plus les retrouvailles seront belles? -
1re lune de la saison chaude de l'an 1001
Passant par le portail de téléportation situé au port, Evelyn se retrouva instantanément au Village Perché après quelques jours d’absence supplémentaire. Lucy qu’elle aimait ce pass! Elle se trouvait d’ailleurs idiote de ne pas l’avoir acheté plus tôt, car ce pass lui conférait plus de liberté.
Durant son petit voyage au soleil, elle n’avait apporté avec elle qu’un sac à dos contenant majoritairement des vêtements, et sa dague en guise de protection. Tout le reste, son arc, son carquois, son plastron, elle les avait laissés à la maison. Elle était venu à la plage pour se reposer, pour boire et pour se baigner - pas pour chasser. Aussitôt arrivée au Village, Evelyn prit la direction de sa maison. Elle était légèrement habillée, avait encore un peu de sable dans les cheveux et portait un chapeau de pailles sur la tête.
Elle passa le seuil de sa demeure et déposa Snorev au sol. Elle s’immobilisa un instant, au milieu de la salle à manger avec la sensation suivante : Sofia était à la maison. Cette pensée gonfla instantanément son cœur de bonheur. Combien de temps cela faisait-il? …Deux mois? À quelques jours près. Presqu’une éternité. Et elle réalisa soudainement une chose : que c’était la première fois, du moins il lui semblait, qu’elle n’était pas là pour accueillir sa compagne quand elle revenait de ses péripéties. …Cette fois, Evelyn aussi avait beaucoup de choses à raconter à Sofia.
Elle alla à la rencontre de sa compagne avec Snorev, cette petite boule de poil mignonne, marchant à ses côtés. …Et elle retrouva sa compagne dans leur chambre, couchée. Il était un peu tard pour dormir, mais Evelyn ne se posa pas de question. Elle déposa son sac, enleva son ridicule chapeau et rejoignit Sofia sur le lit. Ce fut alors qu’elle lui faisait un câlin, à la hauteur de l’amour qu’elle lui portait, qu’elle réalisa que Sofia était dans un sale état. Elle s’excusa de lui avoir causé de la douleur et lui demanda, la voix chargée d’inquiétude, soulevant la couverture qui la recouvrait : - Tu vas bien? Il s’est passé quoi? Badass et pleine de ressource était effectivement Sofia, mais pas invulnérable. Et Evelyn regretta, de nouveau, que son pouvoir soit si égoïste.
plus les retrouvailles seront belles?"
Sauf que... A mon retour... Personne. Une fois chez moi, je sentis toute la pression redescendre, mes larmes coulèrent toutes seules, sur mes joues. J'avais terriblement mal. Ma robe ensanglantée, ou ce qu'il en restait, trouva place au sol alors que je me dirigeai vers la chambre. J'étais à bout, ces deux mois furent bien trop éprouvant. Pour mon corps. Pour mon esprit. Et constater l'absence de ma compagne était le coup de trop. Je trainai mes pieds jusqu'au lit, pour me laisser tomber dessus, dans un lourd gémissement de douleur. J'empoignai les draps pour me hisser sur le matelas. La Sofia "dur à cuir", la Sofia "implacable" ... Balayé. Comme une trainée de sable fin. Juste balayé. Je craquai, me laissant emporter par un tas d'émotions aussi négatives les unes que les autres. Mes sanglots durèrent peut-être une heure, ou deux... Si bien que j'en étais épuisée, fatiguée. Alors c'était ça, cette sensation de vide quand on rentrait à la maison et que personne nous attendait ?
Bien fait pour ma gueule, pourrais-je me dire. D'avoir fait subir ça à ma compagne. Le karma. Ne pas savoir où elle se trouvait actuellement. Est-ce qu'elle allait bien ? Et si elle était dans le même état que moi ? Une chasse qui aurait mal tournée, une mauvaise rencontre ? C'était le bordel dans ma tête. Un bordel qui me fatiguait trop pour que je puisse rester éveillé. Ca, en plus du reste, en fait. Je fus tirée de mon sommeil - trop court - par le bruit de la porte d'entrée. Mon corps refusait de bouger. Eve était là, c'était elle, mais mon corps refusait juste de bouger. La douleur revint à peine fus-je à nous éveillée. Elle m'arracha un nouveau gémissement. J'entendis ma compagne rentrer dans ma chambre et s'approcher silencieusement du lit. C'était surement la première fois qu'elle allait me voir dans cet état. Le lit s'affaissa sous son poids, alors qu'elle me rejoignit pour me faire un câlin. Je l'aurais adoré, ce câlin, s'il n'avait pas rouvert l'une de mes blessures. J'étouffai un cri, ses bras de desserrèrent aussitôt.
"Tu vas bien? Il s’est passé quoi?" Demanda-t-elle, inquiète.
... ... Je ne répondis rien. Un long silence plana dans la pièce. Je crevais de honte, j'étais là, couchée, faible, comme la dernière des merdes... Sur ce putain de lit ! Incapable de bouger ! Incapable, ne serait-ce simplement, de me tourner ! Je reniflai doucement, mon visage se crispa de tristesse, de culpabilité, de douleur, de colère... Tellement d'émotions à la fois. Alors, elle était où, la Soso inflexible ? Mh ? Elle était où, la Soso pleine de ressource ? Comme tout le monde, je pouvais m'écrouler. Qui croyais-je être, au final ? Ca faisait quelque chose, de voir que la vie pouvait nous remettre à terre. A nous faire bouffer la boue, à nous remettre à notre place. Mon poing se serra sur les draps. La gorge nouée, la voix étouffée, cassée et vibrante, je trouvai enfin la force de parler.
"Pardon... Eve ! J... Je t'ai laissé si longtemps et... Et..."
