Mais aujourd'hui, je ne suis pas enfermée dans la forge. Il s'agit d'une de ces journées où je m'occupe de la boutique, laissant le loisir à mon maître de pouvoir vaquer à ses occupations ou de s'enfermer dans la forge pour son propre travail. C'est donc sans Lyle que j'ai tenu la boutique toute la matinée. J'ai profité de cette solitude pour ranger le petit magasin et faire du ménage, faisant attention à être minutieuse pour respecter les petites maniaqueries du rouquin. Même si cela m'a occupé une bonne partie de la matinée, j'ai fini par ne plus avoir grand-chose à faire. J'ai donc usé de ce temps pour travailler discrètement sur le futur cadeau d'anniversaire que je souhaite offrir à Lyle. Après le cadeau qu'il m'a fait, je me dois de faire quelque chose d'aussi personnel et avec autant d'attention. Même s'il m'a fallu un moment pour trouver la bonne idée, quand je l'ai eu j'ai su que je ne pourrais rien lui offrir de mieux. Et je compte bien profiter de toute mon expérience pour lui faire le meilleur cadeau possible.
Mon carnet ouvert sur le petit comptoir de la boutique, j'esquisse dedans les croquis des objets que je vais devoir confectionner. Je réfléchis à la meilleure manière de cumuler les connaissances acquises auprès de mon maître et de mon père. Je veux créer quelque chose reflétant les savoirs de ces deux hommes pour créer un cadeau qui pourra durer dans le temps, mais aussi refléter mon savoir. Un cadeau d'amie, mais aussi d'apprentie à son maître. J'avoue être un peu impatiente à l'idée de voir sa réaction face à ce cadeau, mais j'ai encore beaucoup à faire et le temps défile à toute vitesse.
Alors que je suis ainsi concentrée depuis plusieurs heures, la clochette à l'entrée du magasin me sort de ma bulle. Mes croquis sont presque complètement terminés et le travail m'appelle. Je referme mon carnet et le range pour me concentrer sur les clients faisant irruption dans la boutique. Le soleil est à son zénith et je pensais faire une pause pour préparer me préparer une collation et aller voir si mon maître souhaite également s'arrêter de travailler pour déjeuner. Il semblerait que la cuisine ait besoin d'attendre un peu. J'affiche alors mon sourire accueillant qui est devenu presque naturel à force d'entraînements et accueille les deux clients. Un homme et une femme, visiblement des aventuriers. Je les laisse regarder un moment les armes et armures avant qu'ils ne se dirigent vers moi.
« Bienvenue à la forge Obsid. Que puis-je faire pour vous ? »
Les deux jeunes gens semblent avoir le même âge que moi, ou seulement une ou deux années de plus que moi. L'homme me dévisage un moment, concentré sur ma fleur alors que la femme semble surprise de me voir.
« Sia Zmeï ? »
La voix féminine déclenche un frisson qui remonte tout le long de ma colonne vertébrale. Entendre mon nom prononcé cette voix réveille de vieux souvenirs désagréables qui effacent complètement mon sourire. J'observe la jeune fille dont les traits me deviennent soudains plus familiers et je sens une sueur froide me prendre et ma mâchoire se contracter. Aucun mot ne veut sortir de ma bouche et je sens une boule dans ma gorge alors que la panique commence à m'envahir. Mon regard se dirige vers l'homme que je reconnais aussi. Tous deux ont vieilli et changés, mais je ne peux pas oublier ce sourire carnassier qu'il affiche.
« Je me disais aussi que je n'avais jamais entendu parler d'une femme tenant cette boutique ! Sia. Ça faisait une éternité qu'on ne s'était pas vu. J'espère que tu te souviens toujours de moi et de nos petits jeux, non ? »
Oui. Je m'en souviens parfaitement. D'ailleurs, il semble bien décider à rappeler le bon vieux temps. Sa main s'approche rapidement de mon visage, visant mon côté borgne. Je réagis un instant trop tard, tétanisée par la peur et l'angoisse. Il arrive à arracher un pétale de ma fleur avant que je ne puisse esquiver sa main.
« Ce n'était pas vraiment comme ça que l'on jouait...
- Arrêtes. On n'est pas là pour ça.
