Ça fait dix bonne minutes que ça dur. Tout ça parce qu’on m’a d’mander de suivre quelqu’un pour filer un coup d’main. Moi j’ai dit oui. Normal, j’aime bien aider les gens. MAIS ! c’est là qu’c’est parti en couille. Au milieu des ruelles. D’jà deux personnes se sont montrer agressive envers moi. Voulant mon argent. Bon ok, j’en avais. Mais s’pas une raison pour me l’piquer hein. Mais le pire. C’est que y’en a d’autre qui se sont ram’ner. Plein de cicatrice. Grand. Balèze. Et c’est parti en insulte. Des lames furent sorties de leur fourreau. J’sortis la mienne rapid’ment. J’avais vite compris. Pis j’m’étais à peu près cacher. Comme j’pouvais hein. Y étaient au moins quinze au total. Barrant l’passage. Gueulant comme pas possible. Règlement d’compte apparemment.
J’ai castré l’premier qui s’était approché. Ici, j’pouvais pas tuer hein. Autant d’hors on s’en fou. Au pire, on cache le corps. On dit qu’c’était un monstre. Pis voilà. Ça file tout seul. Mais là. On était au milieu d’la capitale. Pis j’avais jamais tuer d’humain moi. Fin p’tête y’a longtemps mais j’m’en souviens plus. On s’en fou hein. J’avais donc castré l’premier et donner un bon coup d’épée dans la jambe pour l’immobiliser. Ouais. Là j’étais tranquille. Pis l’deuxième m’était tomber d’ssu et m’avait éclaté le tâte en m’propulsant contre un mur. Avec du sang sur le visage, j’tentais de me protéger comme j’pouvais en priant pour que quelqu’un vienne m’aider. Oui si seulement la déesse pouvait intervenir. Ram’ner la garde. Quelque chose. D’un coup sec, j’abattais mon katana d’vant moi en gueulant.
- MAIS CREVE PUTAIN FOU MOI LA PAIX !!!
Je sentis la chair se trancher. Là, j’étais p’tête aller trop loin. Mais c’tait pour ma survie hein. D’abord moi, après les autres. Toujours. J’voulais vivre moi hein. Et du coup, là, j'étais contre mon mur, hal'tante espérant qu'on allait m'oublier.
Fort de quelques récents fait d'armes et arrestations, le visage du Capitaine commençait à devenir commun pour les chalands du coin. Son air sympathique, son rire communicatif, son visage rassurant, ça et là quelques personnes le saluait avec une déférence qui lui semblait presque inappropriée.
Mais au milieu de cette journée simple et détendue aux premiers abords, un garçonnet déboula soudainement en fendant la foule d'une air pressé, à grand renfort de cris et d'avertissement.
"M'sieur, m'sieur, y'a des gens qui se battent, vite vite y'a du sang et tout!"
L'un des gardes réceptionna le garçon en pliant le genoux à terre pour l'intimer au calme, déjà quelques visages inquiets se tournaient les uns vers les autres pour laisser la rumeur se répandre à travers le marché couvert où ils se trouvaient. Yuduar ordonna immédiatement à Emeor de s'occuper du garçon et de rassurer les passants pendant qu'il partait devant pour recadrer ce qui semblait être un règlement de compte sanglant entre deux bandes des faubourgs, selon les dires du petit bonhomme inquiet.
Equipé d'une armure de service composite mêlant cuir et acier, de sa fameuse épée hybride et d'une targe en métal des plus classiques, le Capitaine s'élança à grandes enjambées, encadré par deux de ses hommes, sur les lieux de échauffourée. Son Lieutenant le rejoindra plus tard, ayant ordre de suivre une rue parallèle dans le cas d'éventuels fuyards.
Des cris se firent entendre, quelques personnes prenaient leurs jambes à leur cou pour éviter de se faire attraper entre deux feux, indiquant clairement la position du problème au milieu de la course des Gardes. Quand Yuduar et ses hommes arrivèrent sur place, le sang avait déjà teinté les pavés crasseux de la ruelle où se déroulait le drame en question. D'un signe clair, le gradé ordonna à l'un de ses hommes de faire retentir le cor de la garde qu'il portait sur lui, annonçant ainsi officiellement l'intervention en cours. Certains des malfrats présents s'agitèrent immédiatement et accusèrent avec surprise l'arrivée de la "cavalerie".
"Bien, mesdemoiselles il vas être temps de faire tomber le rideau et de ranger vos armes immédiatement." clama le Capitaine avec flegme et assurance en s'avançant dans le dédale sombre, main sur le pommeau de son arme prêt à calmer les récalcitrants. Les jurons fusèrent parmi les bandits, des corps furent poussés pour entamer une fuite quitte à distribuer quelques mandales en chemin, tous s'animèrent comme une nuée de cafard exposés à la lumière du grand jour. Mais le Capitaine ne se laissa pas altérer par la panique ambiante et continua à avancer calmement en énonçant les faits pendant que ses hommes s'occupaient déjà de passer les menottes aux plus raisonnables. "Meurtre, vol, agression, fuite, refus d'obtempérer, j'en connais qui vont passer des vacances au frais pendant un moment." Au milieu de la mêlée, l'un des hommes tenta une percée en continuant à l'opposée de là où les gardes venaient d'arriver "Si vous êtes pas trop cons évitez de courir, ce sera juste pire pour vous."
Un bruit sourd se fit entendre quelques secondes plus tard, un cri de douleur suivit immédiatement et le Lieutenant Emeor Calyx apparut, raide comme la justice, à l'opposé de Yuduar et conformément à ses ordres. Encadré de trois autres gardes qui commencèrent à rassembler les malfrats, à grand renforts de cous de pieds dans les côtelettes si nécessaire, l'étau se refermait de manière aussi calme qu'implacable.