Le linge blanc du lit se retrouva rapidement imbibé de larmes. Bon, d'accord, c'était peut-être pas ça le sujet le plus important pour le moment, mais c'était la première qui me vint à l'esprit. C'était décidé. Plus jamais je n'allais la laisser seule comme ça. Plus jamais. Au final, j'étais prête à tout abandonner, si je pouvais rester à ses côtés. Elle était bien plus importante, à mes yeux, que tout le reste. L'unique pour qui mon coeur voulait bien battre. La seule pour qui je ne voulais plus mourir. Finalement, et tant pis si j'avais mal, je tournai pour la regarder dans les yeux. Mon bandeau ne couvrait plus les mien. Je la pris doucement dans mes bras, posai ma tête contre sa poitrine. Je fermai les yeux, pour mieux sentir son coeur battre.
plus les retrouvailles seront belles? -
1re lune de la saison chaude de l'an 1001
Elle revint dans la chambre chargée de stock qu’elle déposa sur le lit. Elle ne savait pas vraiment par quoi commencer. …Une chose à la fois, raisonna-t-elle intérieurement. Elle commença par calmer sa respiration, calmer ses nerfs. Bien. Premièrement, si Sofia avait soif, Evelyn l’aida à surélevé le haut de son corps et porta un verre d’eau à ses lèvres. Ensuite, elle retira les vieux pansements, nettoya les plaies, en profita pour nettoyer aussi Sofia avec une serviette humide, coutura si nécessaire, mit de l’onguent à la résine de pin et refit les pansements. Ce n’était pas un travail de maître, mais c’était bien exécuté. Une longue opération douloureuse davantage pour Sofia que pour Evelyn, mais également pour Evelyn qui ne prenait aucun plaisir à cette scène; voir Sofia dans cet état était une véritable souffrance pour Evelyn.
Elle rangea le matériel, jeta la robe qui traînait quelque part au sol et les vieux pansements, lava le sang de ses mains, essayant de ne pas penser qu’elle aurait pu ne jamais revoir Sofia en vie. Il n’y avait plus d’alcool dans cette maison, autrement Evelyn se serait versé un verre, ou trois. Elle revint ensuite dans la chambre et s’étendit auprès de sa compagne.
plus les retrouvailles seront belles?"
"Ça va aller. Je suis là. Je vais m’occuper de toi." Fit-elle, rassurante.
Elle mit fin au câlin et me déposa sur le lit, avec toute la douceur du monde. Je restai couchée ainsi, la regardant partir. Je poussai un long souffle et posai ma main sur mon flanc. Ma compagne revint dans la chambre, les bras chargés de matériels de soin. Je la regardai, elle avait l'air hésitante, calma sa respiration, comme pour savoir ce qu'elle devait faire. Il était vrai que les blessures étaient nombreuses, moi-même je ne n'aurais pas su quoi faire à sa place. Mais j'étais entre de bonnes de mains, j'avais une entière confiance en ma compagne. L'opération dura de longues minutes, des minutes qui semblaient durer une éternité. Et à en voir le visage d'Evelyn, celle-ci semblait souffrir autant que moi.
Heureusement, ses doigts de fées parvinrent à faire des miracles. Elle avait soigneusement nettoyé mon corps et mes blessures, de l'onguent sur les plus graves, des nouveaux bandages... Autant dire que je me sentais aussitôt un peu mieux. La simple présence de ma compagne y était pour beaucoup, évidemment. Elle m'avait terriblement manqué, cette absence fut bien trop longue. A chaque fois que je revenais, je réalisai à quel point elle comptait pour moi. Mais cette fois... L'avoir à mes cotés alors que, peut-être, je n'aurais jamais pu revenir... Je n'étais pas comme mon père. Je n'allais pas mourir alors que quelqu'un m'attendait à la maison.
Evelyn revint dans la chambre, elle avair l'air toujours aussi touchée et triste. Je m'en voulais terriblement. Je me sentais tellement coupable que mon vendre en était retourné, mon coeur tambourinnait fort dans ma poitrine. Silencieuse, elle s'installa sur le lit, à mes cotés. Je déglutis, me tournai à nouveau vers elle pour venir me blottir dans ses bras. J'empoignai ses vêtements, très fort, comme si je voulais l'empêcher de partir. Un tas de pensées se bousculèrent dans ma tête, un tas de choses que je voulais lui dire, mais j'étais incapable de savoir par quoi commencer. Alors, tout simplement, je déclarai ce qui était devenu pour moi une évidence.
"Je ne partirai plus jamais, Evelyn..."
plus les retrouvailles seront belles? -
1re lune de la saison chaude de l'an 1001
Délicatement, Evelyn passa un bras au-dessus de Sofia. Tristesse était le mot qui caractérisait le mieux son état d’esprit; voir ainsi sa compagne la chamboulait. - Je ne partirai plus jamais, Evelyn..., lui dit Sofia, s’accrochant à ses vêtements. Evelyn s’abstint de toute réponse. Certes, cela ressemblait à une certitude dans la voix de Sofia, mais qu’en serait-il la semaine prochaine, la semaine suivante et l’autre d’après? Les mots que Sofia prononçait, voilà des lunes que la chasseuse désirait les entendre, mais ce n’était que des mots prononcés sous le coup de la douleur, rien de plus. On n’enfermait pas une panthère dans une cage. Et d’ailleurs, Evelyn s’était elle-même découvert un goût pour l’aventure, de façon épisodique.
La fatigue terrassa la chasseuse qui s’endormit aux côtés de sa compagne. Elle dormit d’un sommeil sans rêve, se réveilla la première, se leva avec précaution pour ne pas réveiller la belle aux bois dormant et sortit un court instant pour acheter quelques ingrédients pour un petit-déjeuner rapide.
