C'était ce que s'était dit l'aventurier. Son glooby vert qui le suivait partout sans qu'il ne le veuille lui serait peut-être utile, pour une fois. La piste était longue d'environ trois mètres et rectiligne. Le parcours était on ne peut plus simple. Il suffisait de quatre concurrents pour démarrer une compétition effrénée. Le forain avait bien vendu son affaire, Ramar s'était vu proposé une place dès lors que son familier fut entré dans le champ de vision du commerçant affûté. Il s'était laissé tenté, pour un cristal de participation.
Il n'avait même pas connaissance du prix en cas de victoire. Il voulait juste s'amuser un peu. L'ambiance était vraiment festive dans ce lieu qu'il avait découvert par hasard. Il était initialement en chemin pour une petite mission quand sa route avait croisé l'information de l'arbre sacré et de son festival de la Lucy colorée, où l'entrée était gratuite aux possesseurs de glooby coloré, ou une idée du genre. Mais ça avait mal commencé.
Un peu plus tôt, alors que le festival était déjà bien bondé, il était arrivé au niveau de la billetterie. Lorsqu'on lui avait demandé si son glooby était bien son familier, il n'avait pas su quoi répondre. Après tout, il n'avait jamais demandé à ce que cette bestiole le suive. Il avait donc pris l'intéressé depuis son dos pour le déposer sur une racine quelques mètres plus loin, avant de revenir devant le guichetier. Dissident, tel était son nom à juste titre, avait alors parcouru en toute vitesse la distance le séparant de l'aventurier pour remonter sur lui. L'air dépité, Ramar avait alors simplement répondu :
Voilà...
On l'avait alors laissé passer, mais avec un énorme scepticisme, et c'est un euphémisme.
Il avait dû se faire "contrôler" par un garde plutôt perdu, pour découvrir ensuite un univers de couleurs et de gens dans un nombre bien trop important pour sa tolérance. Lui qui était habitué à la solitude humaine et à l'omniprésence des non-animés...
Toutefois, les gens s'amusaient et relativement peu d'objets lui partageaient leurs pensées. Ainsi, en posant Dissident sur la ligne de départ, il sentait que l'amusement allait arriver. Très brièvement.
Tous les gloobys démarrèrent au top départ. Tous vers l'avant, sauf un, évidemment : Dissident. Cet idiot révélait l'origine du nom que Ramar lui avait donné. Ce dernier se trouvant derrière lui pour l'encourager, comme chacun des autres propriétaires, la bestiole s'était juste retournée pour revenir vers lui, sans se poser plus de questions.
Réaction immédiate : rires aux éclats autour du stand et un Ramar consterné, la main sur le front.
*Hé, franchement mon gars, il a du niveau lui !* se moqua, hilare, Madarvak, la montre-vision sur le plastron du jeune aventurier, dans l'esprit de ce dernier.
*Tu ne l'aides pas, là !* cingla Chimère, sa fidèle écharpe.
Elle se tenait sur ses épaules, le bout relevé comme une tête de reptile, observant la scène. Elle prenait la course au sérieux et ne supportait pas le comportement ni de Madarvak ni de Dissident.
*Ramar, déplace-toi de l'autre côté de la piste !* lui ordonna-t-elle d'un ton sans équivoque.
Ramar s’exécuta. L'idée était bonne, cet idiot de Dissident ne jurait que par lui, autant en profiter donc. Le résultat ne se fit pas attendre : Dissident, vexé et devancé, doubla soudainement sa taille et fonça vers le jeune homme et la lignée d'arrivée. Il bouscula sans vergogne un autre glooby concurrent et renversa même le suivant par-dessus le bord. Il parvint à rattraper le dernier non loin de la ligne d'arrivée et à le dépasser à temps, mais ne s'arrêta pas là et se retrouva sur sa cible un instant plus tard.
Une fois passées les remontrances sur l'attitude du glooby vert et sa disqualification pour utilisation de pouvoir non autorisé, Ramar s'éloigna du stand, assez content du résultat tout de même.
*Il reste mignon même s'il est un peu simplet, il pourrait s'avérer utile un jour, pour te retrouver, vu qu'il ne sait manifestement faire que ça correctement.* évalua l'écharpe à plumes blanches.
