Mais qui a osé s'attaquer à la déesse
+ Participants : Toutes Classes
+ Objectif : Pour les Gardes, ramenez le coupable à la Capitale. Autres classes, enquêtez pour trouver le coupable et donner tous les éléments à la Garde (s'aider d'un PNJ si vous voulez).
Desrossa Kathleen est une femme au charme certain, conseillère royale pour ses majestés. Elle parcourait tout le royaume pour diverses missions, le plus souvent des requêtes pour des aventuriers voir même la Garde mais cette fois-ci son chemin l’amène à la caserne de la Capitale. Il était rare qu’elle foule la cour pavée de ce lieu. Accompagnée d’un garde personnel pour son confort, elle avait une sacoche sous le bras avec l’ordre de mission avec le tampon de la Première Ministre. Cette maudite femme lui pourrissait souvent la vie car c’était souvent à cause d’elle qu’elle devait s’occuper de missions inintéressantes. Cette fois-ci, c’était suite aux pleurs de hauts fonctionnaires du temple, on demandait à la couronne de faire quelque chose contre ses malveillances sournoises sur les façades de l’édifice religieux, encore une fois. Mais cette fois-ci, le voyou avait innové en terme d’art dirons nous au plus grand déplaisir de la femme. Qu’elle se déplace pour une chose pareille, l’horripile au plus haut point mais insulter la déesse, c’était inacceptable.
De toute façon, elle ne comptait pas rester longtemps. L’aller-retour se fera en une heure à peine et elle pourra vaquer à des occupations plus mondaines. Elle franchit les portes de la Caserne et se dirige vers une salle où les deux gardes attendent la noble. Elle constate qu’ici, ce n’était pas le palais, ni le professionnalisme de la Garde Royale. Mais à quoi bon pensait-elle, tout le monde ne pouvait être aussi parfait qu’elle. La conseillère finit par rentrer dans la pièce où attendaient les deux gardes assignés à cette affaire. Elle n’attendait aucune cérémonie et jette le dossier sur la table.
- Bonjour, je serai rapide. Voici votre ordre de mission, trouvez l’imbécile qui s’amuse à peindre toutes les colonnes du temple et de la ramener à la Capitale pour avoir les remontrances nécessaires.
Elle voulait ajouter que cette fois-ci, on va le balancer de l’autre côté de la frontière. Ça passera l’envie au prochain rigolo d’avoir cette idée débile de souiller les oeuvres du culte de Lucy.
- Etant tous les deux gardes, je n’ai pas besoin de vous rappeler les droits des criminels. Si vous pouvez éviter de le ramener avec une jambe en moins, ça m’évitera de la paperasse puis on m’a rapporté que c’était un complice de la précédente affaire qui faisait ça. Alors raison de plus de faire attention si c’est encore un gamin, je n’ai pas envie d’avoir des ennuis supplémentaires.
Kathleen finit par se tourner, faire un signe de la tête à son garde pour qu’il lui ouvre sa porte.
- Je vous souhaite bien du courage et faites moi ça rapidement. Les fidèles nous fichent la paix comme ça puis vous avez de la chance, la saison chaude arrive pour les prochains jours…
Tournant les talons, la voilà quittant la Caserne. Elle espérait que mettre ce dossier dans la main de soldats quelconque fera l'affaire.
Le dossier de papier atterrit dans un bruit mat contre la table de bois précieux, et Mélyne fronça les sourcils. La femme aux traits altiers, si ce n’était hautains, esquissa une moue désabusée avant de trancher de sa voix condescendante le silence incrédule qui venait de s’installer suite à son entrée tout en grossièreté. Evanouie l’ambiance sereinement chaleureuse de plus tôt, évaporées les retrouvailles emmaillotées de la bienveillance d’une camaraderie ténue, mais solidement tissée au travers des aléas du temps. Il n’avait fallu qu’une fraction de seconde, un battement de cil orgueilleux et une note impérieuse pour raidir les postures militaires et rappeler leur attention à la mission qui serait leur pour les heures, voire les jours, à venir. Pour rappeler à la glooby transformée en humaine la suffisance glacée d’autres accents nobles, et la rudesse mordante de vérités passées. Déjà recroquevillée sur son perchoir, elle ramena davantage ses jambes contre elle, ses ongles s’enfonçant contre la chaire dénudée de ses bras pour y laisser les traces arquées de sa crispation.