Tomate coupée en tranche, œuf brouillé et café noir. Evelyn profita de la saveur corsée du breuvage, puis apporta un plateau-repas à sa compagne qui venait de se réveiller. Elle s’enquit de la santé de Sofia avant de l’aider à s’installer pour manger, lui faisant une montagne d’oreiller pour qu’elle puisse s’appuyer avec confort. Elle lui donna le plateau-repas et s’assit ensuite en tailleur sur le lit, déposant un Snorev très calme sur ses jambes.
- Tu veux me raconter ce qui s’est passé?
Et Sofia lui raconta alors une histoire de piraterie, de cette mission qu’elle avait acceptée en compagnie d’une jeune personne du nom de Sia et qui s’était terminée dans un affrontement sanglant. De ce qu’Evelyn comprenait, Sofia avait eu de la chance de s’en sortir. Évidemment, voilà ce qui arrivait quand on partait en mission avec une enfant.
Lorsque Sofia eut terminé de manger, Evelyn la débarrassa de son plateau qu’elle reporta en cuisine. Pendant ce temps, Snorev se roula allégrement sur le lit. De retour dans la chambre, la chasseuse fouilla dans son sac et en sortit son badge d’aventurier, qu’elle montra à Sofia avec ses quelques paroles :
- Ç’a été mouvementé de mon côté aussi; une petite balade dans les montagnes.
Et si Sofia cherchait à en savoir plus, Evelyn résuma sa première quête de façon concise.
plus les retrouvailles seront belles?"
"- Tu veux me raconter ce qui s’est passé?" Demanda-t-elle.
Ce n'était ni ma quête avec les goules, ni mon court voyage dans les montagnes à la recherche d'une fleur, qui m'avait mise dans cet état. C'était bien ce combat, contre des pirates, avec une jeune aventurière pas des plus expérimentés. Mais elle s'en était très bien sortie. Comme une cheffe, même. Pour quelqu'un qui venait de tuer son premier Homme... Je sortis ensuite mon pass de téléportation, que je montrai à ma compagne, toute contente. Avec ça, j'allais pouvoir revenir plus vite. Même si je lui répétais encore que, de toute façon, il n'était plus question de partir loin d'elle. Et c'était avec conviction, avec un regard sûr. Un dernier sourire, puis je terminai de manger. Eve' rapporta le plateau à la cuisine avant de revenir.
" Ç’a été mouvementé de mon côté aussi; une petite balade dans les montagnes."
Là, elle sortit son badge d’aventurière. Je fronçai doucement les sourcils... Depuis le temps que j'espérai qu'elle décide elle aussi de rejoindre la Guilde... Elle aurait pu m'attendre quand même. Ca m'aurait tellement fait plaisir de l'y accompagner. Mais ce fut surtout la suite qui, d'un coup, avait brisé quelque chose en moi. Je déglutis, me perdis dans son récit. Je ne faisais plus vraiment attention à ce qu'elle disait. Quelque chose, au fond de moi, venait de se briser. Les larmes montèrent toutes seules, jusqu'à couler, encore et encore, sur mes joues. Mon cœur me tiraillait, chaque battement était comme un coup de poignard. Evelyn m'avait trahi. D'autant plus qu'elle avait réalisé sa première quête avec un homme. Le même qui lui avait offert ce ridicule plastron en cuir.
"C'est... C'est vraiment génial, cette aventure..." Fis-je, en larmes.
Eve me regarda, intriguée. Elle ne semblait pas comprendre que ce qu'elle avait fait venait de me briser.
"J'aimerais être un peu seule, s'il te plait... Je suis fatiguée."
J'étais dans une colère noire. Mais quand il s'agissait de ma compagne, je ne pouvais tout simplement pas hausser le ton sur elle. Encore moins être violente. Elle protesta. Elle voulait simplement comprendre ce qu'il se passait. De manière un peu inconsciente, l'une de mes tentacules se joignit à moi et poussa doucement ma compagne vers la sortie. Mes poings serrés sur la couverture, le regard rivé sur les draps, je n'osais même pas regarder cette scène. Je laissai mes bras d'ombres se charger de la mettre dehors. Elle n'avait pas conscience de la portée de son acte. Pour moi, en tout cas. Elle avait agit de manière tellement égoïste... Elle aurait pu se douter, que j'aurais tant aimé participer à sa première quête. Que j'aurais été si fière de la conduire moi-même à la Guilde... Au lieu de ça, elle avait passé des nuits et des jours... Avec un homme. Un homme. Mon tentacule verrouilla la porte et revins vers moi pour sécher mes larmes. Snorev avait senti l'ambiance malsaine et s'était réveillé pour me regarder. Je le regardai à mon tour, mon sang devant toujours de plus en plus chaud.
Mon second tentacule apparut, pour s'approcher de la bête. Lentement, elle s'enroula autour de lui pour l'approcher de moi, très délicatement. Je lui fit un énorme câlin, qui me réconrta à peine, tant mon chagrin était grand. La pauvre bête ne devait pas comprendre ce qu'il se passait et pouvait difficilement se débattre, même si elle ne semblait opposer aucune résistance. Peut-être que, même si elle était entourée de bras d'ombres, elle ne sentait pas en danger. J'enfouis mon visage dans son pelage, pour pleurer. Mais à mesure que je pleurais, ma colère grandissait, encore et encore. Mon corps tremblait de rage, je préférais lâcher Snorev, je ne voulais pas lui faire de mal et mes tentacules commençaient à vibrer elles aussi. J'étais très en colère. J'étais très blessée. Je n'étais pas du genre à en vouloir à Eve, je fermais facilement les yeux sur presque tout, lui pardonnais tout. Mais cette fois, c'était différent. Jamais je ne m'étais sentie aussi trahie.
