Du revers de la main tu essuyas le sang qui avait commencé à sécher en dessous de ton nez, évitant d’appuyer trop fort sur l’appendice douloureux. Tu reniflas, avant de cracher un mélange de sang et de salive par terre. Le goût métallique ne te lâchait pas. Tu avais besoin de le faire partir avec quelque chose... et quoi de mieux qu’une bonne bière ou d’un verre de rhum épicé pour te rincer le gosier ? Au moins, tu ne sentirais plus le liquide écarlate sur tes pauvres papilles. Tu te redressas, retenant difficilement une petite grimace suite à l’action. Si tu te souvenais bien, l’aventurier téméraire devait rouvrir ses portes aujourd’hui et Lucie savait que la taverne t’avait manqué. Il était temps ! Tu connaissais bien d’autres adresses très agréables à la capitale, mais il fallait avouer que l’établissement de Devon avait un charme particulier et surtout, tu t’y sentais plus tranquille. Ça serait donc ta destination pour terminer ta journée de repos avant de reprendre les contrats. Tu enjambas le corps recroquevillé de l’imbécile qui avait tenté de te menacer pour quelques cristaux. Le pauvre avait vraiment mal choisi sa cible. D’un pas légèrement traînant tu te dirigeas vers ton nouvel objectif, prenant tout de même quelques petites secondes pour donner un dernier coup de pied à l’homme à terre et de ranger la petite bourse qu’il avait sur lui. Le malandrin n’avait vraiment rien d’intéressant, juste de quoi se payer une chambre et un repas. Ce qui était plutôt décevant.  

L’auberge bien familière ne tarda pas à se dresser devant toi et tu n’hésitas pas une seule seconde avant de la franchir. Le lieu n’avait pas changé avec son intérieur rustique. C’était vraiment... réconfortant. Ton regard parcourut l’ensemble de la pièce, avant de se poser sur un colosse bien connu. Celui-ci avait les traits tirés comme s’il n’avait pas passé une bonne nuit de sommeil, mais un sourire illumina tout de même son visage et il fallait croire que c’était contagieux puisque tu le lui rendis. ”Bonsoir patron, je vais commencer par une bière. Bien fraîche. ”Soufflas-tu en te rapprochant pour t’installer au comptoir. Tu ne serais pas dos à un mur, mais tu pourrais profiter de la présence du maître des lieux. Cela faisait longtemps que tu ne l’avais pas vu. Ton regard doré passa sur les cernes du pauvre nouveau père. En voilà une bonne raison de ne pas te reproduire ! M'enfin, tu devais avoir une aussi sale tronche que lui avec le début d’hématome sur la joue, ton pif un poil gonflé et ta lèvre légèrement fendue. Tu posas tes mains sur la surface boisée, tout en prenant ton temps pour te poser. Tu aurais sûrement quelques courbatures en plus des ecchymoses demain, mais rien ne nécessitant une potion ou des soins prodigués par un médecin. Puis, ton père t’avait appris à ne pas être si douillet, même si ça ne t’empêchait pas de faire attention. Tu n’étais pas maso non plus.  



“Comment ça va ? Et ta dulcinée ? Pas trop difficile la reprise avec le petit ? ” Tu n’étais peut-être pas un grand fanatique des enfants, mais ça ne t’empêchait pas d’être poli et de t’intéresser à Devon. Après tout, tu aimais bien le couple, même si tu ne connaissais pas très bien Saryna. ”D’ailleurs je ne crois pas connaître le prénom de ta progéniture... Vous vous n’étiez pas encore décidés la dernière fois que je suis venu boire un verre ici. Continuas-tu, désireux de prendre des nouvelles de la petite famille.  

Tu sens que l’autre homme est assez amusé de te voir débarquer dans un tel état chez lui. Où est donc l’inquiétude ? Hein ? Pourtant, tu gardes ton sourire, tout aussi amusé que le sien. “Est ce que j’ai le droit aussi à un bisou magique pour les faire disparaître avec tout ça ?” Tu souffles avec amusement. ”Mais ouais, je veux bien la glace et le torchon. Ça m’évitera peut-être d’avoir un nez qui aura doublé de volume demain...” Tu allais enchaîner sur l’état de ton adversaire pour rassurer Devon quand il laissa échapper un verre. Tu n’eus pas le temps de réagir que la coupe éclatait déjà en mille morceaux en rencontrant le sol. Tu te penchas un peu en avant pour voir les dégâts, cherchant à voir si le géant ne s’était pas blessé dans la manœuvre. “Ca t’a pas touché au moins ?” Ça serait bête qu’il se fasse une vilaine coupure pour son premier jour de réouverture.  