Cela reste à voir. Il bave quand même énormément. J'ai besoin d'eau là. répondit le jeune homme à voix haute, oubliant totalement qu'il était en public car totalement concentré sur le maintien du glooby visqueux entre ses mains.
Il était passé, un peu plus tôt, devant un stand où il pensait avoir reconnu une noble pour qui il avait travaillé, Luz Weiss. Mais il n'en était pas certain. En revanche, ce dont il était sûr, c'est que la personne en question avait la tête plongée dans un bac d'eau, donc il pouvait en trouver. Il se mit donc en quête d'un stand assez grand où il pourrait y laver discrètement ses mains et ce qu'elles contenaient.
Chimère, tu peux laisser passer un peu plus d'air, s'il te plait ? La saison chaude est pour bientôt et avec une telle foule je commence à avoir du mal à respirer. demanda-t-il alors qu'il traversait une petite foule totalement désordonnée.
Il ne savait pas ce qu'il se passait ici, mais on aurait dit que chaque individu découvrait le monde qui l'entourait pour la première fois.
Oh Sainte Lucy, z'est trop bien cette chose, ça bouge quand j'lui demande et j'peux même sentir c'que ça touche. C't'incroyable ! disait l'un en touchant absolument tout ce qui l'entourait avec une main extrêmement baladeuse.
Yeah... chais pas pourquoi mais je te vois en suuuuuuuper grand, comme si t'étais touuuut près, c'dingue ! continuait un autre alors qu'il avait son visage collé à celui du premier.
Il y avait facilement un groupe d'une bonne douzaine de personnes pris dans un délire collectif du style. Et Ramar se trouvait tout d'un coup en plein centre, bloqué, alors qu'il voulait à l'origine passer rapidement.
*Han ce trip de dingue qu'ils nous font là...*
Nouveau soufflement dédaigneux de la part de Chimère, qui réagit bien différemment.
*Sors immédiatement d'ici, Ramar !*
Il s'exécuta. En se servant de Dissident comme d'une arme à projectiles...
Rampapapam ! Rampapapam ! fit-il en brandissant le glooby d'une étrange manière.
*Ah. Trop tard !* conclut Madarvak, plus hilare que jamais et incapable de rajouter quoi que ce soit.
Ooooooh, tu brilles de milles feux toi, comme un diamant ! continua Ramar en embrassant le crâne chauve d'un autre drogué, le glooby posé temporairement dessus.
*Ramar ! Reprends-toi ! Tu dois sortir d'ici avant que ça ne dégénère !*
*Ahahah il est CRA-MÉ !*
Hein ? Comment ça ? Je brûle !? réagit aussitôt l'aventurier, se frottant les bras comme pour éteindre des flammes imaginaires.
Cela eut au moins un effet constructif puisqu'il bouscula plusieurs autres victimes dans sa panique soudaine et put prendre la fuite.
*Non non, tu n'as rien Ramar, tu es juste...*
Quoi ? Encore une illusion ? Non j'en ai fini avec cette grotte de mort ! L'est où le marteau ?
Dans sa fuite en tout sens, il attira l'attention d'un commerçant qui l'approcha de son stand : le frappe-glooby. Il suffisait de prendre une masse et de frapper sur un mécanisme au sol pour envoyer un objet ressemblant à un glooby le long d'un poteau à points. Plus on frappait fort plus le glooby atteignait des hauteurs récompensées.
Ramar ne le vit pas ainsi. Il prit la masse et activa sa ceinture au palier deux. Ses capacités physiques étaient alors améliorées et deux fois supérieures à sa normale. Il frappa le mécanisme dans un cri rageur et violent qui fit se retourner pas mal de passants effrayés.
Prends ça, saleté de goule... glooby !
Sous le regard médusé du forain, le glooby mécanique monta su sommet et l'éclata avant de s'envoler d'un bon petit mètre puis de retomber au sol dangereusement non loin de lui. Ramar se fit engueulé singulièrement mais son attention avait déjà changé de cible.
Un stand plein d'eau. Sans prendre un seul instant en considération le marchand du premier stand comme du second, l'aventurier drogué se dirigea de l'un vers l'autre en ligne droite, peu importe les gens sur son passage, son glooby vert sur le bras.