Les pensées se bousculèrent dans ma tête. Je faisais confiance en Evelyn... Mais si... ? Qu'avait-elle fait, avec ce type ? Où avait-elle dormir ? Comment ? Des images vinrent polluer mon esprit. La colère grimpait encore, et encore. Les crocs serrés, j'envoyais mes tentacules se fracasser contre l’armoire. Snorev paniqua et se cacha sous le lit. Les jointures de mes mains étaient blanches, tant mes poings étaient serrés. Dans l’armoire, je récupérai ce foutu plastron. A présent aveuglée par la colère, la haine, mon tatouage se mit à luire, pour faire apparaître la tête de Svartur, l'un de mes deux serpents. Il se chargea se broyer l'armure à coup de crocs. Je me levai finalement du lit pour caresser la tête de mon serpent et récupérer ce qu'il restait du cuir pour le frapper, dans un cri de rage, contre la porte. La table basse connu le même sort, qui alla se briser et s'éclater contre l'un des murs. Mes blessures s'étaient évidemment rouvertes. Mais ma colère était si grand que la douleur ne parvint même pas à se faire une place dans mon esprit.
plus les retrouvailles seront belles? -
1re lune de la saison chaude de l'an 1001
La description brève et sommaire de sa première quête officielle déclencha une réaction totalement inattendue de la part de Sofia. Des larmes, coulant sur le beau visage de sa compagne, sans s’arrêter. Et pas des larmes de joie. Une tristesse absolue se reflétait dans les yeux de Sofia, suivit de… colère? Intriguée, était effectivement Evelyn, car elle ne comprenait pas la réaction de sa tendre moitié.
- J'aimerais être un peu seule, s'il te plait... Je suis fatiguée.
Evelyn émit des protestations, voulut des explications. En réponse, l’une des tentacules de Sofia la raccompagna jusqu’à la sortie de la pièce; avec gentillesse mais fermeté. La porte se referma derrière une Evelyn incrédule, et elle entendit le bruit du loquet.
Elle se mit à faire les cent pas dans le couloir. Réfléchissant. Se questionnant. Évidemment, elle n’eut pas à réfléchir bien longtemps : sa quête dérangeait. Et pour quelle obscure raison? Sofia courrait la campagne comme elle le souhaitait, avec qui elle le désirait, des semaines durant. La chasseuse immobilisa brusquement ses pas en entendant le fracas à l’intérieur, suivit du cri de rage de Sofia, d’un objet inconnu frappant contre la porte, et de Lucy savait quoi d’autre; un champ de bataille.
Evelyn donna trois coups dans la porte pour attirer l’attention de Sofia.
- Tu peux arrêter de tout démolir et ouvrir cette porte qu’on discute?
Aucune réponse. Parfait. La colère gonfla dans la poitrine d’Evelyn, devant l’absurdité de la situation, le manque d’envie de discuter de sa compagne et le fait que Sofia détruisait des choses qui devait certainement lui appartenir. Tout ça pour quoi? Pour une quête qu’elle avait prise avec un autre? Parce qu’elle avait tellement attendu ses dernières années qu’elle n’avait pas souhaité, pour une fois, attendre le retour de Sofia?
Evelyn traversa la maison et sortit, claquant la porte derrière elle. Elle prit une grande respiration, tenta d’endiguer la colère naissante; sans succès, la colère brulait en elle. Deux idées traversèrent alors son esprit. 1. Retourner sur une certaine plage, dans une certaine crique et profiter de la compagnie d’un certain homme aux cheveux argenté. 2. Aller se perdre dans la forêt.
Elle opta pour la forêt. Elle n’avait pas son arc ni ses flèches; ils étaient pris en otage dans la chambre par Sofia, avec son crasmo - ce qui était une source de colère supplémentaire.
Vêtue légèrement, sa dague comme seul équipement, Evelyn emprunta le monte-charge jusqu’au sol et dirigea ses pas dans une direction totalement au hasard. Avant de pénétrer dans la forêt, elle entendit une voix connue l’interpellant. Elle n’y accorda aucune importance.
Evelyn marcha d’un pas rapide, sans s’arrêter ni ralentir, se faufilant ou contournant les obstacles qui barraient sa route avec aisance. Elle ne s’arrêta que lorsque ses pas croisèrent une petite rivière. Là, elle s’immobilisa et s’appuya à un arbre. Elle ferma les yeux. Inspira. Expira. Tenta de calmer les battements affolés de son cœur. Rouvrit les yeux. Aperçu cinq loups sombres près de la rivière, qui la regardaient avec intensité. Elle eut droit à un concert de grognement. Elle porta la main à sa dague.
plus les retrouvailles seront belles?"
"Tu peux arrêter de tout démolir et ouvrir cette porte qu’on discute?" Demanda-t-elle.
Je ne répondis rien. C'était inutile de chercher à discuter, à chaud, alors que j'étais aussi en colère. Rien de constructif n'allait en sortir, Eve' allait m'énerver encore plus à ne pas comprendre mes sentiments, à me reprocher ma jalousie excessive et au final, nous n'allions qu'empirer les choses. Je devais surtout me calmer, prendre le temps qu'il fallait pour ça. Je l'entendis s'éloigner, suivi du bruit de la porte d'entrée qu'elle venair de claquer furieusement. Elle était sortie prendre l'air. Parfait. Elle n'avait qu'à s'en aller alors, et retrouver ce type. Mh... ... ... Mais j'en avais pas envie du tout... Voyant que le calme était revenu, le crasmo finit par sortir de sa cachette et se diriger vers la porte, qu'il gratta, visiblement inquiet pour Evelyn. Puis il me regarda, l'air d'attendre que je me lève pour aller lui ouvrir. Il était trop mignon, ce crasmo... Et vraiment gentil. Je tendis la main vers lui, paume vers le ciel. Il s'approcha doucement, la tête basse, peureux. Je devais lui faire peur maintenant, il se méfiait de moi. Son petit museau humide chatouilla mes doigts, qu'il renifla un instant. Mon odeur lui était surement familière, comme il vivait ici.