- Quoi ? Je salue juste une vieille connaissance ! »
Je sens la colère monter en moi, mais aucun mot n'arrive jusqu'à mes lèvres. La main de l'aventurier se dirige alors à nouveau vers mon visage, bien plus rapidement qu'avant. Cette fois je réagis et mes cours avec Java ressortent comme si j'étais en train d'affronter un de ses clones. Mes mains saisissent le bras qui tente de m'attraper et d'un geste rapide je quitte le comptoir pour venir me mettre derrière lui et l'immobiliser au sol sans aucune douceur. Ma colère bouillonnante est sur le point d'exploser, presque autant que le visage de cet homme que j'ai envie de défigurer. La jeune femme l'accompagnant se met alors à pousser des cris, comme pour essayer d'alerter le voisinage qui est bien loin.
« Sia ! Mais t'es complètement malade ! Arrêtes ça ! »
Mais maintenant que Sia était là, tu ne pouvais pas juste penser qu’elle allait s’en tirer avec quelques bleus. Tu n’as jamais rencontré ses parents, mais tu avais le sentiment que tu devais la protéger pour eux, après tout, c’est comme s'ils te l’avaient confié. Et comme tu ne pouvais pas être là, tu allais adopter un animal capable de la défendre et de défendre ton magasin.
Restant devant le feu, tu pensas déjà à un nom pour l’animal alors que tu ne savais même pas ce que tu voulais exactement… Tu rêverais d’un animal capable de faire fondre les métaux les plus chauds, comme ça, tu pourrais forger encore plus facilement certains métaux rares et t’améliorer… Puis tu avais lu dans des légendes que d’anciens forgerons utilisaient les souffles puissants dragon ancien pour renforcer le métal qu’il utilisait et obtenir un métal encore plus pur et plus puissant… Mais ce n’est que des légendes.
Tu frappas alors dans tes mains et décidas de rentrer vers ton magasin, tu venais de te rendre compte que tu avais surtout fini de travailler et… Que des idées de nom était complètement inutile. Tu rangeas correctement tes affaires puis te dirigeas vers ton magasin, tu puais encore le charbon et l’acier, mais tu avais tellement l’habitude de cette odeur que c’était devenue ton naturel. Tu rentras tranquillement, descendant les bois. Te rapprochant du magasin, tu pouvais entendre des voix, mais pas précisément ce qu’il se passait. Et une fois proche de l’entrée, tu entendis un bruit lourd suivit d’un cri… Tu ouvras alors la porte pour voir Sia tenant un homme au sol et une femme la traitant de malade...
Tu ne réfléchis pas une seule seconde pour te diriger jusqu’à Sia, la prendre fermement à l’épaule avec ta poigne et la tire en arrière. C’était bien la première fois que tu serrais aussi fort Sia, mais sur le moment, tu ne pouvais pas la laisser continuer. Tu la savais violente d’une certaine façon, mais de là à attaquer un homme. Ton cerveau fit rapidement un petit lien. Premièrement, la femme avait crié le nom de Sia, donc elle devait la connaître. Tu retiras donc Sia de la prise sur l’homme disant d’une voix forte. « Sia calme-toi ! »Une fois séparer de l’homme, tu relâchas la pression sur l’épaule de Sia et te tournas vers l’homme. « Avant que je ne m'excuse de quoi que ce soit, qu’est-ce qu’il se passe ici ? Est-ce que vous allez bien monsieur ? »
« Elle a gagné en force la jolie plante ! J'ai bien cru qu'elle allait essayer de me tuer. Vous devriez apprendre à tenir votre femme. Enfin, c'est plus un animal qu'une femme... »
La femme l'accompagnant semble légèrement paniquer en voyant mon visage à nouveau devenir rouge de colère. Elle met un grand coup de coude à son compagnon et décide de prendre la parole.
« Veuillez nous excuser pour ce vacarme... Vous devez être monsieur Obsid. Mon compagnon et moi sommes des aventuriers de passage et nous avons entendu parler de votre forge en passant à la forteresse. Nous voulions voir votre magasin dans le but de changer notre équipement avant de partir en mission. Nous ne pensions pas rencontrer Sia ici, nous ne nous sommes pas vus depuis plusieurs années. Nous sommes de... vieux amis.
- Vous n'êtes pas mes amis. »
Ma voix est emplie de colère et incroyablement froide. Je siffle ces mots entre mes dents alors que je regarde le visage de la jeune femme qui prend un air peiné. Elle a toujours été une excellente actrice et elle sait parfaitement simuler les émotions qu'elle souhaite. La voir à nouveau jouer avec ce talent fait monter ma colère un peu plus.