"Ces gars là ont pas l'air bien futés on dirait."
Pris au piège, les quelques récalcitrants encore debout jetaient des regards affolés dans toutes les directions comme si une sortie allait magiquement apparaitre au beau milieu d'un mur. En comptant les deux trois qu'ils avaient réceptionnés à l'entrée, le petit groupe que Emeor venait de stopper net dans leur furieuse envie de liberté, les quelques-uns déjà à terre, assommés ou pire, et les derniers résistants encore l'arme au clair, cela faisait presque une quinzaine de poissons dans un seul filet.
Yuduar resta à distance de sécurité et s'arrêta en les regardant d'un air dépité. Franchement, si ils pouvaient juste poser leurs armes, lever les mains et se mettre genoux au sol ce serais vraiment beaucoup mieux, plus facile, moins chiant. Hélas, comme souvent, l'un d'eux se sentit soudainement courageux et s'élança sur le Capitaine avec l'écume aux lèvres. Et forcément ses collègues eurent l'idée de le suivre avec un temps de retard. Après la farandole de juron, de stupeur, de "On a rien fait!", venait toujours le moment où dos aux murs, ces abrutis pensaient pouvoir s'en sortir à grand coup d'épées dans le tas.
Le Capitaine ne broncha pas, le gars était juste entrain de s'élancer comme un guignol sans réel plan dans sa dégaine. Au dernier moment il fit un grand pas en avant, dégaina son arme d'un geste sec et frappa violemment le nez de son ex-futur agresseur d'un terrible coup de pommeau. Ce qu'il aimait appeler "tamponner du dur à cuire". Le craquement de l'os nasal pouvait avoir une sonorité particulièrement sinistre mais il avais toujours le don de faire réfléchir quiconque se sentait pousser des ailes par phénomène de groupe. Et une fois n'est pas coutume, le calme revint juste après les cris de douleur de l'homme se roulant par terre. Et oui, ça jette un froid et ça y réfléchi à deux fois maintenant.
"Bon..." soupira le Capitaine en rengainant son épée "Maintenant que les présentations sont terminées on vas jouer aux devinettes pour mâcher le boulot avant que votre escorte arrive pour la Caserne." derrière lui un de ses hommes souffla plusieurs fois dans son cor, indiquant la fin de l'intervention et une demande de renfort d'hommes. D'ici une quinzaine de minutes l'endroit allait pulluler de gardes. "Qui me fait un résumé?"
"Tout ça c'est a cause cette pute! C'est elle qui à foutu le bordel et qui à tué un de nos gars!"
Une femme? Yuduar suivit le regard du chauve qui venait de brailler en direction d'une frêle silhouette aux cheveux violets. Puis pour souligner sa poésie urbaine, le coupe-jarret rajouta un généreux mollard qui alla s'écraser sur la jambe de l'intéressée. C'est à ce moment que le Capitaine remarqua que la demoiselle n'avait pas encore les chaines aux poignets.
"Et merde."
J’frémis. J’avais aucune chance t’façon. J’avais tué quelqu’un. Pour m’défendre hein. Mais quand même. J’étais blessé. Et la garde était bien trop forte. Non, j’voulais rester entière moi. Lent’ment, j’posais ma lame par terre, passait les mains derrière mon dos pour faire tomber mes cinq couteau d’lancer sur l’sol. Ouais. Personne c’était occupé d’moi. Mais j’voulais montrer qu’j’allais pas m’battre. J’passais mes mains derrière ma tête avant d’tomber à g’nous sur le sol. Là, j’pouvais pas faire plus.
- C’vous qui m’avez attaqué en premier, j’avais rien d’mander moi.
J’crachais du sang sur l’sol alors qu’un garde attrapé mes mains pour m’les attacher dans l’dos. C’tait la merde, là sur l’coup, les autres avaient juste à tous foutre la merde sur mon dos. Et pour moi c’tait la fin. J’grimaçais en sentant l’métal sur ma peau mais j’gardais l’silence. Avec un peu d’chance, p’tête que la déesse m’aiderait à nouveau. P’tête que la garde m’relâcherait. Même si ça m’étonnerais.
"C'est pas contre vous mais je compte pas passer mon après-midi à vous regarder vous lancer la balle." lâcha Yuduar en coupant le chauve qui s'apprêtait surement à nous faire savourer la richesse de son vocabulaire "Donc vous, fermez là pour le moment." conclua t-il à l'adresse du dit bandit. L'homme grommela, insulta le capitaine dans sa barbe mais ce dernier décida d'ignorer l'injure pour enchainer en regardant la jeune fille "Vous. Qu'est-ce que vous faisiez là et comment ça c'est finit comme ça? Résumé, court, concis."
En soit il aurait pus tout aussi bien embarquer tout le monde sans poser plus de questions que ça, finir sa journée et ramener tout le monde à la taverne. Mais ses hommes étaient nouveaux à ses côtés pour certains et il tenait à faire une bonne première impression, sans compter sur la présence de Emeor qui n'allait pas manquer de le rappeler à ses devoirs. Puis bon, maintenant que l'échange venait de commencer, autant conclure ça pour de bon. Le passé de Yuduar n'était pas tout propre non plus et avoir du sang sur les mains n'était pas une sensation inconnue pour le désormais haut-gradé de la Garde.
-C’est ces deux là qui m’ont d’mander d’les suivre pour les aider. J’ai dit oui. Pis un groupe nous à attaquer. J’me suis défendu et maintenant vous êtes là.