- Si tu me dis que ton quotidien est à présent rempli de ce genre d’interaction, laisse-moi prendre ton adresse à la Royale pour te livrer plus souvent des chocolats, nota légèrement Calixte comme leur intermédiaire venait de les quitter d’un pas pressé.
Lui-même était issu d’un milieu aisé, et était coutumier des humeurs de l’aristocratie. Mais cela faisait longtemps qu’il n’avait pas fait face à si criant stéréotype rendu réel.
- Si tu as tes affaires, autant nous mettre en route d’emblée, poursuivit-il alors qu’ils feuilletaient les documents du dossier qui leur avait été donné – jeté. Il va nous falloir quelques jours pour aller jusqu’au Temple, même avec un couple de montures. Es-tu venue avec Ulrik ? J’ai ma loutre géante, Kaname, qui m’attend au niveau des écuries.
Le coursier se souvenait qu’auparavant, lorsqu’ils s’étaient croisés sur les chemins sillonnant Aryon ou à l’occasion de missions aux quatre coins du Royaume, la soldate, apparemment plus ou moins récemment intégrée à la Garde Royale, ne se déplaçait qu’exceptionnellement sans son fidèle destrier. Mélyne, elle, n’aurait su dire ; jusqu’à présent elle n’avait pas côtoyé la femme aux cheveux cendrés.
Sautant maladroitement de son perchoir – l’usage des membres humanoïdes n’était pas encore commun pour la glooby – Mélyne emboita le pas aux deux soldats après un signe de la main de Calixte. Son pied, sous cette forme, lui semblait plus léger et habile que celui de sa forme animale, ses mouvements plus libres et agiles, et son horizon infiniment plus grand. Et s’il lui manquait la discrétion de son corps d’origine, ainsi que l’agréable sensation de déposer du bout de ses pattes quelques paillettes de givre sur son chemin, elle ne regrettait aucunement la perte de ses autres capacités magiques, notamment du partage des sens comme de l’empathie. Ô elle aimait le coursier de cette tendresse aveuglément bornée qui sous-tend les liens filiaux, mais appréciait davantage cette indépendance d’esprit et d’émotions, elle qui avait trop souffert par débordement des déboires de ce dernier. Oui, vraiment, le silence présent bordant ses pensées et ses émois avait la douceur bienvenue d’un cocon protecteur.
- Comment se passe ta nouvelle vie à la Royale ? demanda le coursier à sa collègue, ramenant l’attention prudente de Mélyne sur celle-ci. T’a-t-elle rendue plus sédentaire ?
Suivant d’une distance mesurée les deux militaires, la glooby humaine laissa glisser son regard pâle contre les formes sculptées de la jeune femme. Elle devait être un peu plus âgée que Calixte, et l’expérience de l’aventure comme de la discipline se lisait aux reliefs travaillés de sa silhouette menue. Il émanait d’elle, par ailleurs, une agréable sensation de calme, de sérénité, qui manquait cruellement à la vie de Mélyne et qui attirait irrésistiblement celle-ci, avivant la flamme de la mélancolie dans le creux tourmenté de sa poitrine. Comme l’ombre du doute. Ils s’étaient bien trop faits avoir, dernièrement, à bien trop grands frais ; elle ne baisserait pas sa garde en la compagnie, même affable, de cette garde tant qu’elle n’aurait pas eu l’occasion de l’étudier davantage.
- Mel, l’interpela le coursier en se tournant vers elle alors qu’ils quittaient l’abri des bâtiments militaires. Est-ce que tu voudras monter avec moi sous forme humaine, ou bien sous ta forme d’origine ?
Les orbes rosés papillonnèrent de la paisible soldate à la chevelure de cendres au coursier encore trop naïvement enthousiaste de repartir sur les chemins d’Aryon, et Mélyne leva le petit bâton de la bulle de souvenirs devant ses lèvres, le sortant du tube d’eau savonneuse dans lequel il reposait. Une volée de petites formations rondes, translucides, aux reflets irisés dans la lueur matinale de cette belle journée de saison douce, s’envola sous le souffle de la glooby humaine, traduisant au fil de leur création le fond de sa pensée consciente, dépeignant la scène répétitive d’un futur anticipé. Le regard ambré de Calixte se teinta une fraction de seconde d’un trouble coupable, embrassant les scénettes représentant le choix du familier, avant qu’un sourire ténu mais chaleureux ne répondit à ce commentaire bulleux :
- Forme humaine, donc. Allons-y.
