Ça fait quelques jours que j’ai repris mes fonctions au sein du Blizzard et me voilà de nouveau sur les routes pour rejoindre un avant-poste proche du Poste-Frontière. J’accompagnais une caravane de ravitaillement pour me présenter aux gardes du corps de Hippogriffes. La chance voulut que je retourne dans mon ancien bataillon et que je le dirige. Le corps de Grognours était ma famille, je me sentis aussitôt à l’aise, retrouvant d’anciens camarades. La vie avait continué depuis mon départ, certains avaient évolués, d’autres avaient toujours le même grade mais tout le reste était figé. La Citadelle était toute aussi resplendissante, ses montagnes toujours aussi mystérieuses et me voilà à grimper dans ses chemins accidentés. Ca fait deux jours que nous étions partis et je m’étais familiarisée avec les hommes en ma compagnie. Je n’étais pas leur supérieur direct mais j’ai entendu les divers potins ici et là. Le capitaine Brive avait sa réputation, il semblait apprécier de ses hommes et comme tous, il devait faire ses preuves. C’est pourquoi, je m’étais portée volontaire pour ce ravitaillement, pour montrer ma détermination auprès de ses femmes, de ses hommes qui ne me connaissent pas. Je n’étais pas une de ses officiers qui sortaient des écoles ou de la Commission. La Montagne, je l’ai parcouru en long et en travers, c’était ma maison.

Le froid était prenant à cette saison. Lucy et Loki n’avaient jamais grimpé aussi haut tout comme le bébé Laïum. Je l’ai récupéré il y a quelques lunes lors d’une mission proche de HauteLuce. Lancelot avait encore du mal à voler, il planait plutôt mais il avait trouvé refuge sur un des sacs du félin des montagnes comme moyen de transport. J’apercevais au loin l’avant poste et je laisse alors derrière moi le cortège qui prenait une route plus accessible pour le chariot. Mon rendez-vous était à l’extérieur, plus à l’Est, sur une route menant vers Suraj. Toute la carte du Grand Nord était ancrée dans ma tête mais j’avoue que depuis peu, je possède une carte holographique qui me permet de m’aider dans cette dure tâche.  D’ailleurs, j’aperçois un soldat m’attendant non loin, assise. Je ralentis l’allure, calmant Hamlet au passage. Je donne un message télépathique à mes trois familiers, leur suggérant de faire bonne figure. Lucy était une jeune Catosorus, si on compare à l’âge humain, une adolescente qui souhaitait surtout s’amuser. Pas méchante et plein de joie de vivre, c’était tout le contraire de Loki, le kitsune roux à sept queues. Plus âgé, il était plus réservé et était le protecteur de Lucy. Je l’avais pris pour cela, qu’il fasse un tandem gagnant sans que je me soucie de l’un deux lors d’un combat. Lancelot sera mon futur guetteur. Les Laïums étaient natifs des montagnes, pouvant survivre aux températures environnantes, il sera parfait pour me donner une vision globale de la zone surtout que j’avais profité d’un petit tour chez un enchanteur pour obtenir un parchemin de partage de sens.

Je finis par mettre pieds à terre, ajustant ma cape sur mon armure légère. J’avais enfilé des vêtements confectionnés avec du tissu magique anti-climat. L’idéal en montagne avec la panoplie du solstice. Mon épée était fixée sur la selle de Hamlet mais une épée trônait à ma ceinture. Mais je n’avais pas que ça comme armes… non mes canons d’avant bras avaient la possibilité de faire apparaître les armes que je veux ainsi que mon gantelet qui déploie un bouclier templier. La magie avait du bon, avoir tout ce qu’il faut sur soi sans tirer une énorme charrette. Heureusement que les sacs sans fonds existent. J’avais pris le nécessaire pour quelques jours, voir le double car la Montagne avait toujours le don de nous faire des surprises…

Enfin.. Je n’étais pas là pour faire une mission avec un aventurier, non je devais rejoindre un autre avant-poste mais surtout faire un point sur la sécurité sur la route dont des convois de minerais sont acheminés de Sources Sombres à Forteresse. Les Hippogriffes étaient en charge de la partie Nord, les Grognours de la partie Sud. Je voulais voir le trajet et me renseigner sur le type de minerais qui est extrait. Certains attirent des brigands peu recommandables et je souhaite couper la route à ces assauts dès que possible. Peut-être que cette garde pourrait m’aider sur ce point mais on en parlera sur la route.

J’arrive, dos droit, menton levé, jaugeant d’un simple coup d’oeil la carrure de la Garde. Plus petite mais bien équipée, son regard m’indique un fort caractère mais je me faisais peut-être une fausse idée. Peut-être qu’elle aussi essayait de me jauger mais je tiquais sur quelques phrases. “ Moins dangereux “, “ descendre de cheval “. Me pensait-elle sortie des jupes de ma mère ? Je ne dis rien et fais un signe de tête pour qu’elle se mette au repos.

-  Merci Garde Brazier, nous prendrons la route qui mène à Suraj, celle qui prend les convois. Ne vous souciez pas de moi, je saurai me débrouiller.  

Lucy s’approche de moi et s’assit à côté de ma jambe. Elle aimait faire ce genre de choses. Prouver que si tu touches à son humaine, il faudra faire avec elle également. Loki, ne montrait aucun signe d’animosité mais il restait là derrière.

- Nous sommes prêts pour partir sur le champ. Nous pouvons y aller.    

On finit les quelques préparatifs et on prend le cap vers l’Est. La fumée du camp devient de plus en plus petite. Le prochain refuge est peut-être à six heures de route. Rien de chaud nous attend mais c’était une bâtisse en pierre construite au fil des temps. Parfait pour une petite escouade pour s’arrêter lors de fort vent qui empêche de planter la tente. De nombreux édifices étaient parsemés partout dans la montagne. Tous plus ou moins rudimentaires mais la plupart avait un toit et des murs. Dit comme ça, ça paraissait très rustique mais dans ma jeunesse, ses quelques pierres ont été d’un grand secours…

Puisqu’on parle de grand secours, je décide de prendre la parole pour essayer de connaître ma coéquipière.

-  Je ne sais pas si on s’est déjà vu mais je ne doute pas une seconde que vous savez que je viens d’être nommée à la direction des Grognours. Je sais que les nouvelles vont vites même jusqu’au Poste-Frontière.  

