Comme on disait par chez moi quand j’était petit : trop bon, trop c**... Pas de Gardes disponible pour cette mission de routine. Hors de question de dégarnir le Guet ou de rappeller mes hommes et femmes en repos, il en ont besoin pour être au mieux de leur forme. Donc, je m’y colle personnellement pour le sud des montagnes pile poil sur le chemin de la Capitale. Ce n’est pas que sortir de mon bureau me déplaise. Non, j’aime être sur le terrain. Mais j’aurais apprécié que ma première véritable sortie sur le terrain soit avec mes hommes. A défaut, autant voir le verre à moitié plein. Alnilnam envoie une personne de ses troupes pour compléter l’unité mobile, c’est une bonne occasion d’échanger avec une Grognours.
La nuit presque tombée sur les montagnes d’Aryon, je rejoins le point de rendez-vous en lisière du bastion. Une lampe magique aurait peut-être été une bonne idée mais je n’en ai pas. La lumière de la lune et des étoiles sera suffisante pour observer autour de nous sans être repéré. En cas de besoin, je pourrai me couvrir de ma peau d’ours et me faire passer pour un ours. Dans le noir, ça pourrait bien faire illusion. Mes armes toutes neuves, attachées à ma ceinture, tintent délicatement à chaque pas. J'étais un peu circonspect à faire cet achat contraint par la pression de mon équipe proche mais je m’y fais finalement bien. Le point de regroupement a été volontairement choisi en dehors du bastion. Certains doutes existent sur une potentielle surveillance du prieuré. Qui sait s’ils tenteront quelque chose si on quitte le bastion en donnant l’impression de partir en patrouille. Autant sortir un par un en donnant l’impression de descendre en ville pour la soirée mais j’en viens à me demander si je ne suis pas un peu en retard… Un Tempus serait peut-être un bon investissement après tout maintenant que je ne suis plus un troufion. Le bruit des sabots de mon cheval est la seule chose qui brise le silence presque nocturne des lieux.
Il fallait en effet combler un tant soit peu la vacuité de ce salon bien trop grand, au sein duquel trônait un grand canapé bleu canard. La garde avait pour cela acquis plusieurs plantes de différentes variétés – ayant pour point commun d'être faciles à entretenir, Dahlia étant bien trop encline à les faire mourir en dépit de toute sa bonne volonté – qu'elle avait disposé çà et là dans la vaste pièce. Elle avait également agrémenté les murs de pierres apparentes de divers tableaux, la plupart peints par sa sœur Iris, qui n'était pas dénuée de talent… d'un certain point de vue.
Alors qu'elle terminait d'installer l'une des plantes – un magnifique ficus au feuillage vert tendre - Dahlia remarqua subitement l'heure sur l'horloge, et se souvint qu'elle était affectée à une patrouille nocturne, le soir même, et devait se hâter vers le lieu de ralliement. Arriver ne serait-ce qu'avec une once de retard aurait en effet été très malvenu. La garde acheva donc de rassembler ses affaires, amassées dans son grand sac sans fond, puis passa aux écuries afin d'harnacher Skirfir, son skur nocturne, avant de se hisser sur sa monture et de se mettre en chemin.
Alors qu'elle quittait les contreforts massifs de Forteresse pour emprunter le liseré caillouteux d'un sentier montagnard, Dahlia leva les yeux vers le ciel surplombant les contours dentelés des montagnes environnantes. Celui-ci avait abandonné son azur pur et froid pour s'emplir de délicats tons améthyste et orangés, sous lesquels on pouvait déjà entrevoir le ténu scintillement de l'infinité d'étoiles le constellant. Un spectacle que Dahlia ne se lassait pas d'admirer, qui en profita pour resserrer l'étreinte de l'écharpe enveloppant son cou. Malgré l'arrivée de la saison douce, l'air ambiant demeurait en effet d'une fraîcheur crue et vive, comme en témoignaient les fins panaches vaporeux que sa respiration soulevait, et les fines gouttelettes de givre perlant sa chevelure. La glace tapissait également les chemins, qui miroitaient de pellicules gelées. Dahlia prit grand soin de les éviter, craignant que sa monture ne se foule une patte sur l'une de ces plaques verglacées.
À mesure de sa progression, le jour finit par céder définitivement sa place à la nuit. Le ciel, imbibé par l'obscure et inévitable victoire du crépuscule, se para d'un bleu nuit profond, faisant tomber une chape d'encre sur les paysages alentours, qui se drapèrent d'obscurité. Seule la clarté lunaire et le chatoiement des étoiles permettaient de rendre leurs contours encore légèrement perceptibles. Dahlia entreprit alors de revêtir ses lunettes de jour. Celles-ci lui permettraient de pouvoir déceler les potentiels dangers tapis dans les ombres vespérales, et d'éviter les éventuels écueils venant émailler sa route, comme des éboulis. Toutefois, fort heureusement, rien ne vint troubler la quiétude glacée qui avait investi les montagnes, et elle arriva finalement sans heurt au lieu de rendez-vous.