« Sia...
- Ferme-la Calla ! Vous n'êtes pas mes amis ! Vous ne l'avez jamais été ! »
Si Lyle ne me tenait pas, je pense que je me serais déjà jetée à la gorge de cette peste. L'aventurier vient se placer devant sa compagne avec un air rieur, comme pour essayer de détendre l'atmosphère.
« Toujours aussi froide à ce que je vois. C'est du passé, nous étions que des gosses ! Tu veux bien nous pardonner, en souvenir du bon vieux temps ?
- Le bon vieux temps ? Celui où vous nous frappiez avec Sio sous prétexte que ne nous sommes pas humaines ? Tu parles de celui-là Larn ? »
Son visage se durcit alors que j'évoque les souvenirs de cette époque. Ce qui n'était qu'un jeu pour eux était une véritable souffrance pour Sio et moi. Je vois encore ma petite sœur en pleurs, couverte de bleus, ma fleur ayant été arrachée et écrasée, les rires moqueurs de ces enfants trouvant cela "normal" de nous traiter ainsi. Cette époque me semble à la fois si lointaine et si proche. J'ai tant de colère en moi, bien assez pour Sio et moi, bien assez pour leur faire comprendre qu'être rouée de coups est loin d'être un jeu, bien assez pour couvrir mes poings de sang à force de frapper.
« Nous ne sommes pas là pour nous battre avec toi. Je suis même content de voir que tu as réalisé ton rêve de travailler dans une forge ! Repartons sur de bonnes bases, on pourrait même devenir tes clients. »
L'idée de servir ces deux-là me donne la nausée. Ma colère semble se remplacer par un profond sentiment de dégoût. Je n'ai absolument pas envie de forger pour deux pourritures comme eux. Ils semblent avoir changé après toutes ces années, mais ils ne semblent avoir aucun remord de leurs actes, pire il semblerait même que leur mentalité n'a pas tant changé depuis cette époque. Je reste muette et toise les deux aventuriers avec une profonde animosité. Je ne les servirai pas et si mon maître accepte de leur vendre quoique ce soit, cela sera sans moi. J'essaye d'ailleurs de me dégager de sa poigne dans une tentative de quitter la boutique pour m'en aller loin de ces personnes détestables.
Elle gagne rapidement des points à ta place en s’excusant bien vite. C’était déjà ça, ce garçon n’était qu’un morveux qui aurait mieux fait de pas quitté les jupons de sa mère, mais la demoiselle semblait pouvoir faire preuve de politesse et bon sens. Elle te prévenait qu’ils voulaient de nouvel équipement avant leur départ. Et ils ne s’attendaient pas à tomber sur Sia. Ok, donc ça retirait le fait que c’était juste des vraies tarées, mais elle décida de rajouter un détail sur lequel Sia n’hésita pas à retourner dessus crachant clairement que cette affirmation était fausse.
Cependant, alors que la demoiselle voulait rattraper son coup, Sia sauta encore sur le feu, pour lui crier dessus. Une chose que tu n’appréciais pas de ton apprentie, la patience était une chose à apprendre et là, le sujet de leur soi-disant amitié mettait la patiente de Sia à rude épreuve. Le morveux prit la défense de son ami, mais ses excuses n’étaient clairement pas les bonnes choses à dire. Certes, oui, c’était du passé, tu pouvais te ranger de ton côté-là-dessus, mais ce qu’il essayait de faire passer comme des vieux souvenirs n’étaient que de la violence gratuite, ils maltraitaient Sia et sa sœur sous le fait qu’ils n’étaient pas humains. Tu pouvais sentir une veine gonfler sur le front, mais tu te concentrais sur le fait de tenir Sia à distance. La pauvre devait être bien plus énervée que toi, et tu ne pouvais pas la laisser passer à la violence comme cela.