Il est vrai qu'à son entrée dans la Garde Royale, elle s'était assurée une place à la caserne, en ville. Mais il faut dire que Lyriss n'était pas des plus sociable et dans le fond, si elle avait le choix de vivre toute seule, ça lui allait très bien. Au risque de passer pour une profiteuse, elle n'avait pas changés ses plans pour le moment. De toute façon, sa nomination était assez récente. Et en dehors d'une soirée à la suite d'un combat difficile auquel elle n'avait même pas participé, elle n'avait pas eu beaucoup à faire à ses collègues. Si on peut dire ainsi.
Dit comme ça, elle pouvait donner l'air de se sentir un peu seule. C'était loin d'être le cas. La jeune femme avait l'habitude de se débrouiller. Et elle préférait de loin de longues chevauchés sans apercevoir la moindre âme à l'horizon, à une vie urbaine entassée dans des rues bondées ou des bars bruyants. C'était un fait. Et n'importe qui la connaissant quelque peu le savait très bien.
Quoi qu'il en soit, ce jour là, elle avait du travail. Elle avait récemment acceptée une mission. La première depuis sa nomination à la Garde Royale. Il était à priori question de dégradation au Temple de Lucy. Pas qu'elle soit forcément très portée sur la religion en elle même, elle trouvait simplement les dégradations indignes. Qu'elles touchent ou non un bâtiment sacré. Ce n'était peut-être pas la mission la plus périlleuse qu'elle ai à vivre, mais elle avait cru comprendre qu'un certain Calixte s'était également retrouvé embrigadé là dedans. Et c'était un peu ça qui rendait la demande si attrayante pour la jeune femme.
Calixte, elle avait eu l'occasion de le croiser plusieurs fois depuis qu'elle faisait partie de la Garde. Aussi loin que ses souvenirs remontait, elle s'était toujours bien entendu avec lui. C'est pourquoi, à son entrée dans la caserne, elle affichait un air presque satisfait. Autant qu'elle le puisse, en fait. Elle n'était pas réputée pour être une femme très expressive.
Les talons de ses bottes de cuirs brun résonnaient dans le couloir de pierre tandis qu'elle remontait la sangle de sa sacoche sur son épaules. Elle avait emmené quelques vivres au cas où. La mission relevant bien plus de la planque que du combat rapproché - à priori - elle n'avait pas revêtue d’armure. Mais son chemisier de lin habituel, dont elle avait cintrés les bras par deux cercles de cuir. Retirant ses gants tout en se dirigeant vers la salle, elle retrouva rapidement Calixte avec lequel elle eu le temps de discuter rapidement avant qu'une femme aux allures quelques peu austère ne fasse son apparition pour évoquer les quelques détails relatifs à leur mission.
Lyriss reste de marbre durant tout le temps de l'allocution de la femme qui leur faisait face. Elle n'en perdit cependant pas une miette. Un léger soupire s'échappa néanmoins de ses lèvres lorsque cette dernière quitta les lieux. Elle avait toujours eu un peu de mal avec les manières de l'aristocratie. Elle-même ne passait pas par quatre chemin. Après tout, elle venait d'un milieu bien plus rural. Ceci dit, elle savait qu'en s'enrôlant dans la Royale, elle aurait aussi à apprendre l'étiquette. Elle progressait un peu en ce sens, mais ce n'était pas encore ça. "Oh, pas que, heureusement. Je ne le supporterai pas". Assura la jeune femme en laissant échapper un rire bref avant que ce dernier ne meure aussitôt.
Oui. Heureusement. Elle prenait beaucoup sur elle en réalité. Elle ne voulait pas lâcher l'affaire à peine entrée. Sa fierté serait de toute manière bien plus forte que tout le reste. "Mais vous êtes les bienvenu quand vous voulez tous les deux." Ajouta t-elle alors en un haussement d'épaule. Elle n'avait pas sourit. Mais ce n'était pas du mépris. Simplement - et Calixte le savait certainement - les démonstrations de sentiments étaient en fait assez rare chez Lyriss. Bien que plus courantes lorsqu'elle connait bien les gens.