Même les appels cristalliques ne rivalisent pas face aux rumeurs !

- Je suis du Blizzard d’origine, on va dire que j’ai passé quelques années de vacances dans un régiment à la Capitale !    

Je prends une voix un peu plus enjouée à cette affirmation. C’étaient des vacances d’une certaine façon oui… mais le danger n’était pas moindre, c’était différent. Les hommes étaient imprévisibles…

- J’ai officié pendant une dizaine d’années, j’étais au Grognours, je n’avais jamais servi aux Hippogriffes mais je reste toujours aussi impressionné par leurs capacités. Il est vrai que j’ai participé à la bataille des Wedingos mais c’était… particulier dirons-nous.    

Le feu Capitaine Lomar a perdu la vie là-bas, son sacrifice a permis de sauver des dizaines de vie. Depuis cette fameuse bataille, ma vie a changé. Que ce soit pour Forteresse ou pour moi, celle-ci à sonner la fin de quelque chose pour beaucoup de monde. Un démantèlement du régiment, de nouvelles têtes…

- Mais nous n’avons pas subi d’attaques aussi importantes depuis. Preuve que les Sentinelles veillent. C’est pourquoi je souhaite rejoindre la mine de Suraj, des marchandises importantes transitent sur la route que nous foulons. L’avidité des hommes est surprenante et ce n’est qu’une question de temps avant qu’ils ne s’attaquent à ses convois. Je préfère anticiper...  

Car si c’est le cas, je vais devoir lancer des patrouilles tout le long de la zone pour empêcher que ses marchandises traversent la zone. La Garde Forestière pourra m’aider, cette unité inter-régiment avec les Belluaires est certainement un poids sans faille contre la criminalité. Peut-être que je reverrai la jeune Mavrocordato.

-  D’ailleurs, avez vous eu des attaques récemment ? Des allées et venues  suspectes ?  

Je lance alors un regard curieux vers la jeune femme, espérant qu’elle puisse me renseigner...

La jeune garde montra un léger mouvement d’arrêt dans notre avancée. Est-ce que j’ai dis quelque chose de mal ? Pourtant, c’était une discussion assez simple d’un officier avec un garde. Je connais le caractère assez fier des Sentinelles mais nous faisons partie du même régiment et je compte bien m’entretenir avec le Lieutenant Oderik sur ce point.

- Accordé.    

Je lève un sourcil, essayant de comprendre cette demande d’autorisation quand elle commence par “ officiellement “. La réponse était donc simple, elle n’a pas écouté les ordres de son officier et malgré cela, elle souhaite divulguer ses informations. Je ne souhaitais pas encourager ce genre d’actions. L’insubordination n’est pas une chose à prendre à la légère, loin de là. Je ne demande pas une obéissance sans nom mais avoir des hommes à diriger c’est aussi être responsable d’eux. Elina, le feu capitaine de Blizzard m’a protégé de sa vie. Voir mourir un de ses hommes est quelque chose d’horrible et certains ne prennent pas conscience des responsabilités sur nos épaules.

Néanmoins, j’écoute ses propos, notant les points importants. Pas de trace d’attaque mais des personnes suspectes dans les alentours. Mais la chose qui me chagrine c’est qu’elle note que ça tombe étrangement sur les heures hors patrouille. Est-ce qu’il y a un traître parmis nous ? Ça se pourrait et vu les derniers aléas au Blizzard, le recrutement a dû se faire à la va vite surtout pour cette période de froid. Je m’apprêtais à dire quelque chose sur ce fait quand elle me parle des Hippogriffes. Cette attitude me désole surtout au sein de notre propre régiment. Taquiner les autres régiments, je le veux bien mais nous devions montrer une soudaine solidarité avec le changement de commandement au sein de Forteresse. Mais est-ce que c’était à moi de mettre les points sur les i ? Essayons la manière diplomatique. Je souffle mentalement avant d’ouvrir ma bouche. Répondre sous la colère n’était pas bon mais on voyait mes traits tirés sur mon visage.

- Je note votre remarque Garde Brazier mais j’aurai préféré un peu plus d’unité au sein de nos hommes. Soyez fière d’être dans un corps qui protège nos frontières du danger d'au-delà la Frontière. Certains ont la surveillance de ce mur, d’autres comme les Sentinelles parcourent les Montagnes. Chacuns, nous avons notre rôle à jouer. Que ce soit les Hippogriffes, les Grognours, le Guet ou les Sentinelles. Nous sommes le Blizzard, “ Plutôt mourir que faillir “, voici notre devise. Unis sous la même bannière et j’espère que vous vous souviendrez lorsqu’un garde du Guet vient vous protéger lors d’une attaque.    

Je me suis emportée comme toujours dans ce genre de discours. Mais je voulais qu’elle comprenne ce message avant d’enchaîner sur l’autre partie qui me dérangeait.

- Pensez-vous que l’un des gardes serait de mèche avec ses Brigands ?    

Préférant ne pas dire Hippogriffes ou Sentinelles, si il y avait un traître parmis nous, il n’avait pas le droit de porter notre nom.

-  Le fait que ça tombe étrangement hors de notre surveillance est un fait inquiétant. On ne devrait pas négliger cette piste.    

Je talonne Hamlet pour accélérer un peu le pas sur ce terrain carrossable. Nous n’avons pas de temps à perdre.

-  Allons à cette mine et passons voir le refuge de mineurs. On trouvera peut-être quelque chose pour notre enquête. Je ne pense pas que les brigands fassent le guet de nombreuses semaines pour un convoi. Un mineur est peut-être aussi dans le coup.  

Lucy et Loki prennent un rythme plus soutenu alors que Lancelot se cramponne sur la selle. Je fais un message télépathique à Lucy pour qu’elle fasse attention à son passager. On continue ainsi une bonne heure avant que le terrain soit trop escarpé.

- ll nous reste encore beaucoup de route avant d’arriver à ce refuge pour la nuit.    

C’était une réflexion à voix haute… ça ne m’avait pas manqué les refuges trop éloignés les uns des autres. Il faudrait vraiment en mettre des intermédiaires.

- De mémoire, nous avons quelques kilomètres à faire ainsi avant de pouvoir reprendre nos montures.    

