Valeera
Il n'était nul besoin de cacher ses intentions. La légende d'un assassin et de son armure courrait rapidement dans les bas fonds. Et quand on voulait devenir soit même une légende, il fallait parfois prendre des risques.
Valeera avait longtemps traquée une telle opportunité, chassant la moindre rumeur sur une des fameuses armure de la corneille, un outil de travail autant que de prestige qui pour quelqu'un comme elle reviendrait autant à hérité du prestige que de l'identité de son ancien possesseur.
Ce fut une vente aux enchères sur le marché parallèle qui la décida, non pas à l'acheter bien sur, mais bien à la voler au nez et à la barbe du noble qui la voulait à l'origine et qui avait payé une somme démentielle pour se l'offrir.
Et ce ne fut qu'après une longue nuit de crochetage qu'elle arriva devant le coffre qui la contenait, arrachant la pièce à son geôlier avant de tenter de filer en douce, malgré les gardes, et les patrouilles...
Voilà maintenant trois jours que tu es enfermé dans les prisons de la garde. Depuis cette fameuse nuit où tu as essayé de voler la légendaire armure de la Corneille. Cependant, tout ne s’était pas passé exactement comme tu le souhaitais : était-ce un piège ? Une erreur dans les informations que tu as récupérées ? En tout cas, l'armure était bien à sa place lorsque tu es arrivé dans la résidence du noble ayant acheté l’objet de ta convoitise. Seulement avec elle un sort anti-vol. C’était bien la première fois que tu croisais une telle magie et nul n’aurait pu s’attendre à cela.
Quoi qu’il en soit, au moment où tu as mis la main sur l’armure, la protection magique de celle-ci s'activa puis plus rien…
Ce n’est que quelques heures plus tard que tu te réveilleras dans les prisons de la garde. Un seul homme est pour l’instant venu te voir, pour te donner ta ration quotidienne en eau et nourriture : à tes poignets des menottes anti-magies, tes objets personnels t’ont été retirés et tu es habillés d’une simple tenue en lin grise composée d’un haut large et d’un pantalon. Des chaussures en cuir sans lacet et une couverture. Voici les seules choses auxquelles tu as accès actuellement. Le garde chargé de la surveillance de ta prison t’as simplement donné cette information : tu passeras devant un juge dans trois jours, jusque là, prends ton mal en patience, ils décideront ce qui adviendra de toi.
Le jour J arriva et c’est deux hommes armés qui viennent te chercher, s'extirpant de gré ou de force de la petite cellule où tu as passé trois jours.
- Suivez-moi.
Ils t’escortent dans les couloirs de la caserne jusqu’à une petite pièce : en face un grand bureau derrière lequel se trouvent deux hommes d'âge mûrs, les yeux fixés sur toi. Une fenêtre barricadée par des barreaux en métal sur ta gauche et au centre de la pièce, un siège solidement fixé au sol. On t’y assied de force et les deux gardes retournent se poster à l’extérieur de la pièce.
L’homme sur la droite, dos droit, cheveux grisonnant et moustache soigneusement bouclée prend alors la parole :
- Très bien mademoiselle, nous allons discuter de votre cas. Je m’appelle John Randol et voici mon compère Arthur Krowen, nous sommes en charge de votre procès. Vous êtes accusés de violation de domicile privé et tentative de vol sur un objet illégal. Commencez par vous présenter ensuite nous écoutons votre défense.
Coudes posés sur le bureau, il croise les mains et attend que tu prennes la parole.
Les murs d'un cachot se ressemblaient affreusement tous. Et Valeera dans sa courte vie en avait connus suffisamment pour les trouver tous ennuyant. Jouant avec une petite balles qu'elle lançait contre les murs, elle ne cherchait pas vraiment à préparer sa défense, refusant de jouer le rôle de la pauvre fille des rues désespérée.
Peut être allait il falloir faire jouer son réseau ? La encore la solution semblait difficilement applicable, car cela serait revenu à admettre qu'elle ai besoin d'aide. Une chose impensable pour le moment.
Alors elle restait là à jeter sa balle, écoutant le bruit mat qu'elle faisait en heurtant le mur, retombant mollement à ses pieds. La scène dura bien un moment, ou seul cette action mura son quotidien. Les prisonniers se faisaient rare et sa cellule était bien isolée des autres, les gardes ayant eut la courtoisie de ne pas la mettre dans la même cellule que certains confrères masculins.
