Bon, d'accord. Elle avait retenu la leçon, ne pas tenter d'enseigner la pêche à Nox. D'un autre côté... Cela lui avait permis de revoir Fenrir, donc, était-ce une mauvaise chose en soi ? Elle l'ignorait et, d'une certaine manière, ne voulait pas répondre à cette question. L'avenir le lui dirait certainement... Ou pas. Lucy voudrait-elle encore décider de ses relations ? Peut-être était-ce déjà le cas, songea-t-elle, alors qu'elle se repassait la scène des retrouvailles. Techniquement, c'était le chaton qui les avait provoquées, mais il était apeuré et ne maîtrisait donc pas sa trajectoire... Lucy l'aurait-il donc guidé jusqu'à cet homme, pour imposer à Kasha de laisser l'humain et le chaton développer leur profonde amitié ? Elle pouffa doucement, seule dans les montagnes. Pour une fois, elle remettait en question l'une des décisions de la déesse. En effet, ces deux-là n'avaient pas besoin d'aide, à son avis.

Alors qu'elle finissait par arriver à la Forteresse, elle récupéra le Tenko, qu'elle garda dans ses bras. Ils entraient en ville, il s'agissait de ne pas laisser son compagnon faire un nouveau larcin. Bien sûr, elle savait qu'il n'avait pas de mauvaises intentions, mais elle n'était pas certaine que la population locale soit aussi compréhensive...

Enfin. Elle cherchait un endroit précis. En effet, pour une fois, elle n'avait pas envie de rentrer à la Capitale. Elle resterait à l'annexe locale de la Guilde, ferait peut-être une quête pour elle, et ne rentrerait qu'ensuite.

Et, en effet, lorsqu'elle rejoignit les locaux de l'annexe, laissant le chaton s'envoler à présent qu'ils ne se trouvaient plus dans la rue, ce fut presque immédiatement qu'une hôtesse l'accosta :

- Madame Shlinma, c'est bien ça ?

- Oui, c'est ça. Vous avez quelque chose pour moi ?

Elle lui tendit alors un ordre de mission, et, juste avant de repartir par où elle était venue, lui souffla :

-Soyez prudente.

Kasha la regarda de travers alors qu'elle s'éloignait. Être prudente ? C'était une évidence, pourquoi le lui recommander explicitement ? Devait-elle se mettre en chasse d'un meurtrier ? Si tel était le cas, ce n'était pas elle qu'on aurait envoyée, ou, du moins, pas seule. Elle aurait bénéficié d'un protecteur, au cas où. Alors, décidant de cesser de se tourmenter l'esprit, elle décida de lire.

Sa première réaction fut de soupirer. Encore un contrôle. Mais lorsqu'elle lut plus loin, un sourire se dessina sur ses lèvres. Non, pas un simple contrôle. Cette fois, elle allait devoir déployer des trésors d'imagination et des talents de négociation. L'ordre n'était pas précis. Mais il s'agissait apparemment de quelqu'un qui avait des différents avec le culte de Lucy... Quelle ironie, elle aussi aurait des questions à poser à cette dernière. Et on lui demandait de rencontrer un prêtre... Peut-être pourrait-elle faire d'une pierre deux coups, en travaillant pour son client mais également en enquêtant pour elle-même... Quoi que, non, pour son propre compte, il lui suffirait simplement de discuter. Elle n'aurait pas à se faire passer pour quelqu'un d'autre. Après tout, n'importe quel citoyen avait le droit de poser des questions au clergé, non ? Mais pour ce qu'il en était de ce client...

D'un autre côté, avait-elle vraiment besoin de cacher son identité ? Après tout, n'importe qui pouvait aller trouver un prêtre pour lui parler, non ? Mais il était vrai que, si elle lui faisait lâcher une information qui pourrait lui porter préjudice, il serait plutôt judicieux de ne pas se présenter telle qu'elle était. Pour autant, elle ne ressentait pas la nécessité d'utiliser l'un de ses avatars principaux, ni même secondaires, d'ailleurs. Peut-être pourrait-elle adopter la même stratégie que lors du concours qui lui avait fait rencontrer Ivara ? Prendre une apparence quelconque et... Mais pourquoi ne pas carrément reprendre la même identité ?