Et c’est ainsi qu’on marche. Lucy et Loki prennent la tête, jouant les éclaireurs. Je tiens la bride de Hamlet au cas où, ça faisait longtemps qu’on n’avait pas pris ce genre de chemin.

- En attendant, parlons de vos patrouilles. Avez-vous quelque chose d’autre ? Est-ce la migration des Sangliers des Montagnes est terminée ? J’aimerai éviter de croiser leur route, non pas qu’ils sont méchants mais ils sont totalement incontrôlables...    

Une vieille histoire quand j’étais jeune garde, une sorte de bizutage où on te dit que tu peux aller le caresser et qu’au final, tu te fais courser sur cinq cents mètres.

- J’aimerai rattraper mon retard niveau information et je crois que votre officier ne vous a pas expliqué toute l’ampleur de votre mission avec moi. Donc si vous avez des choses à me dire, je suis toute ouïe !    

Les éléments difficiles, j’en ai connu dans ma carrière mais je n’étais pas sa supérieure et je ne souhaitais pas me battre contre ses idéaux. Il faut que je prenne rendez-vous avec ce Lieutenant Oderik. Je ne préfère pas continuer sur cette pente et me focaliser sur la mission en cours.

- Je comprends bien, je suis juste le nouveau Lieutenant qui vient d’intégrer le Blizzard mais ça ne change pas notre mission. Je viens faire un tour de routine et divers bruits courent sur les attaques de convoi. Le Capitaine a décidé de donner de cette affaire pour coordonner l’assaut si nécessaire. Avec l’arrivée du froid, il faut que les Sentinelles soient mobilisés face aux prédateurs en manque de nourriture. On souhaiterait attraper ces criminels en bas des cols, proche de Forteresse. On ne voudrait pas disperser toutes nos escouades sur chaque chemin, on doit trouver leur base ou du moins un repère de ses bandits.    

On continue notre avancée, voyant comme l’a dit la Garde, les traces anciennes de sangliers. Les ornières étaient gelées depuis le temps mais aucune trace fraîche.  

-  Quoi que vous pensiez, ne croyez pas que je doute de votre expérience ou autre. Vous êtes certainement plus compétente que moi, la Montagne change et je ne connais pas le Mont-Suraj comme ma poche. Je compte sur vous pour nous aider, c’est une affaire qui va se résoudre à deux, n’est-ce pas la force du Blizzard ? L’esprit de fraternité ? Le froid attrape tout le monde, il ne fait aucune distinction.  

Je ne dirais pas qu’on avait un code comme sur la mer mais chacun avait le principe de secours envers l’autre dans les Montagnes. Bienveillant ou non, on ne laisserait pas mourir quelqu’un, non, on a le devoir d’assistance pour n’importe qui. Le Blizzard n’était pas que des Gardes qui assuraient la surveillance, nous étions les bergers de ces vallées. Nous avions des escouades avec des Catosorus qui portaient assistances, les ingénieurs qui nous aidaient à bâtir de nouveaux ponts, des nouvelles passerelles, de nouveaux refuges. Nous étions les protecteurs du Grand-Nord.

-  Le travail de ses ouvriers ne doit pas être anéantis par des profiteurs.  Lucy est bienveillante avec tous mais nous devons fixer des limites.  

C’est pourquoi, mon pas s’accélère un peu, on devait grimper rapidement quand je vois le ciel menaçant au-dessus de nos têtes. Le vent se levait peu à peu, il venait d’Ouest, pas forcément un bon signe. Loki s’était mis devant, les oreilles baissées. Lui aussi n’aimait pas la tournure des choses alors que  Lucy, plus insouciante, jouait à déterrer les petits herbivores en plein hibernation. Je lui donne aussitôt un ordre télépathique pour lui dire d’arrêter ces bêtises et me regarde, les yeux larmoyants. Je lui fais quelques rappels sur la conduite à tenir, elle doit montrer que ça sera une monture digne de ce nom. Je restais donc silencieuse pour Oppia quelques minutes alors que je communiquais avec mes familiers par la pensée. Je décide alors d’envoyer Lancelot faire un autre tour.

- Lancelot, dis moi à combien de kilomètres nous sommes du refuge. Il est rouge vers l’Est, tu ne peux pas le rater.    

Une partie de la bâtisse était en pierre et l’extension était en bois peint en rouge. Un moyen de le voir au loin, pratique lors des tempêtes. La pierre claire était difficilement reconnaissable par rapport à la neige. Le Laïum revient une dizaine plus tard et m’annonce qu’il voit des humains.

-  Des humains ? Précise ta pensée.  

Je le vois qu’il est encore jeune et n’arrive pas à m’expliquer. Je me tourne alors vers la Sentinelle pour lui expliquer la situation.

- Il faut que je m’arrête quelques minutes, je vais utiliser une magie de familier pour me permettre de voir à travers ses yeux. Je vous laisse vous occuper de la sécurité.  

Quand on utilise cette magie, on se retrouve sans défense. Je laissais donc mon “ corps “ au soin de Oppia. En réalité, je n’avais pas trop de soucis à me faire, Lucy et Loki étaient près de moi mais la seule personne qui est capable de prendre une décision est cette jeune garde. Je donne mes derniers ordres à Lancelot et lui dit de reprendre le cap de tout à l’heure. Je me concentre quelques secondes et m’acclimate à la vision du Laïum. Ca n’avait rien à voir depuis les yeux de Lucy mais je finis par m’adapter. Je profite alors de ce panorama impressionnant, je sentais l’air froid, les odeurs et les quelques sensations. Je visualise alors le refuge au loin mais aussi les deux hommes qui descendaient sur l’autre flanc. On a l’impression qu’il quittait le refuge. Ils n’avaient pas de tenues de gardes, ni de mineurs. Peut-être, c’étaient de simples aventuriers mais il ne restait qu’une chose à faire, croiser leurs routes pour leur poser des questions.

Je quitte l’esprit de mon familier et lui dit de rentrer. Je prends alors la parole vers la femme.

- Si on arrive à se dépêcher, on peut les intercepter avec nos montures. Ils ne montrent aucun signe d’hostilité alors abordons les calmement. Ça vous va ?    

On talonne alors nos montures et partons les retrouver...

Ce n’étaient que des simples aventuriers et aucune piste à l’horizon. La garde avait raison, il fallait qu’on s’abrite avant que le ciel nous tombe dessus. L’abri ne permettait pas de faire entrer nos montures mais Lancelot encore tout petit finit par rentrer se cacher dans un coin alors Lucy et Loki me regardent les yeux larmoyants.