Courtoisie pour eux, pas pour elle.
Et finalement, on vint la chercher, comme d'habitude on la pria de se lever avant de lui passer les menottes, et les couloirs se succédèrent avec une régularité qu'elle avait appris à connaitre.
-Bien sur
Son ton monocorde se fit entendre doucement, ne résonnant qu'à peine malgré l'étroitesse du couloir.
Sans ménagement, elle fut assise de force sur une chaise alors que l'interrogatoire commençait.
-Et bien enchanté John et enchanté Arthur, j'aurai aimée avoir une meilleure toilette pour vous répondre helàs, rien ne réussira à faire d'ombre à votre moustache j'en ai peur...
Un léger sourire apparut sur ses lèvres avant de disparaitre, de grandes cernes de fatigues s'étant fait jour au fil de sa captivité, une fatigue soigneusement entretenue par la jeune femme pour paraitre le plus misérable possible.
-Je me nomme Alices, et je n'ai hélas pas de nom, il semblerait que mes géniteurs n'aient pas daignés m'en attribuer un
Le prénom était en somme aussi faux que tout le reste, et aurait paru aussi faux qu'un autre, ils pouvaient aussi bien avouer le vrai, que ça ne ferait pas une grande différence
-J'aimerai vous dire que je suis innocente et que tout cela est un malentendu. Hélas ce n'est pas vraiment le cas
Mieux valait rester vague quand on se préparait à bluffer.
-J'ai simplement été embauchée pour récupérer cet objet, voler un voleur en somme...
Mais voyez vous, celui qui m'a engagé pour cela tenait à mettre cet objet inestimable à sa juste place : dans un vrai musée, et pas dans une quelconque ruelle obscure...
Un mensonge bien évidement, mais que les deux inspecteurs semblèrent prendre au sérieux, cela lui laissa le temps de broder un peu d'avantage et alors qu'ils revenaient à l'assaut de a criminelle, cette dernière feignit l'ignorance, secouant la tête avec un air faussement contrit.
-Vous pensez que les petites mains sont au courant des projets d'en haut ?
Navrée de vous décevoir messieurs, mais mis à part le point de rendez vous, je ne peux guère vous dire grand chose.
Et sans se faire prier la vipère indiqua un endroit fictif. Point que personne n'irait inspecter de toute façon. Et alors qu'ils continuaient à essayer de la pousser à la faute, ils finirent par abandonner, l'enfermant une fois le soir tombé.
De là ou elle était, Valeera pouvait voir une petite fenêtre, qui donnait sur la capitale. En se hissant jusqu'à cette dernière, elle eut tout le loisir de voir que la vue était une de choix, donnant directement sur le quartier portuaire.
Sans objets magiques, elle ne pouvait pas réellement s'échapper, ne pouvant compter que sur une aide extérieure pour sortir... ou plutôt sur sa propre ruse...
Une semaine passa, ponctuée de séances d'interrogatoire courtoises qui ne mena sur guère plus que des réponses vagues.
Sa tenue de prisonnière jouant parfaitement son rôle, elle eut tout le loisir de peaufiner un plan, ne comptant nullement sur une aide de l'extérieur pour s'évader.
-Alices, c'est le jour du procès
C'était John à n'en pas douter. La voix correspondait à l'inspecteur qui lui avait été présenté la première, ce dernier se montrant étonnamment doux hors des sempiternelles séances, sans doute à cause d'une ancienne amante ou d'une fille disparut.
La vipère n'avait jamais cherché à comprendre cette différence de traitement, préférant afficher un silence poli plutôt qu'une curiosité qui ne la mènerait à rien.
-Comme quoi tout finit par arriver, sur quoi tablez vous John ? Une année de prison ? Plus peut être ?
Le moustachu grimaça, tachant de trouver les mots justes pour ne pas donner trop d'espoir à sa prisonnière.
-Avec de la chance, une forte amende, sinon quelques lunes derrière les barreaux, si le juge est clément il t'enverra dans le sud plutôt qu'à la Forteresse
-J'espère que non ! J'ai un certain dégout pour cette ville de dépravé, l'odeur de leur marché aux poissons est insupportable
La neutralité de la montagne serait bien mieux
-Qu'importe, ce n'est pas comme si tu allais pouvoir choisir, peut être que j'en glisserais un mot au juge, peut être pas.