Un homme s'y trouvait déjà, de stature athlétique, grand et drapé d'une cape à tête d'ours. Celui-ci lui sembla correspondre à la description du Lieutenant Ray Oderik, du corps des Hippogriffes, avec lequel elle avait l'honneur d'être missionnée pour cette assignation, d'après les indications reçues dans son ordre de mission. Elle s'adressa à lui d'un ton qui se voulait cordial et avenant :
« Bonsoir, Lieutenant Oderik ? Adjudante Dahlia Delancy, du Corps des Grognours, enchantée de faire votre connaissance. »
Dès que son interlocteur lui eût confirmé son identité, elle poursuivit dans une ébauche de sourire : « Alors, on va boire un verre ? »
Puis, réalisant bien vite que sa proposition pouvait sembler un peu surprenante et abrupte, Dahlia s'empressa de préciser : « Hum, je veux dire, d'après notre ordre de mission, la secte sur laquelle nous sommes chargés d'enquêter vise en particulier les lieux de convivialité et d'amusement… J'imagine donc qu'aller patrouiller du côté des tavernes, voire les visiter, serait un bon départ ? »
En espérant que cela rattraperait quelque peu sa maladresse…
Enchanté Dahlia ! Moi, c’est Ray Oderik, vous pouvez m’appeler Ray pour ce soir.
Rien de plus suspect qu’un duo de gardes se donnant du “lieutenant” et “Adjudante” alors qu’ils ne sont pas “en service”. J'éclate d’un rire franc lorsqu’elle propose d’aller “boire un verre” façon rendez-vous plus ou moins galant. De plus près, assurément, la grognours serait à mon goût… A ceci près que je ne touche pas aux gardes, encore moins si elles font partie de mon régiment. Trop d'ennuis en perspectives... Pas envie d’avoir Brive sur le dos pour ça… Il aura bien assez de raison de me convoquer à l’avenir. Mais c’est amusant de la voir essayer de se rattraper. Grimpant sur ma selle, je la taquine un peu.
C’est une bonne idée, on peut commencer par les tavernes du coin, ces fauteurs de troubles ne manqueront pas une occasion de faire leur propagande. Et si jamais ils ne sont pas là… Ma foi, il serait indélicat de ma part de refuser l’invitation d’une représentante des Grognours.
Sur cet entrefait, on se met en route. De nuit, on avance plus lentement qu’en journée, enfin surtout moi… La monture de Dahlia a l’air bien plus à l’aise que mon cheval. Par souci de discrétion, notre point de ralliement était assez loin des villages de notre secteur, c’est une bonne balade nocturne qui commence. La nuit finit rapidement de s’installer ne nous laissant que la lune comme guide et surveillante. Le premier village se dessine au loin après de très longues minutes.
Une proposition pour l’approche Adjudante ? On entre “prendre un verre” et on observe ou on va directement questionner le tenacier ?
Reprendre ses mots n’est pas innocent, cela m’amuse de la taquiner même si elle n’est pas dans mes rangs. Cela dit, Alnilnam viendra certainement me tirer les oreilles après ça...
D'un seul sourire, et de cette main tendue dans une posture ouverte et presque, à certains égards, amicale, le lieutenant Ray était en effet parvenu à instaurer un climat accueillant et propice au dialogue. Il ne prit d'ailleurs aucunement mal l'impair commis par Dahlia, lui répondant sur le ton de l'humour après un éclat de rire, en la gratifiant d'une remarque taquine qui ne manqua de la faire sourire à son tour. Elle était plus que ravie de la sympathie naturelle nimbant son supérieur, empreint de cette paisible rudesse que rien ne semblait pouvoir venir craqueler, et qui plaçait leur collaboration sous les meilleurs auspices.
Ils se mirent sans plus tarder en route, guidant leurs montures le long des routes désertes et baignées de clarté lunaire, jusqu'à leur destination. Ils observèrent un silence serein durant le trajet, si bien que Dahlia dût lutter pour ne point se laisser gagner par la somnolence. Le tempo régulier des sabots de son Skur martelant le sol gelé la berçait, et elle se sentit bientôt enveloppée par une douce torpeur vespérale. Afin de ne point se laisser happer par cet engourdissement transi qui menaçait de lui faire piquer du nez, Dahlia dut éperonner son attention sur le paysage environnant.
