Ma nuit était étrangement paisible. Bercée par la respiration de Lyle et apaisée par sa chaleur, j'avais fini par complètement m'accrocher à lui en m'endormant. Je suis dans ses bras comme dans un cocon qui me protège du reste du monde. Oubliant tous mes soucis et pensées étranges, je plonge dans un monde de rêves agréables. Je rêve de nourriture incroyablement bonne, de moments de joie et de rires. Je fête mon anniversaire comme il se doit avec ma famille. Même Brent est présent pour m'offrir un cadeau qu'il me tend de ses petites mains. Je prends la petite boite en bois qu'il m'offre et l'ouvre. À l'intérieur un tampon de forgeron avec mon tatouage comme symbole. Quelque chose cloche. Ce n'est pas Brent qui m'a offert ce cadeau. C'est Lyle.

Le décor change alors et je perds le fil de la logique de ce rêve. Je me retrouve alors dans les montagnes, chez Lyle. À la maison. Nos journées se suivent et se ressemblent. Paisibles et pleines de bons moments. On cuisine ensemble, on mange, on rigole, on travaille, on boit. Des choses que l'on ferait comme tous les autres jours. Mais on prend aussi des bains ensemble, l'un lavant l'autre et se taquinant avec l'eau. On semble plus proche, mais aussi plus intimes. La façon dont il me parle est différente. Je reconnais difficilement sa voix, mais je sais que c'est la sienne. Il y a quelque chose de plus doux dans sa façon de me parler. Il m'appelle par un nom mignon que je ne retiens pas et me serre dans ses bras. Je profite de son étreinte et sens la chaleur de son corps. Il est si proche de moi... Il y a définitivement quelque chose de différent entre nous. Il n'est plus le même, il n'est plus simplement mon maître. Je sens mon cœur battre à vive allure alors que son regard semble me dévorer et qu'il m'étreint.

Il prononce mon nom, mais c'est bien différent. Sa voix est revenue à la normale. J'entends encore mon nom et les images se coupent. Il fait chaud et j'entends au loin le bruit des oiseaux et une voix masculine qui me parle. Je bouge un peu, serrant un peu plus ma peluche que je tiens pour que la lumière ne vienne pas m'éblouir. Cette peluche est étrangement grande et chaude... Elle n'a pas non plus sa douceur habituelle. J'ouvre doucement mon œil et laisse ma vision floue s'habituer à la luminosité qui m'agresse. Je n'ai pas envie de me lever, je veux rester dormir. Avec un gémissement je viens me blottir un peu plus contre la peluche que je tiens.

« Encore cinq minutes... »

Je sens un mouvement et j'entends une voix masculine qui me répond. Cette voix, je la reconnais sans mal. Mais pourquoi ma peluche a la voix de Lyle ? Il y a aussi une odeur d'alcool et quelque chose de plus masculin que celle dans ma chambre.

« Ly ? »

Je ne relâche pas ma peluche et laisse la lumière venir chatouiller mon visage. J'ai un mal de crâne qui arrive alors que je ne suis même pas encore bien réveillée. Me viennent alors doucement les souvenirs de la journée d'hier, mais surtout sa soirée. Je me souviens de l'alcool, des défis que Lyle et moi nous sommes lancés, des câlins, de ma tenue à la fin de la soirée et le fait que je l'ai rejoint dans sa chambre. Je l'ai rejoint dans son lit. Je me suis endormie à ses côtés. Cette pensée me réveille d'un coup. J'ouvre l'œil et me rend compte que ce que je tiens ne ressemble absolument pas à une peluche. Mais plutôt à un torse humain. Celui d'un homme. Je relève doucement le visage, suivant les lignes des muscles de la personne que je tiens. Mon regard tombe alors sur le visage de Lyle qui est à peu près aussi rouge que ses cheveux. Par Lucy. Je suis en train de serrer mon maître contre moi.

Je panique alors me rendant compte de la situation. Je suis dans un lit qui n'est pas le mien. Dans une chambre qui n'est pas la mienne. Et en compagnie de Lyle. Mais qu'est-ce que j'ai fait cette nuit ? Je relâche d'un coup le rouquin et me retourne brusquement pour qu'il ne voit pas mon visage couvert de honte. Je me suis endormie à ses côtés, complètement bourrée. Je repense en plus à mes rêves qui sont encore plus honteux. Mais qu'est-ce qui me prend ? Je cache mon visage dans mes mains, j'ai envie de hurler. Je me redresse et m'assied dans le lit. C'est alors que je me rends compte de la tenue dans laquelle je suis. Bordel.

Me voilà avec la gueule de bois, une tenue sexy, dans le lit de mon maître. Mais que s'est-il passé pendant la nuit ? Mes souvenirs sont assez vagues. Je me rappelle m'être couchée aux côtés de Lyle, mais rien de plus. Je me sens horriblement honteuse et sens le rouge me monter jusqu'aux oreilles. Je prends une grande inspiration et tente de me calmer un peu.

« Bonjour Lyle... »

Il faut que je me souvienne ce qui s'est passé cette nuit. C'est vital. Je dois me rappeler. Pourquoi ai-je bu autant ? Je sais que je suis plus affectueuse après plusieurs verres, mais au point de coucher avec Lyle ? Non, ce n'est pas possible. Il doit y avoir une explication. Pourquoi faut-il que mes souvenirs soient aussi flous ? Je me concentre un peu, en partant des souvenirs qui me sont les plus nets. Je me souviens des défis, d'un câlin avec un Lyle bien plus détendu qu'habituellement. Mais après cela ? Comment ai-je fini dans son lit et dans cette tenue ? Je tourne un peu la tête vers le forgeron qui fixe l'extérieur par la fenêtre.