- Allez, je vous installe la tente à vous aussi mais vous assurez qu’elle ne s’envole pas d’accord ?  

Lucy bondit de joie à cette idée de ne pas dormir dehors avec l’orage qui risque d’arriver.

-  Trouvez moi des grosses pierres par contre.  

Hamlet était là, debout, nous regardant déambuler. Je fouille mon sac sans fond pour sortir mon Emport’Tout. Un petit cube magique qui permet de déployer une tente. Généralement, ça me sert d’abri en cas de fortes pluies à mes familiers et moi. Cette fois-ci, je dors au chaud et eux là-dedans. Mon cheval ne fit rien, il n’aime pas dormir dans la tente, il se calera sur contre le refuge mais je vais lui sortir une grande couverture pour lui ainsi qu’une bâche. La tente se déploie en une fraction de secondes et Lucy pousse une pierre à l’emplacement des diverses attaches au sol. On met les sardines, on tend les cordes et voilà l’abri prêt.

-  Oui, vous pouvez le dire, je les bichonne un peu trop mais je préfère les savoir à l’abri. On ne sait pas combien de temps va durer notre enquête, autant mettre toutes les chances de notre côté.  

Puis ça ne coûte rien de les choyer. Ils ne sont pas obligés de dormir dans le froid alors que j’ai tout ce qu’il faut. Je prépare leur ration de nourriture et file dans le refuge car l’air devient tout d’un coup plus lourd. Un orage approchait… Oppia avait lancé un feu et nous sortons nos provisions. Une soupe chaude sera parfait pour réchauffer nos corps et je vérifie alors mon équipement. Une vieille habitude pour éviter des traces de corrosion ou autre saleté. Je quitte mes bottes quelques minutes pour changer de chaussettes. Malgré le cuir des bottes, la neige finit par entrer dedans et pour éviter tout risque d’engelures, il faut éviter que les pieds soient trop mouillés. Faut avouer qu’avoir les pieds au chaud et au sec n’a pas de prix.

Installée sur l’une des couchettes, j’enlève le surplus de vêtement maintenant que le foyer a pris. Trop couverte et j’aurai un choc thermique en sortant. Au Blizzard, on nous apprend tous les dangers du froid et des montagnes. On apprenait à survivre et c’était maintenant une deuxième nature. J’accomplissais ses gestes jour et après jour. Quand je suis arrivée au Myrmidon, Swan s’était souvent moquée car à la Capitale, on n’en avait pas besoin mais les vieilles habitudes persistent… J’étais heureuse de me retrouver “ chez moi “, dans mon élément. Il me restait à connaître ses nouveaux soldats mais ça ne sera certainement pas dans cette mission mais je compte bien remédier à ça.

-  Mes familiers s’occuperont de la garde, ils ont des sens aguerris. On peut néanmoins prendre le premier tour de garde, le temps qu’ils se reposent les pattes. Ils ont l’habitude de faire ce genre de choses si vous vous posez la question.  

Ça fait quelques saisons que j’apprends diverses choses à Lucy et maintenant à Loki. A chaque mission, ils savaient faire une autre tâche. Ce travail était long mais au bout d’un certain temps mais à la fin, c’est payant ! On prend le repas au calme, on se raconte quelques petites anecdotes. Rien de bien personnel mais juste de quoi tenir la conversation sur divers sujets. L’orage finit par tomber sur nous. Par chance, pas de grêle et je m’assure télépathiquement que ça va bien du côté de la tente. Lucy me répondit joyeusement donc j’étais rassurée. Je finis par remettre une bûche dans le feu avant de retrouver ma couchette et déplie mon plaid-compact.

- Essayons de partir avant l’aube, l’orage sera fini.    

Les orages de montagne ne durent guère longtemps mais il fallait éviter d’y être en dessous. Je m’endors alors sous le bruit de l’eau qui tombe et le volet qui frappe le mur.


La nuit fut malheureusement un peu agitée car l’orage avait décidé d’être plus sauvage que je le pensais. Réveillée en sursaut par le bruit extérieur, j’avais la main sur le pommeau de mon épée quand j’entendis la porte s’ouvrir. C’était une fausse alerte et je cale la porte avec la chaise, la nuit se passa s’en soucie par la suite. Je me lève aux aurores comme Oppia. Je pense que tous ici, on se lève avec le soleil, comme une seconde nature. On prend un petit déjeuner consistant car nous ne savons pas comment sera la route par la suite. On plie bagage, rentre du bois à l’intérieur pour les prochains et qu’ils finissent de sécher avant de prendre route pour Suraj.

- j’espère qu’on arrivera à la mine avant ce soir. Espérons que la pluie n'ait pas détruit la route.    

Il arrivait que le terrain soit impraticable par des coulées de boue, de neige ou autres. Par chance, c’était de la pluie cette nuit mais elle peut se transformer en verglas, on doit faire attention à tout ici… Je secoue les épaules, fait quelques assouplissements et grimpe sur Hamlet. Notre petite troupe part de nouveau, Oppia devant pour faire le guide. Elle connaissait certainement mieux les environs donc je lui laissais le loisir de faire la guide.

Finalement, ce petit détour n’en était pas forcément un quand on voit l’état de la route. Malgré les quelques kilomètres en plus, le dénivelé et sa plate-forme, nous avançons de bon train. Comme prédit, nous arrivons avant que le soleil ne décline trop et nous assurons ainsi une nuit à l’abri. Je ne me voyais pas dormir à la belle étoile aussi près du but. Il était fortement déconseillé de faire ce genre de choses dans les hauteurs. Que ce soit pour les prédateurs ou les aléas climatiques. Un orage peut détruire tout sur son passage en transformant un petit ruisseau en torrent. Toujours planter son bivouac plus haut que le lit de la rivière et estimé une montée des eaux rapides au cas échéant. Bien heureusement, nous n’avons pas à nous soucier de ça, nous dormirons dans l’un des dortoirs des mineurs.

Oppia finit par descendre de cheval quand un aîné vient à notre rencontre. Il était facile d’imaginer que c’était un peu le chef du camp en vue de ses cheveux blancs. Il connaissait même la garde et je suis soulagée de la bienveillance du vieil homme. Je finis par descendre moi aussi de Hamlet, soulageant ma monture et laissant mes trois autres familiers derrière. Pas besoin de leur rappeler d’être sages pour éviter d’effrayer tout le monde.