Les sous-bois s'étendant de chaque côté du sentier étaient composés de hauts résineux, présentement drapés d'obscurité. Ils barraient l'horizon de leur nuée ténébreuse, dérobant le paysage s'étendant au-delà de leurs éminences effilées. Dahlia se demanda ce que leurs ramées pouvaient renfermer, par-delà leur lisière, mais elle n'était pas assez curieuse pour oser s'y aventurer. Car les forêts, plus encore la nuit, semblaient saturées d'un danger latent. Il en émanait les rumeurs mystérieuses de la faune nocturne, comme les hululement sinistres de chouettes effraies, ou le craquement des broussailles sous les foulées de prédateurs en maraude. Car, en effet, bien des créatures aimaient chasser à la faveur de l'obscurité, et Dahlia préférait s'en tenir éloignée, même montée sur son Skur pourtant à même de la protéger.
Au bout d'un certain temps, ils finirent par atteindre les abords d'une première bourgade. Formée d'un essaim de basses maisons de pierre apparente, recouvertes de toits de chaume nappés de givre, celle-ci dégageait le charme coquet de ces petits villages de campagne, encore préservés du grand fouillis urbain gagnant les plus grandes cités. Nichée au pied des montagnes, elle s'épanouissait au milieu des sommités déchiquetées la surplombant, comme protégée dans l'étau de celles-ci.
Avant qu'ils ne rejoignent l'une des tavernes, Ray s'enquit de son avis concernant la stratégie la plus pertinente à suivre, pour la suite, et Dahlia dut prendre un temps de réflexion avant de lui répondre.
« Hum, je pense qu'on peut commencer par boire... » Ayant de nouveau l'impression de se desservir avec de tels propos, elle dut enchaîner précipitamment : « Pour ne pas attirer l'attention, bien sûr. Si l'on se montre trop inquisiteurs d'entrée de jeu, notre indiscrétion risque d'être repérée par nos cibles, qui pourraient alors nous filer entre les doigts. »
Avec cette réponse, elle espérait ne pas trop passer pour une soûlonne, bien qu'elle avait, en réalité, tout de même fortement envie de boire avant d'étrenner leur enquête.
Ils jetèrent alors leur dévolu sur l'une des tavernes les plus réputées au sein du village, qui accueillait la plupart des poivrots de la bourgade. Son animation intérieure ruisselait jusque dans la rue, les grands éclats de voix et les braillées avinées des clients s'échappant par ses fenêtres entrouvertes tapissées de buée, ainsi que par la porte d'entrée, à chaque fois que des clients y convergeaient ou en sortaient. Tout comme les abondantes goulées de lumière fauve en jaillissant, ou les relents de nourriture et de bière en émanant. Entrant à la suite de Ray, Dahlia avisa la salle emplie de monde, et entreprit d'aller s'asseoir à l'une des tables située dans l'un des angles, permettant d'offrir une vue d'ensemble sur les lieux. Elle attrapa alors la carte y reposant.
« Que voudrais-tu boire, Ray ? Est-ce que tu as l'habitude de sortir souvent en soirée, ou le métier t'autorises peu de sorties… ? »
Dahlia était curieuse de savoir comment un haut gradé parvenait à équilibrer sa vie personnelle et professionnelle. Pour fréquenter de près Arthorias, elle savait en effet que cet équilibre était loin d'être aisé à trouver. Et puis, quitte à travailler ensemble, autant commencer à faire connaissance.
Très bonne idée Dalhia, restons mesuré et sous couverture. Mais juste un peu, n'est-ce pas ?
C'est très amusant d'avoir cette mission commune avec une personnalité aussi agréable. Arrivés au premier village sur notre route, notre choix se porte sur une taverne animée et plutôt sympa pour les yeux. Typiquement la cible idéale pour nos fauteurs de trouble, ça dégueule tellement de festivités et joie que ca ne peut qu'attirer le prieuré. On s'installe tranquillement à une table tels deux gardes en fin de service venus se détendre.
Il y a de la Lumineuse par ici ? J'ai pas encore eu le temps de vraiment découvrir les spécialités locales.
Autant profiter de l'opération pour découvrir quelques produits locaux plus raffinés que la bouffe du Bastion. Je laisse ma comparse choisir pour moi tout en réfléchissant à quelle réponse donner à ses interrogations.
Disons que mon temps est occupé par de nombreuses activités. Savais-tu que les enfants du secteur sont très prolixe quand on prend le temps de se mettre à leur niveau ? Je passe beaucoup de temps auprès des jeunes du coin pour veiller à ce que tout ce petit monde soit bien nourris et ai un endroit propre où dormir.
Si mes anciens collègues de la régulière me voyaient, ils clameraient certainement que je répète toujours le même schéma.
Et toi Dahlia ? Quelles sont tes activités en dehors du service ?
Autour de nous, la foule est plus qu'animée, la soirée bat son plein et pour le moment aucune trace du prieuré. On devrait pouvoir prendre quelques instants calmes pour investiguer.