*Non Ramar, doucement ! Tu vas blesser quelqu'un, il faut que tu te contrôles, tu as été drogué !*
*Pfiou... Ouais mec, elle a raison, faut que tu te reprennes là. Avant de me faire mourir de rire !*
*Vraiment, tu n'aides pas Madarvak ! Ramar, tu m'entends ?*
Au même instant, il arriva devant un grand bac d'eau avec des gloobys flottants et des cannes à pêche. En approchant le bras rapidement, Dissident s'y trouva projeté. Effrayé, il grossit pour se protéger et éclaboussa plusieurs personnes, dont Ramar, avant de se faire vigoureusement engueulé... par Ramar lui-même.
Mais c'est quoi ce bordel ?! Vous avez décidé de tous me faire chier aujourd'hui, c'est ça ?!
Malheureusement pour lui, l'éclaboussure générale avait laissé un blanc pendant lequel il s'était exprimé. Tout le monde aux alentours put l'entendre, et le marchand le prit visiblement pour lui, son visage virant au cramoisi tandis que Ramar se tenait droit, interdit comme par les échos de ses propres paroles.
Je viens de dire ça tout haut, c'est ça ?
*Ouaip !*
*Ah ça y est ? Tu nous écoutes enfin ? Bon, au point où tu en es, plonges la tête et récupère Dissident, ça va peut-être t'aider à reprendre tes esprits !*
Il suivit le conseil à la lettre avant de partir précipitamment dans le sens contraire, la tête dégoulinante d'eau et le glooby dans sa main.
Il s'arrêta à l'arrière d'un stand de nourriture pour essayer de comprendre.
*Bon, qu'est-ce qu'il m'est arrivé ?*
*Je ne sais pas trop, tu es tombé dans un groupe bizarre, je pense qu'ils ont été drogués. Mais ça n'avait pas d'effet sur nous donc ce n'était probablement pas magique. Tu as dû respirer la même chose qu'eux, mais on réussit, tant bien que mal, à te faire revenir. Tu devrais quand même y retourner t'excuser quand tu auras repris un peu plus le contrôle de toi-même.*
Ramar se calmait, assis au sol, sa tête le tournant quelque peu encore. L'expérience avait été des plus étranges, mais il sentait poindre en lui un amusement particulier qu'il ne connaissait pas encore. C'était donc ça que les garnements de son village ressentait quand ils faisaient des conneries ? Il y avait quelque chose d’exutoire là-dedans, mais ça en disait long sur leur vie, à son sens, pour qu'ils en aient eu autant besoin...
Enfin de nouveau maître de lui et stable, le jeune homme reporta son attention sur son glooby qui ne bougeait pas dans sa main. Son visage exprima sa surprise et son horreur. Ce n'était pas Dissident mais un des jouets du stand.
- Lancer de dé:
Echevelée et ruisselante d’eau, Luz se redressa vivement, les bras déjà levés pour manifester son évidente victoire. En face d’eux le forain sonnait la fin de la partie, non sans glisser un coup d’œil intéressé sur les poches de James.
« Toujours pas notre fils, répondit machinalement Luz, les prunelles vagabondant déjà sur l’étal. Heh Naë, qu’est-ce qui te ferait env…- »
Elle se tut, constatant qu’il l’observait justement, une intensité singulière derrière son regard amusé. Oh, aurait-elle été une jeune fille dans la fleur de l’âge, ce regard lui aurait arraché sans peine un rougissement : elle y percevait les embruns de leur relation mourante, l’écho de ce qu’ils avaient été. Mais elle n’était plus une âme candide. Elle sentit sa poitrine se serrer d’une griffe désormais par trop familière et retourna derechef son attention sur les peluches présentées, tâchant de donner le change avec le naturel d’une personne ignorant tout de son environnement.
« Et voilà pour vous ma petite dame ! »
La peluche était duveteuse sous ses doigts et ma foi assez représentative de son animal totem. Elle ne s’attarda pas néanmoins sur sa contemplation, présentant l’objet gagné à son partenaire du jour, un fragment de sourire étirant ses lèvres en une charmante mimique :
Elle ignorait bien sûr que ce présent avait une valeur prophétique pour le futur établissement que Naëry aurait l’heur de reprendre administrativement. Pour le moment, elle n’y voyait qu’un geste de réconciliation matérielle et pragmatique, une tentative de renouer leurs liens effilochés à l’occasion de cet évènement festif.