"J'ai tout ce qu'il faut. Ulrik est aux écuries. Je suis prête à partir. J'ai pris quelques vivres pour la routes, nous en aurons besoin". Assura Lyriss qui gardait un assez mauvais souvenir de son dernier voyage. Entre le village perché et Grand port, elle avait eu la désagréable surprise de recevoir la visite d'un Coeurl. Par chance, personne n'avait été blessé. Sauf le Coeurl peut-être. Gageons que la partie la plus risquée de leur aventure soit peut-être bien la route.
Lyriss emboita le pas de son homologue en direction de la sortie. "C'est en fait assez calme pour le moment. Je m’imprègne du protocole. Je passe pas mal de temps à patrouiller. C'est ma première mission". Avoua simplement la jeune femme. Elle ne saurait dire si ses activités étaient plus ou moins présentes. C'était différents. Elle n'y était pas depuis assez longtemps pour juger. Et de toute façon, elle savait faire preuve de patience. Elle attendait de voir ce que les évènements allaient lui réserver. Cette première mission était une façon pour elle de se rendre un peu plus actrice. "Mais c'est vrai que c'est différents. Je n'ai pas beaucoup quittée la ville. Pas du tout en fait. Le calme du Village me manque un peu. Mais j'aime bien découvrir de nouvelles choses. Je sais que je vais vite m'acclimater". Précisa t-elle de nouveau en un haussement d'épaules. Elle n'était pas du genre anxieux. Bien au contraire. Alors elle savait que ça irait.
Bifurquant en direction des écuries, elle retrouva rapidement son fidèle destrier au pelage gris. Ce dernier l’accueilli en un hennissement léger. Elle lui adressa une caresse sur le chanfrein. Elle était arrivée avec il y avait de cela peu de temps. La selle posée sur le tréteaux à la sortie du box comportait encore les deux grosses sacoches pleines ainsi que le fourreau et l'épée de la jeune femme. Elle entrepris de l'harnacher de nouveau. "Kaname ne doit pas être bien loin." Reprit simplement la jeune femme qui ne se souvenait pas d'avoir vu de loutre géante dans le coin. Un Tsi'ly se trouvait dans le box d'à côté. "Mélyne, tu as déjà eu l'occasion de chevaucher sous forme humaine?" Questionna alors Lyriss en se penchant pour vérifier les pieds de sa monture. Elle s'était redressée pour essayé de voir le familier, histoire de pouvoir comprendre sa réponse.
Dans le même temps, elle sorti Ulrik de son box, fin prêt pour le voyage. "J'ai repéré un coin prêt du Lac ou nous pourrons bivouaquer. Je m'y suis déjà arrêté, c'est plutôt sécurisé". Rapidement mise en selle, elle tenait déjà une large carte en main sur laquelle elle avait écris tout un tas d’annotation. Cette carte ne la quittait pas depuis des années. Elle lui permettait de noter les points d'intérêt, les zones sécurisés, les zones à éviter, les points d'eau et les abris. Un parfait guide du routard qui l'avait sauvée bien des fois.
"Dis moi Calixte, tu connais bien la région du temple? Je me suis rarement aventurée après le lac". Confia t-elle alors. Constatant que sa carte ne comportait aucune annotation sur le lieu où ils se rendaient. Ce qui était un problème en soit. Ou pas...Elle verrait bien la topologie des lieux sur place.
Qu’il était étrange d’observer le monde depuis une taille décuplée à presqu’une vingtaine de fois, et qu’il était rassurant de posséder ce gabarit. Restant prudemment à l’entrée des écuries de la Caserne, Mélyne observa silencieusement les deux gardes aviser leur monture respective. Elle savait qu’il n’y avait certainement, là, rien à craindre. Elle n’avait jamais eu peur des équidés, et les créatures magiques admises dans les box étaient généralement bien éduquées. Néanmoins, il semblait que depuis l’expédition sur l’île volante de nouveaux compagnons ailés, issus du désert, s’étaient frayé un chemin aux côtés des autres bêtes de selle, et la glooby humaine gardait encore de trop douloureux souvenirs de l’endroit pour se sentir complètement à l’aise en leur présence. Tout ce qui évoquait les dunes infinies et leurs dangereuses entrailles attisait le feu de sa méfiance, et les flammes de sa réticence.