Hum... Non. Même si le concours avait eu lieu à la Capitale et qu'elle se trouvait actuellement à la Forteresse, elle ne pouvait pas prendre le risque de réutiliser cette couverture. Et pourquoi pas... Elle sourit. Elle avait trouvé.

Fouillant dans ses affaires, elle demanda à un hôte de lui écrire un certain texte qu'elle lui dicta. Une fois cela fait, elle le rangea soigneusement dans ses affaires. Ce serait l'un des accessoires les plus précieux de ce rôle qu'elle se constituait.

Puis, usant de son peigne magique et des tenues à sa disposition, elle se composa le visage de la parfaite petite Initiée, cherchant un mentor. Le blond lui semblant correspondre à l'image innocente qu'elle souhaitait renvoyer, elle n'avait pas changé la couleur de ses cheveux. Néanmoins, sa coiffure, elle se retrouva différente. Les cheveux plus courts, légèrement ondulés, on ne pouvait désormais plus la reconnaître que par la couleur de ses yeux et les traits de son visage. Oh, bien sûr, quelqu'un qui la connaîtrait remarquerait certainement certaines manières d'agir qui lui étaient propres et qu'elle ne pouvait falsifier, mais ce n'étaient que des détails. Elle comptait également modifier sa voix, la moduler de manière à la rendre plus jeune. En effet, il était peu probable que quelqu'un souhaite rejoindre le clergé à un âge auquel n'importe qui avait déjà fait son choix de carrière...

Une fois cela fait, elle se mit en route, son papier à la main. Dès qu'elle sortit de la ville, elle n'eut pas beaucoup d'efforts à fournir pour avoir l'air perdue... Après tout, ce ne serait que la troisième fois d'affilée qu'elle se perdrait dans ces montagnes...

Lorsqu'elle remarqua une silhouette, elle s'approcha, avec un mélange de hâte et de réserve qui n'était pas feint mais collait à son personnage.

Une fois qu'elle eut rejoint l'homme, elle lui tendit son papier, qui avait été rédigé à la manière d'une lettre de recommandation l'adressant au prêtre Lao Shen, avec des indications pour le trouver. Après lui avoir laissé le temps de lire, elle prit une inspiration, qui pouvait être interprétée comme une tentative de se donner du courage avant de parler, mais qui, en réalité, était une recherche d'inspiration pour trouver une voix qui collerait au personnage :

- Excusez-moi, je cherche l'homme mentionné ici...

À compléter par "est-ce bien vous ?", mais évidemment, c'était une manière de le dire. Le message lui semblait assez clair. Alors, tandis qu'elle attendait une réaction, elle se concentra sur le regard fuyant, le mélange d'excitation, de respect et d'appréhension propres à une jeune fille désirant rejoindre le Culte et se cherchant un mentor prestigieux.

Nox lui fit craindre de rompre sa couverture quand, du coin de son champ de vision, elle le vit approcher, craignant qu'une fois de plus, il aille chercher des noises à l'humain inconnu mais, visiblement, il avait appris que lorsque sa maîtresse revêtait une autre apparence, il devait laisser tranquilles les autres humains. Alors, il se contenta de venir se poser sur la tête de la demoiselle.

- Oh, euh... Voici mon familier, désolée.

Pourquoi s'excusait-elle ? Aucune idée. Mais, d'un autre côté, elle jouait une personne n'ayant pas tellement confiance en elle, alors... Autant dire que ça fonctionnait.