Elle brossa rapidement ses vêtements dans le sens du tissu, une grimace appuyée sur le visage. Et la boucle de Vol Vie n’était-elle pas infiniment plus glissante que de coutume… ? Si Mezcal s’était enfui à la recherche d’autres larcins à accomplir, elle eut tout loisir de tomber nez à nez avec Trine dans les replis de sa chevelure détrempée. Malheureusement, elle ne réalisa pas sa présence avant de rabattre sur elle une pluie de gouttelettes glacées, entortillant sa longue chevelure entre ses doigts habiles dans l’espoir d’épargner sa nuque.
Peut-être que l’eau suffirait à enlever la bave… ? Ce fut alors que distraitement, son attention accrocha la silhouette pas si lointaine d’un individu familier. Les sourcils froncés, circonspecte au possible, Luz mit un terme à son hésitation.
Et, emportant la pauvre Trine dûment kidnappée sur son épaule, elle se dirigea en quelques enjambées jusqu’à l’homme assis sur le bas-côté. Comme il ne réagissait pas exactement à sa présence, elle se pencha doucement en avant, les mains appuyées sur ses genoux, afin de l’apostropher :
C’était bien lui ! Elle se targuait d’être plutôt physionomiste et n’avait pas oublié l’aide précieuse qu’il lui avait procurée des lunes auparavant en compagnie de Chrystielle. Il paraissait en revanche considérablement troublé… Si ce n’était en plein malaise.
Allons, elle n’avait guère envie de rajouter sur sa liste de méfaits du jour « non assistance à personne en danger ». Et ce, malgré l’agitation croissante qui gagnait la foule avoisinante, ignorante qu’elle était des crimes d’un certain écoterroriste. Avaient-ils toujours été aussi bruyants… ? Il lui paraissait entendre des cris à présent, de même que le son métallique des armures de la Garde… Que s’était-il produit ?
Les doigts refermés sur le cuir de la petite bourse qu’on lui avait confiée, James était prêt à tendre au monsieur du stand du jeu de pommes les derniers cristaux qu’il lui restait. Pour se faire pardonner les écarts de Zuluka, et prouver qu’il était digne de confiance, il ferait tout pour cultiver le sourire qui se dessinait sur les lèvres des amis de Calixte. Naëry, cependant, alors que Luz s’échappait vers une connaissance passant à proximité, sembla finalement se lasser de l’activité, et lui indiqua de ranger sa monnaie. Ou, peut-être, l’aventurier se méfiait-il de la lueur avide, et présentement déçue, miroitant dans les yeux du gérant. Plissant le regard, le bleulet humain investit soudainement ses gestes d’une certaine méfiance. Vreneli pouvait se moquer de son inexpérience, mais il apprenait vite ! Et Naëry paraissait être un modèle de qualité.
- Oui, aller ailleurs, acquiesça James en tentant d’imiter l’attitude de l’homme qu’il avait décidé de prendre comme exemple. Prendre Zul et… où Zul ? paniqua-t-il subitement.
La grognedent, en l’occurrence, s’était éloignée d’une poignée de pas pour tondre quelques mètres carrés d’herbe, et était présentement en train de suçoter une grosse boule de poils. Ou une petite. Selon le référentiel, c’était discutable.
- Apaherrible, déclara Zuluka en ouvrant grand la bouche pour laisser apparaitre un glooby vert emmailloté de bave.
Complètement ébouriffé, luisant de salive, le regard encore plus hagard que celui usuellement connu à sa race, la petite créature sembla, le temps d’un couple de secondes, complètement perdue. Et puis, comme mue d’un instinct inaliénable, elle se détourna promptement de la grognedent pour foncer d’un pas décidé vers une végétation plus fournie. Vers d’autres stands. Vers un bac d’eau. Vers Luz. Vers l’inconnu qu’elle abordait ? Grimaçant, James s’élança vers le glooby qui avait fendu la foule de, oh, bien quelques centaines de centimètres, et l’attrapa entre ses mains. Loin d’apprécier son geste néanmoins, celui-ci parut se vexer d’un nouvel interlude dans sa progression, mais le bleulet humain se méprit complètement sur son expression et lui adressa un grand sourire enthousiaste.