Tu attrapas la chope, te retenant de la poser sur ta joue douloureuse. Tu laisses le patron gérer l’arrivée de ces nouveaux clients –que tu connaissais aussi de visage comme une bonne partie des habitués de l’établissement. Malgré la fatigue apparente, il semblait toujours aussi efficace –si on oubliait l’incident qui venait de se produire- et surtout, il se souvenait encore des préférences de chacun. C'était peut-être à ça qu’on reconnaissait les bons taverniers ? Tu pris une première gorgée de ta bière, grimaçant légèrement quand l’alcool picota ta plaie à la lèvre alors qu’il revient vers toi. “T’inquiète donc pas, tu fais ton boulot, je ne vais pas te garder juste pour moi.” Tu reposes ton verre sur le bar. Remerciant intérieurement le goût du houblon et des autres ingrédients de faire disparaître les dernières traces de sang de ton palais, tu jettes un regard aux clients présents. “C’est vrai que la taverne me manquait. Sans elle, nous errons comme des âmes en peine dans les rues de la capitale à la recherche d’un autre établissement pour combler le vide que tu as laissé.” Tu fais semblant d’essuyer une petite larme au coin de l’œil tout en veillant à prendre un ton vraiment dramatique. Tu lèves yeux vers lui après ta déclaration pour voir sa réaction.  



“Tant mieux. Tu n’oublieras pas de transmettre mes félicitations à Saryna. “ C’est plutôt rassurant qu’elle aille bien. Malgré la magie, il n’était pas si rare qu’une femme perde la vie en couche et cela même si elle semblait aussi coriace que l’épouse du tavernier. Tu sirotes avec précaution l’alcool avant de reprendre : “C’est un joli prénom, il a combien de mois maintenant ?  ” Tu n’étais peut-être pas la personne la plus à l’aise pour discuter bébé, mais ça ne t’empêchait pas de remarquer que Devon être tout fier de son tout nouveau rôle de père. Puis, ça te changeait des conversations que tu avais habituellement. C’était bien pour ça que tu aimais venir ici. Pas besoin d’être trop sur tes gardes. Tu pouvais presque jouer les citoyens lambdas, même si le géant n’était pas un idiot et devait se douter que tu trempais dans des magouilles. L’important, c’était qu’il ne sache pas lesquelles. ” Voyons, je ne me bats pas si souvent, et pour le coup je ne faisais que me défendre. Déclaras-tu sans entrer dans les détails. ”Pas mal de boulot, je n’ai pas eu beaucoup de temps pour me reposer jusqu’à aujourd’hui. M’enfin, ça m’a permis de faire une rencontre intéressante, et qui je sens, sera plus que prometteuse pour mes prochains boulots.”  Ajoutas-tu en repensant à Johana Doe et son offre plus qu’alléchante.  

Affronter la colère et la jalousie de Saryna ? Hum, très peu pour toi. Puis, tu n’avais pas envie de fâcher avec la jolie femme de ton ami. “Je lui laisse les baisers, la glace suffira largement !” Déclares-tu avec un rire dans la voix. Un petit soupir de soulagement t’échappe alors que tu poses afin la poche de glace sur ta joue tuméfiée et ton nez douloureux. Rien ne vaut le froid pour faire taire la douleur lancinante. Tu fermes les yeux une seconde, le temps que Devon s’occupe des autres clients et revienne au comptoir. Tu continues à siroter ta bière doucement, la vidant un peu plus à chaque fois du précieux liquide.  