"J'sais pas trop quand elle reviendra... Quand elle s'met en colère, elle aussi, elle peut faire des bêtises parfois... Elle est un peu moins sage que moi, même." Avouai-je, souriante.
Snorev me regarda et pencha la tête sur le coté. Je vins déposer ma main dessus pour gratouiller l'arrière de son oreille. Je remarquai alors qu'elle avait laissé son arc et ses flèches ici. Elle ne sortait quasiment jamais sans. Mais bon, elle ne pouvait plus vraiment entrer dans la chambre pour les récupérer... Il ne restait plus qu'à attendre, maintenant... Une attente qui fut, pour moi, très longues. Des minutes et des minutes, interminable. Le crasmo se mit à geindre, alla gratta la porte. Il semblait de plus en plus inquiet. Je dédidai alors de me lever, pour aller ouvrir la porte.
"D'acc... On va la chercher."
Evidemment, je ne pouvais pas deviner où elle était, mais le crasmo, lui, allait surement pouvoir pister son odeur et me conduir à elle. Je lui dis donc sentir la première chose qui me tombait sous la main : Une culotte. Curieux hasard. L'animal se mit aussitôt en quête d'une piste. Je récupérai l'arc et les flèches de ma compagne, ainsi qu'Atropos, pour finalement le suivre. La marche dura plusieurs dizaines de minutes. Je crus qu'il allait finir par perdre sa trace... Mais où avait-elle donc décidée de se perdre.... ? Tout d'un coup, Snorev se mit à grogner furieusement et courut à toute vitesse. Dans mon état, je n'arrivais plus à le suivre, j'essayai donc de marcher aussi vite que possible, jusqu'à voir Evelyn, en proie à cinq loups noirs. Snorev était déjà là, prêt à protéger sa maîtresse. J'allais tranquillement me placer derrière un arbre, à l'abri des regards, pour m'y adosser, assise au sol. Svartur devait se reposer, je fis donc appel à Nótt, qui se hissa de tout son long, dépassant même quelques arbres et poussa un puissant cri strident.
"Árás, Drepa" Ordonnai-je.
Des mots, que j'avais inventé, dans le but de pouvoir mieux contrôler mes serpents. Ainsi, je pouvais utilise ce langage rien qu'avec eux et ne pas les perturber en combat avec notre langue en prenant ce que je disais pour des ordres. Aussitôt, Nótt fonça sur les loups en surgissant des fougères. Il en attrapa un dans sa gueule, qu'il réduisit aussitôt en purée. Mon serpent était un peu mou, pas des plus réactif, au vu de mon propre état, mais c'était suffisant. Les autres loups connurent le même sort, extériorisant ma colère sur Nótt, que je laissai agir à sa guise pour réduire en bouillit les bêtes sauvages. Les couinements et les cris des loups pouvaient en dire long, mon serpent était en train de leur faire passer un très mauvais moment. Il n'en laissa aucun vivant, car l'ordre avait été clair : Attaquer et tuer. Une fois le carnage terminé, le sol tapissé de rouge, de fourure et d'autres amas encore chauds, le serpent se calma et fixa Eve en sifflant. Elle ne l'avait encore jamais vu. Mais Snorev ne semblait pas vouloir l'attaquer, ni le craindre. Il savait à qui appartenait ce serpent, lui.
plus les retrouvailles seront belles? -
1re lune de la saison chaude de l'an 1001
De son bras valide, elle repoussa le cadavre, redressa le haut de son corps et fut ensuite témoin d’un carnage. Les quatre loups sombres restants furent transformés en charpie. Evelyn fut éclaboussé de sang, de même que Snorev dont le pelage blanc devint rouge. La chasseuse se figea, tétanisée devant le serpent géant qui sifflait dans sa direction. Elle savait que ce serait une mort horrible mais rapide, vu ce que la créature avait fait subir aux loups. Les secondes s’égrenèrent. Elle baissa son regard sur son familier lorsque ce dernier tapota sa cuisse de ses petites pattes.
L’attitude de son familier lui fit alors comprendre que le serpent était celui de Sofia. Sa compagne lui en avait parlé, une fois, il y avait de cela deux mois, brièvement; elle ne l’avait jamais vu. Le serpent était intimidant et mortellement efficace.
Evelyn se permit donc de bouger. Sans se lever, elle se recula jusqu’à atteindre le tronc d’un arbre, non loin, et s’y appuya, ses jambes allongées devant elle, perdant son regard dans les flaques de sang. Elle prit la parole, haussant la voix pour se faire attendre d’une Sofia qu’elle n’apercevait pas.
- J’me débrouillais très bien seule, lança-t-elle avec aplomb, même si c’était un mensonge, et avec irritation d’avoir été ainsi sauvée, mais également la voix enrouée de douleur. Elle n’avait aucun désir de mort, mais après leur pseudo dispute Evelyn aurait préféré devoir sa vie à quelqu’un d’autre. – Mais merci, concéda-t-elle plus doucement. Elle enchaîna : - Et maintenant, on fait quoi? J’te laisse le lit, je prends le divan? En attendant une réponse, si réponse il devait y avoir, Westwood ferma les yeux, profitant du calme des lieux et de la douleur qui irradiait de son bras meurtri, lequel elle tenait contre son abdomen, pensant brièvement qu’il lui faudrait peut-être un bandage, pensant également qu’elle avait été bien bête de s’aventurer ainsi dans la forêt.
plus les retrouvailles seront belles?"