Cette bière, confectionnée à partir des fruits charnus et miroitants du Lhumi nœud, était en effet réputée pour être particulièrement savoureuse et sucrée, soit tout à fait au goût de la garde qui avait toujours eu une nette préférence pour les alcools doucereux. Il fallait en revanche s'en méfier quelque peu, car elle était en réalité un peu plus forte qu'une bière classique, et il aurait été dangereux d'enchaîner les verres, sous peine de gagner rapidement un état d'ébriété préjudiciable. Mais Dahlia pouvait tout de même s'autoriser une pinte ou deux, avant de mettre en péril sa lucidité.
Une fois leur commande prise auprès d'une serveuse, elle s'attacha à porter une écoute attentive à la réponse de Ray, concernant ses activités en dehors du travail. Et elle ne fut pas déçue de celle-ci, quoiqu'un peu surprise. Il ne semblait manifestement pas prendre beaucoup de temps pour lui, s'il consacrait ses heures libres déjà bien peu nombreuses à veiller sur des enfants démunis. Mais cela était tout à son honneur.
« J'imagine en effet que leur langue doit rapidement se délier, lorsqu'ils se trouvent en présence de personnes de confiance. Ils ont bien de la chance de t'avoir… Et que des personnes telles que toi soient là, justement, pour leur laisser une chance. »
Les âmes laissées pour compte pouvaient facilement mal tourner et sombrer dans les affres du banditisme, mais les actions de Ray participaient à leur offrir une vie digne et décente, et à en faire des personnes vertueuses et aux futures activités respectables… Aussi quand, à son tour, le Lieutenant lui retourna sa question, Dahlia ne put s'empêcher de se mordre la lippe. Pour sa part, elle menait justement une double vie qui l'était fort peu, honorable, amenée à aider sa sœur dans des agissements d'arnaqueurs, afin d'engranger la somme nécessaire à même de rembourser sa dette. Pouvait-elle en parler à Ray ? Résolument pas.
« Oh, rien d'aussi louable, pour ma part… J'aime passer du temps avec mes proches et mes familiers, et sinon, je… cultive une passion pour le jeu, notamment les jeux de cartes. Je me suis ainsi essayée au poker, récemment. Ce fut très… enrichissant. »
Se gardant de préciser qu'elle avait passé une soirée à arnaquer les joueurs présents à sa table, avant de recevoir les conseils avisés d'un dénommé Uriah une nuit entière, Dahlia attrapa la bière légèrement scintillante que venait de leur porter la serveuse, noyant son embarras dans la levée de coude volontaire qui s'ensuivit.
Autour d'eux, les clients festoyaient dans la plus parfaite insouciance. Un groupe de bardes pinçaient allègrement les cordes de leurs instruments en entonnant des couplets entêtants, repris par certains clients d'une voix plus ou moins assurée, selon leur état d'ivresse. Une ambiance si chaleureuse qu'il était difficile, pour Dahlia, de ne pas s'y abandonner complètement. Elle s'efforça toutefois de garder à l'esprit qu'ils n'étaient pas uniquement là pour prendre du bon temps, et aiguisa sa vigilance, à l'affût de tout signe pouvant révéler la présence du Prieuré au sein du lieu.
« Ça te dirait, d'ailleurs, une petite partie à deux ? »
Une chance… Disons que je fais de mon mieux pour les aider, c’est déjà ça. Peut-être qu’ils se rappelleront qu’un Garde les a aidé quand viendra l’âge de choisir leur avenir…
Devenir Garde n’est peut-être pas le plus flamboyant des avenirs mais il a le mérite d’assurer un revenu stable et de pouvoir avancer dans la vie. Je détourne la conversation sur ma comparse pour stopper cette évocation du passé. Sa réponse se montre nettement plus normale que la mienne. Famille, familers et divertissements… Plutôt dans la norme dans les rangs de la Garde.
Il n’y a pas de honte à avoir des occupations tout à fait normales, cela fait du bien de retrouver les siens, surtout avec notre métier plutôt dangereux. Et il faut bien relâcher la pression après un service compliqué.
Je fais un clin d'œil à ma complice. De ce que j’ai vu depuis mon arrivée dans le nord, le service n’est pas aussi doux qu’à la Capitale ou à Grand-Port… Les monstres, les brigands pullulent dans les montagnes, cela ajoute pas mal de poids sur les épaules de nos hommes et femmes. L’imitant, je prends une longue gorgée de Lumineuse qu’on a fini par nous apporter. Elle est bonne, même meilleure que celle que je buvais dans les troquets de ma dernière affectation. Mais le goût n’est qu’un bout du plaisir d’aller à la taverne. La compagnie est tout aussi importante ainsi que le contexte. Malheureusement, le contexte est loin d’être agréable vu notre mission… Ça ne gâche pas tout mais assurément, cela pourrait être encore mieux. Comme nous n’avons pas grand chose d’autre à faire qu’attendre pour le moment, Dalhia propose de se faire une partie de poker à deux.
Hey bien, si ça ne te dérange pas de m’apprendre les règles du jeu, pourquoi pas !