- Toi aller là-bas, hein ? Jam aider toi ! Zul faire que bêtises, mais Jam aider. Jam aussi fort que Eli et Kana.
Tentant maladroitement d’adapter ses pas aux mouvements de la créature paraissant indiquer une certaine direction, l’enfant familier louvoya entre les badauds. Badauds qui, visiblement, avaient abusé de la boisson et pas assez profité du repos nocturne.
- Ca chez toi ? Ca famille à toi ? Ca ton humain ?
Trine, s’ébrouant de la rasade humide qui l’avait cinglée au passage de la chevelure rousse, détourna temporairement la tête de son objectif doré pour aviser James qui arrivait à leur hauteur. En possession d’un autre glooby. Donc, rien de bien intéressant. Reportant son regard sur la boucle du Vol Vie avant de longer les courbes de l’humaine dans l’espoir de trouver trésor plus aisément décrochable, elle finit par découvrir, à la taille de l’homme faisant face à Luz – un certain Aldor, à en croire cette dernière – merveilles ne demandant qu’à finir dans son repaire de cleptomane. Obnubilée par les cristaux sertis dans l’entrelac de cuir, elle se mit furieusement à élaborer un nouveau plan.
Restée en arrière, Zuluka ne suivit pas le mouvement. Son attention attirée par des préoccupations plus odorantes, elle s’était joyeusement avancée vers un comptoir couvert de sucreries colorées, avant d’en être chassée d’un coup de pied agacé. Percutant alors que son entreprise serait sans doute plus fructueuse en la présence d’âme dotée des étranges billes accompagnant les échanges des humains, elle avait fait demi-tour pour revenir vers l’aventurier et, de petits coups de tête enthousiastes, le pousser vers l’objet de ses désirs. Assurément ce gentil ami de Calixte ne la laisserait pas dépérir !
- Je serais toi, je ne m’y risquerais pas.
- Cal-bute, faim ! s’exclama la grognedent en cessant ses coups de bélier contre la jambe de Naëry pour sauter à la rencontre de son humain dans une embrassade baveuse.
- Bien sûr, le contraire m’aurait étonné, répondit le coursier dans un sourire désabusé alors que sa peluche de chiraki durement gagnée – empruntée, subtilisée – se couvrait d’humidité. Rappelle-moi, à l’avenir, de ne pas craquer pour un énième nouveau familier, soupira-t-il en tournant un œil contrit vers l’aventurier. Ou bien il va me falloir retrouver un second travail pour ne pas vivre sur la paille.
Saisissant à pleines dents le sachet de crudités qu’il lui tendait, Zuluka oublia temporairement les sucreries qu’elle avait plus tôt repérées et se concentra sur le met qui, a priori, ne la rendrait pas malade.
- De passage à l’occasion d’une quête, ou bien explores-tu les environs – même très périphériques – de ta nouvelle demeure ? demanda avec curiosité Calixte à son ami tout en effleurant du regard les environs. Nostalgique, peut-être ? ajouta-t-il avec une pointe de taquinerie, et une once de prudence.
Assurément l’aventurier n’avait-il pas évité Luz, qu’il apercevait à juste quelques pas. De quelles couleurs se teintait donc à présent leur relation déliée ? Par-delà la crinière de flamme de son amie, le soldat observa un temps, songeur, l’Arbre Sacré. Il y avait là, aussi, l’écho de sentiments passionnels, bien plus personnels, mais pas moins révolus.
- Résumé:
James (grand bleulet sous forme humaine, enfant) reprend Dissident d’entre les mâchoires de Zuluka (grognedent enfant) qui l’avait pris pour un bout de gazon, et le rapporte vers Ramar.
Trine (glooby) avise la ceinture de ce dernier, et est en train d’échafauder un plan pour en chourrer les cristaux.
Zuluka pousse Naëry vers un stand pour qu’il lui achète à manger, mais Calixte les retrouve avant que la grognedent n’obtienne faveur. Et nouvelle colique.
