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Dans les petits papiers
Naëry WigLe Lynx conteur d'Origamis
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Dans les petits papiers─ avec Luz
Luz, c'est Chrystielle, j'ai un service à te demander ?
Je t'écoute.
J'ai délégué la partie administrative du centre ...
Oh je suis fière de toi ! Tu as pris en compte mes conseils. Crois-en mon expérience, on ne peut pas tout gérer. Tu ne peux pas être sur la table d'opération et la tête dans les petits papiers.
La vétérinaire se renfrogna.
Oui je sais ... Et mon collègue a bien aidé à augmenter l'activité du centre. Nous avons engagé un salarié pour le centre d'adoption. Et il a fait appel à des bénévoles pour s'occuper des pensionnaires.
C'est une bonne idée oui. Et ce collègue, est-il mignon ?
On entendait la malice dans la voix de la Renarde.
Luz !
Autant allier l'utile à l'agréable ...
Non ! C'est purement professionnel ! Je ... Bref, Luz, avec tous ces changements il y a beaucoup de papiers à faire. Et ce n'est pas un pro de l'administration bien qu'il se débrouille mieux que moi. Toi qui diriges l'Astre, tu pourrais venir le conseiller ? L'aider dans les démarches de ... formalités je crois il m'a parlé.
La rousse réfléchit, laissant s'installer le silence à travers les cristaux de communication.
Oui bien sûr, je ne pourrais passer que dans deux semaines, ça sera bon pour vous.
Oui oui parfait, ça lui laissera le temps de finir de ranger. Je ne m'en suis jamais vraiment occupée tu sais de tout ça ... C'est un peu le bazar.
Et il s'appelle comment ton "collègue" ?
Oh, j'ai une urgence ! A dans deux semaines Luz !
La communication coupa aussitôt laissant la médecin songeuse.____________________________
Le brun lista les demandes à faire auprès de l’aide administrative qui devait arriver, entre changement de direction, augmentation de capital et modification d’activités – ils venaient d’ouvrir une boutique d’accessoires pour animaux afin de subvenir aux besoins de la clinique – les mises à jour s’allongeaient.
Il ne fallait surtout pas se tromper dans la rédaction des actes, il serait dommage que le fisc du Royaume leur tombe dessus pour un mot de travers. Il avait tellement insisté auprès de la vétérinaire pour mettre de l'ordre dans sa paperasse qu'il s'en voudrait de faire tout capoter. Obtenir la confiance de Chrystielle avait été une affaire plus rude que mettre de l'ordre dans ses documents. Quoi que ... il y avait un sacré chantier là aussi. Une fois sa confiance donnée - il avait dû faire ses preuves - elle l'avait carrément nommé codirecteur. Il n'en demandait pas tant. Avec le Docteur K c'était soit tout, soit rien.
Il devait bien avouer que cette nouvelle activité lui plaisait au delà de lui changer son quotidien. Une fois que tout sera actualisé, la charge de travail diminuera grandement et il pourra se remettre sur la route des quêtes. Aventurier avant tout, ne l'oublions pas.
Sa vie changeait, une nouvelle direction dans laquelle il laissait ses pas le mener allègrement.
- Naëry ? L'apostropha l'hôtesse à travers l'ouverture de la porte de son petit bureau.
L'homme releva la tête dans sa direction.
- L'aide administrative est là, au comptoir. Le Docteur K est en pleine consultation, je vous laisse gérer ?
- Mmh, acquiesça-t-il en sortant un dossier du tiroir.
Il ne fit pas plus attendre la fameuse aide et vint à sa rencontre. Il se stoppa, fixant la nouvelle arrivée, tandis que l'hôtesse fit les présentations.
- Madame Weiss, voici le codirecteur de la clinique, Monsieur Wig. C'est avec ...
Le Lynx coupa la phrase de la femme.
- Merci Alberta, pas besoin de présentation officielle. Nous nous connaissons.
Il était loin de s'attendre à ça, habituellement stoïque l'homme s'agita. Loin d'être de la nervosité, son cœur s'agita dans une réminiscence de joie.
