Valravn, hé bien tant pis, il lui laisserait simplement quelques cristaux en échange de la plante!
Niraen pencha la tête sur le côté à la mention de la cabane cachée sous un arbre, intrigué, tout en continuant à scruter la falaise. Il eu un petit sourire du style "défi accepté!".
- A moins qu'il s'agisse d'un conifère, la plupart des arbres ont déjà perdus leurs feuilles ou sont en bonne voie, ça devrait se jouer... Il est si gros que ça cet arbre pour cacher une cabane en entier?
Rien que pour cacher l'entrée, c'était déjà pas mal! Bon, à cette altitude, il y avait encore pas mal d'arbres de bonne taille, mais plus haut, ça deviendrait bien plus rare.
Valravn ne tarda pas à donner des détails, et le moins qu'on puisse dire c'est que Niraen passa très vite de sceptique à très intrigué et curieux. Il ne put s'empêcher de jeter un coup d’œil à ses propres plumes, pour se faire une idée des teintes des feuilles de l'arbre en comparaison. Moins roux, plus rouge... Avec un peu de chance, il resterait des feuilles à l'arbre ou au sol, parce qu'avec une couleur si atypique, se serait bien plus simple de le repérer! Et la mention d'arbre de vie l'intriguait fortement, lui rappelant quelque chose... Tout comme la mention de se "frère" l'intriguait.
- Et ce vieux frère n'y est plus? On ne risque pas de le déranger? S'inquiéta quand même Niraen pour la forme. En tout cas on peut toujours essayer de trouver l'endroit, se serait en effet très bien pour dormir! Qu'en dis-tu Aube? On y va?
Le dresseur ne réalisa vraiment qu'à cet instant que la jeune fille s'était assisse sur une pierre plus loin, les observant avec l'air de bouder. Pourquoi donc? Était-ce lié à quelque chose que Valravn avait dit ou fait pendant qu'il avait le dos tourné? Ou c'était lui?
Il ne comprit pas non plus l'attitude désapprobatrice du corbeau qui finit par s'envoler. Il trouvait que son compagnon en disait trop. L'hybride hocha la tête avec un sourire rassurant devant la détresse de ce dernier, assurant qu'il le croyait.
Franchement, en dehors de l'arbre qui avait en effet l'air atypique, il avait déjà entendu des histoires bien plus étranges! Ça ne valait pas l'histoire de cet homme à la barbe blanche vivant au-delà de la frontière et revenant parfois ici distribuer des cadeaux rares, sources de fête à son arrivée. Est-ce que c'était vrai ou non, ou un simple druide parti récolter des plantes et minerais de la région, ça il n'en savait rien!
Sans même que je m'en rende compte, je venais de me précipiter sur val le couteau de mon père à la main, lui mettant sous la gorge le forçant à reculer jusqu'à ce qu'il touche un arbre. Une fois au pied de celui-ci, je le fixais droit dans les yeux, dans lesquels il pouvait lire haine et rage. Il ne ressemblait pas au marchand aussi, une petite partie de moi réussi à se ressaisir psalmodiant de façon psychotique.
C'est pas l'marchand, c'est Val
C'est Val, l'est pas méchant
C'est Val un ami...
Pas le marchand...
Clignant plusieurs fois des yeux, je repris conscience, effrayée de me voir menacer quelqu'un qui ne m'a jamais fait de mal. Honteuse, en voyant le couteau, je le baissais en même temps que mon regard, enfonçant ma tête dans sa poitrine, laissant ma fureur laisser place à une profonde tristesse, autant causer par la honte d'avoir laissé libre cours à ma haine que par la peur d'avoir blessé quelqu'un qui m'appréciait.
Je ne savais pas s'il allait me pardonner, et je ne savais pas non plus comment faire pour qu'il me pardonne. Alors que je redressais le visage mouillé de larmes afin de savoir s'il m'en voulait, je lui déposais un rapide baisé sur la joue avant de réaliser que le druide nous regardait.
Rouge de honte, je m'enfuyais dans la forêt, m'affaissant le long d'un tronc laissant mon chagrin redoubler.
L’arme sous la gorge, le vagabond n’eut que le temps d’esquiver pour ne pas être gravement blessé, mais il sentit l’odeur et la chaleur du sang qui coulait lentement !
Le corbeau, en l’air, croassa et revint en piqué, tandis que Valravn tentait de contrôler la manifestation qui se matérialisait, croissant à vu d’œil…
Derrière Aube, un dragon de la taille d’un gros chien, d’une couleur indéfinissable, montrait crocs et griffes. La bête, furieuse, s’approchait vivement alors que l’adolescent laissait échapper un cri primal, une longue succession de sons inarticulés jaillis du plus profond de lui !
Tombé à genoux, Valravn n’essayait même pas de se défendre, tétanisé. Le dragon prêt à le déchirer se mit à clignoter, passant du noir le plus profond à un rouge ardent puis à un vert pâle et à un blanc presque immaculé… Lui-même paraissait ahuri de ses transformations…
Le jeune homme ravala un sanglot et traça d’une main incertaine quelques signes dans la neige avant de s’évanouir, une expression de surprise extrême et d’angoisse ancestrale déformait ses traits…
Il murmura en sombrant :
- Efface le présent s’il est insupportable ! Efface le présent ! Ce n’est que rêves !
S’accrochant aux vêtements d’Aube, il passa de la position à genoux au coucher, la souffrance et l’effroi s’inscrivant comme un masque sur ses traits, et ne la sentit pas se dégager pour partir droit devant elle dans les fourrés…
Le corbeau, décrivant des cercles concentriques, croassait de plus belle. La répétition des sons semblait indiquer qu’il parlait, mais un langage comprit de lui seul…
Inconscient, Valravn partit dans un cauchemar où un dragon noir lui arrachait la joue et le côté droit tandis qu’il courait droit devant lui dans la forêt, et ce faisant, il eut l’impression de fusionner avec l’Aube terrifiée par son acte qui fuyait loin de lui.
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