La demoiselle proposa alors de repartir sur des bonnes bases… Visiblement, elle était la plus logique du groupe… Tu soupires et repousses encore un peu Sia pour te tenir devant elle, gardant une main sur son épaule pour l’empêcher de charger sur leur nuque ou de fuir. « Première, je tiens à m’excuser du comportement de Sia. Vieux souvenir ou non, bon ou mauvais, ce n’est pas une raison d’agir ainsi, surtout si ça implique de faire quelque chose qui va nous descendre aussi bas » Tu lâchas cela en jetant un regard sur Sia, tu refusais de la voir tomber plus bas que les personnes qui lui ont infligé des choses aussi horribles. Tu te concentres vers les deux clients. « Ensuite, Sia n’est point ma femme, comme je l’ai dit, c’est mon apprentie. Et désolé de prendre les mêmes mots que vous, mais mademoiselle, vous devriez apprendre à tenir votre morveux, il a une langue si bien pendue que je suis certain qu’il sera étonné lorsqu’un bandit lui coupera. Pour ce qui est de votre affaire avec vous et Sia, je n’ai aucunement à m’en mêler, cependant, si vous voulez repartir sur des bonnes bases, commencez par véritablement regretter vos actions, puis excuser vous de ce que vous avez fait. Je m’occuperais de vos commandes, il est hors de question que je vous laisse devenir des clients pour Sia. Et enfin pour finir, une petite règle pour préciser… Si vous agissez encore comme des morveux en face de toi, j’hésiterais pas à vous faire sortir d’ici à coup de pied au cul. Cet endroit est un magasin, pas une foutue garderie. Pigez ?! Bordel de merde, je suis pas plus âgé que vous et je vous fait quand même la leçon… Va falloir vous remettre en question, et vite. Donc !... Qu'est-ce que je peux faire pour vous ? »
Il s'adresse ensuite à Larn, le corrigeant et remettant légèrement à sa place. Calla en prend aussi pour son grade, même s'il est plus conciliant avec elle. Contrairement à son compagnon, elle n'a jamais été du genre à foncer tête baissée, elle était bien plus vicieuse, se faisant passer pour la personne gentille et mature alors que dès que tous ont le dos tourné elle n'hésite pas à participer à son tour aux violences, aussi bien physiques que par des mots incroyablement blessants. À la regarder, je vois qu'elle est toujours la même et je sais qu'elle partage les idées de l'autre aventurier. Pour eux, Sio et moi sommes des aberrations, des êtres étranges plus monstrueux qu'humains. Des pensées plutôt rares en Aryon, mais pas impossible à trouver.
Quand il a fini de parler, il propose alors de s'occuper d'eux et de les servir. Un silence gênant s'installe, que je brise en finissant par dégager la main de Lyle de mon épaule. Sans un mot ou regard de plus pour ces deux-là, je prends la direction du couloir menant à la partie habitation. Je préfère m'éloigner quitte à me faire disputer par mon maître plus tard. En quittant la boutique, j'entends les voix des aventuriers commencer à expliquer les armes et armures dont ils ont besoin. Sans attendre, je me dirige vers l'extérieur, utilisant la porte de derrière. Je marche à vive allure sans regarder devant moi, cherchant seulement à mettre de la distance entre ce lieu et moi.
Quand je pense m'être suffisamment éloignée, je me rends compte que je suis à l'orée des bois. Je me laisse tomber au sol, le corps parcouru de nombreux tremblements. Ma rage se mut rapidement en sanglots incontrôlables. Je me mets à pleurer sans retenue, ne sachant pas vraiment les raisons de mes pleurs. L'émotion a simplement besoin de sortir, j'ai besoin de vider toute cette colère en moi. Je reste ainsi à me vider des larmes de mon corps sans pouvoir faire autre chose. Les minutes s'écoulent et quand mes pleurs semblent s'apaiser un peu, les idées noires m'envahissent l'esprit.
Je me recroqueville sur moi-même, maudissant mon corps et cette foutue fleur. Je maudis ma propre faiblesse de corps et d'esprit. Je repense aux paroles blessantes du passé, celles auxquelles je pensais être devenue insensible. Ma propre solitude m'envahit, celle que je pensais avoir réussi à combattre après m'être installée ici. Ma famille me manque terriblement en cet instant et j'en viens à me demander si j'ai fait les bons choix.
Je ne sais combien de temps s'est écoulé ainsi, j'ai l'impression d'être restée isolée pendant des heures. En regardant la position du soleil, je me rends compte que mon esprit exagère simplement cette impression. Je ramène mes jambes contre mon corps, mes bras les entourant et enfouissant mon visage à l'intérieur. J'ai besoin de me calmer maintenant si je veux rentrer. Est-ce que j'ai envie d'affronter le regard de mon maître ? Ses possibles questions ? Certainement une leçon de morale sur mon comportement ? Absolument pas. Je pense même que si je le vois maintenant j'aurai juste envie de le frapper. Dans le même temps, je me sens terriblement seule, Lyle est la seule présence humaine et affective à laquelle je peux me raccrocher ici. Je n'ai pas envie de me le mettre complètement à dos, il reste mon maître.