La dernière fois que leurs pas avaient foulé ce même parquet, l'orage de la saison froide les avait déchirés. Lucy leur avait accordé un interlude de paix à la douce saison lors du festival dédiée à sa personne, et Chrystielle leur permettait de se retrouver et se reconstruire dans une nouvelle relation, à l'aube de la saison chaude. Oui, il en était persuadé, leurs pas se suivront peu importe la distance qui les séparera. Il y veillera. Cette flamme ne quittera jamais son cœur, tapi dans l'ombre il se promit de garder un œil sur le bonheur de cette âme qui se voulait être sœur de la sienne.code ─ croquelune
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« … Naëry. »
Elle avait prononcé son nom à la manière d’une salutation, inclinant légèrement la tête à son encontre. Un infini silence avait précédé cette prise de parole, enfin libérée tel un aveu. Par la tignasse de Lucy, elle devait cesser de tomber sur lui au hasard des chemins, sans prévenir ni avertissement préalable ! Ce n’était pas bon pour son rythme cardiaque ni pour les émotions troublées qu’elle ressentait toujours en sa présence… C’est qu’une fois la stupéfaction passée, leurs souvenirs communs de cette après-midi d’orage lui étaient revenus comme un retour de flammes. Elle entendait encore le ruissellement continu de l’eau sur la place, le craquellement du ciel, leurs hurlements trahis… Elle s’ébroua, un infime frisson masqué sous un faux geste dérisoire. Ce malaise avait fort heureusement diminué à l’état de simple pointe dans son cœur. Cette sensation disparaitrait-elle un jour ou devrait-elle l’endurer chaque fois qu’il se porterait à sa rencontre sans qu’elle n’ait pu s’y préparer ? Un mélange méticuleux de culpabilité, de souffrance et de honte. La colère s’en était allée, métamorphosée en cette chose à triple têtes beaucoup plus sournoise… Et moins manipulable.
« Je ne pensais pas te trouver ici, reprit-elle, agrémentant ses propos d’un sourire encourageant. »
Courage, pour elle et pour lui. Car la pointe sournoise s’évasait de plus en plus derrière une forme de paix, une certaine joie simple à retrouver le naturel de leur amitié dans leurs échanges. Quel morceau écorné de leur existence n’avait pas encore été jeté entre eux de toute façon ? Que valait la poursuite incessante de leurs maux communs si ce n’était de les torturer ? Elle préférait enterrer la hache de guerre. Ne plus retourner le couteau dans la plaie. De surcroit lorsqu’elle pouvait percevoir en contrepoint de leur stature d’adulte les éclats de rire de leur amitié d’adolescents.
« Tu es donc le fameux Co-Directeur du centre, en charge de la gestion administrative ! Je serais curieuse de savoir comment tu as soutiré ce miracle à Chrystielle et son manque de confiance terrible. »
Elle rit doucement, le rejoignant cette fois-ci pour de bon d’un pas en avant.
« Y a-t-il une salle où nous pourrions nous installer ? As-tu avancé sur les documents en attente ? Classés par urgence ? »
En fin pantalon, chemise et sandale dans ce début de cagnard, Luz avait apporté avec elle une épaisse mallette en cuir comportant une multitude de formulaires administratifs réglementés, étiquetés de modèles préremplis et d’explications détaillées. Salem l’avait généreusement aidée à préparer ce difficile travail et Luz remercia silencieusement une fois encore sa comptable de cet effort. La situation était d’autant plus dramatique qu’il s’agissait de Naëry… Parmi toutes les âmes compétentes qu’hébergeait Aryon, Chrystielle avait jeté son dévolu sur lui ! Cette pensée manqua lui arracher un sourire. L’Aventurier, très performant dans son domaine, souffrait en revanche d’une certaine maladresse et propension à la malchance chronique. Elle l’avait connu quelque peu étourdi de prime abord sur les rares papiers qu’ils avaient dû remplir. Il avait néanmoins pour lui une bonne volonté à toute épreuve et un amour indéniable pour le règne animal… Finalement, un monstre de l’administratif dans toute sa froideur et son indifférence n’aurait peut-être pas eu l’intérêt de ses pensionnaires en tête ! Ah, Chrystielle avait le don de cerner les gens susceptibles de l’aider au mieux sous ses apparents airs de timidité.
« Depuis combien de temps travailles-tu ici ? s’enquit-elle tandis qu’il la guidait dans un couloir, sincèrement curieuse. Tu as décidé de démissionner de la Guilde des Aventuriers ? Tu es doué pour ce métier, pourtant. Tu ne voulais pas devenir Saphir ? »
Ses questions incessantes lui avaient-elles manqué ? Elle avait coulé un léger regard embusqué sur son dos, la tête appesantie d’une multitude d’interrogations muettes. Pour lui qui avait initialement fui les contraintes de sa famille noble pour vivre une existence d’aventure, s’enfermer dans des bureaux pouvait paraitre singulier. Elle tâcha de se remémorer leurs anciennes discussions. Lui avait-il déjà parlé de cette inclinaison… ?