Ça peut paraître bizarre mais je n’ai pas l’habitude de ces jeux, je joue plutôt au dés ou aux osselets. Avec mon pouvoir, je n’ai que peu de chance d’y perdre après tout. C’est un avantage indéniable et suffisant pour me contenter de ces jeux.
Faisons une partie et on reprend notre route jusqu’à la prochaine bourgade s’il ne se passe rien ici.
Après tout, notre mission n’est pas de s’enterrer dans cette taverne mais bel et bien de patrouiller dans le secteur pour chasser ces imbéciles du prieuré.
Sortant son paquet de cartes de sa poche, elle répondit avec un sourire enthousiaste à Ray, en veillant à ne rien laisser entrevoir de ses inquiétudes, car il leur fallait passer pour des clients lambdas :
« Parfait ! Je ne connais pas les règles depuis moi-même très longtemps, mais je me ferai un plaisir de t'y initier. »
La garde se fendit alors d'explications sur les règles du jeu avec plus ou moins de clarté et de pédagogie - n'ayant pas vraiment l'habitude d'endosser un rôle de professeur - et ils égrenèrent quelques parties dans une insouciance feinte. Autour d'eux, l'ambiance ne s'était aucunement affadie, et semblait même gagner en allégresse à mesure que la soirée se dévidait et que les clients s'enivraient. Le brouhaha tissé de leur rire et éclats de voix résonnait avec une intensité croissante.
Une altération dans le tableau jusqu'alors homogène de ce décor chaleureux finit toutefois par alerter Dahlia : l'arrivée de deux hommes, vêtus de tenues de voyage et surtout… arborant des masques, qui occultaient intégralement leurs visages, dissimulant ainsi leurs identités. Qu'avaient-ils là à cacher ? La garde les couva d'un regard suspicieux alors qu'ils s'installaient au comptoir, sans rien amorcer car il était encore trop tôt et ils ne disposaient d'aucune preuve tangible de leur appartenance au groupuscule du Prieuré. Elle finit toutefois par se décider à passer à l'action lorsque l'un deux quitta le bar pour se diriger vers l'arrière-boutique.
« Ma vessie commence à me faire savoir que j'ai trop bu, je reviens. » Se levant de table, Dahlia murmura en passant à côté de Ray, de façon à ce que lui seul puisse l'entendre : « Je vais voir ce qu'il fabrique, je te laisse surveiller le second. »
Ils échangèrent un regard entendu puis Dahlia s'éclipsa, faisant mine de rejoindre les toilettes avant de bifurquer au dernier moment, suivant les pas de l'homme anonyme qu'elle vit descendre au sous-sol de l'auberge. Il se rendait en l'occurrence dans la cave, où de multiples tonneaux de vins et autres alcools se trouvaient amassés. Là, il commença à... percer ces derniers, ayant pour mission manifestement de les vider. Son appartenance au Prieuré de l'Aube ne semblait plus faire de doute.
« Ce n'est pas vraiment l'endroit propice pour se soulager. »
Face à cette pointe d'humour qui avait trahi sa présence, l'homme se retourna. Après quelques secondes suspendues par l'étonnement, il entreprit alors de s'enfuir, mais Dahlia barrait la seule voie de sortie. Ils défouraillèrent aussitôt leurs armes respectives, qui se heurtèrent dans un fracas métallique. L'homme n'était pas un piètre bretteur, et les passes d'armes qui se succédèrent donnèrent du fil à retordre à la garde. Par ailleurs, l'alcool maculant le sol le rendait quelque peu glissant, et Dahlia en rajouta malencontreusement en ratant son adversaire et en plantant par mégarde son épée dans l'un des tonneaux.
« J'espère que ce n'était pas leur meilleur cru. »
Extirpant sa lame du bois pour rattraper son adversaire qui en profitait pour s'enfuir, elle dut son salut à son lasso magique qui vint finalement s'enrouler autour de la cheville de l'homme avant qu'il n'atteignît la porte, le faisant tomber en tirant dessus d'un coup sec. Le toisant d'un regard peu amène alors qu'il gisait dans l'une des flaques de vin, elle sortit ses menottes ainsi que son insigne de garde, puis tonna :
« Tu me dois quelques explications. »
Lorsqu'elle remonta dans la salle principale de la taverne, seule pour ne pas provoquer de panique au sein de l'établissement, Dahlia se hâta vers Ray et lui dit avec empressement :
« C'était bien l'un d'entre eux, je l'ai attaché dans la cave. En revanche, nous n'aurons pas le temps de l'amener à la caserne : il m'a dit que le Prieuré projetait d'incendier le village de Goron, nous pouvons peut-être encore intervenir et empêcher qu'ils agissent. »
En espérant qu'il n'était pas déjà trop tard.
Mes chers frères et sœurs ! Repentez-vous !