Oui, merci, par la déesse, merci vous êtes là. C’est c’que j’leur aurais bien dit. Mais il avait dit de la faire courte. Oui le mot d’ordre. Mais il faisait peur, à travers l’sang, j’distinguais son regard. Sévère, on sentait que ça l’emmerder et qu’il voulait allait vite. T’façon tout chez lui allait vite. Et j’voulais pas qu’la prison arrive vite aussi. Un tremblement m’parcourut en pensant à ça. Oui, la prison, ça s’rais catastrophique pour moi. Un coup à tout oublier. Définitivement. Pis la prison, ça pouvait durer très longtemps pour moi. Trop longtemps. J’baissais la tête laissant goûter l’sang au sol. L’ambiance était terrible et au fond d’moi, j’priais la déesse. Encore et encore.
"On t'as demandé de l'aide et t'as dit oui." répéta le gradé comme pour lui même "D'accord... Admettons." se retournant vers deux de ses hommes, le Capitaine les invita à se rapprocher "Commencez à les nettoyer et à vérifier les plaies pour qu'on les emmène propre à la Caserne après, on vas faire en sorte d'éviter qu'il y en ai un qui crève en route."
A ces mots, Yuduar se retourna pour regarder les deux corps sans vie qui jonchaient la ruelle. Quelques étourdis commençaient à se réveiller pour se découvrir menottes aux mains mais pour ces deux là c'était la fin du voyage pour de bon. Il alla s'accroupir prêt d'un des corps pour regarder les plaie et coups échangés, l'odeur n'était pas encore trop forte du fait que la mort était encore récente, seulement une éffluve de fer et de rouille qui commençait doucement à s'installer dans l'air. L'un des deux c'était fait suriner les reins en bonne et due forme avec en prime quelques coups dans a nuque. Un autre allait devoir être emmené d'urgence aux mages-médicaux suite à ce qui semblait être un fort impact contendant au niveau d'une tempe. Quant au troisième, mort pour de bon lui aussi, il avait une belle entaille qui lui avait visiblement sectionné une artère au passage. C'était donc lui qui avait le plus pissé le sang. La plaie avait l'air irrégulière, parfois profonde, parfois non, légèrement déviante vers la sortie. Un coup porté au hasard? Un manque de conviction? Une erreur?
Pivotant sur lui-même, il jeta un regard interrogateur sur le katana rouge de sang qui était au sol, non loin de la demoiselle mais soigneusement éloigné par les gardes après l'intervention. Yuduar ramassa l'arme et, feignant un sifflement sonore, appréciateur et surpris, se releva en regardant la lame.
"Regardez moi ça! A qui appartient cette petite beauté?"
- Elle est à moi… C’moi qui ais tranché l’homme par terre pour m’défendre.
Ma voix flancha et se brisa sur la fin. Ouais, j’avais tué quelqu’un. Pour m’défendre certes. Mais il était mort. Et si ça s’trouve, il m’aurait pas tué. J’aurais juste prit un coup. Mais fallait que j’assume. Ouais, j’étais honnête. Mes entrailles se serrèrent en pensant à c’que j’avais fais. J’baissais la tête sous l’poids d’ma peine.
- J’jure que j’voulais pas. J’voulais juste me défendre.
Ma voix était faible. J’me rendais bien compte des conséquences. Et j’étais sûr d’passer en justice derrière. Ouais, un p’tit coup de prison. De quoi oublier toute ma vie. De quoi mal finir. Mais ça, c’tait pas d’mon ressort. Au fond d’moi, j’continuais de prier la Déesse, pour qu’elle m’pardonne pour c’que j’avais fait. Oui, pour avoir tué un homme.
"On vous l'avais dit m'sieur, c'est cette petite pute qui a tout commencé!"
"C'est bien vrai ça, sans elle ce s'rais pas parti en bain d'sang!"
"Nous on voulais juste discuter ouais!"
"SILENCE!"
La voix de Emeor venait de retentir de manière impérieuse dans la ruelle, ne laissant aucune place à la discussion ou aux possibles négociations. Yuduar leva naturellement la main après l'éclat de voix de son Lieutenant pour intimer ce dernier au calme. Non pas que le binoclard était nerveux de nature juste qu'il connaissais son fort attrait envers une loi implacable et une justice d'acier inflexible. Autant de raisons pour lesquelles, aux yeux de Yuduar, il n'était actuellement que un Lieutenant et non un Capitaine.
"Son manque de souplesse et de compassion envers le peuple le perdra..."
La main en l'air pour invoquer le calme en sa présence de capitaine, Yuduar s'offrit le temps d'une courte réflexion. La gamine semblait savoir se défendre, son arme n'était pas une simple épée trouvée dans le premier marché venu. Elle ne devait donc pas être si "perdue" que ça. Qu'elles étaient les raisons de sa venue ici, au milieu d'une échauffourée de peignes-culs des faubourgs.
"Vous." désigna le capitaine en pointa un bandit parmi tant d'autres "Pourquoi le combat à éclaté?"
L'homme paraissait plus apeuré que d'autres, cible de choix évident. "Ils sont v'nus pour nous voler m'sieur, on l'as sut on allait pas s'laisser faire m'sieur, z'ont même engagé une aventurière m'sieur."
Une aventurière? La gamine? Elle était bonne celle-là! Totalement possible ceci dit, Yuduar avait de l'expérience en la matière et un profil comme le siens pouvait coller. Bon, il était temps de commencer à couper court à cette situation alambiquée. Il interrompit le malfrat et se retourna vers la fillette.
"Résumons. Tu t'es fait engager pour voler ces messieurs, ils vous ont pris de court, la situation a dégénérée, vos renforts sont arrivés à temps mais le sang a coulé malgré tout. Correct? Ou tu as un détail à rajouter? Si tu as ta version longue, c'est maintenant."
