Encore une fois, Haydan avait choisi de visiter le sud lorsqu'il avait entendu parler des nombreuses festivités annoncées. Depuis qu'il avait son pass de téléportation, il était bien plus facile pour lui de voyager et de s'éloigner du grand nord. Pas qu'il n'aimait pas son chez lui, mais il y avait parfois des moments où il trouvait difficile de passer outre les souvenirs douloureux de son passé et il préférait les oublier là où personne ne le reconnaissait…

Cela faisait déjà quelques jours qu'il se trouvait au Grand-Port. Il avait profité des plages de la côte en s'y prélassant tout en buvant et dévorant des cocktails et hors-d'œuvre de saison. Il avait profité de la musique et s'était laissé aller sans se soucier de ce que les autres pouvaient penser. Il en avait même profité pour prendre de longues marches seul sur le sable.

Ses petites vacances touchaient bientôt à leur fin et il avait déjà bien creusé dans le budget qu'il s'était alloué. Malgré tout ça, il lui restait assez de cristaux pour visiter les étales de marchands qui profitaient de l'achalandage accru pour vendre leurs articles en tout genre et de saison avant qu'il ne reparte vers le nord.

Avançant tranquillement vers les allées, il fut arrêté par une main qui s'était saisie de son poignet. Se retournant par surprise, une dame vêtue d'une tunique qui la couvrait pratiquement de tissu de la tête aux pieds. Seuls ses longues boucles et son visage lui étaient apparents. Quelque peu surpris, Haydan ne chercha pas spécialement à se défaire de son emprise, mais cette dernière le regarda intensément dans les yeux.

« Si vous continuez sur cette voie, quelque chose vous arrivera.
- Quelqu'un me fait une farce?
- Je l'ignore, mais je l'ai vu… Soyez prudent, monsieur. »

Il ignorait ce que cela pouvait être et si cette dame avait vraiment un don de voyance. Puis ce n'était vraiment clair. Après tout, est-ce qu'elle parlait de ce chemin ou bien du fait qu'il soit garde? Il savait bien que quelque chose pouvait lui arriver, mais pourtant rien ne montrait qu'il était garde aujourd'hui! Après tout, il était vêtu d'un short ainsi que d'une chemise festive alors qu'il chaussait une paire de sandales. Il remercia tout de même la dame afin de poursuivre son chemin.

Après l'inspection rapide de quelques étals, une effluve florale vint le frapper. C'était une odeur qui lui paraissait familière et pourtant quelque chose lui disait qu'il était parfaitement impossible que ce soit ce à quoi il pensait. Malgré tout, ses pas l'avaient mené inconsciemment jusqu'à la source et remarqua finalement qu'il ne s'agissait que de simples fleurs en vente. L'odeur qu'il avait sentit se perdit parmi toute celle déjà présente, mais quand il se retourna, il vit le visage d'un homme qu'il ne croyait ne plus jamais revoir et qu'il croyait surtout mort. Ses yeux s'ouvrirent en grand, sa respiration s'accéléra alors qu'il sentit une bouffée de chaleur parcourir tout son être. Ses doigts se refermèrent faisant ainsi blanchir ses jointures. Haydan se rapprocha de Fauve sans se soucier de ce qui l'entourait heurtant par moment l'épaule d'un autre citoyen. Plus il se rapprochait et plus il constatait que ce dernier ne semblait pas vraiment bien se porter. Il semblait fixer quelque chose ou bien quelqu'un. Il était blême comme un drap et il faut dire qu'il inquiétait aussi d'autres passants. Par curiosité, le garde de Forteresse s'était tourné aussi cherchant du regard la cible et fut frappé de plein fouet par ce qu'il vit.

Elle était là, vêtue d'une robe bleutée portant dans ses bras un joli bouquet de lys bleu et blanc. Sa longue chevelure blanche volait au vent et encadrait un doux visage souriant. La voir ainsi avait suffit à effacer toute la colère qu'il avait ressentit sauf que ça ne répondait pas à sa plus grande question! Qu'est-ce qu'elle faisait là?

Comme si elle se sentait observer, la jeune femme s'était tourner afin de regarder en leur direction. Peut-être voulaient-ils lui acheter des fleurs? Elle leur fit alors de grands signes pour les inviter à se rapprocher. Haydan, comme s'il était soumis à un charme, s'approcha rapidement de cette dernière, passant même jusqu'à derrière son stand et l'attrapa alors dans ses bras, la surprenant par la même occasion. Il voulait y croire...