« … Et avant que nous commencions, serait-il possible de négocier une tasse de café ? »
Elle se fendit d’un semi sourire en coin. Lucy, que l’après-midi allait être épuisante !
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Dans les petits papiers─ avec Luz
Le premier effet de surprise passé, Luz fit les premiers pas vers un échange verbal cordial. Le Lynx remarqua la tension qui émanait de ses gestes, les mots prononcés comme exutoire de sa propre pression.
- Je t’en prie, suis-moi.
Il l’amena dans la petite pièce qui lui faisait office de bureau, le trajet ne fut pas long et pourtant la fauve le questionna sur son avenir, curieuse, inquiète ? Des piles de documents classés envahissaient le petit meuble de son office.
- J’ai fait quelques rangements pour nous faciliter la tâche, là les factures, dit-il en montrant la plus grande pile,j’ai déjà fait les ratios bénéfices/dépenses, c’est peut-être la partie où je m’en sors le mieux.
Gamin il avait toujours eu une appétence pour les chiffres.
- Ces quelques feuilles que tu vois concernent les contrats … C’est, je pense, ce qui est le plus urgent à régulariser. Nous avons un employé après tout, pour l’instant il n’apparaît dans aucun registre.
La flamme acquiesça, une myriade d’autres questions traversa son regard mais pas ses lèvres. L’homme sourit devant la patience impatiente de son ex-amante, une soudaine envie de rire en la prenant dans ses bras le saisit. Lucy, dis-moi que tout ça n’était qu’un mauvais rêve ? Non, leur éloignement, leur déchirure, leur distance existaient belle et bien. Et ça ne pouvait durer.
- Je vais te répondre Luz, dit-il dans un sourire sincère. Oui, tout lui manquait d’elle et sa curiosité dévorante aussi. Avant cela il faut que je te parle.
La tension qui avait disparue au fil des pas se tendit soudain, coupant le souffle. Debout l’un face à l’autre les jambes de la rousse s’encrèrent pour empêcher le sol de se dérober. Imperceptiblement elle prit une position de défense, se murant sous un masque figé d’indifférence.
- Tout va bien Luz. Il s’approcha, l’enveloppant dans ses bras. La médecin se laissa faire, d’abord rigide, avant de se laisser couler dans cette étreinte réconfortante.
- Tu m’as manqué ... souffla-t-il doucement.
Naëry se recula et déposa sa main sur la joue toujours aussi douce de son ex-amante. Cette chaleur, ce parfum, il s’en enivra le temps d’une respiration.
- Je ne peux pas vivre sans toi. Peu importe si nos routes divergent, j’ai besoin de savoir que tu vas bien. Peu importe avec qui ... ajouta-t-il après quelques secondes d’hésitation. J’ai été égoïste et rien ne te poussera à croire que ça va changer. Je viens de commettre la même erreur que dans notre passé … Attends moi là un instant je te prie.
Il sortit sa clé dimensionnelle avant de l’utiliser dans la serrure du petit placard dans lequel il disparut quelques minutes, revenant une lettre à la main.
- Ceci n’est pas une excuse, j’ai fait un choix adolescent qui m’a éloigné de toi, de ma propre vie. Mais je ne t’ai pas délaissé.
L’aventurier lui tendit la lettre que Luz prit avec peine. Il savait qu’elle ne pouvait plus supporter plus encore d’ascenseur émotionnelle, il fallait pourtant qu’elle lise cette pièce du puzzle. Il l’encouragea, lui dépliant la feuille.
- C’est la dernière fois qu’on reviendra dessus. Elle finira dans les flammes.
Les yeux verts émeraudes l’observèrent quelques secondes, inquiets, soupçonneux, avant de se déposer sur les mots écrits à l’encre il y a de cela des décennies maintenant.
Mon cher frère,
J’ai donné ta lettre à Luz, elle l’a lu, et déchirée. Je suis désolée, elle ne veut plus te voir. Tu sais, je crois qu’elle a déjà tourné la page, finalement elle aurait mieux fait de croire en ta mort, elle pourrait nous dénoncer. Je veillerai sur notre secret. Elle s’est rapprochée de ce pédant de Gontran, tu ne l’as jamais supporté ce gars. Il est temps que tu tires une croix sur tout ça, je suis là moi, et je serai toujours là pour toi, comme tu l’as été pour moi. Vis ta propre aventure !