Yuduar échangea quelques regards avec ses subalternes. Pour eux la question ne semblait pas se poser, tout le monde à la Caserne pour aller au frais et fin de l'intervention. Mais si le cas retournait de la légitime défense suite à un piège tendu pour assurer ses arrières quitte à balancer ça sur quelqu'un de la guilde, un verdict incomplet chiffonnais les valeurs propres au Capitaine. Pour cause, il avais été à la place de la jeune fille il y à quinze ans environ. Si ce n'est qu'a l'époque c'est lui qui à vendu une bande de guignols pour couvrir ses conneries, pas l'inverse. Chacun son passé hein.
- Les deux hommes sont v’nus m’voir en disant qu’ils avaient perdu un truc dans un r’coins. Et qu’ils avaient b’soin d’quelqu’un de p’tit pour le récupérer. Du coup j’ai accepté. Pis dans les ruelles, on s’est fait attaquer. J’ai essayé d’me cacher mais y m’a propulsé contre un mur et j’ai frappé pour m’défendre. J’voulais pas le tuer. Non, juste partir.
Je désignais le cadavre de la tête pour montrer de qui j’parlais, ma voix me semblait misérable. J’avais voulu expliquer correctement, mais j’savais même pas si j’avais réussis. La était la question. Pis y pouvait toujours ne pas m’croire. C’était certain même. L’plus simple pour lui, c’était d’tous nous enfermer. Puis voilà. De toute façon moi. Personne remarqu’rait ma disparition. Personne. Et dans quelques années. J’aurais tout oubliée. J’frissonnais rien qu’à l’idée, tentant d’garder la tête relevée pour voir c’qui allait s’passer. Il était trop tard pour fuir. Maint’nant, j’avais plus qu'à affronter mon destin.
Elle ne payait pas de mine cette gamine, il avais envie de la croire. Mais le devoir, le devoir le guidait aujourd'hui à devoir prendre une décision qui n'était pas la sienne, une décision qu'il ne pouvait fausser devant ses hommes.
Les renforts commençaient à arriver, deux dizaines de gardes aux mises arborant les couleurs de la Capitale. Non-affiliés à un régiment, tributaires de la Caserne et de l'autorité suprême du Commandant, ils formaient le gros des patrouilles et des hommes de réserve quand aucun Capitaine n'était stationnaire à la Caserne. Pour la plupart aigris, certains agissaient encore avec une certaine conscience professionnelle. Un à un les malfrats se firent relever, certains à grands renforts de coup de botte savamment placé pour leurs donner de l'élan. Yuduar quant à lui continuait de regarder l'enfant en s'activant les neurones. Au moment où l'un de ses hommes l'approcha pour demander la suite des événements, le gradé l'assigna à l'escorte et demanda à Emeor de prendre la tête du convoi en direction de la Caserne. D'un même élan il attrapa la fillette par le poignet.
"Je la garde avec moi, j'ai encore quelques questions pour elle en route. Continuez d'en interroger quelques uns et on s'occupera de tout recroiser à la Caserne." annonça t-il en relevant sa captive du moment. "Firas, vous irez me chercher le registre des Aventuriers déclarés par la Guilde, j'en aurais besoin pour confirmer l'appartenance de celle-là. Si ça commence à faire du remue ménage dans la procession, rappelez les au calme sans hésiter, compris?"
Tout en continuant à donner les directives, tant pour ses hommes que pour les bidasses présentes pour leur prêter main-forte, Yuduar resta avec l'enfant au milieu du défilé qui prenait place au sein de la ruelle. En passant prêt d'eux, l'un des prisonniers cracha à nouveau aux pieds de la fillette et reçu immédiatement un sec taquet sonore à l'arrière du crâne asséné par un Emeor qui avait très vite interprété la notion de "rappeler au calme sans hésiter". Il n'en attendait pas moins de son Lieutenant. Leurs regards se croisèrent à nouveau et le Capitaine sentit clairement le jugement désapprobateur mais muet de son second.
"Je reste avec elle derrière Emeor. Faites moi confiance et pas de discussion." coupa Yuduar avec un regard qui n'acceptait pas les négociations.
Une fois la ruelle vidé, Yuduar leur emboita le pas en bon dernier. Devant, il entendait déjà Emeor rappelés les points à suivre. Se concentrant sur la seule personne qu'il avais à sa charge, c'est sans la regarder qu'il entame le dialogue, gardant un oeil alertes sur les chalands autour d'eux.
"Bien. Ton nom, ton âge, ta spécialité. Je vais avoir besoin de ça pour te retrouver dans le registre de la Guilde si tu es Aventurière." entama t-il d'un ton ma foi procédurier. Après avoir laissé un temps, d'une voix plus basse et humaine il continua "Ecoute... je crois en ta version. Cela n'enlève pas le meurtre qui a été commis mais je pense avoir un moyen de t'éviter les pires sanctions. Juste... ne me fait pas regretter ma gentillesse."
- J’m’appelle Hel D. Gher et j’remplis l’rôle d’éclaireuse à la guilde.
J’respirais un grand coup avant d’répondre pour mon âge. Ouais, c’tait la partie délicate. Pourquoi ? Parce que j’le connaissais pas. Ma vie s’arrêter y’a cinq ans. La seule preuve que j’avais d’mon existence avant, c’tait un livre. Un livre qui dévoilait pas grand-chose d’moi d’ailleurs. À part que j’avais au moins 250 ans. Au moins…
- J’connais pas mon âge. J’oublie tout, j’sais juste que ça fait au moins cinq ans que j’bosse comme ça. J’pense que la guilde a noté ma date d’inscriptions mais j’sais plus quand c’était.