~

Elle ne s'était pas attendue à tomber sur quelqu'un de si... Calme ? En tous points innocent ? Evidemment, les membres du culte de Lucy ne pouvaient pas se permettre de se rendre coupable d'une quelconque mauvaise action, du moins, c'est ce qu'elle pensait. Elle savait qu'elle avait une fois de plus affaire à quelqu'un qui n'avait rien à se reprocher. Mais, elle ne savait pas... Elle sentait que c'était quelqu'un qu'on ne pouvait tout simplement pas soupçonner de quoi que ce soit. Néanmoins, cela lui fit plisser les yeux. Peut-être, en réalité, s'agissait-il d'un très bon acteur ? Non. Impossible, c'était un prêtre. Et puis, elle l'avait surpris. Il était impossible qu'il soit assez bon pour pouvoir jouer un rôle, même en ayant été pris par surprise.

Ayant finalement réussi à se convaincre de son honnêteté, elle se fit la réflexion que cela lui brisait le coeur de devoir l'utiliser, mais à présent qu'elle était arrivée à son contact, elle n'avait plus le choix. Elle se promit cependant de l'épargner au maximum lorsqu'elle ferait son rapport.

Enfin, toujours était-il qu'une fois de plus, elle se perdait dans ses pensées, au risque d'oublier de répondre.

Lucy l'avait guidée... Elle retint un rictus ironique. Oui, évidemment, Lucy... Ou la Guilde et ses propres errances. D'un autre côté... Si Lucy était vraiment contre leur rencontre, jamais elle n'aurait trouvé un homme solitaire au milieu de nulle part... Donc, peut-être avait-il également raison.

- Moi de même. En fait, j'aimerais...

Ce fut le moment que Nox avait choisi pour les interrompre. Finalement, elle se dit que cette interruption n'était peut-être finalement pas si innocente. Après tout, était-il judicieux de lui révéler immédiatement un motif pour sa venue ? À en juger par l'aura que l'homme dégageait, il ne lui en voudrait probablement pas de faire un peu connaissance avant d'entrer dans le vif du sujet... Nox serait-il en train de devenir un véritable allié pour ses missions ? Le chaton gaffeur se transformerait-il en associé privilégié lorsqu'elle travaillait ? Elle avait peur de prendre ses rêves pour des réalités, aussi ne s'attarda-t-elle pas sur la question.

Elle laissa échapper un rire sincère et attendri à la remarque qui suivit, se remémorant certains des instants passés avec le chaton, à commencer, bien sûr, par les minutes suivant sa naissance, où elle avait failli y laisser une mèche de cheveux suite à l'impulsivité de l'animal, déterminé à s'y emmêler. Puis elle revit ce concours de familiers, où ses démêlés avec un grognedent trop joueur avait valu une défaite à leurs deux propriétaires. Enfin, tous les moments passés avec Fenrir, ou plutôt, les moments que Nox avait partagés avec Fenrir, défilèrent rapidement dans son esprit.

- C'est un petit diable, sous ses airs angéliques, prenez garde !

...

Elle avait fait une blague. N'avait pas hésité. Etait donc sortie de son rôle. Néanmoins, cela pouvait passer pour de l'amour pour son compagnon, et, pris sous cet angle, c'était acceptable. Néanmoins, elle devrait se surveiller au cours des instants suivants. Encore heureux qu'elle ait réussi à maintenir la voix de Flore.

Le chaton en profita pour resdesncdre de son perchoir, glissant le long de son bras, avant de venir voleter à ses côtés, visiblement hésitant à se rapprocher de l'homme. Visiblement, il avait compris que ce dernier ne comptait pas le rejeter. Mais qu'est-ce qui le retenait ? Il était impulsif, d'ordinaire... Peut-être avait-il vraiment conscience de l'enjeu, finalement... Ou peut-être était-il en train d'apprendre la politesse ? Non, cela, c'était impossible.

Elle fut tirée de ses pensées par une autre prise de parole de la part de l'homme. Fatigue physique ? Ah oui. Elle n'y avait même pas fait attention. La dernière personne à s'e être préoccupée était Nevaeh, à l'époque de leur mission en commun, plus d'un an auparavant. Kasha elle-même avait d'ailleurs pris l'habitude de se balader aux quatre coins du Royaume sans jamais vraiment prendre le temps de se reposer... D'un autre côté, lorsqu'elle décidait de prendre une pause, visiblement, Lucy n'était pas d'accord. Comment lutter contre une déesse ? Elle qui n'était même pas capable de lutter contre les humains ne l'imaginerait jamais.