Viens alors la grande question. Celle dont je n'ai pas la réponse. Je ne peux m'empêcher de rougir en entendant la voix de Lyle me demander si l'on a fait quelque chose. Je sais très bien ce qu'il sous-entend, mais je n'ai pas la réponse à sa question. Est-ce qu'on a fait quelque chose pendant la nuit ? Je ne me sens pas différente de d'habitude, mis à part que je suis bien plus gênée. Il parait que sa première fois, on s'en souvient toujours. Je n'aurai donc pas pu oublier cela, non ? Je repense alors à mes rêves et mon rougissement augmente d'un cran. Non, on a rien fait. Ce n'est pas possible. Sinon je n'aurai pas fantasmé ainsi. Mais pourquoi faut-il que ça tombe sur mon maître ?

Je cache mon visage d'une main tout en réfléchissant. Un bon mal de crâne arrive et je sens que cette gueule de bois va être compliquée. Mon regard se pose alors sur un verre d'eau posé sur la table de nuit. Ce n'est pas vraiment le genre de Lyle d'emmener de l'eau dans sa chambre. Je réfléchis alors et un vague souvenir me revient en mémoire.

« Je... Je t'ai bordé hier soir... Et tu m'as dit que... Je pouvais te rejoindre si je ne voulais pas dormir seule. Tu dormais déjà mais... »

Plus je parle et plus les souvenirs se font clairs dans mon esprit. Certains morceaux me reviennent en mémoire, même si des pièces sont encore manquantes dans le grand puzzle de ma mémoire.

« Tu m'as enlacé dans ton sommeil. Mais on a juste dormi. Je crois... »

À vrai dire, ce n'est pas possible qu'on est fait autre chose. J’en suis sûre. Jamais je ne me laisserai ainsi partir dans les bras de mon maître. Mais après m'être réveillée ainsi dans ses bras, mes rêves légèrement érotiques et mes souvenirs des câlins que l'on s'est fait, je commence à douter. Mais qu'est-ce qu'il m'a pris de faire pareille chose avec mon maître ? Actuellement, je me sens incroyablement gênée. Je ne sais plus trop où me mettre, mais une chose est sûre : je dois sortir de cette chambre rapidement.

« Je... je vais retourner dans ma chambre. »

Je me lève et me dirige vers la sortie sans plus attendre. Je dois empester l'alcool et l'idée de me réveillée dans cet état aux côtés de mon maître m'embarrasse encore plus. Je sais qu'il est dans un état similaire, mais cela reste gênant. Est-ce que notre relation maître-apprentie va être mise à mal par cette histoire ? J'espère que non... Mais vais-je oser le regarder de la même façon dans la forge ? Il reste mon maître avant tout. Même si j'ai pris un bain avec lui... Et que je me suis saoulée en sa compagnie... Et que je lui ai fait des câlins... Et que je me suis réveillée en petite tenue dans son lit... Je suis foutue.

Je regagne ma chambre et m'y enferme. Je viens me jeter sur mon lit et pousse un cri étouffé dans mon oreiller. J'ai si mal au crâne et la gorge complètement desséchée. J'empeste l'alcool et je sens que je commence à avoir faim. Cette journée s'annonce difficile. Je dois me reprendre et me donner un ordre de choses à faire. D'abord de l'eau. Puis un bain suivi d'un petit déjeuner avec encore plus d'eau. Et pour la suite on verra. Il faudra tout de même que Lyle et moi discutions... Non, il ne s'est rien passé. Il n'y a rien à dire de plus.

Je tourne un peu ma tête sur le côté, maintenant légèrement calmée. Un verre d'eau est posé sur ma table de nuit. Je me redresse et le boit rapidement. De l'eau fraiche me fait le plus grand bien. Je retire ensuite cette nuisette ridicule et vient récupérer un grand linge de bain dans lequel je m'enroule pour cacher mon corps. Je récupère des vêtements propres et mes affaires de bain. Les sources chaudes m'aideront à apaiser mon esprit. J'en ai plus que besoin. Je quitte ma chambre et traverse donc le couloir pour sortir de la maison. Avant d'accéder à l'extérieur, j’élève la voix et m'adresse à Lyle.

« Je vais aux sources chaudes. »

Une fois la confirmation de Lyle reçue, je file à toute vitesse vers les sources chaudes. L'air frais de la montagne me saisit et fini de me réveiller. J'atteins rapidement le lieu désiré où l'ambiance chaude et humide m'accueille. Je pose mes affaires dans un endroit au sec et me dépêche de rentrer dans l'eau chaude. Je plonge sans attendre et fait un peu d'apnée dans l'eau chaude. Je reste ainsi jusqu'à ne plus pouvoir retenir ma respiration et ressort ensuite d'un coup. Je prends le temps de reprendre ma respiration et m'apaiser avant de me replonger dans l'eau jusqu'au nez.

Qu'est-ce que je vais faire maintenant ? Je ne pense pas que Lyle et moi ayons fait quelque chose, mais si je me trompe ? Et si j'avais réellement oublié une telle chose ? Une petite boule vient me nouer l'estomac. Je n'ai pas de bague de contre-mouflet et Lyle non plus. Et si nous avons... Non, je ne préfère pas y penser. J'aviserai ce genre de choses si elles arrivent uniquement. En temps et en heure. Pas la peine de me stresser pour une chose qui n'est certainement pas arrivée. Certes, nous avons beaucoup bu, mais il n'y a aucune chance que nous ayons couchés ensemble. Nous nous entendons bien, au point de prendre un bain ensemble ou dormir ensemble, mais rien de plus.