Un instant j’fermais les yeux avant d’me concentrer sur ma marche. Ouais, c’était bancale, j’étais obligé d’rajouter un truc.
- Sur la déesse, je jure que c’est vrai, la guilde vous l’confirmera.
Ouais, si j’pouvais éviter l’exile voir la prison, j’pouvais bien tout lui expliquer. Mais ça s’rais un choc pour lui. De s’rendre compte qu’il est beaucoup plus jeune que moi.
"Sachant qu'on y entre à seize ans, ça voudrait impliquer qu'elle ai... vingt et un an?"
Il la regarda à nouveau tandis qu'elle priait Lucy de ses faveurs pour que la chance dirige ses pas vers autre chose que la prison. Hélas, soyons franc, elle risquais malgré tout d'y séjourner un moment. Une nuit au bas mot avec beaucoup de chance, deux trois jours en arrondissant bien les angles, un peu plus si l'administration venait à se montrer peau de vache. Mais en attendant le verdict il scruta cette frêle silhouette de ce qui devait être une demoiselle de vingt et un ans.
"Y'a un truc qui tournes pas rond là-dedans."
"Très bien. Si j'arrive à rattacher tes actions a la Guilde et j'annonce la légitime défense, normalement tu devrais t'en tirer sans trop de mal. T'as rien d'autre à rajouter? Aucun antécédent criminel? Enfin... durant ces cinq dernières années de ce que tu me dis là. Ou quelqu'un qui pourrait se porter garant à contacter?"
Yuduar ne comptait pas aborder la question de l'âge directement, gardant ses pensées pour lui. Le seul cas probable pour le moment serait que tout cela soit une énorme mascarade et qu'il y ai une falsification de document voir un vol d'identité, ce qui ne serais pas une première au sein de la Guilde.
- Porté garant j’sais pas. Mais celle qui en sait l’plus sur moi. C’est Astrid Dalgaard. Mais j’sais pas si elle accept’ra d’vous parler. Encore moins pour m’aider.
Oui, elle allait vouloir d’l’argent à tous les coups. Cette grognasse de rapiat. Efficace mais chère. J’secouais la tête avant d’ajouter.
- Sinon en dehors d’elle, y’a qu’la guilde qui pourra confirmer qui j’suis. C’la source la plus sûr j’pense.
Ouais, j’avais pas trop confiance en Astrid. Oh elle était cool hein. Ouais, mais c’tait l'genre à faire des blagues relou sans s’préoccuper des conséquence. Et ça. Pour le coup, ça allait pas m’arranger. J’continuais à tenir le rythme. La caserne était en vue. Bientôt les barreaux. Ouais, l’début de l’enfer pour moi. Sauf si j’en sortais vite.
Puis qu'on se le dise, avoir un rapport de la Garde qui nous colle à la peau c'est vraiment pas le bon plan pour un Aventurier. Combien il en a connu qui ont mal tournés à cause de ça? Les clients ne veulent plus de vous, vos actions sont surveillées en mission, les possibles collaborations avec la Garde deviennent horribles, ça vous met une étiquette sur le dos dont tout le monde se passerait volontiers. Et elle, si jeune, ne méritait pas vraiment une telle pancarte dans le dos pour un simple cas de légitime défense. C'était son rôle d'apporter une juste Justice pour tous non? Et parfois, dans son implacable froideur, la justice pouvait écraser des vies avec le bon sens et la bienséance des lois comme seuls armes.
"Astrid Dalgaard donc. Je vais voir à envoyer quelqu'un la chercher au cas où, si elle est à la Capitale elle pourrait possiblement faire pencher la balance dans le bon sens. Enfin, c'est vous qui voyez."
"Sinon, la Guilde." pensa le Capitaine pour lui-même. Il avais une certaine curiosité à mettre le doigts sur l'inscription officielle de cette Hel grâce au registre des Aventuriers.
Arrivés à la Caserne, d'autres gardes vinrent encore se rajouter pour prendre la suite des futurs prisonniers afin que ceux assignés en patrouille puissent retourner faire leur office dans les rues. Les hommes de Yuduar quant à eux restèrent dans un coin en attendant les ordres de leur Capitaine. Tout en maintenant toujours sa captive devant lui, il marcha à leur rencontre.
"Ne dites rien, restez calme, pas d'éclats." murmura t-il à la demoiselle avant d'arriver à portée de ses troupes. "Firas, vous avez le registre que je vous ai demandé?" demanda t-il de but en blanc à l'un de ses subordonnés qui s'empressa de répondre d'une affirmative militaire tout en lui tendant le dit registre. "Bien, merci. Emeor, vous vous occuperez d'encadrer la suite des patrouilles pendant que je finis de réguler le cas épineux de notre amie ici présente." enchaina le Capitaine en commençant à se diriger vers une porte en bois massif, élan vite arrêté par une main qui se posa sur son épaule. Emeor. Une fois de plus on regard froid croisa celui de Yuduar, ce gaillard n'avais pas besoin de parler pour faire résonner le fond de sa pensée. Il ne lui laissais pas le choix. "Lieutenant Calyx? Une suggestion quant à la façon de faire mon travail peut-être?" le ton était sans équivoque et le titre par lequel il venais de le nommer n'était pas choisi au hasard. Quand le Capitaine faisait sonner les rangs de cette manière, tous savaient qu'il s'agissait là d'un rappel direct de la hiérarchie en place. Et Emeor, dans toute sa sainte perfection, ne jurait que par l'ordre de la hiérarchie. "Très bien. Prenez vos responsabilités et je m'occuperais des miennes. Rompez désormais, l'ordre ne vas pas apparaitre dans les rues pendant que vous regardez ailleurs."