- Je... Hum.

Bon. Encore une fois, elle avait parlé avant de trouver les mots à prononcer. Mais Flore pouvait parfaitement ne pas avoir osé formulé le fond de sa pensée. Finalement, Kasha décida de continuer sur sa lancée de jeune fille un peu perdue et touchée par l'attention.

- Heu, oui... Merci de votre considération. Cela fait si longtemps que personne n'y a fait attention... Pas même moi.

Petit rire gêné.

Mais elle repensa à la proposition. Se rendre dans un village ? Cela signifierait être au contact d'autres personnes. Certes, un village était moins peuplé qu'une ville, mais si elle voulait lui soutirer des informations possiblement confidentielles, mieux valait rester en privé. D'un autre côté, s'il venait à la percer à jour, elle disparaîtrait plus facilement au milieu d'autres personnes...

Alors, que choisir ? La facilité ou la sécurité ?

Après un moment, elle fit son choix. Elle savait sur quels leviers appuyer pour le convaincre de rester seul à seule. Après tout, il était en contemplation lorsqu'elle l'avait trouvé, non ?

- Hum... La montagne est si calme... Pourquoi vouloir aller se perdre dans une foule alors qu'ils serait tellement plus agréable de discuter ici, calmement, et entourés de tels paysages ?

Alors qu'elle attendait une réponse, elle cherchait déjà du regard un endroit tranquille, où ils pourraient s'asseoir.

Nox entra alors en scène. Sans vraiment que Kasha ne sache quand il était parti, il revint vers eux, avec un miaulement, avant de repartir, puis de revenir vers eux, refaisant ces actions plusieurs fois de suite, son miaulement se faisant un peu plus insistant à chaque aller-retour. Kasha-Flore laissa échapper un petit rire :

- On dirait même que Nox nous a trouvé un endroit ! Je pense qu'il vaudrait mieux le suivre avant qu'il s'énerve. Enfin... SI vous n'y voyez pas d'inconvénient, bien sûr.

Ne pas oublier de ne pas faire preuve de trop d'assurance, surtout.

Le début de la réponse de l'homme lui fit craindre un premier échec. Oui, en effet, elle aurait dû s'y attendre... Néanmoins, l'espoir qui commençait à s'affaiblir en elle fut brusquement rappelé avec la suite de la réponse. Elle ne put retenir un sourire victorieux, qu'elle modula en sourire satisfait. Sa tentative de manipulation avait réussi. ça, c'était l'avis de Kasha. Flore, elle, était beaucoup plus facile à cerner. Elle serait simplement comblée qu'il ait accepté d'accéder à sa demande.

- Quelle poésie dans vos paroles... Lucy vous a fait un don précieux.

Elle l'accompagna ensuite avec enthousiasme sur les pas de Nox. Lorsqu'elle vit l'endroit, elle resta un instant bouche bée. Comment avait-il fait pour trouver ce lieu ? C'était juste parfait ! L'eau, l'ombre, tout cela agencé d'une telle manière qu'il serait facile de se croire dans une oeuvre picturale plutôt que dans la réalité...

Soudain, elle remarqua l'invitation de l'homme. Refermant la bouche et prenant quelques secondes pour reprendre ses esprits, elle finit par obéir, s'approchant cependant plus que lui de l'eau. C'était son élément, elle le savait, à présent. Elle plongea la main dans l'eau, observant le fluide s'échapper, cascadant le long de ses doigts et de son bras, avant de revenir dans le courant, lorsqu'elle ressortit son menbre du ruisseau. Comme en transe, elle resta un moment à observer le phénomène, qu'elle connaissait pourtant à la perfection. Finalement, lorsque l'homme reprit la parole, elle baissa le bras, déposant sa main sur le roche près d'elle, et son regard quitta à regret le ruisseau pour revenir se poser sur celui de son compagnon du jour.