Je continue de réfléchir logiquement ainsi pendant un moment jusqu'à être complètement apaisée. Je me laisse un peu bercée par les mouvements de l'eau et sa douce chaleur. Instinctivement, je me laisse flotter à sa surface et ferme les yeux en laissant mon esprit se vider. Quand je sens que le flot de mes pensées se calme enfin et redevient parfaitement logique, je me redresse pour me laver. Je récupère du savon et une éponge pour me frotter. J'entreprends un lavage rigoureux et frotte ma peau jusqu'à la faire rougir. Tout mon corps doit empester l'alcool et je tiens à me débarrasser de cette odeur désagréable. Une fois mon corps lavé, je me rince et m'occupe de mes cheveux que je lave avec autant de rigueur.

Me laver me prend un bon moment surtout que je tiens à laver chaque parcelle de mon corps pour ne plus sentir l'odeur de la petite fête que nous avons tenue hier. Je termine en me rinçant puis sort du bain. Je me sèche avec mon linge, démêle mes cheveux et les brosse avant de m'habiller. J'enfile simplement un short et un débardeur pour aujourd'hui. Le retour de ma tenue décontractée. Maintenant propre et calmée, je ressens la faim venir réveiller mon estomac. J'ai aussi encore un beau mal de tête. Beaucoup d'eau et de lumière et d'ici peu je serais à nouveau sur pied. À cette idée, je me dis que Lyle va être mal plus longtemps que moi, même s'il semble mieux encaisser. Il faut qu'il prenne un bain aussi. Je prends le chemin du retour vers la maison et en entrant je signale ma présence.

« Je suis revenue. »

Je file vers ma chambre pour ranger mes affaires et reviens ensuite vers le rouquin qui s'occupe de ranger et nettoyer avec sa maniaquerie habituelle. Je le regarde faire un instant avant d'aller me servir un grand verre d'eau que je bois d'un coup.

« Tu devrais aller prendre un bain. Je m'occupe de finir de nettoyer. Je peux aussi préparer un petit déjeuner si tu as faim. »

En tout cas, moi j'ai faim. Donc je vais cuisiner dans tous les cas. Et avec notre gueule de bois, de l'eau, une bonne infusion et un petit déjeuner léger, mais nourrissant nous fera le plus grand bien.

Je propose d'aider à ranger, mais à vrai dire tout est déjà plutôt propre. Lyle a déjà fait le grand ménage et avec sa maniaquerie autant dire que je n'ai plus grand-chose à faire. Il part prendre un bain suite à ma remarque. Bien. Encore un peu de solitude, cela me fera du bien pour finir d'organiser mes pensées. Je me suis calmée, mais je continue de trop réfléchir. Je commence par me servir un nouveau verre d'eau que je bois plus lentement. Je n'ai qu'à réfléchir en cuisinant. Je vais préparer le petit déjeuner, mais aussi le pique nique que j'avais prévu hier. Je m'attache les cheveux en queue de cheval et récupère un tablier qui traine. Je l'attache et vais au garde-manger prendre les ingrédients qu'il me faut.

Je reviens avec des œufs, du pain, du fromage, un peu de viandes et quelques légumes. Je commence par faire chauffer de l'eau pour une infusion ainsi qu'un petit bouillon léger. Je commence à découper des légumes tout en laissant mes idées défiler. Doucement, les souvenirs de nos conversations d'hier me reviennent en mémoire de façon plus ou moins nette. Je repense également à ces câlins et au fait que je me suis réveillée dans les bras du rouquin. Un rougissement vient faire doucement chauffer mes joues alors que je repense à ce contact. Je réalise alors que je n'ai pas trouvé cela désagréable, à aucun moment.

« Est-ce que ça m'a plu ?... »

Je secoue la tête et me stoppe dans mon découpage de légumes. Je viens me frapper un peu les joues.

« Reviens à toi Sia. »

Je continue ma cuisine tout en réfléchissant à haute voix. Je suis seule de toute façon et cela m'aide à réfléchir de façon plus claire.

« Lyle est quelqu'un de bien, il n'y a pas de doute. Tu commences à lui faire confiance, c'est tout. C'est un bon maître, il est patient, attentif, gentil, il a un grand cœur, il est même plutôt généreux. C'est une bonne personne. Et malgré ce qu'il dit sur lui et le fait qu'il est difficile à vivre, je vis plutôt bien depuis que je suis ici. Je me sens mieux, il me laisse ma liberté et il veut que je m'épanouisse. C'est ça ! Je lui fais confiance ! Lyle a juste gagné ma confiance et l'alcool m'a simplement ouvert les yeux sur le fait que je ne risque rien avec lui. Je n'ai pas à avoir peur de lui ou autre. Je peux lui faire confiance. Rien à voir avec le fait que je le trouve pas mal. »

Je continue de me répéter ainsi jusqu'à finir mon découpage. Je me reconcentre alors sur ma cuisine. Je prépare un petit bouillon de légumes plutôt léger ainsi qu'une infusion à la menthe. Une vieille technique de ma mère pour faire passer les gueules de bois de mon père. Elle lui prépare aussi des œufs pochés, mais je n'ai jamais réussi à en faire correctement. Je vais donc plutôt partir sur des œufs brouillés, ça au moins je ne peux pas le louper. Je laisse mijoter et me concentre plutôt sur la préparation de sandwichs pour notre pique nique. Je découpe du pain et commence à préparer plusieurs compositions avec ce que j'ai sous la main.