Et sur ces mots il dépassa ses hommes et entra dans la Caserne.
Yuduar n'aimais pas être sec avec ses hommes, il n'avait pas l'habitude de l'être à vrai dire. Ce qui rendait ses calmes menaces encore plus notoires. Mais son régiment était encore jeune, tout le monde ne le connaissait pas vraiment, pas encore du moins. Il n'était plus à la bonne époque de la Forteresse où, après avoir passés six ans ensemble, ses hommes et lui agissaient en parfait unisson, à la taverne comme en bataille. Il devais se montrer sec par moment pour faire comprendre le simple fait que, aussi coulant puisse t-il paraitre la plupart du temps, il n'étais pas arrivé là par le plus pur des hasard. Derrière le sourire et le rire communicatif de Yuduar Al Rakija se terrait l'égo d'un homme forgé par le combat. Et les magouilles. Mais bon, ça c'est pas la chose à vanter au sein de la garde.
"Capitaine Al Rakija, pour un interrogatoire, si vous pouvez me libérer une salle." demanda t-il à un page qui s'occupait d'aider les préposés aux dit interrogatoire. "Pas besoin de potion de vérité, simple cas de légitime défense." Ils attendirent ainsi quelques secondes sans mots dires et le page réapparut en trottant pour confier une lourde clé au gradé qui l'avait alpagué. Un bref remerciement, quelques couloirs plus loin ils arrivèrent dans la salle.
Yuduar installa Hel sur une chaise en face de lui, fit le tour de la table et s'installa avec le registre de la Guilde sous les yeux. Tout en cherchant l'identité de la fillette il revient à la conversation.
"Maintenant qu'on est au calme on vas faire en sorte de trouver une solution à tout ça. Hm... Darius, Devon, Diomède, y'a de ces blazes là dedans... Donc si on résume, tu trainais dans les faubourgs un jour comme un autre et deux gars t'ont interpellée pour que tu viennes leur filer un coup de main... Elmex? On dirait un nom de potion contre la grippe, j'vous jure. Pardon. De là, il s'est avéré qu'au final tu as été l'élément déclencheur d'un règlement de compte entre deux bandes de guignols. Les choses ont dégénérées et le sang à coulé." le capitaine releva le nez du registre pour regarder sa captive "Question, tu leur a dit que tu étais Aventurière avant d'aller leur filer un coup de main?"
- Non, j’leurs ais rien dit. P’tête qui se sont pas posé la question vue qu’j’étais armée. Ou qui savait qui j’étais.
J’soupirais. Plus on avancait. Moins ça allait pour moi. Comme si tout s’liguer contre moi. Pis quand y verrais mon inscription, ça allait pas s’arranger. Prenant mon courage à deux mains, j’le regardais et ajouter.
- Si j’prends la potion d’vérité y’aura plus aucun doute non ? J’peux pas la prendre ?
Beh ouais, si y’avait l’mot vérité dedans c’tait pas pour rien. Fin normalement. C’tait pour savoir la vérité. Surtout si on m’interrogeais. Et si ça pouvait m’éviter les barreaux. J’étais prête à parler d’toute ma vie. Tout c’que j’savais.
Merde. Elle aurait confirmée qu'elle était Aventurière avant de se faire engager par les deux gros bras, tout aurait pus tenir debout sans encombre. Les gars cherchaient nécessairement quelqu'un à faire passer devant pour lui faire porter le chapeau en cas de soucis. Et visiblement le plan avait plutôt bien marché pour eux. Dans ce genre de situation les aventuriers étaient un choix de qualité, leur allégeance avec la Guilde autorisant des actions normalement considérées comme criminelles pour de simples Citoyens. Tout le monde est gagnant et le commerce de l'ombre suit sa petite route. Mais là ce n'était pas notre cas, elle avait visiblement été choisie complètement au hasard. L'arme a possiblement pus leur mettre la puce à l'oreille mais de nos jours, même en temps de paix, trouver quelqu'un d'armé entrain de flâner dans les faubourgs n'était pas chose rare.
Yuduar resta un instant sur Hel et son visage encore sale de sang. En voyant son expression contrite il se leva et alla détacher les menottes qui entravait la fillette.
"Tient, tu seras mieux comme ça. Pas de folies par contre." ajouta t-il comem pour justifier son acte. Il retourna s'asseoir et soupira sans se retenir en se massant la tempe droite "Ah... Quel bordel tout ça, franchement." il l'écouta demander le jugement de la potion de vérité mais avant même de répondre un non lui fit agiter négativement la tête "Le problème c'est que les collègues vont en avoir besoin pour faire cracher les récalcitrants qu'on vient d'attraper en même temps. Et on en a pas des cuves entières. Sans parler du contre-coup après, ça coupe les pattes ce truc." prenant appui sur la table, il balança nonchalamment sa chaise sur deux pieds tout en réfléchissant "Ce sera un bon dernier recours au pire du pire mais vu que je crois en ta version on en apprendra pas plus si ce n'est que officiellement tu ne mentiras pas. Au final ça enlève pas le meurtre et la sanction qui vas avec. Sauf que qui dit potion dit juge pour attester et encadrer. Et ils sont pas commodes."
D'u geste las il décala le registre, remis sa chaise sur quatre pieds et s'accouda sur la table pour soutenir le poids de sa tête. Au final la Justice froide avait du bon, on se prenait moins la tête à l'appliquer qu'a vouloir faire l'humain. Et on est théoriquement jamais en faute vue qu'on respecte la loi à la virgule prêt. Un beau tissu de connerie sommes toutes.