Je hausse un sourcil à sa première tirade. Il nous fait quoi là ? Il veut mourir tabassé par ces gens ? Ou peut-être faire distraction justement… Boarf, la grognours est sur le coup, il n’y a pas grand chose à craindre de ce côté. Mais le mien n’apprécie pas que la populace l’ignore… Le voilà qui passe par-dessus le bar pour saccager le matériel de l’honnête commerçant. Mauvaise idée… Pour se faire remarquer, c’est réussi mais à quel prix ? Le voilà déjà arraché du sol et ramené dans la salle par deux molosses du coin. Et paf, première châtaigne, bam, une deuxième. Quelle idée aussi de faire le malin comme ça ? Il y a des choses sacrées dans la vie. Et les chopes de bières en font partie. Je me lève sans me presser, histoire quand même qu’il soit en état de parler.
Messieurs, messieurs, calmons-nous. Je suis certain que cette brave personne n’avait pas pour autre but que d’offrir une tournée à toute la salle. J’aimerai que nous en restions là, j’aimerai profiter de mon repos et ne pas avoir à vous amener au Bastion…
Plusieurs regards mauvais coulent sur moi mais l’insigne de la Garde calme les ardeurs de la plupart. Et la perspective d’une bonne bière aide un peu, il faut le reconnaître. On reste quand même deux bonnes minutes à se toiser avant qu’ils ne retournent à leurs activités. Attrapant mon nouvel ami par le col, je le relève. Il a pris une bonne dose de mandales mais il devrait encore pouvoir parler.
Parfait, je vous remercie de votre compréhension mes amis.
Mais Lucy en a décider autrement… Dalhia est de retour avec de mauvaises nouvelles. Un soupir m’échappe. Foutre le feu, rien que ça…
Bon travail Dalhia… On fonce à Goron, deux paires de bras supplémentaires ne feront pas de mal dans le pire des cas.
Fouillant dans ma bourse, je sors quelques cristaux que je pose sur le comptoir en appelant l’hôte des lieux, sans lâcher mon ami du prieuré.
On va faire simple, j’ai d’autres urgences ce soir. Voilà quelques cristaux, fais le nécessaire pour qu’ils arrivent sans encombre entre les mains de la Garde au nom d’Oderik. Vivant et capable de parler, lui et son copain de l’arrière boutique. C’est compris ?
Je ne suis pas débile, je sais qu’ils vont prendre des coups d’ici à ce qu’une autre patrouille passe par-là. Mais je m’en fiche un peu à vrai dire. Un hochement de tête du tavernier me suffit. Il n’est jamais bon de mettre des bâtons dans les rouages de la Garde. Il serait dommage que mes sentinelles fassent plus de descente dans son bar…
En route !
J’emboite le pas à ma partenaire pour rejoindre nos montures. Goron n’est pas très loin mais il nous faudra quand même presque une heure pour y arriver en forçant le pas… Alors que l’on grimpe sur nos montures, je donne les consignes à Dalhia :
A l’arrivée priorité à la mise en sécurité des habitants si le feu a débuté. Sinon, mise hors d’état de nuire de la menace. Idéalement, vivant…
Idéalement seulement… Le temps nous sera compté dans tous les cas, je gérerai les détails plus tard. Un coup d’étrier et on fonce au galop à travers la bourgade en direction de Goron. Il n’est pas prudent de galoper dans le noir ainsi mais la situation est trop grave pour jouer la sécurité dans l’immédiat. Le trajet me semble bien trop long, semblant durer des heures… Et l’arrivée en vue du village n’en est que amère… Même de loin, je peux dire que l’incendie est déjà hors de contrôle. Il n’y a clairement pas qu’un bâtiment en feu.
Leur chevauchée dans la nuit fut âpre et silencieuse, l'allure effrénée de leurs montures ne faisant qu'aiguiser la morsure du froid vespéral sur leurs visages à découvert, mais ils finirent par atteindre leur objectif et affluer aux abords du village.
Trop tard, hélas.
Alors que Goron n'était qu'une esquisse au loin, manifestée par les trouées lumineuses jetées par son incendie brasillant dans la nuit, l'estomac de Dahlia se tordit d'une indicible appréhension. Le Prieuré était déjà parvenu à ses desseins, le feu s'étant propagé au sein de plusieurs bâtisses du village, les opaques et denses nuées en émanant obscurcissant la trame déjà sombre du ciel.
« Ils y sont parvenus. Nous arrivons trop tard. » lâcha-t-elle dans un souffle à peine audible, lesté par la déception.
