Mais revenons à nos moutons, ou plutôt, à nos combats. Le crépuscule commençait à baigner le ciel de sa couleur ocre. La plupart des travailleurs s’afférait à fermer leur commerce ou rentrer de leur dur journée de labeur. Tout le monde, non, à vrai dire c’était le début de travail pour les travailleurs nocturnes. Et qui plus est, les bas-fonds de la Capitale s’émerveilla au grés des tavernes et des auberges ici et là. L’odeur des cochons à la broche, rôtissant pendant des heures alimentèrent les papilles de nombreuses personnes.
Mais ce n’était pas cela qui intéressa la jeune garde. Bien au contraire, elle se dirigea là où l’agitation nocturne se faisait moins présente, du moins, à l’extérieur. Elle portait son traditionnel brasseur noir et son pantalon en toile de jute. Elle avait déjà posé un ruban sur ses yeux, caractéristique de son costume pour que peu la reconnaitre. Elle se dirigea vers un pâtée de maison, entouré, formant presque une cercle autour d’une basse cours, un lieu commun. C’était le lieu du combat de ce soir. Comme à son habitude, elle ne demanda pas les détails de son adversaire. Elle adore les surprises.
Par une petite porte, elle entra dans une maison après avoir fait la bise au garde devant. C’était un ami à force qu’elle combattait durant ses compétitions. Elle ouvrit son sac et sortit son costume. Un peu de maquillage en forme de trait sous les yeux et une haut proche du corps cacha les bandages compressant sa poitrine. Le haut était d’un blanc pur avec plusieurs fils d’or sur les épaules. Cela semblait paraitre à une crinière. Son bas est tout aussi blanc mais descendait en lambeaux brulés sur quelques bords. La porte de la pièce s’ouvrit et le gérant de la compétition vient saluer sa quatrième place. Lui rendant l’appareil, il voulu l’annoncer sa partenaire de combat, mais elle refusa catégoriquement et lui demanda que, comme d’habitude, son cachet soit reversé à l’Orphelinat des Sables Dorés.
Les minutes s’égrainent et petit à petit, la garde royale se mit en condition. Elle échauffa ses membres, sautant sur place. Elle boxa même dans le vide avant que le garde de la porte lui proposât son aide. Elle tapa ses poings dans les mains de l’homme, ce dernier lui fit quelques attaques pour qu’elle puisse esquiver et bloquer. Pour finir, elle réalisa un coup de pied sauté, une de ses spécialités. Elle était prête, après avoir bu d’une traite sa chope d’eau. Elle s’avança vers la porte. Les paris fusèrent de l’autre côté, la cote était du coté d’elle, mais elle ne fera aucun cadeau.
-Mesdames, messieurs, plus que quelques secondes, les paris vont être clos. Aujourd’hui, vous vous en doutez, c’est la Lionne d’Albâtre qui va concourir pour une nouvelle victoire. Quarante-cinq victoires pour vingt défaites. En face, elle était toute nouvelle, fraichement arrivée, elle a proposé sa candidature à l’Association des Amoureux des Combats, souhaitons-lui, bonne chance.
Sur ses paroles, le go fut donné et Beth ouvrit la porte. Elle tenait dans ses gantelets en cuir façon mitaine un bandeau noir opaque. Elle le transportait tout le temps, voir si la personne acceptait le défi. Mais pour l’heure, c’est dans une concentration optimale qu’elle s’avança vers le cercle formé sur la cours couvert de sable et de gravelet que ses bottes adoraient.
Lorsqu’un employé vint lui demander son nom, une voix l’interrompit et répondit à sa place : - La Louve écarlate! L’homme hocha la tête et repartit d’où il était venu; apparemment, il était habitué au pseudo que ce donnait les futurs combattants. Evelyn, non. Elle tourna la tête vers sa gauche, affichant un air surpris, et la femme qui s’était exprimée à sa place expliqua : - C’t’un spectacle, ça prend un nom accrocheur. D’accord. Bien. Evelyn haussa les épaules. - Enfile ça, lui dit la deuxième femme en lui montrant… ce qui était apparemment sa tenue de combat. …Comme ils étaient gentils; ils avaient pensé à tout. – Je mise sur ton adversaire, lui fit l’homme dans l’encadrement de la porte, un sourire moqueur aux lèvres. Ils quittèrent ensuite la pièce pour rejoindre les spectateurs.