- Bonjour Lieut’nant, votre nom me rappelle quelque chose.
-  Oui j’ai officié il y a quelques années au Blizzard mais Lucy a décidé que je devais retourner dans ma patrie.  
- Ahaha, seul un garde du Blizzard peut dire une ânerie pareille. Quand on voit certaines jeunes recrues qui veulent finir leur formation le plus tôt possible pour rejoindre des contrées plus austères.
-  Seuls les plus valeureux des guerriers estiment le Blizzard comme leur famille. Si d’autres préfèrent le soleil et la douce chaleur de l’océan. C’est ainsi.  
- Vous avez bien raison Lieut’nant. Au fait, je m’appelle Drustan et je m’occupe de ce petit groupe d’hommes.
-  Merci de votre accueil, pouvons-nous parler dans un endroit plus adéquat, j’ai plusieurs questions à vous poser.  
- Bien entendu, venez voir.

La foule nous regardait encore quelques minutes avant qu’on décide de joindre la bâtisse du chef du village. C’était tout petit mais ça ressemblait plus à un bureau de contremaître avec une petite partie pièce à vivre avec son lit de camp. Un enfant décide d’attraper les brides de nos chevaux pour les installer dans la petite écurie précaire. Hamlet se laisse faire, heureux d’avoir sa petite botte de foin à disposition.

- Ne vous inquiétez pas, le p’tit va bien s’en occuper.
- Je n’en doute pas.  

On gravit quelques marches et on nous présente la table avec les quelques chaises. Il y avait des parchemins d’inventaire et un livre de compte. Drustan s’occupait donc de toute la gestion.

- Alors Dames, vous venez pour les comptes qui ne sont pas bons. Je me disais que quelque chose clochait depuis quelque temps. Mais il arrive parfois que les calculs soient mauvais sur une petite saison. J’attendais la lune suivante pour voir on rattrapait tout ça mais rien…
- Vos bordereaux de livraison ne correspondaient pas à la quantité donnée ?    
- Bien non, Lieut’nant. Peut-être qu’on comptait mal mais j’avais des Hippogriffes étaient dans le convoi. Ils m’auraient dit si on se faisait attaquer sur la route non ?

Je prends aussitôt la parole, sentant que notre jeune garde risque de faire un commentaire. Le vieil homme insinuait donc que nous avions des traîtres, comme je le pensais.

- Les gardes qui viennent chercher les convois, est-ce de nouvelles têtes ? Je sais que la mine n’est pas très vieille mais généralement le chef d’escouade est quelqu’un de permanent au régiment.    
- C’est bien ça le problème, il n’y a pas de chef d’escouade que je ne connais. Il y avait le bon vieux Joscelin ou Alphonse mais non que des petits jeunes qui se sentent tout puissants.
-  Je vois, quelles sont les quantités manquantes ?  
- Pas beaucoup, l’équivalent d’un sac de huit livres. Ça peut arrive à tout le monde se tromper de la valeur d’un sac d’un chargement. Mais au bout du cinquième convoi… ça paraît louche.

L’équivalent d’un sac était dérisoire certes mais pas assez pour convaincre l’armée. Mais il comptait faire cela sur du long terme. Il était certain que c’était la même chose sur d’autres mines, élevant ainsi la note de jour en jour. Un petit trafic discret laissant la place au doute ou dommages négligeables d’une mauvaise gestion.

- Donc ça fait moins d’une saison, c’est ça ?    
- Oui depuis le remplacement du Sergent Joscelin, il est souffrant. Voilà l’excuse qu’on m’a sorti, Lieut’nant. Moi on me présente un insigne, j’le crois hein !
- Vous avez raison, je ne vous incrimine pas. Quand sera leur prochain passage ?    
- Demain midi. Ils viendront de Eko.
- Pouvez-vous dire à vos hommes de taire notre présence. Du moins, la mienne, je vais laisser la garde Brazier faire leur encontre.    
- Pas de problèmes Dames ! J’y vais de ce pas.

L’homme partit à la hâte, nous laissant seule.

-  Laissons-les venir et faire leur larcin. Nous prendrons alors la même route qu’eux et nous attraperons les complices plus tard avec une escouade complète. Demain midi, vous jouerez votre rôle de routine. Une petite patrouille et vous identifierez le groupe. On fera des recherches sur eux plus tard. Est-ce que cela vous va ?  

La matinée passe assez vite alors que le soleil atteint son zénith. J’étais dans la bâtisse de Drustan, le contremaître. Souhaitant connaître quelques détails des échanges qui va avoir entre les différents soldats. Lucy était cachée dans un bosquet non loin et j’avais pris possession de ses sens. Je n’entendais pas toutes les paroles mais bien assez pour comprendre que c’étaient des abrutis. Je prends note des noms qu’ils donnent et me contente de voir leur petit spectacle de jeunes coqs qui veulent épater la galerie. Oppia décide de les laisser s’occuper du chargement avant de me retrouver.

-  Ces jeunes hommes n’ont aucune once de respect dans leurs paroles.  

Si c’était eux qui représentaient le Blizzard à travers les montagnes et les villages, je peux comprendre que certains émettent des doutes. Je vais devoir en parler avec le lieutenant Oderik de ça, on ne peut pas laisser des jeunes recrues faire leurs petites affaires de cette façon. Nous sommes là pour servir et protéger.

- Ça m'étonnerait que ce petit groupe soit les têtes pensantes de ce trafic, leurs petites bidouilles sont tout de même bien calculées. Un petit butin par-ci, un autre par-là. Il mise sur le long terme. Peut-être qu’un chef se terre quelque part et trouve des candidats dans les nouvelles recrues. Un ancien sous-officier peut-être car il faut connaître un peu les ficelles de la chose ou un soldat révoqué de la Garde. Il y a diverses possibilités mais à nous deux, on ne peut rien faire contre eux. Non, nous devons suivre leurs traces et demander de l’aide à la première unité de passage ou attendre leur prochain convoi, ça nous laisse plus de possibilité encore.    