"Normalement les autres vont avouer t'avoir recrutée pour te faire porter le chapeau. D'ici quelques minutes. Mais on pourra pas faire parler le mort et savoir qui à agressé l'autre en premier. Vu que tu t'es pas déclarée comme aventurière ils ignoraient ton statut en plus." Yuduar réfléchissait à voix haute en face de Hel puis soudainement ramena le registre des Aventuriers vers lui. "Si on te pose la question, répond que tu à déclaré être une Aventurière. Si ils ont pas pensés à ce détail a côté, ils se feront pas chier de retourner faire des interrogatoires en plus pour juste ça. Une aventurière déclarée qui tue un homme involontairement en cas de légitime défense... Tu pourrais t'en sortir avec une nuit en prison, un avertissement de la Garde, pas de blâme côté Guilde et au revoir tout le monde. T'en dis quoi?" Puis se penchant sur le registre à nouveau "Faut juste que je choppe ta certification d'inscription avant qu'ils arrivent. Donc... Fûrshibr? Non mais vraiment les gens réfléchissent pas avant de signer ce truc..."
- Mais si on découvre que j’mens ça s’ra pire non ?
Il continuait d’fouiller l’registre tournant les pages une par une. J’me réinstallais plus confortablement sur la chaise avant d’dire.
- Ç’est p’tête trier par ordre alphabétique non ? Genre si vous allez dans les H ou les G ça irait plus vite ?
Ma voix était l’innocence pure. Oui, c’était juste une suggestion. J’me rendis compte juste après que ça pouvait être super mal prit. J’rougie légèrement d’avoir osé dire ça. Heureus’ment qu’le sang sur mon visage caché ma gêne. Au moins, j’étais tranquille sur s’point-là. J’attendis donc qu’il m’trouve dans l’registre. Tfaçon, je saurais vite quand il aurait trouvé. Déjà parce qu’il parlait tout l’temps. Mais en plus parce qu’il verrait mon âge. Fin en partie. Et ça c’était reloue.
"Si on découvre que tu mens ce sera pire. Pour toi et pour moi. Disons que c'est un échappatoire selon ce qu'on vas venir nous annoncer. Le mieux serait que la potion de vérité ai fait son office et que tout les morceaux soient rassemblés avant que le jugement soit rendu." Yuduar se mordit les lèvres en signe de réfléxion et enchaina "Meurtre, même en légitime défense, pour un Aventurier en dehors de ses fonctions tu en auras pour deux trois jours au frais avant d'être libérée avec une conditionnelle. En gros vas falloir que tu fasses des contrats calmes à partir de là et que t'évites d'être mêlée a des effusions de sang parceque ton nom sera en haut de la liste. Si ça te vas, ça me vas."
Puis il se pencha à nouveau sur le registre pour reprendre ses recherches. ce bouquin était plus épais qu'il ne l'aurais imaginé et chaque ligne griffonnées de patte de mouches rendait le tout presque illisible par moment. Lorsque la petite fit l'intelligente et candide remarque que le tout devait surement être organisé de manière alphabétique, elle rompit un silence récemment installé et Yuduar releva la tête une nouvelle fois pour la regarder dans les yeux. Son regard à la fois blasé et amusé, il laissa échapper un petit rire bouche fermée en hochant la tête d'un air amusé et non-chalant puis retourna à sa lecture. Elle ne manquait pas de culot celle-là, ça c'est peu dire!
"Ah, les "H", enfin!"
"Bien j'y suis!" Yuduar pointa du doigt les quelques premier H qui se battaient en duel. Il descendit à toute vitesse "Hebram, Hechiro, Heilfreï... Hel D. Gher." du nom qu'il venais de trouver il traça une ligne parallèle pour relever les informations nécessaires au rapprochement du statut de sa captive à l'après-midi qu'ils venaient de vivre. "Encore active, bien, Eclaireuse, ça colle avec ce que tu faisais, inscription le... 24eme jour de la troisième lune de la saison douce 970."
Un temps se marqua, un silence, un suspend. Yuduar plissa les yeux, cligna plusieurs fois, retraça la ligne avec son doigts persuadé de s'être trompé.
"Attend voir, c'est quoi ce bordel au juste. Doit y avoir une erreur quelque part là." le calcul était entrain de se faire rapidement dans la tête du Capitaine. Les plus jeunes de la Guilde peuvent s'inscrire à seize ans, un fait dont il se rappelait bien et qui avais déjà soulevé la question de l'âge de cette mystérieuse Hel plus tôt. D'apparence elle devais avoir seize ans tout juste, à l'entendre plus tôt elle devrais plutôt avoir vingt et un ans sauf que là le registre sous-entendais qu'elle aurais... "Quarante-cinq ans?!"
Le chiffre était sorti tout seul à la fin de ses réflexions sur le sujet. Il se recula un instant et observa Hel. Elle devais forcément avoir quelque chose à dire, forcément.
- Merci, mais j’préfère assumer et dire la vérité que d’vous mettre dans la merde. Ça vaut pas l’coup et au pire, si j’perds mes droits d’aventurière… j’trouv’rais autre chose pour vivre.
Il avait pris ma r’marque en compte pour l’registre. D’un seul coup, il avança beaucoup plus vite. Et y m’trouva. Mes muscles se tendirent légèr’ment en attendant sa réaction. Ouais, j’tais sur qu’il allait avoir une suprise. Une grosse pour lui. Et ça rata pas. 970. L’année d’mon inscription. SI loin. J’m’en souv’nais même pas. Pas étonnant. Je hochais négativ’ment la tête. Non. Pas d’erreur, loin d’la. L’erreur c’est qu’m’on âge réel ne correspond pas du tout à ça. J’haussais les épaules.