J'aimais la vie avec du danger, de l'aventure. On était de passage, nous. Nous n'étions pas des créatures mythiques à la vie éternelle. Un très court passage et nous ne laissions rien derrière nous. Des souvenirs, uniquement des souvenirs, qui s’effaçaient avec le temps. A mesure qu'il passait, petit à petit. Puis plus rien, c'était comme si nous n'avions jamais existé. On défilait tous, de manière éphémère, sous les yeux du monde. Il en avait vu d'autres, bien d'autres. Alors, de notre vivant, autant y aller à fond. Vivre chaque instant comme si c'était le dernier, ne pas se poser de question, se pas simplement se contenter de "Et si" ... Une façon de vivre qu'Eve semblait elle aussi partager. A la différence près que... Moi, je ne savais pas jusqu'où elle était prête à aller, quand il fallait "profiter de la vie". Je lui faisais confiance, mais... En même temps non. Plus maintenant en tout cas.
Elle était nettement moins expressive que moi. A nous regarder, toutes les deux, on pourrait penser l'inverse. Mais de nous deux, j'étais celle qui montrait avec le plus d'aisance à quel point j'étais amoureuse. Et maintenant que j'y pensais... Elle me le montrait moins. J'avais cette impression en tout cas. Peut-être qu'elle se lassait, tout simplement. Peut-être voulait elle s'en aller, cette vie sédentaire n'était pas pour elle. Que je n'étais pas celle faite pour elle. Une pensée qui vint me déchirer davantage le cœur. Une vive douleur, insupportable, qui m'arracha encore un bon nombre de larmes. Des pleurs, silencieux. Réalisait-elle seulement la portée de mon amour ? Réalisait-elle seulement à quel point je pouvais être amoureuse d'elle ?
"J’me débrouillais très bien seule !" Lança-t-elle, vivement.
Dévorée par les loups, un corps dont il ne restait plus rien... Son pouvoir pouvait peut-être bien la sauver à maintes reprises des griffes de la mort. Il y avait tout de même des limites. Elle, et sa fierté... Mais elle pouvait l'être. Car moi vivante, rien ni personne ne pourrait lui faire du mal.
"Et maintenant, on fait quoi? J’te laisse le lit, je prends le divan?" Demanda-t-elle.
Quelle idiote... Comme si j'allais être capable de passer une nuit de plus loin de la chaleur de ses bras. Elle était fâchée. J'étais triste. Peut-être ne comprenait-elle pas pourquoi. Elle allait devoir réfléchir, dans ce cas. Et comprendre. Des premières fois, nous n'avions qu'une seule occasion de les vivre. A mes yeux c'était quelque chose d'important. Pas aux siens, visiblement. Prête à partir avec le premier venu. Nótt revint vers moi, après un court silence. Je levais les yeux vers lui, alors qu'il me regardait fixement. Quoi, qu'est-ce qu'il voulait, celui-là ? C'était comme s'il comprenait le situation.
"Elle est blessée... ?" Lui demandai-je doucement.
Il hocha la tête, dans un sifflement .... D’approbation ? Bon... Elle était partie sans rien, évidemment. Elle agissait toujours de manière impulsive sous la colère. Je soulevai ma robe, jusqu'au niveau de ma poitrine, pour défaire mon propre bandage. Il était encore propre, tout neuf. Je l'enroulai soigneusement, je sentis la douleur me revenir, plus vivement en tout cas. Je donnai le bandage à Nótt. Puis, avec le doigt, je vins dessiner un petit cœur sur le sol.
"Rapporte lui... Et fait ça, au sol."
Sans un bruit, il serpenta jusqu'à ma compagne pour déposer le bandage sur ses cuisses. Avec le bout de sa narine, il dessina... Ou essaya, du moins, de reproduire la forme que je lui avais montrée. Ca devait probablement y ressembler... j'espérais du moins. Assez pour qu'elle puisse le deviner, en tout cas.
plus les retrouvailles seront belles? -
1re lune de la saison chaude de l'an 1001
Le serpent fit l’aller-retour entre les deux femmes, assurant la liaison. La chasseuse posa un regard surpris sur le bandage propre qu’il déposa sur ses cuisses, avant de… de quoi? Tracer un symbole au sol? Evelyn fronça les sourcils devant la tentative de dessin de la créature. Elle décida de concentrer d'abord son attention sur ses soins, puisque apparemment elle n’allait pas recevoir d’aide extérieur, et de toute façon elle ne voulait recevoir aucune aide. Elle serra les dents, grogna de douleur, se fit un bandage de fortune. Ce n'était pas parfait, mais de toute façon c’était temporaire; déjà, elle sentait le picotement désagréable de la régénération.
Elle jeta finalement un regard au symbole tracé sur le sol, pencha la tête pour analyser la forme. C’était possiblement un cœur, mais ce pouvait être… autre chose; elle voyait peut-être un cœur uniquement parce qu’elle désirait en voir un. …En fait, elle désirait surtout voir le visage de Sofia. Mais non. Pas l’ombre de l’aventurière. …L’aventurière qui était sacrément culotté de reprocher à Evelyn d’être partie en quête sans elle, sans l’attendre comme à son habitude, et qui osait saccager la chambre au lieu de formuler ses reproches à voix haute.
Après avoir sommairement essuyé sa dague contre son pantalon, Evelyn la rangea dans son étui. Puis, elle se remit sur ses deux pieds, prenant soin de garder son bras gauche contre son ventre, le soutenant de sa main droite.
- Je te l’apprends peut-être Sofia, mais une bonne communication est la clé d’une bonne relation.