Son regard, jusque-là occupé à louvoyer entre l’attention prudente et la négligence trempée de déni salvateur, se riva brusquement sur la collègue de Calixte. Ce dernier s’était temporairement éloigné pour récupérer une Kaname qui ne devait, effectivement, pas être bien loin d’après l’écho de voix connues résonnant alentour, et il semblait que Lyriss, donc, s’intéressait à elle. La question, accompagnée d’une gestuelle appuyant la sincérité de sa curiosité, ne manqua pas à Mélyne qui hésita un instant à se dissimuler derrière le cadre de l’entrée. Elle n’était pas habituée à ce qu’on la remarque. Et elle n’était pas certaine de vouloir être autrement que discrète. Invisible. Insensible. Ses doigts bien humains, déjà plus grands que l’envergure totale de sa modeste forme animale, se crispèrent sur le bâton de la bulle de souvenirs. Les songes, les reviviscences et les désirs se bousculèrent un temps contre les limites de son esprit, débordant presqu’à franchir le seuil de ses lèvres. Et puis, pinçant définitivement celles-ci, elle haussa les épaules et se glissa dans l’ombre de la loutre géante qui arrivait avec le coursier.
- Même si nous nous hâtons, je doute que nous parvenions aux abords du Lac avant demain soir, commenta ce dernier à la proposition de sa collègue. Je n’ai jamais fait ce trajet de manière très directe, en raison du travail, mais il me semble que la route est tout de même assez longue. Peut-être pouvons-nous ce soir bivouaquer ici, poursuivit-il comme Kaname s’interrompait entre deux quémandes de caresses auprès de Lyriss pour doucement tirer à lui la carte de celle-ci.
Le chemin le plus rapide, le mieux entretenu mais aussi le plus fréquenté, était celui qui longeait l’un des bras de la Luisante. Celui-ci allait relativement directement de la Capitale jusqu’au Lac, puis au Temple. De nombreux villages et multiples auberges avaient poussé le long de cet axe, à la fois prospère de son accès fluvial et du marché entretenu par le pèlerinage. Néanmoins, il suffisait souvent de s’éloigner d’une poignée de minutes de la route principale pour retrouver la quiétude de la campagne. L’endroit qu’indiquait présentement de son doigt le soldat à la jeune femme avait ainsi cet avantage. Il leur faudrait seulement veiller à ne pas aviver l’intérêt de smilodons, parfois un peu trop présents dans les plaines du Royaume.
Pas dormir à auberge ? interrogea mentalement Kaname alors qu’ils se mettaient en mouvement.
La loutre, qui avait un peu trop pris goût au collier de métamorphose, et bien qu’elle appréciât aussi bien le grand air que la civilisation, se lamentait déjà de voir son temps d’observation auprès du plus grand nombre d’humains s’écourter. Ce n’était pas en contemplant pissenlits et gloutovors qu’elle allait parfaire ses compétences bipèdes, et certainement pas ainsi qu’elle s’approcherait toujours plus de son objectif d’entrer dans la Garde Royale. Mais, peut-être, pourrait-elle tirer parti de la présence de la soldate concernant ce dernier point.
Non. Lyriss préfère généralement dormir à la belle étoile, et ça va nous faire du bien un peu de calme. Ne crois pas que la présence d’Ashae, Apolline et Azumi m’ait échappé, j’ai entendu leur voix en allant te chercher.
Détournant innocemment la tête vers un groupe de militaires qui rentrait visiblement de patrouille, Kaname fit mine de changer de point d’intérêt comme Calixte reportait le sien sur sa collègue.
- J’y ai principalement été pour des courses, et généralement depuis le Grand Port, répondit-il à celle-ci. L’une de mes sœurs réside au Temple, mais je la vois usuellement quand c’est elle qui revient au domaine familial pour les réunions annuelles. Et la fois où j’y ai été sur mon temps personnel, c’était plus un accident de parcours qu’autre chose. Après quelques… péripéties, j’avais atterri à Labyrinthia, et lorsqu’on nous a débarqués sur le littoral continental le plus proche, la région était celle du Temple.