Alors que je pense à cette solitude, j'entends des pas dans mon dos. Je me redresse et essuie rapidement les larmes sur mes joues et renifle bruyamment. La personne continue d'approcher et je sens un frisson parcourir mon échine. Mon instinct de survie me hurle de ne pas laisser cette personne s'approcher de moi. Sans me retourner, je parle de façon à être entendu malgré la distance, ma voix est à la fois emplie de colère et brisée par mes pleurs.
« Approche encore et je... » Je n'arrive même pas à finir ma phrase que ma voix se brise en un nouveau sanglot. J'ai envie de proférer une menace et de signifier que je vais certainement devenir violente. En réalité, je n'ai même pas la force de me lever et j'ai terriblement besoin d'une présence humaine à mes côtés. Dans ces moments, Sio et moi nous soutenons mutuellement, ici je suis seule avec ma mélancolie. Je me recroqueville à nouveau sur moi-même et essaye d'étouffer mes pleurs qui repartent de plus belle.
Et donc, restant calme pour les prochaines heures, tu fis de ton mieux pour servir les deux « clients » que tu avais. Tu leur présentas des armures et armes, mais tu te refusais de perdre de ton temps à leur faire des armes sur-mesure. Une fois partie… Toujours pas le moindre bruit ou retour de Sia, tu repars vers la cuisine. Pas la moindre personne, tu cherchais après la demoiselle en colère… Tu partis vers sa chambre. Personne. Tu ouvris ta chambre, mais non, elle n'était pas là. Tu commençais à t’inquiéter de plus en plus. Où pouvait-elle être ? Tu commenças réfléchir de manière plus précise, te demandant où elle pouvait être. Si elle n’était pas ici, elle devait être dehors. Tu frappas dans ta paume avec ton poing, ayant une idée. Elle était certainement à la forge.
Tu fermas le magasin et sortis donc te dirigeant vers la forge, passant à travers la forêt. Sur le chemin, du coin de ton œil, tu vis une chevelure platine que tu connaissais que trop bien pour le coup. Tu t’arrêtas, pour alors te diriger vers elle. Sia t’arrêta sur-le-champ, elle était roulée en boule et te fit le début d’une menace, mais plus rien. Sa voix se brisa, et elle pleure doucement. Tu ne sais pas bien ce qu’elle ressentait pour le coup. Après tout, tu n’avais jamais eu d’ami dans ton enfance, mais tu n’as jamais eu de personne pour te maltraiter. Grâce à ta simple vie, tu avais été protégé de beaucoup de ce genre de souffrance. Tu t’approchas d’elle pour te mettre à genoux face à elle, venant doucement caresser sa tête de la main droite, te tenant en équilibre de ta main gauche.
À vrai dire, tu étais assez surpris. Tu aimais te croire mature, mais selon toi, c’était normal pour une personne de ton âge. Tu pensais que c’était presque similaire pour elle, certes, elle n’était pas aussi vieille que toi, mais elle avait bien plus d’expérience social et vu que c’était une aventurière, elle devait avoir un mental solide et d’acier. Comme quoi, même la lame la plus solide pouvait être facilement brisé si on frappait dans une ancienne cassure lors de la forge. Sia était peut-être forte et courageuse, mais elle était recouverte de faiblesse tu avais l’impression.
Tu ne dis pas le moindre mot, passant doucement ta main dans ses cheveux. Tu ne savais pas comment la rassurer, mais tu savais très bien qu’il ne fallait pas s’empêcher de pleurer… Chose qu’elle a dû faire bien trop souvent, on dirait.
J'ai besoin d'affection et de réconfort, je ne veux pas être seule plus longtemps. Je viens alors chercher cela, mes bras passant derrière la nuque du forgeron alors que je me jette à son cou pour le serrer contre moi. Mon visage vient se cacher contre son épaule alors que mes pleurs repartent de plus belle, mes larmes venant tremper sa peau. Je me laisse aller contre lui, pleurant de chaudes larmes que je ne retiens plus, profitant de ce contact humain pour déverser tout mon désespoir.