Forteresse était à six jours en chariot pour eux et nous pouvions rejoindre le QG bien avant eux si nous le souhaitons même en faisant un petit détour. Mais il y avait un village important à moins de deux jours d’ici pour eux et une bonne journée pour des soldats en patrouille. C’était un peu un point de ralliement pour les habitants et les gardes de cette vallée.

-  Je propose que vous confirmiez votre venue à la taverne du village de Patna. Indiquez que vous avez encore des patrouilles à faire et que vous les retrouvez là-bas dans deux jours.    

Ça nous laissait largement le temps de se préparer. On pourra partir arriver à notre prochain arrêt avant eux et nous renseigner auprès du chef du village. Beaucoup de caravanes passaient par là-bas également.

- Nous allons devoir prendre la route secondaire mais je ne me doute pas que vous connaissez les chemins pour nous amener à bon port.    

Un léger sourire se dressait sur mon visage. On essayait de s’adapter l’une à l’autre mais il faut dire que nous avons passé la soirée d’hier chacune de notre côté. J’avais pris des notes, mis à jour certaines cartes avec Drustan. Beaucoup d’administratifs pour me remettre au goût du jour.

- Par contre, on partira demain à l’aube, ça nous laissera toujours de l’avance, ils arriveront théoriquement au coucher de soleil avec le chargement qu’ils ont. On aura quelques heures d’avance sauf si vous connaissez un autre refuge sur la route sauf si ça vous tente de le faire à la belle étoile !    

Village de Patna:

Je comprends sa colère envers moi. Ce n’était pas du tout dans ses prérogatives de faire ce genre de choses. Ne s'ennuyait-elle pas ces derniers temps ? Voici de quoi changer son quotidien. Il était certain que je n’allais pas lui répondre ça et je me contentais d’encaisser sa colère. Je n’étais même pas sa supérieure directe. J’étais la nouvelle qui donnait des ordres absurdes. Mais elle ne me laisse même pas le temps de répondre que voilà, elle file à l’autre bout du camp. Les justifications seront pour plus tard. Son infiltration avec ses collègues, c’était là ma seule chance et j’espère que la Garde ne va pas tout gâcher avec cette attitude.

Néanmoins, elle part faire son devoir, tout en contenant. Les trois hommes étaient plus heureux qu’ils se retrouvent dans deux jours dans cette taverne. Pour Oppia, c’était bien différent quand je vois son visage. J'acquiesce de la tête et la laisse tranquille. Elle avait déjà fait le maximum qu’elle pouvait. Manquait plus de continuer notre route jusqu’à Patna pour la suite de la mission. Je pars donc revoir le contremaître pour prendre les dernières notes de ses livres de comptes.

- Je ne sais pas ce que vous avez fait avec la petite. Je me mêle certainement de choses qui ne me regardent pas mais…
-  Je sais, elle est en colère. Je compte la voir après mais je pense que si j’arrive trop tôt, elle risque de me lancer son épée dans le visage.  
- Ahaha, vous la connaissez donc bien ?
- Non du tout mais j’ai connu des jeunes recrues comme elle. Ils sont jeunes, fougueux. Parler sous la colère ne mène à rien.    
- Oh, je vois. Mais si vous la cherchez, je l’ai vu entrer dans la cabane.
- Merci bien. Finissons ça et je pars la voir. Si je ne reviens pas vivante dans une heure. Dites vous que finalement sa fougue a été plus puissante que mon épée.    
- La petite est téméraire mais elle fait bien son travail. A chaque fois qu’elle venait pour ses patrouilles, je n’avais rien à dire d’elle.
- ça se voit qu'elle tient beaucoup à ses Montagnes. Je viens de revenir ici, je doute que je dois faire encore ma place.  
- Les Sentinelles sont comme ça mais ne lui tenez pas rigueur.
- Oh je pense qu’elle risque de me tuer à la suite du plan. Elle est venue pour défendre son pays et non faire les yeux doux à des hommes véreux.    
- Et vous la laisserez seule face à son combat.
- Bien sûr que non, je finis encore d’établir mon plan. A notre prochaine étape, il y aura plus de monde. Il sera plus facile pour moi de me faire passer pour une aventurière de passage.    
- Ahahah, la petite qui va devoir jouer un rôle. Vous en lui demandez beaucoup vous savez  !
- Je le sais mais ce sont dans les difficultés qu’on reconnaît la valeur de l’autre. Peut-être se rendra-t-elle compte que pour servir son pays, il faut savoir jongler. Je l’ai appris il y a peu également.    
- Je vous souhaite bien du courage pour lui faire avaler ça.
- C’est bien le mot. Bon, allons encourager nos troupes.    
- Que Lucy soit avec vous Lieut’nant.

Je claque la porte, m’assure par message télépathique que mes familiers vont bien. J’allais faire la partie que je supportais le moins. Le social était une part entière de mon travail. Il fallait garder l’esprit de cohésion, s’assurer du bien-être des autres et j’en passe. Je trouve enfin la cabane tant redoutée. Je souffle un bon coup et frappe à la porte pour m’annoncer. N’étant pas sûre d’attendre une réponse, je finis par rentrer tout doucement. J’essaye de garder une attitude bienvaillante sur mon visage mais je ne connaissais pas cette jeune femme. Comment faire le premier pas ? Je ne le savais pas mais je vois ce qu’elle tenait dans sa main. Une figurine en bois qu’elle était en train de tailler. Peut-être que l'humour fonctionnera avec elle.

-  Je sais que le lieutenant Oderik adore les ours mais est-ce que les loups sont le symbole des Sentinelles maintenant ?  

C’était amusant de savoir que le lieutenant Oderik avait à la charge les Hippogriffes et non les Grognours. Le hasard a voulu autrement mais connaissant un peu ses compétences, l’homme était très bien là-haut dans ses montagnes. Je ferme la porte derrière moi, restant proche de la sortie. Je ne souhaitais pas envahir son espace vital. Loin de là.

- Je pense qu’il faut qu’on parle toutes les deux.    

Je lève délicatement la main pour lui faire comprendre que je souhaitais encore parler.

- Je ne vous fais aucune réprimande mais pour que notre duo fonctionne. Je pense qu’un peu de transparence est de mise.    

Même si je connais ses intentions, elle ne connaissait pas les miennes.