« Oui, Lyle est pas mal... Il est plutôt à mon goût. Il a une belle âme, il est incroyablement gentil et ouvert. Tout ce que je cherche chez quelqu'un. Mais est-ce qu'il me plait ? C'est mon maître avant tout. Je ne vais pas commencer à avoir une histoire amoureuse avec mon maître forgeron. Ce n'est pas sérieux. On a juste trop bu, c'est tout. Il ne s'est rien passé et on fera attention à ne pas que ça se reproduise. Rien de plus. »

Je termine mes sandwiches et vient les mettre dans une boite que je ferme. Je vais dans ma chambre chercher mon sac sans fond. Je viens mettre la boite dedans, ainsi que ma gourde fontaine, un drap pour s'asseoir ainsi que le matériel que Lyle a sorti. Certaines choses ont un peu de mal à passer, mais en faisant doucement, le tout arrive à rentrer. Qu'est-ce que j'oublie ? On aurait pu prendre du thé, mais je n'ai rien pour conserver la chaleur de la boisson. Et du thé glacé ? Ce n'est pas bête et si je ne le sucre pas, Lyle devrait apprécier aussi. Avec le reste d'eau chaude, je viens donc préparer du thé que je laisse infuser. Mon infusion à la menthe est prête, mes œufs sont prêts à être cuits et mon bouillon n'est pas si mal. Je n'ai plus qu'à attendre que Lyle revienne pour tout servir.

Je mets donc la table du petit déjeuner en n'oubliant pas de nous mettre une grande carafe d'eau. Entre le bain chaud et la gueule de bois, on va en avoir besoin. Je mets l'infusion dans une théière et la pose sur la table avec des tasses. Je retourne dans ma chambre chercher de quoi m'occuper pendant qu'on sera à la rivière. Certes on va pécher, mais si cela ne me plait pas je peux laisser le rouquin s'occuper ainsi pendant que je lis. Je récupère donc mon carnet et un crayon, puis cherche le livre que je lisais hier. J'ai beau chercher je ne le trouve pas. Je retourne un peu ma chambre avant de réfléchir à où j'ai pu le poser. Je me rappelle alors l'avoir lu hier dans la chambre de Lyle, mais pas de l'avoir ramené. Il doit donc encore y être.

Je me dirige vers la chambre du forgeron. Je dois faire attention à ne rien déplacer, je connais Lyle et sa maniaquerie. Je commence donc à chercher sans rien toucher. Je me dirige alors vers le lit et repense au réveil que j'ai eu plus tôt. Je chasse rapidement cette image de mon esprit en secouant la tête. J'étais vers le lit quand je lisais, il a donc dû glisser dessous. Je me mets accroupie et regarde sous le lit. Bingo ! Je me glisse un peu dessous et tend le bras pour le récupérer. C'est alors que j'entends mon maître revenir à ce moment-là. Je suis dans sa chambre, sous son lit, dans une position suggestive. Cette idée me fait me relever rapidement, mais je me cogne alors contre le lit et lâche un « Aïe » pas vraiment discret.

Je ne me suis pas vraiment loupée et ça va être mon tour d'avoir une bosse sur le crâne. Je frotte un peu la zone douloureuse en me maudissant alors que Lyle entre dans la pièce. J'enchaîne les bourdes, mais je ne tiens pas à utiliser mon pouvoir pour guérir une simple bosse, je prendrais plutôt un bain de soleil pour qu'elle guérisse plus rapidement. Contrairement à hier avec ma coupure, là je ne risque pas de mettre du sang partout ou que la blessure s'infecte. Alors que je touche la zone douloureuse de mon crâne pour voir si une bosse va apparaître, mon maître de son côté semble s'inquiéter du fait que je sois coincée sous son lit. Quand il commence à dire qu'il va me sortir de là, je réalise la position dans laquelle je suis.

« Non, Lyle, att... »

Je n'ai pas le temps de finir ma phrase que déjà ses bras viennent me serrer la taille. Par Lucy ! On enchaîne les moments gênants ! Alors qu'il me tire doucement pour me sortir de là, je pousse avec mes bras pour me sortir de sous le lit, mon livre en main. J'aurai pu sortir de là toute seule, mais me voilà coincée dans les bras de mon maître alors qu'il est derrière moi. Je dois sortir de là rapidement pour ne pas prolonger cette position bien trop gênante pour moi. J'émerge de sous le lit, le visage complètement rougi de honte par cette situation. Je sais que le rouquin ne pensait pas à mal un seul instant, je pense même qu'il n'a pas conscience que cette position pourrait être vue autrement dans un autre contexte. Est-ce moi qui ai un esprit bien trop pervers ?

« Merci... J'avais oublié mon livre hier et il semble avoir glissé sous le lit. »

On va éviter de dire que je n'étais pas vraiment coincée et ajouter encore plus de gêne à cette situation. Je cache un peu mon visage rougit en détournant le regard. Je me relève et me dirige vers la sortie.

« Je vais servir le petit déjeuner. J'ai préparé un pique-nique et j'ai mis tout le matériel dans mon sac sans fond. Si tu as d'autres choses à ajouter, n'hésites pas. On pourra partir après avoir mangé. »

Avant de sortir de la chambre, je m'arrête sur le pas de la porte et reste dos au forgeron. Est-ce que je lui dis pour le fait que cette position était suggestive ? Afin d’éviter une nouvelle situation gênante comme celle-ci. Non, il ne vaut peut-être mieux pas. S'il ne s'en est pas rendu compte lui-même, alors cela n'ajoutera que de la gêne entre nous. Je suis celle qui a l'esprit tordu, c'est tout. Il ne voulait que m'aider. Je repars donc vers la salle à manger et range mon livre dans mon sac sans fond. Tout semble prêt, je n'ai qu'à servir le petit déjeuner.