La chasseuse ne désirait pas s’attarder ici, dans ce lieu de mort. Elle espérait trouver de l’alcool pour noyer sa douleur et sa colère; surtout la douleur, elle n’était pas rancunière et la colère pouvait vite s’envoler. Snorev sur les talons, à moins d’être arrêtée par une quelconque intervention de sa compagne, Evelyn prit le chemin en direction du Village et de la maison. Elle avait quitté la demeure et était entrée dans la forêt pour apaiser sa colère, maintenant elle désirait retourner à la maison pour apaiser sa douleur.
plus les retrouvailles seront belles?"
Un autre silence s'installa parmi nous. Seul la forêt nous berçait de son ambiance apaisante. Même si, comme les loups venaient de nous le montrer, tout cela pouvait vite basculer. Un calme que j'appréciais, je n'avais pas envie de parler, d'avoir à m'expliquer. A mes yeux, ça coulait de source, elle aurait du comprendre. Si ça ne venait pas d'elle, c'était donc pas important pour elle. Et si ce n'était pas importante pour elle, alors ça me blessait. Peut-être une blessure que j'allais garder en silence, étouffer et laisser les choses suivre leur cours. Après tout, si ce n'était pas important, pourquoi en parler... ? Ouais, voila... Pourquoi se mettre dans des états pareils si c'était pas important pour elle ?
" Je te l’apprends peut-être Sofia, mais une bonne communication est la clé d’une bonne relation. " Lança-t-elle, sous un air de reproche.
Je me penchai lentement en avant, essayant de faire fit de la douleur, pour la regarder. Mais elle était déjà debout, sur le départ. Elle me disait ça, mais elle était prête à partir sans réellement insister. Je devais comprendre par là que c'était donc à moi de faire de le premier pas pour aller lui parler. Comme dit, j'en avais pas envie. J'étais peut-être douée pour exprimer mon amour, le montrer. Mais ça, ce n'était pas du tout mon truc. Pas avec Eve en tout cas. J'étais incapable de lui faire des reproches, en plein visage, ou hausser le ton sur elle. Je ne savais pas faire. Au final... Le mieux, c'était de faire comme si de rien n'était, peut-être. Juste étouffer tout ça, faire en sorte que ça passe. Avec un peu de temps, j'aurais sûrement moins mal. J'y penserais moins. Même si, malgré tout, au fond de moi, quelque chose s'était brisé.
Le serpent retourna d'où il venait, comme il n'avait plus rien à faire ici. Ce fut l'un de mes tentacules d'ombres qui vint doucement agripper l'épaule de ma compagne. Je ne sentis aucune résistance, elle s'était simplement arrêtée, l'air de m'attendre. Doucement, je me relevais, la main plaquée contre mon flanc, comme pour essayer d'atténuer la douleur. Une fois à la maison, ma compagne me fera surement un nouveau bandage, non ? Je m'approchai finalement d'elle, la tête un peu basse. Pas franchement fière, encore moins heureuse. Mon cœur battait toujours agréablement plus fort quand elle était là, j'étais contente de la voir, oui. Mais dans ces circonstances, c'était différent.
Sans un mot, je me blottis contre elle, pour profiter d'un câlin. Câlin que je ne fis pas durer. Elle comme moi avions besoin de soin et je voulais éviter de traîner ici trop longtemps. Le bruit du combat et l'odeur du sang allait attirer d'autres prédateurs. Le trajet du retour se fit de manière silencieuse, j'avais simplement glissé ma main dans celle d'Eve pour la serrer doucement. Une fois à la maison, je vins déposer un petit bisous sur sa joue avant de me diriger vers la chambre. Je ne fis pas attention au désordre, mais cette fois, je laissai la porte grande ouverte. Je me couchai sur le lit, sur le coté, dos à cette dernière.
plus les retrouvailles seront belles? -
1re lune de la saison chaude de l'an 1001
La porte était ouverte, ce qui était implicitement une invitation. Evelyn entra donc. Elle s’immobilisa après deux pas et constata les dégâts. Si Evelyn était impulsive quand elle était en colère, ce n’était rien face à la démonstration de colère de Sofia. Son regard se posa sur son plastron en cuir, lequel avait été broyé. Evelyn se sentit contrariée de nouveau. Leur première dispute; mais ça ne ressemblait pas vraiment à une dispute. Elle s’était déjà disputée avec son mari, à quelques reprises; des cris, des insultes, des mots qui dépassaient leur pensée, une réconciliation sous la couette. …À ces souvenirs, un doux sourire nostalgique étira les lèvres d’Evelyn.
Revenant au moment présent, Evelyn ouvrit la bouche pour formuler des reproches; la referma sans rien dire. Ce n’était pas comme ça qu’elle s’était imaginée leurs retrouvailles. Tout ça parce que Sofia était déraisonnable. Tout ça parce qu’Evelyn avait choisi de partager sa première quête avec un ami. La chasseuse soupira, puis s’approcha du lit, enjambant quelques objets au sol. Elle s’assit au bord du lit. Elle reposa son bras meurtri, brisé, sur ses cuisses. Elle n’avait pas assez bu, constata-t-elle, elle pouvait très bien sentir les pulsations de la douleur qui émanaient de son bras. Pour ne pas y penser, elle concentra son attention sur autre chose, prit la parole et dit doucement à Sofia :
- Tu me dois un plastron.
plus les retrouvailles seront belles?"
Moi, je n'aurais pas hésité une seule seconde. Mes pensées se seraient tournées aussitôt vers elle, lui réservant évidemment ce privilège. Quand bien même je devais attendre... 1 mois, 6 mois, 1 an... J'aurais attendu, rien que pour elle. Qui était la plus égoïste, au final, dans tout ça ? Est-ce que je lui en voulais ? Oui. Oui, énormément. Car l'espace d'un instant, dans son esprit, je fus relayée au second plan. Pour un autre. Pour quelque chose qui était important pour moi. Je me repliai davantage, je n'arrivais pas à calmer ma colère. Puis je l'entendis. Elle fit quelques pas et s'arrêta. Je tirai la couette sur ma tête, pour me cacher en dessus. Elle s'approcha encore, enjamba probablement tout ce qui trainait au sol et arriva à hauteur du lit. Elle s'installa sur ce dernier, je sentis le matelas s'affaisser sous son poids. Je ne bougeai pas, les yeux encore trempés, j'attendis, à l'écoute de ses prochains mots.