Avec le temps cette aventure-ci s’était teintée de tendresse et d’une certaine mélancolie. Mais, une année et quelques lunes auparavant, le coursier pouvait encore goûter l’amertume de ce souvenir.
- On aura l’occasion d’étudier plus amplement les lieux ce soir, que tu te fasses une idée, proposa-t-il en haussant un sourcil amusé au vide laissé sur la carte de Lyriss au niveau de la zone où ils se rendaient. J’ai récemment fait l’acquisition d’une carte holographique pour m’aider dans mon travail – même si visiblement je peux m’assoir dessus pour la passer en frais professionnels – et elle sera certainement plus informative que moi sur le sujet.
Tenant toujours la loutre géante par la bride – Calixte ne montait qu’exceptionnellement celle-ci dans l’enceinte des grandes villes d’Aryon – alors qu’ils traversaient la Capitale pour aviser les portes du sud-est, le soldat laissa son regard accrocher les étals encore généreusement garnis du Grand Marché. A cette heure-ci la fréquentation n’était pas encore à son apogée, mais l’on était loin de la sensation de liberté sauvage qui les prendrait certainement dès qu’ils s’éloigneraient de la ville, voire des grands axes du Royaume.
- Oh attends, demanda soudainement le coursier à sa collègue.
S’écartant temporairement du petit groupe tandis que Kaname mettait ce temps à profit pour taquiner du museau Ulrik, il approcha un vendeur pour lui acheter les derniers Garde Actuelle et Chantelune Voyageur. Glissant quelques cristaux dans la main pressée du marchand, il hésita un court instant avant de rajouter quelques billes supplémentaires et récupérer un exemplaire de la revue MagicParent.
- Mon sac-à-dos aime bien lire ce type de support, expliqua-t-il vaguement à Lyriss en revenant à sa hauteur.
- Ah ouais, frère, cimer t’es un vrai, fit joyeusement Abdallah, le sac-à-dos enchanté, de sa voix trainante tout en rangeant les magazines pour ne garder que le Garde Actuelle entre ses sangles.
- Ne me demande pas comment une âme artificielle arrive à lire, ou si seulement elle peut, commenta Calixte d’un ton circonspect à l’adresse de sa collègue.
Lui-même – ainsi que, il faut l’avouer, la narration – ne saisissait pas toutes les limites de ces objets magiques.
- En as-tu qui t’accompagne ? demanda-t-il avec curiosité.
Il savait la jeune femme d’un tempérament plutôt solitaire, mais comme les gloobys étaient dernièrement apparus comme familiers auprès d’une bonne proportion de la population d’Aryon, il semblait que la dernière saison fraîche ait, de même, fait de celle-ci l’heureuse, ou malheureuse, propriétaire d’âmes artificielles. La probabilité n’était donc pas si faible que ça.
Mélyne, qui s’était elle perchée sur la selle de Kaname à la différence – et avec l’aide – de Calixte, observait d’un œil dubitatif les pages noircies d’encre entre les sangles d’Abdallah. Elle ne savait pas lire. Ou, peut-être, l’avait-elle su par le biais du lien magique qui la mêlait à Calixte lorsqu’elle était sous forme animale ; mais c’était encore un point qu’elle préférait occulter. Ce qu’elle ne pouvait nier, néanmoins, c’était de reconnaitre le portrait dessiné sur l’une des feuilles. Et si elle garda pour elle la curiosité qui pointait en son cœur, le sac-à-dos ne se gêna guère pour exprimer la sienne alors qu’ils traversaient un quartier en pleins travaux suite à l’effondrement du sol autour de ce qui semblait avoir été une large explosion.
- Truc de fou, frère, on en parle encore. En même temps, t’vois, c’est genre l’couple royal de la Royale. Hé sœur, interpella-t-il Lyriss. Vrai qu’Hekmatyar il courtise la Lys chez vous ? C’pas, genre, limite côté règlement ?
Les pensées du coursier s’envolèrent auprès de la Maître-Espion et son Sbire, et il secoua doucement la tête pour chasser ces désagréables songes, reportant son attention sur l’horizon crénelé des murailles indiquant qu’ils gagnaient les portes de la ville. Celle-ci s’étendait encore au-delà, mais le long de bandes urbaines moins oppressantes, et déjà leur chemin s’élargirait-il suffisamment pour leur permettre d’augmenter la cadence de leur progression.
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