Je retourne vers la cuisine où mon bouillon, le thé et mes œufs m'attendent. Je commence par m'occuper du thé qui a un peu trop infusé. J'ajoute à peine de sucre pour l'adoucir et le laisse refroidir. Je n'ai pas de glace pour en faire un vrai thé glacé, mais en le plongeant dans l'eau de la rivière, je devrais réussir à avoir un résultat similaire. Je remue un peu mon bouillon qui a l'air parfait. Je viens ensuite faire chauffer une poêle pour cuire mes œufs brouillés. Après seulement quelques minutes de cuisson, ils sont prêts. Je les mets dans un plat que j'apporte à table et retourne m'occuper de nos bouillons. Je récupère deux grands bols et les remplit avec en mettant à chacun quelques morceaux de légumes. Il n'y a plus qu'à manger !

« A table ! »

Nous nous installons et commençons à manger. Le bouillon est simple, mais parfait pour un lendemain de cuite. Il est savoureux, mais léger, parfait pour un estomac difficile ayant eu beaucoup d'alcool. Une vieille technique de ma mère. En plus, l'eau du bouillon n'est pas salée pour être bue et ainsi se réhydrater. De quoi aider la migraine à passer. Lyle semble apprécier mon plat, même s'il est simple. Il n'est pas difficile et a toujours mangé ce que je prépare, mais le voir manger avec autant d'appétit me fait légèrement sourire. Je me concentre moi-même sur mon plat pour le savourer dans le calme. Je pêche les légumes avant de boire le bouillon directement au bol. Alors que je suis à peu près à la moitié de ma part, il décide d'engager la conversation. Je repose mon bol pour éviter de m'étouffer, me préparant mentalement à ce qui va être dit.

Finalement, il s'excuse pour hier soir et son comportement, ce qui me fait légèrement pencher la tête sur le côté. Il semble croire que tout est sa faute, sauf que nous étions vraiment tous les deux bien alcoolisés. Ce qui s'est passé n'est clairement pas que sa faute. Il rappelle ensuite qu'il devait m'apprendre à pêcher et me prévient que ça sera différent de la forge. Je pose mes couverts et le regarde droit dans les yeux. Je m'éclaircis un peu la voix et prend un ton assuré.

« Lyle, soyons clair sur un truc. Tu n'as rien fait de mal. Nous avons tous les deux bien trop bus et mon petit jeu est allé trop loin. On est tous les deux fautifs. Tu m'as peut-être emporté dans ton lit, mais je sais que j'ai la mauvaise habitude de ne pas vouloir dormir seule quand j'ai bu. C'est donc aussi ma faute. Et je m'excuse de mon comportement et de la gêne que j'ai pu te causer. Et puis... »

Je perds un peu de mon assurance, me grattant la joue, hésitante.

« Je dois avouer que j'ai rarement aussi bien dormi... Donc le fait de dormir avec toi ne m'a pas dérangé. Je devrais presque te remercier je crois... Et pour cette histoire de tenue, je dois t'avouer que c'est un peu flou comment j'ai fini comme ça... J'ai sûrement fait un pari, c'est bien mon genre. Donc, c'est sûrement ma faute et je m'en excuse. »

Je sais que quand je bois, je suis bien plus brave et entreprenante avec les autres. Il m'est arrivé de faire bien pire avec ma sœur. Habituellement, c’est elle qui me lance des défis quand j'ai trop bu.

« Pour la pêche ce n'est pas un problème, j'ai vraiment envie d'apprendre. Et puis il fait vraiment beau ! J'avoue ne pas avoir envie de m'enfermer dans la forge avec une météo pareille. D'ailleurs, il faudra que je reprenne mon entrainement, j'ai dû me rouiller un peu avec mes vacances. »

Même si j'ai continué à faire mes exercices physiques, mes entrainements au combat et que j'ai eu le loisir de faire quelques missions pour la guilde, je n'ai pas mis un pied dans une forge depuis que je suis partie. Je sais que mes habitudes vont vite revenir, mais je sais que l'on peut vite perdre en endurance lorsque l'on fait une pause. Il me faudra sûrement quelques jours pour retrouver mon rythme d'avant mes vacances.

Je continue mon petit déjeuner en savourant mon infusion à la menthe ainsi que mes œufs brouillés. Un repas léger, mais nourrissant. Parfait pour mon estomac et ma migraine. Je me sens déjà un peu plus en forme entre le bain dans les sources chaudes, toute l'eau que j'ai bu et ce bon repas. Je termine tranquillement mon repas et ne cherche pas à me précipiter. Après tout, c'est une journée qui s'annonce plutôt tranquille.

Je finis mon repas et nous rangeons ensuite la cuisine. Une fois tout prêt, nous partons pour la rivière. Je récupère mon sac sans fond qui contient tout notre matériel pour notre journée en pleine nature. Nous marchons tranquillement dans le bois, laissant Lyle ouvrir la marche et me guider. Je laisse mon esprit se vider et profiter de l'ambiance de la nature. J'aime la forêt, même si elle bloque une partie de la lumière dont j'ai besoin pour mon pouvoir, elle a cet effet apaisant sur mon cœur que je ne peux pas décrire. Nous marchons un moment en silence et je profite du bruit des oiseaux et autres petits rongeurs fuyants en nous entendant approcher.