Voir que l’homme était fier de ce qu’il avait accompli entre son établissement et sa famille faisaient plaisir à voir et si lui faire quelques compliments –qui étaient sincères en plus- le faisait sourire, tu n’allais pas l’en priver. “Parfait, je sais donc où je serai dans les prochaines semaines quand j’aurai un peu de temps libre.”Ça te changerait un peu de l’auberge des Dhratées, même si tu l’aimais beaucoup, tu y allais plus pour le boulot contrairement à celle de l’aventurier téméraire qui te servait plus de refuge et véritable lieu de détente. ”Aube se débrouille bien, mais c’est vrai qu’il faudrait quelqu’un avec elle, quand les esprits commencent à s’échauffer à cause de l’alcool.” Tu ne connaissais pas le don, ni les capacités de la jeune femme, peut-être qu’elle était capable de se faire obéir, mais entre un brin de jeune fille et l’homme face à toi, les gens avaient tendance à plus craindre d’attirer les foudres de Devon que celles de son employée. ”M’enfin ça risque d’être un peu différent si on te voit moins.” C’était loin d’être un reproche, il était normal qu’il s’occupe de son tout nouveau-né, mais ça t’empêchait d’être légèrement attristé. Bon, tu étais loin d’être inconsolable, mais tu avais tes habitudes ici.  

“Chacun son domaine de prédilection, surtout que les bois ont dû lui manquer. Enfin, je serai content de la revoir ici.” Tu n’étais pas particulièrement proche de la jeune femme au physique si particulier, mais ça ne t’empêchait d’éprouver de la sympathie pour elle. Peut-être que tu prendrais le temps d’échanger un peu plus avec elle un de ces jours si l’occasion se présentait. “Malheureusement j’en suis bien conscient.” Prendre des vacances en tant que mercenaire signifiait n’avoir aucune rentrée d’argent, comme ne pas ouvrir son établissement un certain temps signifiait des pertes. “Mais il faut se dire que tu fais ça pour lui. Il ne manquera de rien ce petit gars. Est-ce que certains ont déjà réclamé à le rencontrer ?” Si ce n’était pas encore fait, ça ne tarderait certainement pas. Il était d’ailleurs étonnant qu’aucun client ne soit venu vous interrompre pour commander quelque chose ou juste féliciter le nouveau papa.”j’ferai gaffe, promis et si je sens que ça pue je me barre sans me retourner.” Tu avais encore à travers de la gorge ta première rencontre avec Johana Doe, même si ça c’était bien terminé au final.  



Sentant sûrement l’inquiétude de ton vis-à-vis, tu décides d’entrer un peu plus dans les détails pour le rassurer. “Fait pas cette tête, je t’jure que c’était rien.  C’est un idiot qui a cru que pointer une dague vers moi pour me détrousser était une bonne idée. Il a vite désenchanté, même si le bougre a tenté de se défendre.” Ton sourire se fait légèrement plus moqueur. ”Maintenant il réfléchira à deux fois avant de s’en prendre à un inconnu.” Tu retiras un instant la glace pour terminer ta chope. ”Fini !” Tu pousses le récipient vers lui. ” Je vais continuer avec un verre de rhum arrangé !” Après tu freinerais un peu sur la boisson tu n’avais pas spécialement envie de rouler au sol à cause de la boisson ce soir.  

“Ah ça je me souviens. ” Ca avait plutôt amusant à voir en y repensant. “je ne perds pas espoir de lui tirer quelques mots de plus à chaque fois. “ Bon, en vérité tu ne te contentais que du minimum avec la jeune femme, ne voulant pas la mettre mal à l’aise. Puis, quand tu voulais discuter, tu préférais le faire avec Devon.