« Mélissandre! Tu es toujours en vie!
- Je…
- Tu m'as manqué!
- Monsieur… dit-elle timidement sans savoir quoi faire.»

Son regard cherchait toute personne qui voudrait bien l'aider à s'éloigner de son emprise, même si elle ressentait qu'il n'était pas mauvais. Pour l'avoir appelé Mélissandre, c'est qu'il devait l'avoir confondue avec quelqu'un.

Apparence de Mélissandre:

Il l'a tenait dans ses bras et ne voulait plus l'a lâché. Il avait retrouvé sa sœur… Elle n'était pas morte et bien vivante! Qu'allait dire sa famille lorsqu'ils allaient leur apprendre cette merveilleuse nouvelle? Peut-être avait-elle tout simplement perdu la mémoire et qu'elle ne se souvenait pas d'où elle venait? Quelqu'un l'avait pris sous son aile et s'était occupée d'elle jusqu'à ce qu'elle soit apte à reprendre le cours de sa vie? Il y avait tant de possibilités, dont une qu'il déniait fortement. Il ne pouvait pas s'être trompé…

La demoiselle avait tout de même réussi à s'éloigner de ce dernier, repoussant ce géant quelque peu imposant en faisant preuve d'une douceur. Elle ne se sentait pas menacé par cette personne, mais elle savait qu'il y avait certainement erreur et c'est avec un sourire désolé qu'elle l'observa.

« Je suis désolée, monsieur, mais je ne m'appelle pas Mélissandre. »

Il allait protester, lui dire que c'était impossible. Il se souvenait de sa sœur et savait bien qu'elle lui ressemblait en tout point, mais il n'était certainement pas le seul à l'avoir reconnu. Sa petite bulle commençait peu à peu à s'effacer, laissant finalement les bruits et les regards extérieurs l'affecter. Une voix, qu'il avait déjà entendu par le passé surgit non-loin de lui et quand il se retourna pour l'observer, son estomac se noua et se serra à un tel point qu'il ne sut respirer pendant un instant avant que son rythme cardiaque accélère rapidement. Une sueur froide parcouru l'échine de son dos et il sentit que tout tournait autour de lui. Il dit s'accrocher à l'étal de la demoiselle, qui malgré ce qui venait de se passer l'aida à rester debout…

C'était une mauvaise plaisanterie? Il s'essuya le visage d'une main avant de relever la tête en direction d'où provenait l'éclat de voix. C'était un visage qu'il reconnaissait bien malgré toute ses années d'absences, mais lui aussi aurait dû être mort comme toute le reste de leur escouade…Il était certainement en train de rêver pour être hantée de la sorte par des fantômes de son passé. Il allait bientôt se réveiller, c'est sûr.

« Vous voulez que j'aille chercher de l'aide? Vous ne semblez pas dans votre assiette et vous êtes blanc comme un fantôme! »

Il secoua la tête, incapable de dire un mot de plus, alors qu'il assista à la scène, certainement la plus ridicule qu'il eut droit de voir depuis bien longtemps. Fauve, si c'était bien lui, était encore plus troublé que lui. Lui aussi semblait fixer Mélissandre comme s'il ne comprenait pas ce qu'il se passait et frappa dans un tonneau avant de chercher à fuir. Malheureusement, il glissa et tomba face première contre le sol et y resta allongé.

Haydan ne comprenait pas réellement ce qu'il se passait, mais s'il y avait bien quelqu'un avec des réponses, cela devait être ce dernier. Il prit une grande inspiration avant de se redresser et finit par abandonné l'étreinte de la jeune femme pour s'éloigner de cette dernière avec inquiétude. « Ne t'inquiète pas, je reviens…» dit-il en lui chuchotant faiblement en même temps.  Cela prit du temps avant qu'il ne lâche sa main, mais il n'avait pas le droit d'oublier ses fonctions premières. Il était garde et médecin et cet homme nécessitait peut-être de ses soins.

« Circulez, il n'y a rien à voir, dit-il alors qu'il tentait d'éloigner les curieux en sortant finalement son insigne de la garde. Laissez-le respirer…»

Haydan finit par s'accroupir à côté de son ancien compagnon d'arme et l'observa un moment de la tête aux pieds… Il ne comprenait pas. *Ils auraient dû être mort!* pensa-t-il simplement même s'il aurait voulu le lui crier directement. Une odeur âcre et acidulée vint s'attaquer bien vite à ses narines et il comprit que ce dernier baignait certainement dans les restes de son déjeuner… S'il s'était mis dans tous ses états, il ne s'attendait peut-être pas aussi à revoir la jeune femme.