Il lui posait donc les questions qui s'imposaient. Bien. Au moins, elle pouvait lui reconnaître qu'il connaissait son métier. Mais évidemment, Kasha, à quoi tu penses ? Il ne serait jamais arrivé aussi haut dans la hiérarchie s'il ne savait pas y faire dans son domaine ! Exact. Et, comme si elle avait besoin d'une preuve supplémentaire, le voilà qui mettait en avant la faille de son approche. Enfin, ce qui pouvait être une faille. Car elle avait une parade.

Comme d'habitude, elle s'était renseignée sur sa cible. Par conséquent, elle avait pu étoffer son idée avec des détails qui pourraient lui correspondre et, avec un peu de chance, éviter d'éveiller ses soupçons.

- Honnêtement, je ne suis pas encore initiée. Je suis... Disons aspirante ? En fait... Je suis actuellement sur les routes, pour visiter tous les temples, en apprendre un peu sur chacun, afin de trouver celui qui me correspondrait le mieux.

Elle fit une pause. Croyait-il à son hsitoire ? Finalement, elle prit une inspiration, comme si elle cherchait du courage, ce qui n'était finalement peut-être pas si faux, puis poursuivit :

- Je viens du Temple du Grand Port. La personne que j'y ai rencontrée semblait... Ne pas avoir le temps... De me parler. Alors... Il m'a fait cette lettre.

Raison pour laquelle, également, ce n'était pas elle qui avait écrit ladite lettre. En effet, il n'était pas exclu qu'il lui demande d'écrire quelque chose, même si elle ne savait pas quoi. Et dans une telle éventualité, il était crucial qu'il ne reconnaisse pas l'écriture de la lettre.

Mais, à présent qu'elle avait répondu à ses questions, à elle d'attaquer. Enfin, quelles questions poser ? C'était bien la première fois qu'elle n'avait pas une seule cible, mais une organisation entière... D'ailleurs, pourquoi l'avoir envoyée enquêter auprès d'un prêtre et pas de la Grande Prêtresse en personne, si la cible était le Culte dans son ensemble ? Elle dut se faire violence pour ne pas soupirer. Puisqu'elle ne connaissait jamais ses clients, il était inutile ne serait-ce que d'essayer de les comprendre. On lui demandait de cuisiner un prêtre qui lui semblait de plus en plus adorable, soit. Elle le ferait, même si elle s'attendait à, une fois de plus, ne rien trouver.

Que demander ? Être directe ? Plus subtile ? D'un autre côté, le personnage qu'elle s'était choisi lui permettait de poser des questions précises sans éveiller les soupçons. Enfin, précises...

- Euh... Si vous me permettez... Pourrais-je vous demander les dernières actualités dans les Temples ? Si je dois m'y intégrer, j'aimerais autant savoir... euh... à quoi m'attendre.

Elle était partie en totale improvisation, mais cela pouvait passer pour un manque de confiance. Elle ne pensait pas avoir fait d'erreur jusque-là. Et cette question risquait de lui donner de précieux indices sur l'utilité, ou plutôt l'inutilité, de cette mission. Elle ne pensait pas avoir besoin d'en poser d'autres. Evidemment, cela ne serait vrai que s'il ne se braquait pas, et acceptait de répondre.

Accrochait-il à son histoire ? Lorsqu'elle étudia son expression, elle ne décela rien qui puisse lui répondre. Oh, bien sûr, il ne restait pas de marbre, elle pouvait lire des émotions, mais rien qui réponde à ses propres questionnements... Donc rien d'utile. Néanmoins, elle remarqua qu'il la laissait parler... Elle devrait peut-être s'en inpirer, remarqua-t-elle. Avant de se reprendre. Il était sa cible, pas son mentor. Son ananlyse de ses réactions devait uniquement servir à savoir si elle était assez convaincante. Le reste n'avait aucune importance.