Tu me dois un plastron. Dit-elle simplement.
Elle se foutait de ma gueule... ? C'était tout ce qu'elle avait à dire ? S'inquiétait pour ce putain de torchon en cuir offert par cette raclure ? Je fronçai les sourcils, des pulsions de haine et de colère m'envahirent aussitôt. Je serrai mes mains, aussi fort que je le pouvais, sur mes bras. Si elle n'avait rien d'autre à dire, la porte était, en effet, ouverte. Et bien grande. Car moi, je ne savais pas quoi répondre à ça. Il n'y avait rien à répondre, en fait. Je gardai donc le silence, toujours cachée sous ma couette à essayer de ravaler cette rage qui grandissait encore et encore.
plus les retrouvailles seront belles? -
1re lune de la saison chaude de l'an 1001
La chasseuse déposa la dent et tourna la tête pour regarder Sofia. Pour regarder, en fait, le corps de la femme replié sur lui-même et camouflé sous la couverture. La porte ouverte était-elle vraiment une invitation? Sofia n’avait-elle pas simplement oublié de la refermer derrière elle? Evelyn eut envie de prendre un oreiller et de s’installer dans le salon pour se reposer, car la pièce ici n’était pas propice au repos; la chambre était en effet chargée d’émotions négatives. Snorev l’avait peut-être senti, et voilà pourquoi il restait sur le pas de la porte sans entrer.
Evelyn avait envie de se disputer. Elle avait envie de casser des choses elle-aussi. Elle avait envie de crier un bon coup. Mais, par-dessus tout, Evelyn avait envie de se réconcilier. Ainsi, avec précaution pour ne pas empirer sa douleur, si ce pouvait être pire, elle s’allongea aux côtés de sa compagne pour lui faire face. Elle souleva et tira de sa main valide la couverture, pour s’y immiscer et découvrir le visage de Sofia. Délicatement, elle posa sa main droite sur le côté de son visage et, avec son pouce, essuya quelques larmes présentes sur sa joue.
- Je m’excuse. Vraiment. Je n’ai pas pensé que ça te blesserait. Comment Evelyn aurait-elle pu savoir? Sofia était toujours partie sur la route, en quête. Au final, Evelyn n’avait fait que suivre son exemple. – Tu veux bien me pardonner? Si Evelyn désirait une réponse positive, elle espérait surtout entendre la voix de Sofia, quoi que puisse être ses paroles.
plus les retrouvailles seront belles?"
"Je m’excuse. Vraiment. Je n’ai pas pensé que ça te blesserait." Déclara-t-elle.
Je n'y croyais pas une seule seconde. Elle ne pouvait pas s'excuse d'une chose qu'elle ne comprenait pas. C'était pour fuir le problème, pour cesser cette dispute, si on pouvait appeler ça ainsi. Des quêtes, j'en avais fais un certain nombre. Jamais avec des hommes. Du moins, jamais volontairement. Et quand il y en avait, je mettais aussitôt les choses au clair avec eux. Je n'étais pas intéressé, mon cœur battait déjà pour quelqu'un et s'il le fallait, je frappais pour que ça rentre bien. Des nuits séparées, aucun contact. Rien, absolument rien qui pouvait trahir l'amour que je portais envers Eve. Mais elle ? J'en avais aucune idée.
"Tu veux bien me pardonner?" Demanda-t-elle.
Non. C'était le premier que je voulais prononcer. Et il faillit quitter mes lèvres. Je n'avais aucune envie de lui pardonner. Mais elle attendait une réponse. Elle venait de faire un pas vers moi, qu'allait-il se passer, si je reculais ? Pensait-elle vraiment qu'un simple "oui" de ma part allait magiquement effacer tout ça ? Je ne pouvais pas rester silencieuse, un silence voudrait également dire non. Je me sentais prise au piège, cette situation ne me plaisait pas. Elle me faisait souffrir. Réellement. Alors comment lui dire non, sans donner l'impression que je voulais lui pardonner ? Je ne voulais pas lui mentir. Ce qui faisait la force de notre couple, c'était aussi ma franchise, je ne lui cachais rien.
"Tu ne peux pas t'excuser pour quelque chose que visiblement tu ne comprends pas. Fis-je, la gorge nouée. "J'crois que des vacances nous ferait du bien... On ira chez Lyle."
plus les retrouvailles seront belles? -
1re lune de la saison chaude de l'an 1001
Si elle ne pouvait pas s’excuser, alors Sofia ne pouvait pas lui pardonner. Et si Sofia ne lui pardonnait pas, alors quelque chose était brisée. Et si quelque chose était brisée, à quel point l’étais-ce et étais-ce réparable, ou à jamais brisée? Et si c’était irréparable, comment pourraient-elles vivre ainsi? Les vacances ne seraient-elles pas un artifice?
Westwood hocha faiblement la tête, gardant le silence à son tour. Elles iraient chez le forgeron, puisque c’était le souhait de Sofia; même si Sofia aurait pu mieux choisir, car ce n’était pas les lieux d’évasion qui manquaient sur Aryon. Des vacances, comme discuté deux mois plus tôt. Dans l’eau des sources chaudes, Evelyn pourra oublier, croire à l’illusion que tout allait bien entre elles, comme avant cette quête; croire que le pardon viendrait un jour et que l’amertume ne pouvait pas envahir leurs cœurs.
|
|