« Je vais t'aider à te relever, alors tiens-toi à moi, lui mentionna-t-il sérieusement, désirant simplement expliquer ce qu'il allait faire. On va aller te rafraîchir un peu avant que tu me fournisses des explications…»

Peut-être qu'une part de lui-même leur en voulait d'être toujours en vie. Après tout, il avait vécu longtemps avec cette culpabilité sur les épaules. Il aurait dû être là pour protéger sa sœur. Il n'aurait pas dû la laisser partir seule.

«  Allez, on y va! » dit-il en tout dernier pour se donner la force et l'élan nécessaire pour soulever l'homme et il jeta un dernier coup d'oeil derrière luii en les tournant dans la direction d'où elle s'était tenue, mais à la place, c'était une toute autre jeune femme qui s'y tenait avec les mêmes vêtements… Elle avait pourtant des traits physiques qui ressemblaient à Mélissandre; la chevelure, la grâce, mais c'était la profondeur de son regard ainsi que la couleur qui le choquait le plus.. Avec recul, il voyait bien que ce n'était pas elle et la gêne l'envahit soudainement.

« Tu es bien Fauve, n'est-ce pas? » Demanda-t-il pour se rassurer et qu'il ne se trompait pas encore une fois…

Qu'est-ce qu'il venait de se passer?

Haydan soutenait l'homme à la chevelure blanche de sorte à ce qu'il reste sur ses pieds. Il savait bien qu'il s'agissait de Fauve, mais sa question avait été demandée par simple principe qu'il ne désirait pas faire à nouveau erreur et au vu de ses réactions, il semblait bien plus choqué que lui de se retrouver face au sosie de sa sœur. Après tout, il avait été le dernier à la voir vivante. Ce qui voulait aussi dire, qu'Haydan n'avait pas été la seule à voir sa jeune sœur au travers de la demoiselle. D'ailleurs le garde ne répondit rien lorsque ce dernier avait souhaité ne pas être lui. Il est vrai que dans ce genre de situation, réapparaître tout bonnement devant l'un des membres de la famille de son escouade, alors qu'il avait disparu, ne présageait jamais rien de bon. Haydan aurait pu éprouver de la colère envers ce dernier, exigé des réponses, mais le visage de la demoiselle l'avait à un tel point troublé, qu'il ne savait pas vraiment comment réagir. Fauve avait certainement souffert tout comme les familles en deuil. La seule chose qu'il ne comprenait pas c'était le pourquoi de sa disparition.

« Il n'y a pas de mauvaise ou de bonne personne en vie. Tu as eu la chance de survivre, pas les autres…»

Et de toute façon, Haydan le savait. C'est lui qui aurait dû partir à la place de sa sœur et non l'inverse. Mais il avait décidé d'en faire qu'à sa tête et ne l'avait pas retenue prétextant qu'elle était assez grande pour vivre sa propre vie et d'assumer ses choix. Il croyait vraiment en elle, mais Lucy en avait décidé autrement.

Préférant secouer la tête lorsqu'il s'excusa, Haydan chercha un endroit où ils pourraient tous les deux se poser. Il ne connaissait rien au Grand-Port et encore moins les bons coins. Dans tous les cas, il poussa un léger soupir quelque peu exaspéré face à son commentaire. * Il n'a pas changé à ce que je vois * pensa-t-il.

« Et toi, toujours aussi charmeur. »

Bien qu'avant sa disparition, il avait semblé avoir une histoire avec une autre garde. Enfin, Fauve savait déjà plus ou moins ce que pensait le garde, puisqu'il évoqua une supposition tout à fait vrai. Il avait des questions, mais ne voulait pas le brusquer non plus.

Il les dirigea alors vers le restaurant qui se trouvait non loin et évidemment l'allure générale de Fauve lui voulu quelques regards désapprobateurs. Si Haydan avait fait fit de l'odeur, ce n'était pas le cas de tout le monde.

« Vous avez des toilettes à disposition? Mon camarade en aurait besoin et ne vous inquiétez pas, il n'est pas bourré. Il ne causera aucun problème.
- Oui, bien sûr, mais elles se trouvent à l'extérieur du restaurant, juste à l'arrière.
- Très bien merci. Pouvez-vous nous préparer à manger et à boire. Quelque chose de léger tout de même pour l'estomac.
- Très bien monsieur. Vous voulez qu'on vous installe dans un coin tranquille pendant ce temps?
- Oui, merci. Nous revenons. »

Il lui offrit un simple sourire, avant de tourner les talons.