Accoudé à la table et ta bière terminée, tu as tout le temps d’admirer toutes les expressions qu’affiche le jeune père de famille. Tu penches légèrement la tête sur le côté à sa déclaration et ton regard se fait plus pensif. Tu ne peux penser qu’à ton propre père et son éducation. Le contexte était un peu différent, déjà il avait dû élever trois enfants seuls suite à la disparition de ta mère et il était aussi un mercenaire. Il avait dû s’absenter plusieurs fois pour de longues semaines, mais malgré ses défauts et ses erreurs, tu devais bien admettre qu’il avait fait de son mieux...Si aujourd’hui tu avais des désaccords avec lui ce n’était clairement pas pour ces absences. Il avait eu besoin d’argent pour vous –et pour ses objectifs, mais tu avais conscience qu’il avait dû faire des sacrifices et avait même mis ses rêves de côté pour vous éduquer jusqu’à ce que vous soyez assez “grands”. “Peut-être qu’il ne comprendra pas de suite, mais une fois adulte je suis sûr qu’il saura que tu faisais ça pour lui. Puis, il n’est pas seul, il a sa mère et ses grands-parents et ce n’est pas comme si tu allais être totalement absent, non? ” Soufflas-tu d’un ton qui se voulait rassurant. Sans la présence de ta fratrie ou même de l’autre imbécile, tu aurais sans doute bien plus souffert de la situation. ” Je suis sûr que tu es et seras un père formidable. C’est normal d’avoir peur de mal faire comme c’est tout nouveau pour toi, mais tu apprendras de tes erreurs et tu ne seras pas seul dans son éducation. Tu en as parlé avec Saryna ? ” Décidément, aujourd’hui tu en sortais des choses que tu n’aurais jamais dit ou même pensé habituellement. Est-ce que tu t’attendrissais ? C’était peut-être le début de la vieillesse ? Tu ferais bien d’aller échanger des piques et emmerder un certain noble pour effacer tous ces bons sentiments quand tu quitterais la taverne.



Tu retiens un petit rire, c’était un peu trop tard pour la merde avec ton métier ou même juste ta famille... Ou juste pour le but de ta vie. Tout ce que tu pouvais faire c’était de faire attention à ne jamais te faire attraper par la garde –ou même des aventuriers- et ne pas attirer des ennuis à tes relations. C’était bien pour ça, tu ne dirais jamais tout au maître des lieux. Pas même ton nom. Tu te contentes donc de hocher de la tête à sa mise en garde, bien conscient qu’il devait se douter que tu traînais dans des magouilles. Tu n’avais pas non plus cherché à lui mentir de A à Z en t’inventant une vie, surtout qu’il respectait les silences et les secrets de ses clients. Fait qui t’avait aidé à te sentir à l’aise et à t’attacher à l’établissement. Tu le regardes jouer avec les épices et accueille la nouvelle boisson avec joie. Tu inspires doucement l’odeur du rhum arrangé, appréciant les divers effluves qui s’en dégageaient. Tu trempes tes lèvres, en prenant une petite gorgée que tu gardes quelques secondes en bouche avant d’avaler, t’imprégnant des différentes saveurs. “Toujours une petite merveille.” Tu ne peux t’empêcher de commenter pour toi-même.



Tu hausses doucement les épaules quand il s’interroge sur le voleur devenu victime. ” J’ai fait gaffe à le laisser en vie et sans aucune blessure permanente. Quand je l’ai laissé, il jouait les carpettes, mais il s’en remettra. Je ne pense pas qu’il ira voir la garde... Et au pire il ne sait rien de moi.” Si jamais le scélérat trouvait le courage de se plaindre à la garde en se positionnant comme la victime de l’affaire, tu n’aurais qu’à faire profil bas. De toutes façons, tu allais devoir te rendre à Grand Port pour ton contrat avec Doe qui ne se ferait pas en quelques jours et ça sent compter le trajet. Maintenant que tu pensais à ça, tu réalisais que tu avais eu de la chance de pouvoir venir ici avant ton départ. “Arf, je suis un idiot, je viens de me souvenir que je vais devoir me rendre sur la côte dans les prochains jours alors que je viens de te dire que je viendrai passer mes repos ici...” Soupires-tu, ton sourire fut un instant remplacé par une grimace.

Ta petite tentative pour rassurer l’ancien aventurier était visiblement un échec, pourtant tu avais mis du tien en y partageant ta “propre” expérience, ou du moins une partie. Malheureusement ça ne semblait pas avoir aidé ce pauvre Devon, il était peut-être même un peu plus “déprimé” au vu de son ton et de son expression. Tu avais dû gaffer quelque part... Avais-tu quelque chose de mal sans le savoir ? Tu n’étais clairement pas le mieux placer pour rassurer un jeune papa dans son rôle et sa relation avec son fils.  Tu trempas à nouveau tes lèvres dans le rhum. Que pourrais-tu dire ou faire pour aider ce grand bonhomme ? Il ne voulait même pas parler à sa dulcinée. Pourtant, d’un point de vue extérieur cela t’aurait semblé judicieux d’aborder le sujet avec la maman du petit Cid. Tu fis travailler tes méninges, cherchant quoi dire à ton ami, sans vraiment rien trouver. Tu te sentais un poil inutile pour le coup et tu en venais presque à craindre de dire une autre bêtise. Si seulement, il avait eu un problème dont tu aurais pu tout simplement te débarrasser pour qu’il se sente mieux. Tu en venais presque à te sentir coupable d’avoir abordé le sujet du bébé.  