Elle s’apprêtait à poser ses mains dessus pour entrer en communion avec le sacré, lorsqu’une extraordinaire sensation de félicité inonda tout son être. Il ne lui semblait pas avoir déjà ressenti un tel état émotionnel un jour, pas même lorsque le mercenaire était enfin parti. Les horreurs de son passé se volatilisèrent et elle prit conscience de l’étendue des possibilités qui s’offraient désormais à elle, malgré ses mains pleines de sang et dont elle avait honte. En levant la tête, elle l’aperçut. Elle était rayonnante, majestueuse. Elle n’aurait su dire combien de temps elle resta là, à la contempler. La Grande Baleine Ailée. Une légende prenait vie sous ses yeux et elle tenta d’en retenir le moindre détail pour la reproduire avec fidélité grâce à son art.
Elle avait, déjà, envie d’en reproduire toute l’exactitude pour que son cœur ne cesse d’être comblée de ce bonheur qu’elle avait ressenti juste en la voyant. Serait-elle capable de relever ce défi ? De transmettre dans une sculpture tout ce qu’elle venait de vivre ?
Lorsqu’elle reprit conscience ; c’est-à-dire lorsque l’apparition s’évapora, elle se rendit compte que ses mains étaient belles et bien posées contre l’Arbre Sacré et que, autour d’elle, personne ne semblait avoir remarqué quoi que ce soit. Elle effleura son pendentif, celui-là même qu’elle avait fait enchanter. Il était chaud et il lui semblait percevoir les derniers résidus d’une puissante magie.
Elle ne saurait sans doute jamais si elle avait été victime d’une hallucination de son propre esprit ou si elle l’avait réellement vue. La sculptrice avait cependant une idée bien précise en tête : rentrer dans la chambre d’auberge qu’elle louait pour réaliser les premiers croquis de ce qu’elle avait bien imprimé dans sa mémoire. Elle quitta le festival pour s’atteler à la tâche, l’esprit bien plus léger que lorsqu’elle était arrivée.
- Résumé:
- Ivara voit la Grande Baleine Ailée et quitte le festival pour aller faire les premiers croquis de son futur chef-d’œuvre.
Festival de la Lucy colorée
- Ne comptes pas sur moi pour t’en empêcher, tu sais que je ne résiste à aucun familier. Ils auront ma peau autant que la tienne! Plaisantais-je.
Calixte s’enquit ensuite de ma venue ici, j’avais toujours eu une attirance pour cette région, la nature, le calme. M’y installer était logique. Un peu de raison dans ce monde de sentiments subjuguants.
- Je suis surtout venu rendre hommage à notre Déesse. Je me suis longuement recueillit à l’Arbre Sacré depuis que je suis au Village Perché, j’y ai médité, souvent. Il a quelque chose d’apaisant. Et comme tu dis, certains souvenirs réchauffent le cœur. avouais-je.
Mon regard riva sur Luz en conversation avec un inconnu, mon sourire flotta quelques instants sur mes lèvres avant que mes iris retournent vers le garde.
- Cal, je crois qu’il y a une question à laquelle je ne t’ai jamais répondu. Acceptes-tu de me suivre?
Le futur parent m’observa un instant avant d’emboîter son pas au mien. Sa curiosité avait pris le pas sur sa défiance. Nous traversâmes les stands pour atteindre le petit autel érigé en l’honneur de Lucy. Sur les écorces de l’arbre des bouts de papiers aux couleurs chatoyantes flottaient, se mouvant sous une douce brise.
- Ce sont des vœux, des prières que les habitants laissent à l’attention de la Déesse.
J’attrapais un papier turquoise et la plume laissaient par les organisateurs de l’évènement pour y griffonner de mon écriture de pattes de mouche mon souhait. Calixte m’observait en silence, à la fois dubitatif et captivé par mes actions.
J’attendis que l’encre sèche avant de tendre le serment à mon ami.
- Je t’invite à le lire et à l’attacher à l’Arbre sacré si tu y tiens toujours.
Ma réponse était tardive, je comprenais parfaitement si la proposition que l’homme m’avait faite des lunes plus tôt était caduque.
Parrain … Ce rôle inconnu qui m’a été offert par un être cher. J’ai hésité bien trop longtemps par peur de décevoir. Par Lucy ! Quel idiotie ! Cette responsabilité est un cadeau que j’accepte à bras grands ouverts. Lucy, merci de me montrer la voie.