Je pleure ainsi un long moment, jusqu'à ce que je ne sois tout simplement plus capable de pleurer, les larmes ne pouvant plus couler, complètement taries. Je n'ai plus beaucoup de force, pleurer ainsi m'a complètement épuisé. Je relâche enfin Lyle, me reculant en essuyant ma joue, reniflant bruyamment alors que je semble enfin un peu calmée. Mon œil est rougi et gonflé d'avoir tant pleuré, j'ai même un peu de mal à respirer, mon nez étant légèrement bouché. Je relève alors le regard vers le forgeron, un peu honteuse de lui avoir montré cet aspect de moi, d'avoir été si faible devant lui. Je détourne un peu la tête, fuyant son regard en me grattant la tête.
« Je... Désolée de mon comportement... Ça ne se reproduira plus. »
Je parle évidemment du fait que j'ai ainsi agressé deux aventuriers et clients. C'est impardonnable de ma part et complètement immature. Malgré tout ce que j'ai vécu, tien n'excuse le fait que je me sois ainsi jetée sur un client. En plus de manquer de professionnalisme en tant que forgeronne, j'ai transgressé l'une des règles de la guilde des aventuriers. Je me mords la lèvre, honteuse et voulant disparaitre.
C'est alors qu'un bruit particulièrement sonore s'échappe de mon ventre. Je sens alors le vide dans mon estomac et la sensation de faim bien distinctive. Je serre mes bras contre mon ventre en essayant de l'étouffer, rougissant légèrement de honte. Je regarde le ciel et constate à la position du soleil que plusieurs heures se sont écoulées. Le repas de milieu de journée est passé depuis longtemps et je n'ai pris qu'un petit déjeuner très léger ce matin. Mon ventre continue de crier famine, réclamant pitance et cherchant à compenser la fatigue que mes pleurs ont créée. Je détourne à nouveau le regard, honteuse d'être dans cet état devant mon maître. Je tente alors de me justifier, reprendre un peu contenance pour sauver ce qui me reste de fierté.
« Je crois que... je vais aller me faire un peu à manger. »
Oui, voilà ce qu'il me faut. Manger. Manger pour oublier. Manger pour reprendre des forces. Manger pour alléger mon cœur.
Alors que tu caressais doucement la tête de la jeune demoiselle, celle-ci alors se jeter à ton cou pour se serrer à toi et ne pleure encore plus. Tu te figes alors écartant les bras et la sentant trembler contre toi… Peu importe comment tu formulais cela, tu ne pigeais qu’une chose, c’est que la raison de venir soudainement te sauter à la nuque devait être logique… Tu ne fis rien pendant un petit temps, la laissant pleurer contre toi.
Petit à petit, la réponse se formula dans ton esprit. Non seulement, elle avait du mal à gérer avec ses problèmes du passé, tu venais d’y penser, mais… Sia était jeune ! Et si elle avait effectivement une relation proche de sa sœur et qu’elles partageaient les mêmes expériences… Tu ne voulais pas réduire comme cela Sia, mais il était clair qu’elle avait un côté enfant enfoui au fond d’elle… Tu lâches un petit soupire avant de la tenir dans tes bras, venant doucement tapoter ton dos et caresser sa tête. C’était comme pour s’occuper des pleurs d’un enfant, tu devais le laisser s’exprimer et là, Sia devait faire ressortir la douleur de son ancienne blessure.
Après un petit moment, elle finit par te relâcher. Elle fait de son mieux pour essuyer son visage et reprendre son sang-froid… Tu avais accepté de t’occuper d’une future forgeronne, mais on dirait que t’allait devoir t’occuper d’un enfant en plus. Elle s’excuse alors bien vite de son comportement, disant que ça ne se reproduira pas. « Quoi ? Toi qui pleures dans la forêt après une mauvaise rencontre ou toi qui attaque un client ? … Je plaisante, mais dans tous les cas, il va falloir que tu apprends à te calmer et à garder ta colère. Je sais que je m’avance beaucoup en disant cela et tu fais déjà de ton mieux. Mais… »
Mais quoi ? Qu’est-ce que tu pouvais lui dire de plus… Tu lui lâchas alors juste. « En tant que maître, je peux pas accepter que mes clients soient mal traités par mes clients. Je sais que tu avais tes raisons de lui sauter dessus, je peux quand même pas l’accepter… »Tu avais du mal à lui donner la leçon pour une fois, tu n’étais clairement pas dans ton rôle de maître sur le moment, et même en tant que maître… Tu te sentais mal d’engueuler la pauvre fille face à toi. Tu commençais à comprendre pourquoi elle voulait paraître forte, pour pouvoir cacher ce côté fragile qu’elle a vécu plus jeune.
