« À vrai dire, ce qui m’intéresse le plus jusqu’à présent est le tir à l’arc. Ça peut m’être utile, aussi bien au quotidien que professionnellement. »
Preuve en était leur mésaventure : avec un arc maîtrisé supplémentaire, les choses ne se seraient probablement pas déroulées comme cela. Et puis, sans vouloir abuser de l’expression, c’était une nouvelle corde à son arc professionnel. Dans le milieu du spectacle, c’était un atout non-négligeable que de savoir viser des cibles en mouvement, en étant soi-même en mouvement. Santua imaginait déjà les spectacles que sa troupe pourrait mettre sur pied avec une telle maîtrise… Mais ça n’était pas pour tout de suite, pour sûr !
Contrairement à ce que la jouteuse craignait, les propriétaires ne les blâmèrent pas. Les termes utilisés par Evelyn avaient peut-être adouci le récit, déformant – ou en tout cas taisant certaines parties – ce qu’il était réellement, mais qu’importait : ils accueillirent de bonne grâce les restes du chouettours. Qu’ils vendissent les morceaux ou les consommassent, c’était un apport majeur à leur confort de vie et ils ne crachaient pas dessus, quand bien même il fallût dépenser un peu d’argent pour soigner les blessures d’Athesis. En voyant l’état dans lequel se trouvaient les jeunes femmes, ils eurent même la gentillesse de leur proposer le gîte et le couvert. Evelyn allait-elle accepter ou avait-elle à faire ? La réponse de Santua dépendait de la sienne.
2e lune de la saison douce de l'an 1001
Le lendemain, après avoir remercié les propriétaires de leur accueil, elle se tourna vers Santua et lui proposa de passer la voir, si d’avenir elle se rendait au Village Perché; ce qui permettrait à Evelyn de s’excuser d’une façon ou d’une autre - lui apprendre à tirer à l’arc, peut-être - pour les inconvénients de la journée. Inconvénients qui feraient peut-être une bonne histoire à raconter pour la jouteuse. Pour Evelyn, c’était une leçon supplémentaire; à chaque jour son apprentissage. Chasser à dos de cheval apportait son lot de difficultés; Evelyn était beaucoup plus mobile à pieds; dans les plaines certainement un cheval pouvait s’avérer plus utile que dans une forêt. Et c’est donc ainsi que se quittèrent les deux femmes, après une poignée de mains, et qu’Evelyn reprit seule la route.
La nuit était déjà bien avancée lorsque les deux jeunes femmes, à qui l’on avait préparé une chambre, s’y rendirent pour y prendre un repos bien mérité. Elles échangèrent quelques mots – une façon de faire le point, ou peut-être de clôturer cette soirée inattendue – et s’endormirent. Elles en avaient manifestement grand besoin.
Santua était déjà levée lorsque les premiers rayons du soleil filtrèrent à travers les carreaux de la chambre. Elle rassemblait ses maigres affaires – elle tâchait toujours de voyager léger – lorsqu’Evelyn se manifesta. Il était temps pour chacune d’elles de débarrasser le plancher et de retourner à leurs occupations.
À l’instar de sa camarade chasseuse, la jeune femme remercia leurs hôtes pour leur hospitalité. Elle s’excusa une fois de plus pour les blessures d’Athesis, ce à quoi on lui répondit qu’elles seraient vite résorbées. À son grand étonnement, les propriétaires lui proposèrent même de les solliciter de nouveau si sa troupe et elle avaient encore besoin d’un cheval.
Un peu plus loin, Santua prit le temps de remercier Evelyn et de lui souhaiter une bonne continuation. Elle n’hésiterait pas à passer la voir à l’occasion mais pour l’heure, elle avait une chose à faire : se procurer une arme… S’il y avait une chose qu’elle avait retenu de son voyage, c’était bien celle-ci : mieux valait toujours avoir sur soi de quoi défendre sa peau.
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