J’attendais patiemment la réaction de Cal qui finit par accrocher le vœu avec un doux sourire aux lèvres. Rien de plus, rien de moins, un apaisement retrouvé.
Nous revînmes au cœur de la fête où nos familiers se faisaient remarquer, je happais les miens moins dispersés que ceux du garde que je laissais retrouver sa fratrie animalière.
J’en profitais pour acheter une brochette de viande au fromage et la glisser dans les mains de Luz que je retrouvais un peu plus loin.
- Chose promise, chose due. lui glissais-je.
Je profitais encore un peu des festivités avant de quitter ce cercle si précieux, remerciant Lucy pour ces rencontres opportunes qui me promettaient un nouveau souffle. Je saluais le jeune James, touchant d’innocence avant de retrouver la demeure qui connaîtrait, bientôt, le baptême de ceux qui me sont chers.
- Magie:
Glooby et enchantement vertcode ─ croquelune
La journée s’était parée d’un pâle voile chaud qui restait agglutiné sur la peau. La densité de la foule n’aidait en rien, et Luz craignait que Ramar ait été l’injuste victime de cette potentielle surchauffe propre aux festivals. Elle ne bénéficiait toutefois que d’un temps raccourci pour s’adonner au bien-être d’autrui, guère prompte à faire usage de ses talents de médecin au cœur de l’évènement. Il recommençait de toute façon à retrouver une ou deux couleurs, et le regard de la rouge avait enfin accroché l’armure rutilante d’une milice en patrouille : elle les avait rejoints en une enjambée pour leur désigner l’Aventurier accroupi, certaine par ce biais de ne pas le laisser livré à lui-même. Peut-être son geste achèverait-il d’alerter les forces armées sur ce phénomène étrange qui avait gagné la foule un peu plus tôt, provoquant plusieurs cas singuliers d’euphorie suspecte… Rassérénée, elle avait pu voir approcher Calixte et Naëry de concert.
Elle ignorait quelle avait été la nature de leur dialogue, mais elle ne se préoccupait plus depuis longtemps déjà des échanges entre Naëry et Calixte. Qu’ils s’entendent bien lui suffisait – certains liens aussi anciens étaient immensément précieux et devaient être protégés. Bien sûr, elle avait suivi d’une oreille et d’un œil discret les déroulés familiaux du Damoiseau. Zahria avait également apporté sa pierre à l’édifice, les informations n’ayant que trop tendance à circuler entre les deux colocataires à l’heure du thé. Naëry n’était peut-être que le père biologique de sa progéniture, ces enfants avaient cependant tout à gagner à obtenir une famille aussi fournie que chaleureuse. Nul doute que le premier qui lèverait par erreur la main sur eux affronterait une armée toute entière fort remontée…
Ces agréables vacances prirent néanmoins fin à l’instant où un doux froissement d’aile familier résonna au-dessus de sa tête. Alertée par l’habitude, Luz adressa un prompt coup d’œil au rapace qui amorçait un cercle d’atterrissage. Elle tendit heureusement le poignet à temps, grimaçant par avance des serres qui ne manqueraient pas d’érafler sa peau dénuée de protection.
« Je vois ça. »
Irokoy roucoula lorsqu’elle gratouilla les plumes denses à l’arrière de son cou, ébouriffé par le port de son harnachement. Délicatement posé sur son avant-bras, il se plaça de telle sorte à lui faire voir un courrier enroulé. La praticienne reconnut dans l’instant le sceau de sa comptable. La teneur de la lettre était à l’avenant de son inquiétude – encore et toujours les affaires. Elle soupira en réenroulant le parchemin miniature. Ainsi était-il temps de prendre congés de ses deux amis, Naëry s’apprêtant de toute façon lui-même à retourner à son propre quotidien.
… Mais pas avant d’avoir acheté une ultime barquette de nourriture, celle qui comportait l’une de ces somptueuses boulettes de viande grillée ! Attrapant ses cristaux et son familier réajusté plus agréablement sur son épaule, la Rouge s’évapora quelques instants plus tard parmi les badauds, dégustant avec un plaisir coupable son dernier achat.
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