Lyle brise alors le silence qu'il y a entre nous. Il parle de façon hésitante, presque gêné. Il veut m'avouer quelque chose ? Il revient sur cette histoire de tenue et avoue qu'il pense être celui qui m'a défié de la mettre. Un véritable détective dites donc ! J'avais plus ou moins deviné cela, je ne me suis pas défiée toute seule quand même. Et je ne pense pas que j'aurai enfilé une tenue aussi humiliante de moi-même. Il s'excuse donc de cela et continue en me disant qu'il a apprécié dormir avec moi. Je rougis un peu à cet aveu et le laisse continuer alors qu'il se corrige et s'excuse à nouveau. Je rigole légèrement face à sa maladresse et sa façon de s'excuser. Il est vraiment trop gentil et adorable. Je viens gentiment lui tapoter l'épaule et tente de blaguer de la situation.

« Je note donc que je peux venir dormir avec toi si j'ai une insomnie ou un cauchemar. Qui sait ? On y prendra peut-être goût ? »

Je rigole légèrement pour faire comprendre que je dis cela sur le ton de la plaisanterie. Certes, ça serait pas mal d'avoir quelqu'un avec qui dormir, mais je ne compte pas m'inviter dans le lit du rouquin à la moindre occasion. Je pense notamment à mes petits moments de solitude ou de déprime qui ont tendance à me garder éveiller, ou encore les cauchemars qu'il m'arrive d'avoir de temps à autre. L'avantage de ma relation fusionnelle avec Sio, c'est que l'on pouvait partager un lit quand bon nous semble. Nous apprécions aussi bien dormir ensemble que chacune de notre côté. Et c'est vrai que venir ici m'a enlevé un peu cela. Lyle n'est pas ma sœur, mais cette nuit j'ai pu retrouver un peu de cette chaleur humaine dont j'ai parfois besoin pour apaiser mon sommeil. Je ne compte toutefois pas faire une habitude de dormir avec mon maître. Au moins, j'aurai appris qu'après avoir trop bu je peux lui faire confiance et que je suis en sécurité avec lui.

Nous arrivons finalement à la rivière où nous étions déjà venus avec Eulalie. L'endroit est comme dans mon souvenir, mis à part qu'il est bien plus calme avec une boule d'énergie en moins. Un lieu parfait pour se reposer un peu. Je pose mon sac et commence par en sortir le drap que j'ai prévu. Je me suis rappelée la remarque de Lyle la dernière fois, et même si je me fiche un peu de salir mes vêtements, cela reste plus agréable de pouvoir se poser sans se salir. Je sors ensuite le matériel de pêche de mon sac magique que j'agrandis un peu pour laisser passer les objets sans les abimer. Je termine par sortir ma gourde fontaine et laisse le pique-nique dedans pour le moment. Je bois l'eau directement à la gourde pour m'hydrater et chasser le petit mal de crâne qui commence à revenir. À cette pensée, je viens d'ailleurs toucher mon crâne là où il a frappé plus tôt. J'ai une légère bosse, mais rien de grave. Après cette journée en pleine nature, elle aura certainement presque disparu. Je dois plutôt chasser ma migraine due à l'alcool. Je referme ma gourde et la laisse se remplir à nouveau avant de la tendre à Lyle.

« Tu en veux ? L'eau est fraiche dedans. »

Je mets la tête un peu de côté à la remarque de Lyle. Il se moque de moi ou c'est une vraie question ? L'eau dans la gourde est réellement fraîche, surtout qu'elle vient d'être remplie. Je ne sais pas trop quoi lui répondre et laisse cette question tomber, décidant qu'il s'agit d'une certaine forme d'humour de sa part. Il boit quelques gorgées avant de me demander si je vais bien. Je me fige. Il a remarqué ? À vrai dire, c'est plutôt la migraine due à l'alcool qui me gêne actuellement, mais le fait que je me sois cognée plus tôt ne doit pas aider non plus.

« Ça va. Je me suis juste un peu cognée tout à l'heure en récupérant mon livre, mais rien de grave. »

En y pensant, hier j'ai fait tout un plat pour la bosse de Lyle, mais moi pour la même chose, je balaie le problème d'un simple revers de la main. Ma famille me ferait une remarque sur ma mauvaise habitude de minimiser mes blessures en raison de mon pouvoir. Je sais qu'une simple petite bosse comme ça aura presque disparu ce soir.

« C'est rien de grave, je ne me suis pas tapée très fort. Et avec la météo d'aujourd'hui, je n'aurai sûrement plus rien ce soir. »

À vrai dire ce n'est pas tout à fait vrai. Ma fleur est un peu affaiblie parce que j'ai utilisé mon pouvoir après m'être coupée. Ma régénération n'est pas à son plein potentiel, et ce, pour encore quelques jours. Cela ne se remarque certainement pas puisque mon utilisation a été assez minime, mais ma fleur a perdu un peu de sa superbe depuis. Je puise dans son énergie en ne faisant pas vraiment attention à mon corps, et cela m'a toujours fait défaut. Je suis bien trop habituée à cette régénération passive et me retrouve un peu embêtée quand elle ne fonctionne pas comme à son habitude.

« A vrai dire, c'est plutôt la gueule de bois qui est violente... Je ne bois pas souvent, et surtout pas autant. »

Même si j'ai fêté mon anniversaire il y a quelques jours et que j'ai terminé dans un état bien pire, je ne suis pas du tout une habituée de l'alcool. Alors l'effet de la gueule de bois me semble vraiment difficile à me débarrasser. Comment Sofia fait-elle pour boire autant et être en forme le lendemain ? Je me rappelle encore les quantités qu'elle a bues la vieille de notre mission et le fait qu'elle a encore été capable de trancher ces hommes comme si de rien était. À cette pensée, mon estomac se soulève un peu et mon sourire s'efface. Je viens m'asseoir sur la nappe que l'on a étendu et profite d'un petit rayon de soleil filtrant entre les feuilles des arbres pour venir y exposer ma fleur.