- Ne pensez pas que je traite mes hommes ainsi, loin de là même. C’est juste que cette mission nous tombe dessus et j’essaye de trouver des missions rapidement. Ici, il était trop difficile de jouer le rôle que je vous ai joué. Personne ne traîne dans ses montagnes à part les mineurs ou les gardes. Le rapprochement aurait été simple pour eux. Mais à Patna, cela change. C’est un village de passage, je pourrai aisément me faire passer pour une aventurière ou même une mercenaire cherchant des bonnes affaires. Je ne vous laisserai pas seule là-bas, loin de là.  

Je voulais qu’elle comprenne que je n’avais pas eu le choix. Il fallait les appâter et les donner envie de rester à Patna, pour nous ou du moins pour elle.

-    La cupidité des hommes peut les amener loin. De l’argent, de l’alcool, des femmes et les hommes comme eux font des erreurs. De nombreuses enquêtes ont été résolu par ce vieux stratagème. Je ne vous demande pas de leur faire la cour, juste de les faire parler. Vous pouvez très bien les rembarrer, le consentement est primordial. Si vous ne sentez pas cette mission, dites le moi. Lâchez moi à Patna et je saurai me débrouiller.

Mais je connais la fierté des Sentinelles, elle fera cette mission car elle voudra faire ses preuves. Inconsciemment, elle ne s’en rendra pas compte mais j’ai été comme elle. Rebelle contre les officiers, les traitant de tous les noms à une époque puis c’est en grandissant qu’on comprend leur choix.

- Aujourd’hui, je vous demande de ne pas affûter votre lame mais votre esprit. Vous verrez, cela peut-être excitant. Puis voir ses pauvres hommes se faire prendre au piège est peut-être le clou du spectacle. Donc Garde Brazier, êtes vous de la partie ?    

Je lui tends une main chaleureuse, espérant qu’elle accepte ce contrat.

Village de Patna:

Notre petite discussion avait le bénéfice de faire avancer les choses. Que ce soit positif ou non, les non-dits ont été exprimés et c’est tout ce qui comptait. Nous profitons de ce petit moment de calme pour prendre des forces avant de reprendre la route. Le chemin fut silencieux et mes familiers ont profité pour s’entraîner. Lancelot, mon familier de combat volant prenait de plus en plus ses marques dans les airs. Lucy et Loki testaient leur agilité sur certains chantiers ou certaines tactiques que j’ai pu leur apprendre. Le soleil commençait à décliner au fur et à mesure mais la cabane était enfin visible. Ca nous évitera de sortir la tente pour nous, mes familiers dormiront dans l’emport’tout.

La garde fit un ménage sommaire. Je fus amusée par ces quelques attentions qu’elle prenait mais je ne dis rien. Je comprends alors que cette cabane excentrée était un petit refuge qu’elle exploitait souvent lors de ses patrouilles. Je ne sais pas pourquoi mais je devinais sa patte mais surtout je voyais qu’elle connaissait la position de l’ensemble des choses dans cet environnement précaire. Je ne dis rien, laissant faire la jeune femme. Je defais mes affaires, les posent dans un coin puis part m’occuper quelques instants de mes familiers. Je lance la tente, sort de la nourriture de leurs sacoches. Le reste, ils étaient bien assez autonomes et je finis par rentrer de nouveau pendant que le feu prenait dans la pièce.

Oppia finit par me regarder et je devine qu’elle souhaite me poser des questions. Je ne ressentis pas la colère de notre discussion précédente et j’essaye de garder un air avenant. Je l’écoute et essaie de comprendre sa question. Elle voulait plus d’explications sur mes plans ? Voulait-elle connaître mon raisonnement pour les juger ou simplement savoir ? Je n’avais rien à cacher alors je finis par déposer ma dernière arme sur le mur.

- Pourquoi je ne voulais pas annoncer ma présence ?    

Je me frotte le menton.

- Pour ce genre de bande organisée, changer leur habitude et ils peuvent faire des choses totalement incontrôlables. Ils étaient trois soldats avec un chargement important de minerai. Nous étions deux et quelques mineurs. Si l’un deux pète un câble et nous attaque ? Prend des otages ? Nous sommes trop éloignés pour pouvoir tout gérer à deux. Je ne remets pas du tout en doute vos capacités martiales, loin de là mais nous ne sommes que deux dans cette affaire, nous avons les mineurs à protéger. Ces hommes peuvent s’attaquer aux civils et c’est une chose que je ne peux pas me permettre. A Patna, l’effet du nombre est bien différent !      

A notre prochaine étape, ils pouvaient avoir des alliés mais il y a beaucoup trop de témoins pour faire un assaut armé de la sorte. Leur petit commerce pourrait en pâtir que faire disparaître des preuves dans le camp de mineurs étaient très aisés à contrario.

- Pour votre prochaine mission, elle consiste à avoir des noms ou me présenter. Savoir qui fait quoi dans cette affaire. Il nous faut des aveux tout bonnement. Pour l’instant, on a aucune preuve concrète et je souhaite les faire arrêter aux portes de Forteresse. L’alcool aide beaucoup dans ce genre de cas ou l’arrivée d’une personne qui pourrait les aider dans les affaires. Une mercenaire ou une revendeuse par exemple.  

Les arrêter pour de simples soupçons n’était pas possible mais je veux les entendre de leurs propres bouches leurs méfaits. Je n’aurai aucun scrupule et je chevaucherai à vive allure à Forteresse pour arriver avant eux. Lancelot était encore trop jeune pour porter des messages mais ça sera mon plus précieux allié dans les prochaines saisons pour transmettre des messages entre les différentes unités.

- J’esoère que cette fois-ci, le plan est plus clair.    

Je sentis alors l’odeur de la soupe chaude, le repas était prêt. Instinctivement, j’attrape nos bols et les pose sur la table. Je jette un coup d'œil dehors et je vois que le ciel sera clément ce soir-là. On déguste ce festin d’aventure avant de partager quelques bouts de viande séchée et de fromage. Je décide d’aller dehors avec ma gourde fontaine pour laver le tout. Quelques caresses à Lucy qui en raffole et je ferme la porte. Je fouille alors dans mon sac et sort ma carte holographique. Un petit bijou magique qui permet de projeter la carte de notre royaume.

- Maintenant que nous sommes toutes les deux, je voudrais bien connaître vos patrouilles. On dirait que vous avez explorer de nouvelles pistes !    