“Tu sais je ne suis vraiment pas le meilleur pour te conseiller sur comment élever un enfant, et je n’ai pas à te dire quoi faire avec Saryna, mais je pense que tu devrais en parler avec quelqu’un. Pourquoi pas tes parents ?   ”  

Proposes-tu avec beaucoup d’hésitation. Tu n’étais pas très à l’aise et cela devait se percevoir, même si ce n’était que légèrement... Et tu restais convaincu qu’il valait mieux crever l’abcès tout de suite. Un petit soupir t’échappe.  

“Et sinon je suis toujours là, je veux bien te prêter une oreille attentive. ”  

Ajoutes-tu après quelques secondes de silence. Tu plongeas ton nez dans ton verre, buvant une longue rasade. Tu avais proposé, maintenant c’était à lui de choisir. Tu espérais juste qu’il ne le prendrait pas mal et que tu ne serais pas considéré comme un peu trop intrusif pour un client, certes fidèle et apprécié, mais un client tout de même.  Vous vous fréquentiez seulement quand tu venais boire un verre ici.... Autrement tu étais un étranger. Arf... j’ai l’impression d’être un gamin à réagir comme ça... Tu étais tellement gêné maintenant. Pourquoi avais-tu proposé une telle chose ? Tu n’étais vraiment pas habitué à ça. Tu devais vite changer de sujet et te reprendre. Vous parliez de quoi déjà ? De possibles ennuis que t’attiraient le boulot ? De ton futur séjour à Grand Port ?  

“je ferai attention, l’alcool d’ici me manquerait beaucoup trop.” Lâchas-tu avec un très léger rire avant de boire une nouvelle rasade du rhum qui n’allait pas tarder à te monter à la tête au rythme où tu allais et cela même si tu étais plutôt résistant. Tu pousses un soupir de soulagement quand il doit s’éloigner pour servir d’autres personnes. Tu en viens à envisager la fuite ou à te noyer dans ton verre. Tu ne savais pas trop. D’un geste mécanique tu viens avec ta boucle d’oreille et avant que tu ne prennes la moindre décision qu’il est déjà de retour. Tu ne lui laisses même pas le temps de dire quelque chose: “Je ne vais pas sur l’île volante, et je vais sûrement rester en ville, mais si tu as des endroits à me conseiller n’hésite pas. Tu inspires doucement. “Tu as entendu beaucoup de rumeurs sur cette île ?” Tu étais tout de même légèrement curieux. La chasse aux trésors dans des ruines n’était pas ton activité favorite, mais tu savais de par ton père, que ta mère était spécialisée dans ce domaine de son vivant.  

Un ours et un joueur de pipeau ? Sérieusement ? Mais où les gens allaient-ils chercher ça ? Et surtout qui y croyait ? Ah... et dire que les rumeurs étaient parvenues jusqu’à la Capitale. C’était plutôt effrayant de voir des bêtises de la sorte être propagées si facilement. Certes, avec la magie il pouvait se passer des évènements loufoques, mais bon... A moins de le voir de tes propres yeux ou d’avoir des preuves, tu mettrais en doute chacune de ces potins. Tu soupiras doucement avant de boire une autre gorgée de ta bière. Oubliant légèrement ta proposition alors que le gérant parlait des divers ragots sur cette fameuse île.



Les barmans –comme les autres employés d’une auberge- avaient toujours des choses à raconter sur ce qu’il se passait dans le royaume. Une vraie mine d’information, même s’il fallait apprendre à reconnaître les perles qui se cachaient parmi les exagérations, les bobards et autres rumeurs.