L'échec avait un goût amer sur ses lèvres, encore plus que celui propagé par l'âcreté des fumées qu'elle respirait peu à peu, alors qu'ils gagnaient l'enceinte de Goron. Bien que son espoir fût ténu, Dahlia aurait souhaité qu'ils puissent arriver à temps pour enrayer la menace avant qu'elle n'embrase le quotidien de ces pauvres gens, et le réduise en cendres. Mais le timing n'était pas toujours le plus propice, et le plus important était à présent de contenir le feu ainsi que de réduire ses dégâts sur la population. Physiques, à défaut de matériels, plusieurs maisons périclitant déjà sous les flammes rougeoyantes et vrombissantes du brasier.
Toujours perchée sur le dos de son Skur, Dahlia embrassa la scène des yeux. Des gardes s'affairaient déjà à calmer la population traversée par la panique, tandis qu'un corps de pompiers spécialisés dans la manipulation d'eau tentait d'apaiser l'incendie. Au sein de la foule d'habitants éplorés, un élément accrocha son regard tant il dénotait : un groupe de trois hommes encapuchonnés, en apparence bien plus placides que le reste des individus les environnant, semblait remonter la foule à contrecourant, montés sur des chevaux.
« Ces hommes me paraissent suspects, Lieutenant… »
Alors qu'elle tirait sur les brides de sa monture pour s'approcher d'eux et mieux les sonder, l'un des hommes nota soudainement sa présence, ainsi que son intérêt appuyé, et prévint rapidement ses compères qui amorcèrent aussitôt un galop. Le sang de Dahlia ne fit qu'un tour, et elle talonna son Skur à leur poursuite, activant la magie de déplacements accélérés dont bénéficiait Skirfir afin qu'il impulsât une accélération éclair. Elle dépassa ainsi l'un des hommes et son skur se dressa sur ses pattes arrières devant lui, le toisant de toute sa hauteur en battant des sabots pour intimider à son cheval de se stopper, ses ailes déployées lui conférant une envergure plus menaçante encore.
Le cheval lui faisant face freina aussitôt, manquant de déloger l'homme sur son dos par son ralentissement impromptu. Son cavalier se cramponna toutefois fermement à sa bride, évitant une mauvaise chute, puis libéra une main pour tirer son épée au clair. Il reçut alors aussitôt un coup de cornes abattu sèchement par Skirfir, qui l'envoya lourdement valser au sol. Plus que jamais, Dahlia était ravie de pouvoir bénéficier de la protection de son familier combattant. Elle porta un regard circulaire autour d'elle afin de voir ce qu'il advenait des deux autres suspects, et de vérifier si Ray avait pu les rejoindre.
Laissant à Dalhia le soin de s'occuper des incendiaires, je me précipite vers les flammes là où je pourrais me rendre utile. Sans pouvoir d'eau, ma seule utilité est de repérer les personnes coincées dans les bâtiments… Pas besoin d'entrer pour ressentir les mouvements d'une personne en panique, il faut un peu plus pour ressentir le maigre souffle de la personne évanouie. La taverne est déjà attaquée par les spécialistes alors je me précipite vers les quelques habitations en flammes. Je fonce vers la maison la plus enflammée. Il y a de forte chance pour qu'elle soit déjà vide mais je dois m'en assurer. M'approchant au plus près des murs, faisant fi de ma propre santé face à la chaleur des flammes, je peux ressentir chaque craquement du bois, chaque fissure qui se propagent dans les murs… Mais ce n'est pas ce qui me frappe alors que je contourne la demeure…
Dans cette maison… Il y a quelqu'un ! Quelqu'un de tout petit, tremblant dans un coin alors que les flammes ravagent les lieux. Je ne ressens rien autour mais si elle n'est pas sortie, c'est que quelque chose l'en empêche ! Pas le temps de tergiverser, il n'y a pas une seconde à perdre, la charpente est en sale état, je sens qu'elle bouge… Mes choix ne sont dictés que par une rage sourde pour ne pas voir mon schéma se reproduire ici. La porte est affaiblie par le feu et cède facilement au premier coup d'épaule. Ce ne sont que les premières brûlures que je récupère au passage. Mais à l'intérieur…C'est littéralement l'enfer sur terre… Surement un enfer digne du fameux aventurier Calcinateur… La chaleur y est accablante, quelques poutres enflammées se sont effondrées bloquant le passage. Pour rejoindre la personne que j'ai sentie, c'est plus que de simples brûlures que je récupère… Si douloureuse mais rien qui ne m'arrêtera définitivement dans mon sauvetage !
Je finis par me pencher pour regarder sous le four de pierre. C'est un bon endroit pour être temporairement à l'abri du feu mais ça ne durera pas…
Tout va bien se passer, on va sortir de là. D'accord ?
C'est une petite fille… D'un âge similaire à ma petite sœur à l'époque de l'incendie. Je prends la petite contre moi puis je pousse ma coiffe pour qu'elle recouvre mon corps et la fillette. J'espère ainsi la protéger un peu des flammes…
Le coup dardé par l'un des incendiaires restants, qui avait projeté sa lance vers elle alors qu'il était juché sur son cheval, la ramena bien vite aux présentes réalités. Skirfir amorça cependant un pas de recul qui lui fut salvateur, puis pivota prestement pour asséner à l'homme un coup de sa puissante queue, qui le déstabilisa et le fit choir au sol. Dahlia eut alors une idée pour le troisième et dernier homme, qui semblait les jauger avec méfiance.