Tu sais, papa me voit enfin, j’existe. Il ne sourit pas plus, j’aurais aimé connaître cet homme avant que sa femme ne meure. J’aurais aimé connaître notre mère.
On ne peut pas refaire le passé n’est-ce pas ? Nous sommes allés trop loin nous aussi, s’il te plaît, ne gâche pas tout.
Retrouvons-nous où tu veux tant que nous restons discrets. Ne reviens pas ici.
Je t’aime mon frère.
- Des années de privation d’amour, on est prêt à tout pour un instant d’attention quand on l’a toujours désiré. commenta-t-il quand Luz referma le papier. Le choix de partir je l’ai fait sans t’en parler, quoi qu’il en coûte. Il fallait que tout soit crédible, ta détresse aussi … J’ai ensuite été manipulé par ma sœur, je l’ai comprit lorsque nous nous sommes retrouvés. Je lui ai pardonné car tu étais de nouveau là. Elle avait besoin de vivre elle aussi.
Une myriade d’émotions envahissaient la femme et l’homme savait qu’il fallait la laisser digérer, encore et encore, ce nouvel aveu.
- Saches juste que tu devais être au courant. Je vais aller préparer le café … Trop d’histoires et trop de douleurs entre nous. Si tu ne souhaites plus entendre parler de moi je comprendrais, tu sais par où partir. Je ne pense pas que ce soit la solution mais je la respecterai.
Il s’arrêta à quelques centimètre d’elle, l’obligeant à le regarder dans le mordoré de ses iris.
- Je serai là Luz, tapi, et je veillerai. Lucy n’a pas mis tant d’effort à nous réunir pour du vent. Il y a quelque chose à accomplir, peut-être me trompé-je mais j’en suis persuadé. Et qu’on se l’avoue, bien que tu arriveras à m’oublier au quotidien, je te hanterai lorsque tu seras vulnérable, comme tu me hanteras toujours. Je fais le choix d’être là pour toi, peu importe quand, comment, pourquoi. Je te laisse à ton propre choix, si tu restes ici il faudra nous pardonner nos erreurs passées. Je ne veux plus de cette tension.
Sa dextre effleura une mèche de la fauve avant qu’il ne quitta la pièce, retrouvant Alberta pour la préparation du café désiré. Il prit son temps, se fit infuser des feuilles de tilleul, laissant à son ex-amante la possibilité de quitter les lieux. Lorsqu'il revint les tasses en main, il s'arrêta devant l'office avant de passer le pas de la porte. L'attendait-elle ?code ─ croquelune
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Que devait-elle faire de ces informations ? Elle secoua la tête de droite et de gauche, un claquement de langue agacé fusant dans la pièce. Partir ? Impossible, même si elle l’avait voulu. Le temps de l’innocence et de la candeur était révolu, elle avait une entreprise à faire tourner. Or Naëry était désormais un salarié de cet organisme, et elle avait été mandatée pour le former à des tâches vitales pour le refuge. La fuite n’était par conséquent pas une possibilité. Un pâle sourire étira ses lèvres. Il n'y avait guère que lui pour tourner un rendez-vous professionnel en aveu public ! Ah Naëry, qu’avait-il fait… ?