” Oui, mieux vaut attendre le retour de l’expédition pour en savoir plus et la guilde va sûrement recevoir des quêtes à ce sujet.” Il n’était pas rare de renvoyer des aventuriers sur les lieux, ou même des gardes. Peut-être que tu pourrais te joindre à une des compagnies si tu entendais des choses intéressantes au retour des diverses équipes se trouvant là-bas. Enfin, si tu n’avais aucun contrat plus alléchant. Ton regard se perdit un instant sur Devon, alors que tu rappelais encore une fois de ta sœur. Elle avait voulu suivre les pas de votre mère. Te souvenir des rêves de la demoiselle disparue il y a bien longtemps déjà te rendit un peu morose. Tu te secouas, refusant de te laisser aller à tes idées noires et Devon t’offrit l’opportunité de le faire en reprenant la parole.



Tu hausses doucement l’épaule, lui offrant de nouveau un petit sourire derrière ton verre. ”Pour une fois que ce n’est pas toi qui dois écouter les déboires de tes clients.” Tu souffles doucement, avant de reposer la chope. ”Et bien... Je peux l’imaginer oui. Je serais certainement bien anxieux si je me retrouvais avec un bébé dans les bras, surtout en sachant que c’est le mien et que je vais devoir l’élever.” Tu eus un rire nerveux et sentis une goutte de sueur couler sur ta tempe juste à cette idée. Il était vraiment temps que tu t’achètes une nouvelle bague du contre-mouflet. Tu tapotes la table du bout des doigts. Tu avais voulu aider Devon, mais tu n’avais aucun conseil outre d’en parler à quelqu’un... et de lui dire que c’était normal d’avoir peur. “Mon frère me disait toujours que c’était normal d’avoir peur dans une nouvelle situation, mais que l’important c’était de ne pas se laisser submerger et d’utiliser cette peur à bon escient... On pourrait en dire de même pour ton nouveau rôle de père. Tu finiras par apprendre et te sentir à l’aise et cela même si tu auras certainement peur à nouveau quand Cid grandira et fera face à des choses que tu ne pourras contrôler.” Bon, c'était un poil cliché et Onyx t’avait sorti ça quand ton père avait commencé à te faire faire quelques boulots alors que tu étais qu’un gamin et que tu avais peur de le décevoir en ratant, mais ça correspondait bien à la crainte du propriétaire de la taverne non? ”Je ne peux pas te dire que ça se passera forcément bien... Mais tu ne devrais pas te faire un sang d’encre non plus et profite juste de ta famille.” Tu regardes le bras de Devon, des fois tu oubliais presque son handicap. ” L’important c’est que tu fasses de ton mieux pour vous deux, enfin que tu continues.” Tu ne te sentais pas obliger de reparler de son bras. On pourrait presque dire que tu avais foi en le jeune papa pour ne pas laisser son handicap être un frein quelconque pour son bébé.

“Je ne pense pas que mes conseils valent une tel une promesse, mais je n’oublierai pas ton offre.” Déclares-tu avec un sourire moins moqueur et sûrement bien plus sincère que tu n’affiches habituellement. En effet, tu étais content d’avoir pu soulager ou calmer ne serait-ce qu’un peu les inquiétudes du jeune papa. Comme quoi les paroles de ton frère semblaient avoir fait mouche chez le gérant. Cela n’était pas si étonnant, Onyx avait toujours eu un don pour endormir et rassurer les gens autour de lui. Il aurait sûrement su trouver les mots justes bien plus vite que toi. Et pourtant tu savais bien manier ta langue... Ce sujet de conversation avait juste été inédit pour toi.   “Va pour un dernier verre !” Lâchas-tu en tendant ta chope vers Devon, mettant de côté tes pensées pour ton frère. Le verre qui ne tarda pas à se remplir sous tes yeux et cette fois-ci tu comptais bien prendre ton temps pour le savourer. Surtout si tu devais quitter la capitale pour quelques temps. Il y avait de bonnes tavernes à grand Port, mais ce n’était pas la même chose qu’ici.  



De nouveaux clients, habitués ou non, se joignirent à ceux déjà présents, certains s’installant à tes côtés au niveau du comptoir poussant le patron –et toi par la même occasion- vers des discussions aux thèmes plus légers. Tu restas plus longtemps que prévu sans même y faire attention, profitant de l’ambiance que tu appréciais tant dans l’auberge. Tu étais bien content d’avoir pu assister à sa réouverture.