*Skirfir, je vais descendre pour menotter ceux à terre, use de ton invisibilité pour le dernier* l'enjoignit-elle télépathiquement avant de quitter son assise d'un bond leste.
Alors qu'elle menottait l'un des hommes fourbu des douleurs de sa chute et allongé au sol, Skirfir suivit son conseil et se drapa de son invisibilité. Il ne fallut guère que temps pour qu'il envoyât ainsi valser le dernier homme en le surprenant d'un coup de cornes impromptu, porté à la faveur de la nuit et de sa translucidité. Bientôt, des gardes du village les rejoignirent, alertés par la clameur de leur affrontement - et surtout par les cris de détresse des marauds malmenés par Skirfir. Dahlia leur exposa les faits avant de conclure :
« Leur tentative de fuite semble les incriminer. Un interrogatoire permettra de confirmer leur responsabilité dans cet incendie, mais je les soupçonne de par leurs agissements d'appartenir à la secte du Prieuré de l'Aube, sur laquelle nous enquêtions justement avec le Lieutenant Ray… L'avez-vous vu, au fait ? Nous étions arrivés au village ensemble. » La voix de Dahlia s'était teintée d'une inquiétude perceptible, alors qu'elle interrogeait l'un des gardes.
« La dernière fois qu'on l'a aperçu, Adjudante, il pénétrait dans une maison envahie par les flammes, faisant fi du danger pour s'assurer que personne ne s'y trouvait en danger… Un vrai geste de bravoure. »
Dahlia sentit son inquiétude s'embraser aussi vivement que les flammes dévorantes lancées à l'assaut des bâtisses du village, et remonta sur Skirfir pour se précipiter au cœur du village. Là, elle interrogea les personnes présentes sur place pour retrouver la localisation de Ray. Heureusement, des pompiers étaient parvenus à intervenir pour endiguer le feu de la maison où il était entré, et l'avaient aidé à l'évacuer, ainsi que la jeune enfant qu'il était parvenu à sauver du brasier. Les traces de suie et les brûlures - heureusement d'apparence bégnines - qui constellaient son corps serrèrent la poitrine de Dahlia, mais elle était plus que soulagée de le retrouver sain et sauf.
« Tout va bien, Lieutenant ? » Dès lors qu'il l'eût rassuré sur son état, elle poursuivit : « Plusieurs suspects ont été arrêtés, on devrait bientôt avoir le fin mot de cette histoire, et découvrir les commanditaires à l'origine leur agissements… Ainsi que la confirmation ou non de leur appartenance au Prieuré de l'Aube. Félicitations pour votre sauvetage, c'était vraiment admirable d'avoir bravé l'incendie pour sauver cette enfant. »
Portant son regard vers les maisons encore ardentes, Dahlia se demanda si elle aurait eu le courage d'affronter la fournaise qu'elles renfermaient comme Ray l'avait ainsi fait, sans l'ombre d'une hésitation. Bien qu'ils fussent arrivés trop tard pour empêcher au village de subir de tels dégâts, elle était en tout cas heureuse qu'ils aient pu venir en aide à ses habitants. Elle espérait par ailleurs, en son for intérieur, qu'ils parviendraient à faire cesser les manœuvres du Prieuré définitivement.
A peine le pied posé hors de la maison, tout un pan de toit s’effondre là où la petite fille était cachée. Elle n’aurait pas survécu si je n’avais pas foncé dedans… Les brûlures en valent la peine, sa famille n’aura pas à pleurer son décès ce soir, c’est tout ce qui compte pour moi. Relevant ma cape, je laisse la petite fille partir avec un des secouristes venu à ma rencontre. Pas de repos, il y a encore tant à faire ici… Mais Dalhia est à mes côtés avant que je puisse repartir au front des flammes.
Ce n’est rien, juste quelques brûlures… Rien qui ne soit plus grave que la perte de sa famille…
J’écoute attentivement son rapport sur la capture de quelques hommes suspects. Sur ce coup, je n’ai pas vraiment assuré mon rôle de lieutenant. Fort heureusement, elle a bien géré la situation seule.
Beau travail Dahlia, vous pouvez être fière de votre capture. Veillez à ce qu’ils soient mis au frais dans les cellules de la garnison locale et allez prendre un peu de repos si le coeur vous en dit… Je vais rester un peu pour aider les secours. L’interrogatoire attendra demain.
Maintenant qu’ils sont hors d’état de nuire ailleurs, la priorité est de venir en aide aux habitants de Goron.
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