Tout survenait trop tard. Un temps de longue date dépassé, réduit en poussière entre leurs mains hagardes. Ce geste intrusif de trop ressemblait également à Calia… L’ambition l’avait toujours dévorée et ses attitudes dignes n’étaient jamais parvenues tout à fait à masquer ces élancements diffus, cette attention particulière qui surgissait dans son regard. Luz avait certes autrefois partagé l’ombre d’une complicité avec elle, celle-ci avait volé en éclats à l’annonce du décès de Naëry. Et si son frère lui pardonnait ses égarements il n’en était rien de la rouge… Et pourtant, pourtant tout ceci importait peu. Luz se sentait engourdie d’un trop plein d’émotions, ces sanglots trop souvent retenus au fil des années, la rudesse de l’existence et des derniers jours vécus pour apprentissage. Elle n’avait plus l’énergie, lui semblait-il, de dérouler les longs fils inextricables emmêlés dans sa poitrine. Cela se transformait en l’évidence pâteuse d’un chemin raté, un devenir qui n’aurait plus guère de lendemain et la conscience ténue que cela ne la blessait plus. Ils en avaient tant et tant parlé… Découvrir cet élément crucial, cette lettre qui avait constitué un tournant décisif dans leur relation, n’éveillait qu’un bref remous de gros chat somnolent au fond de sa mémoire. Cela ne changeait rien. Cela n’avait jamais rien changé au fait que leurs pas avaient déraillé. Calia n’était pas responsable de leurs attitudes d’adultes, de leurs non-dits, du temps fuyant et des rides au coin de leurs yeux. Personne d’autre qu’eux n’avait entamé cette destruction méthodique et mutuelle…
Elle soupira et passa une main dans ses cheveux pour en rabattre les mèches en arrière, geste ancré dans ses habitudes lorsqu’elle cherchait contenance. Se regrouper. Se reformer. Encore. N’était-ce que cela la vie d’adulte ? Son sourire se fit plus incisif. Elle n’était pas juste avec elle-même, non, elle réalisait déjà cette consolidation personnelle bien avant d’atteindre sa majorité. Quand il fallait éloigner les bouteilles de son grand-père, quand il fallait présenter un front uni au reste de la noblesse, quand il fallait se tourner vers la tempête… Elle avait grandi le soleil au cœur et la foudre au coin des crocs. Ses prunelles s’étrécirent lorsque le lynx franchit à nouveau la porte en sens inverse, un plateau de boissons chaudes en main. Quelque chose en lui fut heureux de la voir là, inchangée, ses longues mèches flammes ramassées sur sa nuque d’un habile catogan, d’ores et déjà penchée sur une nuée de documents répartis devant elle. Sa scribouilleuse s’était immobilisée d’une attente patiente, l’embout de sa plume enduit d’une couche d’encre.
« Merci pour le café, furent les premiers mots anodins qu’elle prononça. »
Elle l’invita à s’asseoir, glissant de l’index une feuille annotée vers lui.
« Cela ne change rien, reprit-elle cependant. Et soudain il fut impossible de dire si elle parlait des contrats étendus autour d’eux ou de son aveu précédent. Cette lettre ne me rendra pas soudainement différente ni ne réparera nos liens. Mais pas parce que nous sommes cassés, mais bien parce qu’il n’y a jamais rien eu à réparer. »
Elle pivota lentement sur sa chaise, arrima le vert tranquille de son regard à l’or de Naëry.
« Je ne t’en veux pas. Plus, du moins. Je revenais déjà progressivement vers toi -pourquoi t’aurais-je abordé au festival de Lucy s’il en était autrement ? Mon amitié t’a toujours été acquise Naë, j’ai uniquement besoin de temps pour en retrouver le naturel et la spontanéité. Tout s’arrondit et se remet en place les années passant, tu le sais, avec tout ce qu’on a vécu… »
Les escapades loin de son père tyrannique, son faux décès, leurs retrouvailles, la Cité enfouie, leur passion dévorante, l’annonce de la mort d’Elina, Carci, Zahria, Calixte, et cet ensemble étincelant qui gravitait sans cesse autour d’eux. Ils avaient tant et tant vécu… Il était ardu de conserver des non-dits entre eux et la distance qui les séparait était aussi destinée que magnétique.
« Je ne regrette rien de nos souvenirs. Et je n’ai jamais voulu qu’il t’arrive quoi que ce soit de mal… Nous nous sommes séparés deux fois, et rien ne nous a pour autant véritablement éloignés. Mais… Naë… Je n’ai pas ta résilience. J’ai besoin de temps pour retrouver pleinement cette chaleur entre nous. Ce n’est ni du pardon ni de la froideur. Simplement un apaisement à retrouver parmi l’écheveau complexe de ma vie actuelle. »
Elle tapota doucement de l’index le contrat qu’elle avait glissé jusqu’à lui et un pli faussement autoritaire courba ses sourcils.
« Ce qui ne m’empêchera nullement de recadrer les terribles bourdes de ce refuge et de t’inculquer un peu plus de connaissances en administratif. Un salarié non déclaré ? J’en ai la gorge serrée rien que de penser aux impôts royaux ! Et que dire de ce contrat-ci qui nécessitait trois copies et deux envois qui n’ont visiblement pas été faits… »
Elle coula un regard éloquent au courrier de relance placé au-dessus de la pile. Un contrat d’entretien, la logistique du centre reposant sur une multitude de prestataires invisibles passant de l’eau courante, au ménage et à la lessive des uniformes dédiés aux opérations chirurgicales…
« Adïel c’est bien cela pour votre assistant ? Il me semble que vous possédez également une secrétaire… »
La fameuse qui avait malheureusement dû encaisser leurs déboires lors de ce précédent jour d’orage.
« Ou est-ce une employée provisoire ? »
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