« Je vais t'accompagner. »

Il les guida rapidement derrière le restaurant, mais n'entra quand même pas dans la cabine avec Fauve et le laissa se débrouiller pour la suite. Haydan prit simplement appuie sur le pan de mur juste à côté de la porte et croisa ses bras avant de tourner la tête vers la porte. S'il avait voulu attendre d'être confortablement installé pour lui poser les questions, Haydan tenta simplement de combler le silence.

« Ça fait longtemps que t'es revenu? »

Revenu de où? II n'en savait rien…

Pourquoi se montrait-il si gentil avec cette personne alors qu'il était le dernier à avoir vu de leur vivant tous les membres de son escouade y compris la jeune sœur de Haydan? Il aurait pu oublier tout ce qu'il avait appris pendant ces dernières années, gâchant tout son travail afin de laisser ressurgir l'impulsif qu'il était. Il aurait pu faire parler ses poings, laisser cours à ses sentiments profondément enfouis quitte à le mettre dans un sale état même si au final, tout cela n'aurait servi à rien. Cela ne pouvait pas ramener Mélissandre et même s'il avait voulu le rendre coupable de la mort de cette dernière, il savait que ce n'était pas ce qu'il recherchait. Ce dernier avait déjà bien souffert de leur perte et même encore aujourd'hui il devait vivre avec le poids de leur fantôme sur la conscience.

Haydan était resté silencieux aux paroles de ce dernier. Il l'avait simplement questionné pour combler en partie le silence, même si une part de lui voulait vraiment savoir, mais ne s'était pas attendu à le voir autant sur la défensive. Évidemment, qu'il aurait dû revenir afin que les familles concernés soient mise au courant et non laissé dans l'inquiétude jusqu'à ce qu'à ce qu'ils n'aient d'autres choix de se dire qu'ils ne reviendront jamais. Alors oui, il pourrait lui demander pourquoi, mais ils savaient très bien que bien des gens auraient pu essayer de lui faire porter le chapeau, qu'une enquête aurait pu être ouverte. Ce genre de choses ternissait bien vite un nom et parfois il valait mieux se laisser mourir aux yeux de tous que d'en revenir.

Du coup qu'est-ce que Haydan cherchait vraiment de cette discussion? Si cela n'avait pas été de cette étrange illusion qui leur avait fait voir Mélissandre, Haydan n'aurait peut-être même pas remarqué Fauve et jamais il ne se serait douter qu'il allait avoir le droit de revoir deux revenants en une seule journée et au même endroit.

Il se passa vite fait une main sur le visage et la bouille joyeuse de sa cadette lui revint à l'esprit. Son sourire avait toujours eu le don de réchauffer les cœurs et personne n'était entièrement insensible à ses charmes naturelles. Elle était douce, aimante et appréciée de ses pairs. Haydan, hormis le fait qu'il s'était toujours senti responsable de sa mort, tentait de garder ses images d'elle en tête même s'il s'était toujours demandé une chose…

Ses traits s'emblèrent s'affaisser, laissant son naturel froid au placard afin d'opter pour un visage triste. Il n'avait pas envie de connaître la réponse, mais il devait la poser.

« Est-ce qu'elle a souffert? » demanda-t-il finalement la voix chevrotante et le regard quelque peu fuyant. Il n'aimait pas se sentir ainsi, mais cela avait été plus fort que lui. Puis secouant le tête, il se reprit aussitôt… « Non ne répond pas. Allons nous asseoir. Je ne veux pas savoir, enfin, si, mais je ne veux pas creuser plus profondément dans ta douleur. Cette illusion nous a assez bouleversées. Pas besoin d'en rajouter. »

Il se détourna de ce dernier et commença à avancer, tout en prenant une grande inspiration. Il serra ses poings de chaque côté de son corps, puis s'arrêta nettement avant de pivoter quelque peu en sa direction.

« Je ne t'en veux pas, Fauve. Tu avais tes raisons et je me doute bien que rien de tout ça n'était de ta faute. Je ne peux même pas imaginé ce que tu as pu ressentir ce jour-là et ce que tu vis encore aujourd'hui. J'y ai laissé une soeur, ma mini-moi, mais toi t'as perdu une famille et je suis désolé. »

Lui aussi il avait bien changé depuis tout ce temps et cela se voyait bien. Il n'avait plus rien à voir d'une jeune con, impulsif qui faisait tout pour passer du bon moment dès qu'il en avait la chance.

« D'ailleurs, c'est moi qui t'invite. » fit-il savoir avant de rejoindre l'avant du restaurant ainsi que leur table. Pour une fois, il avait envie de boire.