« En tout cas, tu as l'air de mieux t'en sortir que moi. Ça va ta tête ? »

Je pose la question à la fois pour la gueule de bois et la bosse qu'il s'est fait hier. Il s'est quand même fait une sacrée bosse hier, et contrairement à moi il ne peut pas s'exposer à la lumière pour guérir plus rapidement.

Lyle me répond que ses gueules de bois passent assez vite et que le baume que je lui ai mis hier a bien fait effet. Il est donc plutôt en forme, contrairement à moi. Il a bien de la chance... Il prend ensuite le temps de m'expliquer comment fonctionne la pêche. Des explications qui ressemblent plus à une discussion finalement avec une attitude bien différente du maître que je peux avoir dans la forge. Là j'ai en face de moi le Lyle de tous les jours et non mon maître autoritaire et sérieux. Ses explications sont moins précises, preuve qu'il n'est pas un expert dans le domaine. Mais je l'écoute tout de même attentivement, curieuse de cette activité qui lui plait.

Il termine ses explications, lance son hameçon dans la rivière et vient planter sa canne à pêche dans la terre. Il vient ensuite se poser sur le drap et m'explique qu'il n'y a plus qu'à attendre. C'est tout ? J'avoue être un peu déçue. Je m'attendais à une activité bien plus technique et demandant plus de savoir faire que cela. Finalement, c'est surtout un moyen de profiter de la nature et de s'y reposer. Je vais éviter de dormir, je risque d'avoir le sommeil bien trop lourd. Et puis j'ai déjà eu une bonne nuit de sommeil alors je ne pense pas pouvoir faire une sieste maintenant. Il ne reste qu'à tuer le temps.

« D'accord. »

Lyle semble vouloir se relaxer et profiter du calme pour se reposer. De mon côté, je viens fouiller dans mon sac sans fond. Lire ou dessiner ? J'hésite un moment et me décide à prendre mon carnet et un crayon. Je m'installe ensuite aux côtés du rouquin et m'allonge sur le ventre de façon à pouvoir feuilleter mon carnet tranquillement. Je l'ai beaucoup utilisé pendant mes vacances et il est maintenant presque complet. Il va être temps que je commence un nouveau carnet. Je viens coincer le crayon derrière mon oreille et commence à feuilleter le petit cahier depuis son début. J'ai envie de revoir mes vieux croquis, cela me permet de revoir des vieilles idées et d'y repenser.

Je me mets à chantonner légèrement cette chanson qui ne me quittait pas hier. Il semblerait qu'elle a regagné mon esprit et ne veuille à nouveau plus le quitter pour le moment. Les paroles entêtantes me reviennent à l'esprit et je les chante légèrement sans vraiment m'en rendre compte. Je regarde les croquis de mon carnet et déchiffre mon écriture à plusieurs endroits. Je viens ajouter des notes à certaines pages. Je suis parfois surprise par mes idées, mais aussi parfois dubitative, me demandant à quoi je pensais en notant tout cela. Il n'y a d'ailleurs pas que des croquis dans mon carnet. Beaucoup de notes en tous genres. Je retrouve notamment une page contenant les différentes mesures que j'ai prises de ma sœur au fil du temps. J'ai d'ailleurs ajoutés des mesures plus récentes pendant mes vacances.

Je fais ainsi défiler les pages en me rappelant des moments où j'ai écrit ou dessiné certaines choses. Il y a d'abord beaucoup de croquis pour l'armure de ma sœur ainsi que beaucoup de notes en tous genres sur les idées pour adapter une armure plus classique à son corps. Il y a évidemment aussi des notes sur les commandes que j'ai réalisées quand j'étais encore à la forge de mon père. Des armes principalement, très simples pour la plupart. Quelques armures et des outils. J'ai beaucoup de souvenirs dans ce carnet et je vois la progression de mes réflexions au fur et à mesure que j'avance les pages. J'arrive aux moments marquants mon arrivée à la forge de Lyle. J'y ai consigné pas mal de choses sur sa façon de faire, sur les armes qu'il vend à la boutique, sur des choses qu'il m'a enseignées et bien d'autres.

Je termine sur mes notes prises pendant mes vacances. Principalement des choses que j'ai notées pour m'en rappeler. Les différentes rencontres que j'ai faites, les événements étranges que j'ai vécus pour m'en rappeler, des croquis de mon tatouage et des possibles évolutions que je pourrais lui donner à l'occasion et ce genre de choses. Je termine sur un croquis d'une arme que j'avais commencé à dessiner.

Je reprends le croquis où je m'étais arrêtée et le déchiffre en fronçant un peu les sourcils. J'étais bourrée quand j'ai dessiné cette idée ? Je ne me souviens absolument pas de cette histoire de marteau aux multiples fonctions possibles. J'ai dû dessiner cela pendant ma soirée d'anniversaire, certainement suite à une discussion avec ma sœur ou mon père et je me suis emballée. Je déchiffre mon écriture pour voir les différentes fonctions auxquelles j'ai pu penser et rigole légèrement devant mon imagination plus que débordante lorsque je suis imbibée d'alcool.

Je détourne un peu le regard et me rend compte que Lyle semble un peu curieux. Je repense à notre discussion hier dans le bain. C'est vrai qu'il m'a dit avoir déjà regardé par-dessus mon épaule et vouloir regarder un peu plus ce que je peux bien noter dans ce carnet. Je pourrais peut être lui montrer cette idée de marteau multi-fonctions, elle pourrait l'amuser je pense. Je lui sourie et pousse un peu le carnet vers lui en rigolant légèrement.