- J’pense pas à l’erreur. J’vieillis pas, j’ai trouvé des trucs sur moi de 200 ans mais j’oublie tout donc bon….
Ouais maint’nant que l’registre pouvait attester c’que j’disais. J’pouvais bien lui dire. Sinon y m’aurais juste pris pour une folle. Et j’détestais ça. Ces gens qui bug encore sur la magie. Qui comprenne pas qu’on est tous victimes. Et qu’on doit faire avec. Et qu’parfois, c’tait la galère total. Parfois pas pour tous heureus’ment.
Le Capitaine se redonna contenance et rassembla toutes les informations à leur portée. Cette petite Hel semblait renfermer bien des mystères mais après tout, qui n'est pas partiellement fait de mystères dans un monde où la magie est naturellement omniprésente? Après, de là à avoir à faire a une amnésique chronique vieille de plusieurs siècles et qui vie sous l'apparence d'une enfant de seize ans, visiblement certaines histoires sont plus complexes que d'autres.
Alors qu'il allait se lever de son siège pour s'enquérir de la présence des officiers chargés d'interroger les autres criminels, quelqu'un toqua à la porte de la salle où ils se trouvaient.
"Capitaine Rakija? Votre interrogatoire est le dernier qu'il nous manque pour conclure l'intervention d'aujourd'hui." s'annonça une voix grave et posée.
Les yeux noisettes du capitaine se posèrent sur sa captive à la jeunesse relative. D'un signe du chef il entérina sa détermination. Le tour de leur affaire avait été fait, il était temps de passer à table. "Oui c'est bon Officier Zhig, j'ai terminé ici vous pouvez entrer." répondit Yuduar en se levant pour de bon, l'air assuré.
Il avait reconnu la voix typique de l'homme qui encadrait le plus souvent les interventions issues de patrouilles citadines. Zhig était un bon officier, parmi les meilleurs à ne pas encore avoir un grade qui se distinguait plus que ça. Intervenant en tant qu'Instructeur auprès des jeunes recrues, c'était un homme de confiance au charisme non négligeable qui dégageait une aura de calme et de sérénité chaleureuse. A la fois procédurier mais ouvert d'esprit, ils ne pouvaient pas tomber mieux pour conclure cette histoire.
"Capitaine." salua Zhig avec un repect impeccable du protocole "Les criminels arrêtés quelques heures plus tôt suite à l'intervention de votre escouade de patrouille ont été jugés et interrogés avec utilisation de Potion de Vérité." annonça t-il au gradé, le protocole en bouche une nouvelle fois. Il se tourna ensuite vers Hel "Le rapport est donc certifié valable et sera considéré en tant que tel devant un Juge. Vous avez le droit de rester silencieuse durant l'énonciation des fait."
Il se racla la gorge, passa le dossier qu'il gardais dans son dos jusqu'au devant de lui puis l'ouvrit pour annoncer le verdict "Il s'agissait bel et bien d'un règlement de compte entre deux bandes de malfrats sévissant dans les faubourgs de la Capitale. L'affrontement à débuté lorsque ceux qui se font appeler "Les Vipères" ont surpris plusieurs membres des "Limiers de Basse-Ville" entrain de voler une jeune fille sur leur territoire. Les deux hommes qui ont organisés cette mise en scène provocatrice l'ont fait en connaissance de cause et avaient déjà identifiés leur cible comme appartenant à la Guilde des Aventuriers. Ils comptaient soit la tuer et faire porter le chapeau à la bande adverse pour mobiliser la Guilde contre ces derniers, soit l'assommer et se servir de sa présence pour justifier l'effusion de sang par une mission officieuse qui aurait mal tournée."
Le silence revint après la longue diatribe de l'Officier Zhig. La chance était de leur côté. Un sourire radieux se dessina sur le visage de Yuduar.
"Je confirme la présence de ma captive dans le registre officiel des Aventuriers de la Guilde. Lors de l'intervention, elle a été retrouvée en état de choc, elle est normalement éclaireuse et donc non-spécialisée dans le combat rapproché." rajouta le Capitaine
"Très bien. Néanmoins, elle est responsable de l'un des morts."
"Par légitime défense, il est utile de le préciser Officier Zhig." l'interrompit Yuduar en levant un doigt professoral.
"En effet Capitaine." le subalterne se pencha sur le dossier qu'il tenait en main et griffonna la mention "La plupart des hommes en ont eu pour six à huit mois de cachots selon leurs circonstances, un an et plus pour les plus violents, les cas plus épineux comme les meurtres passerons entre les mains de la Commission."
"Pour ce qui est de mademoiselle, je propose de la garder pour la nuit pour commencer. Suite de quoi nous irons voir aux Archives Militaires si un dossier portant son nom existe déjà et relate d'anciens événements sanglants. Si ce n'est pas le cas, je propose de la relâcher en conditionnel dès demain."
"Très bien Capitaine, cela me semble approprié."
"Faites part de ma décision à la Commission, je resterais disponible dans mes quartiers en cas de convocation de dernière minute."
"Ce sera transmis Capitaine."
Finissant de griffonner ses notes, l'Officier Zhig sorti de la pièce et Yuduar ferma la porte derrière lui. Il se retourna vers Hel pour jauger sa réaction après le débat entre les deux hommes et entama la conclusion.
"Une nuit, peut-être une journée ou deux tout au plus, on s'en sort bien. Je préfère te demander maintenant mais tu n'as aucun souvenir d'avoir été reliée à des affaires sanglantes ces cinq dernières années?" demanda t-il du tac au tac
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