Evelyn se changea donc, enfilant un pantalon de tissus noirs et un débardeur deux teintes, rouge foncé sur le devant et noir dans le dos, attacha ses longs cheveux en une queue de cheval. Elle sautilla sur place, frappa l’air à plusieurs reprises, augmenta la cadence. Puis, elle enfila ses gantelets. Elle n’avait pas souhaité avoir des détails sur son adversaire; savoir qui elle affrontait ne changerait rien. On lui avait donné un nom et une statistique : la Lionne d’Albâtre (45 – 20).
La chasseuse s’avança dans la basse cours entourée de maisons. Ses bottes foulèrent le sable et les gravelets. Elle laissa son regard se promener sur les spectateurs; ses connaissances de beuverie lui envoyèrent la main. Elle regarda le décor, puis se concentra sur son adversaire. Elle s’arrêta à deux pas de la femme, laquelle avait les yeux masqués. Son regard descendit sur le bandeau noir que tenait cette dernière. Intéressant.
- Joli tenu et un nombre impressionnant de combat, se permit-elle de commenter, sincère. - À l’aveugle? J’accepte le défi, dit-elle avec un léger sourire; elle aimait les défis, après tout.
Si son adversaire n’avait rien à ajouter, Evelyn recula de deux pas, se banda les yeux et adopta une position défensive. Elle laissait à la femme le premier coup; honneur aux vétérans.
Quelques phrases furent données entre les combattantes et cela fit sourire Beth qui se mit à sourire gentiment.
-Merci beaucoup, je ne peux pas dire pour ta tenue, je ne la vois pas… Et c’est courageux d’accepter le défi à l’aveugle, les autres ont tendance à décliner… Bon courage pour ton premier combat, je ne vais pas y aller méchamment.
La Lionne repartit vers son côté, tapant du pied pour analyser le terrain. D’accord, très sableux, un peu de caillou ici et là. Alors que le brouhaha se fit de plus en plus intense, demandant le début du combat. Beth glissa son pied sur le sable, décrivant un arc de cercle. Elle était prête. Elle commença à sauter sur place attendant le bruit sonore de la cloche. Le temps défila lentement, Beth calma son excitation grandissante et d’un coup, le feu vert fut donné avec l’ovation du public derrière.
D’un pas fort, elle s’élança d’un bond, elle ne parcourra la distance qu’avec quelques enjambés, mais avant de faire le pas qui rapprocherai au corps à corps de la jeune femme. Beth sauta d’un bond presque félin. La vitesse lui permit d’armer le pied visant les bras pour la désorienter. La jeune femme combattait généralement avec les pied. Elle avait frappé fort, mais pas à son plein potentiel, elle voulait que la louve puisse aussi s’amuser.
Son adversaire lui répondit et, à la suite de ses paroles, Evelyn la remercia simplement avant de se mettre en position. Elle laissa le calme l’envahir, essayant de faire abstraction de la foule. Elle savait qu’elle pouvait s’appuyer sur ses autres sens; dans la forêt, la vue n’était pas toujours son meilleur atout; la forêt murmurait et il fallait savoir écouter, être attentif. C’était semblable, ici, dans ce cercle de sable et de gravier. Sauf qu’ici, c’était un jeu; un combat pour la renommée. Évidemment, Evelyn se moquait de la renommée, d’avoir ou de ne pas avoir un titre. Ce combat représentait d’abord la conséquence d’un défi et ensuite une possible source d’amusement, qu’elle perde ou gagne.
La cloche sonna. Evelyn ne bougea pas, resta parfaitement immobile, dans l’attente, ses bras dressés de façon défensive. Elle entendit un bruit de pas lorsque son adversaire se rapprocha. Elle sentit au dernier instant le mouvement de la femme. Son corps se raidit en sentant l’attaque venir, et elle reçut le coup de pied sur ses avant-bras. Elle recula d’un pas. Puis, la chasseuse profita de la situation, du moment où elle entendit et sentit son adversaire toucher sol, les deux femmes se retrouvant maintenant au corps à corps. Elle tenta immédiatement un coup de pied circulaire suivit d’un crochet de son poing droit.
De là, elle ne put s’empêcher de retenir un rire. Tout cela était la limite de la folie, mais elle avait déjà fait cela avant. De mouvement ample et rapides, elle se mit à sauter sur place, tandis qu’une jambe montait en l’air. Les spectateurs avaient déjà compris ce qu’elle s’apprêtait à faire et se mirent à rugir.