« Tu veux regarder ? Je te préviens, c'est une idée étrange que j'ai eu pendant ma soirée d'anniversaire. »

Le forgeron accepte de regarder mon croquis étrange. Et son visage en détaillant en dessin est des plus drôles. Il regarde d'abord cela de façon plutôt sérieuse, essayant de comprendre à quoi il a affaire. Sa remarque sur l'outil qui peut tout résoudre dans les histoires me fait sourire. Il continue en devenant un peu moins sérieux et en se laissant prendre au jeu. Il dit que je pourrais faire un marteau au manche rétractable. Je ne sais pas si ça peut vraiment être utile, mais c'est une idée que je note à côté de mon croquis quand il me rend mon carnet. Il me parle alors de son idée plus jeune. Une hache pouvant servir d'épée et de... cuillère ? Sérieusement ? Je rigole un peu à cette idée saugrenue.

Imaginer Lyle plus jeune est amusant. Savoir qu'il avait ce genre d'idées montre une partie de lui bien plus innocente et drôle. Il est aujourd'hui quelqu'un de bien trop sérieux. Même si hier il m'a prouvé qu'il sait aussi s'amuser, je le trouve toujours trop sérieux. Il semble toutefois un peu plus détendu depuis que je suis revenue. Peut-être parce qu'il n'a pas encore repris son rôle de maître dans la forge ? Il s'allonge à nouveau et ferme les yeux. Je me surprends alors à observer son visage légèrement illuminé par un rayon de soleil filtrant entre le feuillage. Il a l'air si paisible comme ça.

Je détourne mon regard pour arrêter de le fixer et revient sur mon carnet. Je prends une nouvelle page et commence à dessiner un peu. Je laisse mon esprit vagabonder et ne réfléchit pas trop à ce que je dessine. Mon menton posé dans main gauche et ma main droite traçant des traits qui dessinent doucement des formes. De temps en temps, je lance un regard au rouquin qui semble somnoler légèrement. Lentement, mais sûrement, un portrait commence à apparaitre sur la feuille. Le visage de Lyle endormi est vaguement esquissé. Je n'ai pas le talent d'Eulalie pour le dessin, je ne sais pas représenter les détails comme elle ou sublimer les corps pour les rendre attrayant. On peut vaguement reconnaitre ce visage à travers les traits de construction si l'on connaît le modèle, mais même là je doute qu'il se reconnaisse lui-même.

Je me rends compte alors que je suis en train de dessiner avec un sourire étirant mon visage de façon inexplicable. Je tourne la page pour éviter que mon maître ne vienne à voir que je le dessine et l'épie. Je laisse alors mon crayon dessiner à nouveau le symbole de mon tatouage. J'ai cru comprendre que je peux en faire d'autres pour compléter le premier, alors j'ai envie d'y réfléchir. Je ne sais pas encore quels effets leur donner, mais réfléchir à des symboles va me permettre d'arrêter de défigurer mon maître. Je laisse à nouveau mon esprit vagabonder et explorer différentes possibilités. Naturellement des motifs floraux et de plantes viennent noircirent la feuille alors que je me remets à fredonner. Peut-être explorer quelque chose lié à ma flamme ? J’essaye alors cette partie aussi en dessinant différentes formes de flammes pouvant servir de prolongement de mon tatouage. Rien de concluant ou qui me plait.

Je passe donc à la page à côté et redessine une fleur. Naturellement, je viens ensuite dessiner à côté un papillon aux ailes flamboyantes. Fleur et papillon. Ces deux mots me viennent en tête comme si j'essayais de me rappeler quelque chose. Je fronce un peu les sourcils. Pourquoi j'ai l'impression d'entendre Lyle me dire quelque chose contenant le mot fleur ? En parlant de mon tatouage ? Non, c'est autre chose. Je continue de dessiner en un autre papillon aux motifs similaires. Pourquoi je n'arrive pas à m'enlever cette histoire de papillon de la tête ? J'ai l'impression de m'entendre en parler au forgeron. Mais pourquoi ? Mes souvenirs sont flous, alors j'essaye de me rappeler les différents sujets de conversation d'hier ainsi que nos défis. Me revient alors une histoire de surnom. Pourquoi est-ce que je n'arrive pas à me rappeler le surnom que Lyle m'a choisi ? Je suis pourtant sûre de l'avoir sur le bout de la langue.

Je tourne alors mon regard vers le rouquin qui somnole encore. Est-ce que je lui demande. Je me sens un peu gênée de ramener une demande que j'ai faite en étant bourrée. Est-ce qu'il s'en souvient de son côté ? Je referme mon carnet et m'allonge sur le dos en regardant les feuilles des arbres bouger légèrement au rythme de la brise de la montagne. La lumière du soleil vient légèrement chatouiller mon visage et je profite du calme pour continuer à réfléchir. Il n'y a pas moyen. Je n'arrive plus à me souvenir, tout est trop flou dans mon esprit. Je suis pourtant sûre d'avoir aussi cherché un surnom à Lyle. Je tourne alors mon visage vers lui pour voir s'il dort profondément.

« Ly' ? Je peux te demander quelque chose ? »

En le voyant réagir, je comprends qu'il ne fait que somnoler. Je regarde à nouveau le ciel pour éviter de rougir en posant ma question.

« Je sais que c'est un peu gênant... mais je me rappelle t'avoir demandé de me trouver un surnom hier soir. Je sais aussi que je t'en ai cherché un... Pas moyen de me souvenir ce qu'on a choisi. Tu t'en rappelles toi ? »