Haussant les épaules, elle se contenta de se lever, observant les menottes qui l'attendaient déjà. Les mêmes qu'elle avait déjà au poignet, simplement un peu plus entravantes, visant visiblement à l'empêcher de bouger les bras plus que nécessaire.
-Sachez en tout cas que j'aurai connu pire comme prison et comme geôliers. Vous me manquerez peut être.
Arthur n'est pas là ?
-Non, une autre affaire l'occupe, on a pas encore retrouvé ce que tu avais volé
-Tiens donc ? Mon commanditaire aurait il engagé quelqu'un d'autre ?
Dit la jeune femme en souriant, se doutant de ce qui était arrivé jusque là. Preuve que sa seconde connaissait aussi son affaire
-Vas savoir... Une telle pièce... Je préfèrerais la voir détruite plutôt qu'entre les mains d'une personne comme...
Il s'arrêta de parler, mais son regard fut plus qu'éloquent, déclenchant une certaine hilarité chez la vipère
-Comme moi, c'est ce que vous vouliez dire. Rassurez vous, je ne le prend pas personnellement, la vie en vas ainsi et puis sans des gens comme nous, vous vous ennuieriez
Un silence s'en suivit avant que le garde ne la fasse sortir de sa cellule, préférant couper court à la discussion.
Au bout d'une semaine à l'interroger sans interruption, il était tombé plusieurs fois dans ses pièges, si bien qu'il commençait à douter de tout ce qu'elle avait pu dire jusque là... Et à raison.
Prenant place dans une carriole qui la convoya au palais de justice, la vipère n'opposa aucune résistance, se contentant d'observer les ruelles pour déceler le moindre signe des siens.
Et alors qu'elle finissait par se rasseoir au fond de la carriole, un petit chantelune passa au travers des barreaux.
Un animal fait tout en ombre qui déposa un petit morceau de papier avant de s'envoler de plus belle.
Valeera eut un petit sourire au lèvres quand elle en découvrit le contenu.
Voilà une suite qui promettait d'être amusante
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Le procès en lui même fut trop long à son gout, et elle se permit un bâillement arrogant alors que le jury débattait, ne lui trouvant aucune circonstance atténuante, pas plus que de réels regret.
Son apparence entièrement changée pour l'occasion avait été travaillée également, de telle sorte à ce que le portrait qu'on pourrait faire d'elle soit faux, tout comme les procès verbaux.
Le sérum de vérité avait été abandonné, considéré comme trop couteux pour une simple voleuse.
-Coupable !
Trancha le juge en frappant le socle en bois de son marteau, faisant sursauter presque tout le monde, sauf une Valeera au pic de son ennui
-Mademoiselle Alices, je vous condamnes à deux lunes de prisons à la Forteresse, puisse l'air des montagnes vous permette de vous poser les bonnes questions sur vos choix de vie !
Ainsi donc le jugement était rendu. Condamnée à si peu de prison, la vipère songea à vraiment tenter de s'échapper.
Mais sa crédibilité était en jeux...
Se levant du banc des accusés, la jeune femme partit avec ses geôliers pour le chemin du retour, qui fut tout aussi long et dénué d'intérêt.
Elle eut simplement une visite de ce cher John une fois la nuit tombée qui vint presque la reveillée.
-On te transfère demain à la Forteresse, tu as des personnes à prévenir ?
Baillant en se frottant les yeux, Valeera fut presque touchée de la sollicitude du garde, si bien qu'elle répondit sans aucunes intonation négative
-Et non mon cher John, je suis seule au monde, peut être que je passerais vous dire bonjour une fois ma peine purgée.
Tachez juste de ne pas m'oublier d'ici là
-Cela, ça ne risque pas !
Dit il en rigolant, verrouillant la porte avant de repartir préparer l'envoi de la prisonnière.
Murmurant pour elle même, la vipère eut un autre sourire, un peu plus froid en réaction à la déclaration du garde
-Oh que si, sitôt ce déguisement de prisonnier quitté, vous m'oublierez... tous
Ne resterais que les documents attestant de son procès, et s'ils étaient faux, il serait tout de même embêtant de laisser trop de trace.
Une occasion d'essayer l'armure que sa complice avait récupérée...
-A demain, Rebecca
Dit elle souriant au petit chantelune qui c'était posté à la fenêtre, ses yeux d'ombres la fixant avec un amusement non dissimulé
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