Sans crier garde, la garde se rua sur son adversaire et assena plusieurs savates rapides mais très précises. Lorsque l’on voulait répondre, elle se jeta au sol et usa de ses mains comme d’appuie pour y user de plus belles ses gambettes. Elle avait l’air de danser. Finalement, après cette assaut, elle reprit ses distances et tapa trois fois du pied pour examiner comment la jeune femme avait réagit avec à ce déluge de coup de pied.
La pluie de coups qui s’abattit sur la chasseuse fut trop rapide et trop précise pour être bloquée de manière efficace. Entre deux coups, Evelyn voulut riposter mais toucha le vide, et recula aussitôt d’un bond vers l’arrière pour éviter une possible riposte. Elle trouvait son adversaire assez doué, les yeux bandés. Trop, peut-être même.
Le silence se fit de nouveau dans l’arène. Evelyn cracha au sol; du sang. Elle secoua ses bras pour chasser la sensation de fourmillement dans ses avant-bras. Dans le silence total qui régnait, Evelyn perçut un bruit étouffé de gravier, un mouvement répété. Evelyn avança dans cette direction, d’un pas modéré. La lionne et la louve se rencontrèrent à mi-chemin. La chasseuse attaqua la première avec un coup de pied facilement intercepté par son adversaire, et enchaîna avec une série de coups variés à l’aide de ses poings, incorporant dans son assaut un coup de genou en pensant surprendre. Elle n’était pas précise, ni dans ses attaques ni dans sa défense, mais elle était rapide et tenace.
Chacun des muscles furent analysés. La résistance d’Evelyn était extraordinaire, mais la jeune femme décerna une porte d’entrée. Un muscle un peu plus engourdie qu’un autre, dont les mouvements lors du secouement avaient une onde bien différente des autres. Elle nota qu’elle voulait commencer le nouvel affrontement le plus rapidement possible. Et cette fois, ce fut Evelyn qui commença à enchainer les attaques. Ainsi, Beth se mit en position défensive. Ses bras servirent pour dévier les coups, elle tenta d’esquiver, mais à plusieurs reprises, elle dut se résoudre à encaisser quelques assauts. Sa tête fut touchée au niveau du front mais, ayant la tête dure, elle encaissa le coup sans broncher.
C’est au moment du coup de genoux qu’elle décida de passer à l’attaque. Elle fit en sorte de se le prendre dans les abdominaux, laissant passer au passage un cri de douleur mais elle se rua sur son ennemi déjà sur un pied. D’un coup elle sauta sur elle, la faisant chuter au sol et sans crier garder, elle bloqua sa tête ainsi qu’un bras entre ses cuisses et serra cette dernière. Elle voulait la faire perdre connaissance ou alors déclarer forfait. Elle pourrait facilement faire craquer les vertèbres mais elle ne sera pas aussi fort et surtout, elle y allait progressivement.
Libérée, elle inspira, toussa un coup et se remit de ses émotions avant de se relever en retirant son bandeau. Elle plissa un peu les yeux devant la légère luminosité des lieux, posa son regard sur son adversaire puis sur l’homme qui avait pris place au centre de l’arène pour déclarer officiellement que la Lionne d’Albâtre avait gagné le combat. Elle ne fit pas attention aux acclamations de la foule et alla à la rencontre de son adversaire. Sobrement, elle la félicita, d’un ton léger où ne perçait aucune rancœur, mais plutôt une certaine satisfaction concernant ce combat, une main tendue vers la lionne : - Beau combat! En tournant la tête, elle pouvait voir ceux avec qui elle était venue ici, à cause d’un pari perdu. Pas vraiment des amis, ou alors des amis de beuverie lorsqu’elle venait à la Capitale et se rendait dans un bar en particulier. L’un deux semblait s’être fait un peu d’argent en pariant contre elle; il ne lui avait pas caché son intention de parier, dans la loge. – J’peux te payer une bière?, dit-elle en reposant son regard sur la lionne. Une simple proposition. Pour Evelyn, il n'y avait rien de mieux que de l’alcool après une petite baston; et quoi que soit la réponse de son adversaire, elle irait prendre un verre, ou deux, peut-être quatre, jusqu'à ne plus sentir ses muscles endolorit; quoi qu'avec son pouvoir, elle n'allait pas les sentir longtemps.
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