Elle avait l’œil rouge à cause de ses pleurs et respirait un peu mal. Ce qui la fit revenir à la fin et arrêta ce moment très gênant fut le rugissement de son estomac. Son visage devint alors légèrement rouge de honte et elle se releva pour partir se préparer à manger. Tu te levas avec elle, retirant la terre sur tes jambes en frappant un peu dessus. « Si tu pouvais aussi me préparer de quoi grignoter. Je vais aller m’occuper du magasin… Et je pense que j’aurais besoin de passer un moment à la forge pour me défouler un peu. Quand ça sera prêt, appelle moi. »
Je repars en direction de la maison en annonçant que je vais préparer à manger et la réponse de mon maître me fait me raidir encore plus. Je serre les dents et j'essaye de calmer la vague de colère me traversant. Définitivement, Lyle ne comprend rien. Rien à rien. C'est un imbécile. Le pire qu'il puisse exister. Sans rien répondre je rejoins la maison et me dirige vers la cuisine. Je récupère de quoi cuisiner rapidement, je découpe quelques légumes en essayant d'y mettre toute ma colère, d'épuiser un maximum mon énergie là-dedans. J'ai envie de hurler, de frapper, d'insulter et de détruire des choses. Mes pleurs sont passés, me laissant une impression de vide des plus désagréables. Je finis par poser mon couteau et regarder mon travail tout en retenant autant que possible la colère bouillant en moi. Ma paupière se ferme pendant que j'essaye de faire le vide en moi, de m'apaiser.
Oui, Lyle est le pire des imbéciles et il m'énerve. Mais je suis celle qui a choisi de venir vivre ici et d'apprendre à ses côtés. C'était mon choix. Il m'a ouvert la porte de son foyer et je me suis plus ou moins imposée dans sa vie. Je ne peux pas lui demander de réussir à me comprendre alors qu'il a vécu en ermite toutes ces années. Il ne veut pas s'attacher à moi, c'est une évidence. Je ne peux pas rentrer dans son cœur. Ici, c'est moi l'imbécile d'avoir pu penser que je pouvais devenir proche de lui, d'avoir espéré le changer. Je viens essuyer la larme de rage qui coule de mon œil, serrant à nouveau les dents en reprenant mon travail. Je poêle rapidement mes ingrédients, préparant ainsi deux parts de légumes et viandes sautées, des petits restes simplement relevés et recuisinés. Je prépare les deux assiettes, prenant soin de donner les parties les moins jolies et les plus brûlées au forgeron. Je mets rapidement la table et pose le repas dessus, me dirigeant ensuite dans le couloir pour appeler Lyle d'une voix des plus froides.
« Le repas est prêt. »
Je m'installe rapidement à ma place, commençant à manger sans même attendre le rouquin. Je passe le repas dans le mutisme le plus total, n'adressant même pas un regard au forgeron. Je dévore mon plat aussi rapidement que possible, ne souhaitant pas rester en sa compagnie plus longtemps. J'ai besoin de solitude. Quand j'ai terminé, je me relève et débarrasse ma table sans un mot, faisant ma vaisselle de mon côté pour ne pas rester avec lui. Je quitte ensuite la pièce avec autant de froideur que possible, ne me retournant même pas ver lui quand je lui adresse quelques mots avant de partir.
« Je vais m'entrainer à l'épée et prendre un bain avant de me coucher tôt. Alors à demain. »
Je n'attends pas qu'il me réponde pour rejoindre ma chambre, m'y enfermant en récupérant mes affaires. Je m'installe sur mon lit avec mon carnet, me plongeant dans mes croquis pour me vider la tête. J'écoute les bruits de la maison jusqu'à repérer le moment où le forgeron quittera les lieux pour que je puisse sortir sans risquer de le croiser. Je n'ai plus envie de lui parler, même si je me suis faite une raison, je n'ai pas envie de lui adresser la parole ou de le voir. En cet instant, je le déteste.
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