Lorsqu'il répondit, tout en s'approchant, la réaction de Kasha fut double. Flore afficha une mine déçue lorsqu'il refusa implicitement de répondre, alors qu'en elle-même, Kasha se tendait, prudente. Quelles étaient ses intentions ? Elle ne pouvait s'empêcher de se méfier, tout en conservant son air innocent et légèrement candide.

Après avoir parlé, il répondit donc, probablement involontairement, à sa question muette, allant lui aussi profiter de l'eau. Elle ne put retenir un sourire. Lui aussi l'appréciait, même si elle s'en doutait déjà, après l'avoir vu en contemplation avant qu'elle ne l'aborde. Même si dans son cas, c'était la nature dans son ensemble qui semblait lui plaire... Presqu'inconsciemment, elle avait récupéré sa main, qu'elle avait sagement posée sur ses genoux lorsqu'il l'avait rejointe, pour lui laisser de la place sur la pierre.

Elle continuait à l'écouter parler, se laissant happer par les images qu'il créait ainsi. Soudain, elle se fit une réflexion. Avait-il un pouvoir qui embrumait l'esprit ? Car elle ne parvenait plus à songer à un nouveau moyen de lui faire cracher le morceau... Si tant était qu'il y ait quelque chose à cracher. D'un autre côté, elle pouvait aussi parfaitement rentrer en disant qu'elle s'était découverte incapable de s'attaquer à une organisation si importante et puissante que le culte de Lucy... Et elle ne le voulait même pas vraiment, ce qui ne devait certainement pas l'aider à être efficace. Elle ne put retenir un soupir. Certes, elle l'avait modulé pour qu'il soit faible, mais l'homme se trouver si près d'elle qu'il faudrait qu'il soit sourd ou distrait pour l'avoir manqué... Toujours était-il qu'elle envisageait sincèrement de laisser tomber. Comment avait-elle pu croire qu'elle serait un tant soit peu efficace alors qu'elle n'était pas d'accord avec son client ? Contrairement à lui, elle ne voulait pas faire tomber le culte...

Enfin. Elle se voyait mal tout lui déballer, de toutes façons. Alors, bon gré mal gré, elle devait continuer. Néanmoins, elle sentait qu'elle lui devait, ou qu'elle devait à sa propre conscience, tout cela n'était pas très clair pour elle, au moins une vérité :

- Je... Ne suis pas sûre. De là où je suis née, je veux dire.

Elle détourna le regard. C'était toujours désagréable pour elle d'en parler. Seul Rhis le savait jusqu'à présent. Et lui, c'était parce qu'elle avait confiance en lui. Là... Elle avait simplement senti qu'elle le lui devait. Mais, à présent que les mots étaient sortis, elle se demandait si le lui dire avait été une si bonne idée que cela. Néanmoins, elle ne pouvait pas revenir en arrière. Il lui faudrait donc assumer les conséquences de son choix, qu'elles soient plaisantes ou, plus vraisembablement, non.

Enfin. À présent, que pourrait-elle bien lui dire ? Elle décida qu'elle devrait d'abord se faire violence pour juger de sa réaction. Timidement, faisant pour la première fois corps avec son personnage, les deux exprimant la même appréhension, elle se força à relever les yeux vers ceux de son compagnon du jour. Non, décidemment, elle ne parvenait pas à le considérer comme une cible. Alors, elle décida finalement de ne plus chercher à lui soutirer d'informations. Au moment de son rapport, elle aurait un choix : soit dire qu'elle n'avait rien trouvé, soit dire en toute honnêteté qu'elle ne voulait pas et ne pouvait pas s'attaquer à cette organisation.

Alors, elle se permit une certaine liberté, avec une taquinerie :

- Puisque je n'ai pas de lieu de référence, peut-être pourriez-vous être mon référent ?

Puis elle baissa la voix, avant d'ajouter, pas encore bien certaine de si elle voulait ou non qu'il l'entende :

- Après tout, maintenant que je vous ai trouvé, ce serait dommage qu'on n'en retire pas tous les deux quelque chose...

Avoir une apprentie serait-il quelque chose de positif à ses yeux ? Elle n'en avait aucune idée. Seul l'avenir le dirait.