J’avais beau patrouiller un peu partout dans le Grand-Nord mais ce chemin semblait nouveau. Je voulais en connaître le plus possible. Surtout que cette illusion a le bénéfice de montrer tous les dénivelées et obstacles naturels.

- Par exemple, ici, nous sommes où exactement et c’est quoi la route que nous allons prendre pour demain matin ?    

Nous parlons ici encore une petite heure avant que le sommeil nous gagne. Nous ne craignons pas grand-chose dont on puisse dormir presque sur nos deux oreilles. C’est pourquoi la nuit fut relativement tranquille et après un petit déjeuner frugal, nous voilà de nouveau sur les routes. J’avais décidé d’enfiler toute de suite ma couverture à l’aide de mon déguisement magique. L’illusion magique de cet objet me permettait d’obtenir la couverture que je voulais. Fini ma belle armure de Garde mais me voilà en tenue d’aventurière. J’avais une tenue qui ressemblait plus à celle d’un trappeur qu’autre chose. Hamlet, mon cheval, avait plus ses apparats militaires. J’avais l’allure d’une femme qui avait l’habitude de chasser dans le coin et c’est tout ce qui comptait.

- Nous arrivons bientôt à Patna non ?    

On voyait les fumées des cheminées et je reconnaissais déjà l’auberge au loin, aux pieds de la montagne. On était déjà le début de l’après-midi et le convoi risque d’arriver dans quelques heures. Il fallait qu’on force un peu l’allure pour qu’on puisse poser nos affaires. Comme toute ville dans les vallées, les allers-venues étaient courantes et on prête peu à notre arrivée. Oppia était peut-être un visage courant mais je ne sens aucun regard suspicieux à notre arrivée. J’avais laissé mes familiers un peu plus loin pour moins nous faire remarquer. Au moindre problème, ils viendront à la rescousse.

- Elle n’a pas changé.  

Il y avait toujours cette même atmosphère, un village de passage festif. Nous n’étions qu’à trois jours de forteresse en cheval. Les gens se sentaient protégés et ça se voyait sur leurs visages. Il y avait peu d’attaque de bêtes par ici et donc, les gens étaient plus accueillants. On part à l'auberge, on dépose nos montures à l’écurie. On fait un saut dans nos chambres pour un brin de toilette sommaire. Ça faisait grandement du bien et on se retrouve au rez-de-chaussé pour prendre une collation à nos estomacs affamés. Ce n’était plus un repas de ration militaire mais un vrai repas. Mon estomac me le prouva à la première bouchée.

- Excellent !    

J’essayais de me montrer plus chaleureuse, j’étais maintenant une chasseuse du coin et plus un officier en mission.

- J’espère que vous êtes prête pour tout à l’heure, un bon verre nous fera du bien.    

L’aubergiste nous demande des nouvelles des mineurs et je lui raconte qu’on s’est croisé sur la route avec Oppia. Je revenais d’une chasse à minerai magique près du Mont Suraj. C’était courant qu’on fasse route ensemble avec garde et civils si ils étaient avec des montures. La bonne compagnie faisait toujours du bien. On finit donc ce repas et nous quittons l’établissement pour retrouver l’autre.

Une tape amicale dans le dos, sur le chemin, je lui donne les derniers encouragements.

-  Essayez de prendre pour un jeu et faites votre possible. N’oubliez pas, rester naturelle et on verra bien ce qui se passe !  

On grimpe les marches du perron, on pousse les portes. Voilà, notre nouvelle mission d'infiltration commence ! La jeune garde n’est pas dans son élément mais elle va tout de même voir ses collègues posés là-bas. Ils se chamaillent et ont l’air ravis de la retrouver. Je me contente de me poser au bar plus loin et de prendre une boisson. J’étais là comme chasseuse itinérante, mercenaire à mes heures perdues. Je fis la discussion avec un chasseur alpin pendant une petite heure quand les trois gardes finissent par venir vers moi.

- Bon, je vais vous laisser. A plus tard alors.

Je fais un dernier salut à mon ami du soir et me concentre vers les trois suspects.

- Notre amie nous a dit qu’on pouvait compter sur toi pour le passage de marchandises en toute discrétion.
- Enfin tu vois ce qu’on veut dire !
-  Oui, je connais plein de chemins différents pour éviter des gars comme vous. Enfin ceux qui font vraiment leur travail.  
- Une rigolote, si tu n’as pas besoin de cristaux, dis le tout de suite.
- Le Blizzard n’a pas d’humour alors ?    
- Fais attention à ce que tu vas dire, on pourrait te faire regretter.
-  Bah voyons. Bon parle moi de ta camelote.  

Oppia avait fini par disparaître et tant mieux. Il ne fallait pas qu’on se retrouve en porte-à-faux toutes les deux.

- Du caillou, rien de bien méchant.
- Pour que je transporte tes cailloux hors de ton convoi, c’est que ce n’est pas du simple caillou comme tu dis.    
- Tu poses toujours autant de questions ?
-  Un mercenaire averti en vaut deux !  
- Vous êtes tous pareils… Toujours là pour se remplir les poches.
- Et moi qui pensait que la Garde était là pour nous protéger… Où va le monde.    
- Pfff, ce sont les utopistes qui pensent ça. Nous sommes là pour gagner notre vie et pouvoir se couler une retraite tranquille ensuite.
- Nous sommes sur la même longueur d'onde.    
- Bon c’est simple, on a besoin de quelqu’un qui transporte nos cailloux de Forteresse à une raffinerie un peu plus au nord.
-  Donc… on se retrouve à Forteresse, c’est ça ?  
- Mais c’est que tu n’es pas bête toi !
- Je pourrais presque être garde !    
Trêve de plaisanterie. On se retrouve demain soir à l’auberge du chaudron et on fait notre transaction. - - On sera en perm avec mes deux amis. On prendra nos précautions à ce moment-là.
- Quel genre de précautions ?    
- Tu verras bien mais tu nous fais faux bonds, ça risque de mal tourner pour moi.
-  Vous savez, j’honore toujours mes contrats !  
- Bon, on va arrêter d’attirer l’attention. On se retrouve demain soir.
- ça me va. Vous ferez la bise à votre Lieutenant !    
- Tu parles, qu’elle reste dans son bastion. On est tout aussi bien.

Je souris une dernière fois en levant mon verre. Je crois que demain soir, je vais cueillir une bonne brochette de gardes. Vivement demain.

Village de Patna: