C’est la panique depuis ce matin chez l’éleveur Crân’doeuf ! L’un des panneaux de bois protégeant ses précieuses convives s’est affaissé durant la nuit et voilà qu’une nuée de poulors s’est répandue partout dans la forêt… Les prédateurs ne manquent malheureusement pas et la Montagne avec ses flancs escarpés et ses dangers n’est qu’à quelques pas de l’Arbre sacré. Cet élevage est également primordial pour nourrir les populations qui évoluent chaque jour autour de l’immense végétal, très friandes d'oeufs. De surcroit à la veille de la reprise des activités économiques ! Les localités ont du moins rapidement compris la nécessité d’organiser une « battue » pour récupérer les poulors taquines, trop heureuses de s’égayer dans tous les endroits les plus improbables.
Vous avez été mandatés pour participer, et mis en groupe de trois pour balayer une zone délimitée. Plusieurs poulors ont d’ores et déjà été retrouvées par d’autres équipes ! Il semblerait que pour certaines personnes, cette recherche se passe en revanche très mal… En effet, pour peu que l’une d’entre elles se sente attaquer, les autres poulors du coin ont tendance à toutes rappliquer pour venir la défendre contre l’outrecuidant. Un comportement inédit peut-être ? En tous cas, il vous faudra prendre garde à tous les imprévus sur votre chemin pour mériter votre salaire !
Participants : Zéphyr & Red & Ralia
Thème actuel : Rentrée des classes
Elle attendit néanmoins que le groupe se forme, et ne perdit pas de temps pour se lancer à l'action. Si ses partenaires demandaient des présentations, elle leur dirait rapidement son nom, sans plus. Et, soudain, elle réalisa qu'elle avait un avantage. Les poulors étaient des oiseaux, n'est-ce pas ? Et Ralia s'était toujours bien entendue avec les volatiles, alors, peut-être... Mouais. Même si les oiseaux l'appréciaient, elle ne savait pas communiquer correctement avec eux, donc elle ne pourrait pas les convaincre de retourner sagement dans leur élevage. D'autant plus que, si elles s'étaient échappées, c'était qu'elles voulaient voir autre chose, non ?
Finalement, elle dut se rendre à l'évidence. Autant elle aurait aimé s'acquitter du travail seule, autant il serait sûrement plus efficace de collaborer. Alors, elle reporta son attention sur ses partenaires :
- Bien, on n'arrivera visiblement à rien sans collaborer. Qu'est-ce que vous pensez pouvoir apporter au succès de l'entreprise ? De mon côté, je vis ici depuis toujours, donc je connais le terrain, et, en tant que garde-chasse, je m'y connais en animaux. Je vous apporterai la partie connaissance. Ah, et j'ai aussi déjà eu affaire à des animaux évadés... Même si la situation était assez différente d'aujourd'hui. À vous.
Par contre, même si c'était elle qui avait lancé la discussion sur le thème "stratégie", il était hors de question qu'on la traite comme le chef du groupe. Si jamais ses partenaires s'attendaient à ce qu'elle donne les instructions plus tard, elle ne dirait simplement rien. Ils savaient en quoi elle pouvait être utile, c'était suffisant.
« - Monsieur Zéphyr, êtes-vous là ? Un messager de la guilde locale réclame les aventuriers dans la salle principale.
- Eurrrrf ... j’arrive, cinq minutes. »
La tête dans un oreiller en plumes de poulor, m’ayant bercé la veille avec la douceur d’une caresse, entendra quelques geignements étouffés de plus que l’aubergiste ayant écourté ma nuit. Hier soir fut une épreuve, car pour m’accorder une réduction sur le prix de la nuit – les alentours de l’arbre sacré se louant à bon prix, pour sa nature touristique – j’acceptais de travailler aux fourneaux avec le cuisinier de l’établissement, jusqu’à la fin du service. Ce fut une belle économie pécuniaire, un moins bon investissement sur le réveil anticipé ... que je n’avais pas anticipé.
Seleny rimant avec “une seule parole”, selon les dires de mon père, j’écourte ma grasse matinée pour m’apprêter à recevoir le discours du messager. Discours qu’il tint à une petite assemblée de voyageurs, pour la majorité, décorés du badge de la guilde. Les autres n’étaient probablement que des chasseurs intéressés par la prime proposée.
Apparemment, il y a un gros éleveur qui a perdu ses volailles. Et pour que ça fasse autant de bruit, au sens premier du terme, c’est que cet homme devait assurer un rôle plutôt important dans le coin. D’où les chasseurs à la recherche de prime. On sera donc groupés par petites escouades de trois, chacun assigné à un secteur qu’il faudrait battre à la recherche de volatiles. Et bien évidemment, il faudrait les rapatrier.
Lorsque l’ordre de dispersion est donné, je me dirige vers le point de rendez-vous, après avoir réuni mes dernières affaires. Au complet, nous étions trois. Un homme plutôt charismatique, tatoué, ainsi qu’une femme dont la pigmentation des iris et des cheveux avait quelque chose d’atypique. L’un semble plutôt avenant, aux premiers abords, l’autre très réservée. J’espère que ce n’est que de la timidité.
« - Bonjour ! Je suppose que vous êtes là pour la chasse aux poulor ? Vous me direz, on serait pas plantés là comme des piquets si c’était pour lancer une grosse fête. Appelez-moi Zéphyr ! »
Je tend la main à qui veut bien la serrer, simple courtoisie pour laquelle je ne me formaliserais pas s’ils sont réticents au contact physique. Je fais juste de mon mieux pour paraître amical, finalement. Pas que je ne le suis pas, hein ! Enfin je sais pas, c’est pas à moi de le définir. Bref, je fais le premier pas, dans le doute où Mister Myrtille ou Miss Raisin ne sont pas à l’aise avec les introductions.
Je profite d’arriver pour lancer un œil dans les alentours. Notre “secteur”, vaguement défini comme une parcelle des bois au nord du grand arbre, ainsi que de l’approche du pied escarpé des montagnes voisines, me semblait suffisamment vaste pour qu’on y passe un bon bout de temps, même à trois. Heureusement, il n’avait pas plu la veille et les traces seront encore peut-être fraiches. C’est là que vient la question de la dame du groupe, qui me semble avoir un ton assez frigide. Enfin, une question ponctuée d’une invitation qui se conclut par un point. Elles sont où les manières, oh !
« - Je suis plutôt à l’aise pour traquer les pistes et j’ai hérité des connaissances de mes parents, en matière d’environnement. Sinon, j’ai des yeux, je suppose que c’est toujours un bon début pour chercher des poulors ? Ahah ! »
Petite boutade, rire n’a jamais tué personne. Du moins pas que je sache. Puis, mine de rien, à voir leurs réactions, ça me permettra sûrement de mieux les cerner. Non pas que leur identité importe beaucoup, pour une mission aussi “simple”. Mais je me dis que s’il y a moyen d’en faire une bonne expérience, sympathique pour tout le monde, alors je ne m’en priverais pas.
La jeune femme qui n’avait pas le marqueur habituel des aventuriers, à savoir les plaques autour de nos cous, se définissait elle-même comme une garde-chasse. Un avantage certain pour qui devrait se rendre à la chercher des volatiles perdus. Elle nous demande alors ce qu’on allait emporter à “l’entreprise” ? La donzelle se croyait-elle donc dans l’industrie textile ? Bref, il fallait tout de même définir de quoi nous étions capables pour ne serait-ce qu’établir un semblant de stratégie et pas nous retrouver sur place sans aucune idée.
“Je suis également plutôt du genre à chasser ou à traquer mes proies...Je précise que je ne chasse que ce dont j’ai besoin pour vivre ou alors dans le cadre de mon travail. Je pense que je peux également nous apporter une aide plus que providentielle pour regrouper nos amis fuyardes grâce à eux. “
Sur ces mots, je puisais dans mon pouvoir faire apparaitre à chacun extrémité de mes mains un de mes compagnons. Un loup blanc aux pointes d’oreilles noires et une cicatrice à l’œil droit et une panthère étoilée d’un mètre vingt de garrot. Les deux heureux d’avoir été invoqué réclamèrent de suite des câlins qu’ils resurent prestement. Je souriais à la remarque humoristique de mon compatriote lui répondant en lui souriant.
“J’avoue que c’est un bon début, heureusement, nous avons également un atout en la personne en charge de la faune et la flore du coin ! “
Dis-je en désignant mademoiselle frigide.
“Bien, discutons de notre plan de bataille en allant jusqu’à la parcelle dont nous sommes en charge.”
- Comme tout le monde. C'est donc inutile de le préciser.
Puis elle reporta son attention sur leur autre collègue. Encore un chasseur ? Décidemment, elle en croisait beaucoup, dernièrement... Néanmoins, il semblait l'avoir cernée en détournant rapidement son attention sur ses capacités de... Chien de berger. Ce qualificatif n'ayant aucune connotation négative dans sa tête, puisque la demoiselle accordait bien plus d'importance aux animaux qu'aux humains. Et en parlant d'animaux... Il y en avait deux qui venaient d'apparaître aux côtés de l'homme. Sans chercher à savoir d'où ils sortaient, elle dut se faire violence pour rester où elle était. Néanmoins, un léger éclat de jalousie s'alluma dans ses yeux lorsque cet homme, qui semblait leur ami, les câlina tels de gros chats.
Néanmoins, il la sortit de ses pensées en parlant directement d'elle. "Spécialiste de la faune et de la flore" ? Alors, sur un ton rendu moins tranchant que voulu par la présence des animaux, elle rectifia :
- Seulement la faune, en fait. Mais oui, je pourrais... Oh !
Elle venait de se rappeler que ses compétences communes avec les singes pourraient être utiles. Mais devait-elle en parler, ou garder cet atout dans sa manche ? En tous cas, l'homme aux animaux semblait avoir pris la tête alors qu'il les guidait vers leur point de départ. Alors, elle suivit sagement, lorgnant néanmoins les deux fauves. Comme elle aimerait pouvoir les toucher, elle aussi ! Mais elle savait que de telles bêtes étaient farouches. Il serait donc inutile qu'elle prenne trop de risques pour rien. Et puis, leurs compagnons à quatre pattes semblaient ne pas avoir besoin d'elle. Alors... Elle devrait se résigner à ne rien faire.
Une fois arrivés, elle lança, mine de rien :
- Oh, d'ailleurs... J'avais oublié de vous dire quelque chose...
Puis, sans leur laisser le temps de la questionner, elle grimpa en un éclair à l'arbre le plus proche. Puis, avec l'aisance de l'habitude, elle se percha sur une branche pour observer ce qu'elle pouvait voir en contrebas. Ses collègues, quelques lapins qui fuyaient, effrayés par leur irruption, les deux fauves, évidemment... Puis, un mouvement inhabituel attira son attention. Satisfaite, avec sa grâce habituelle, elle sauta au sol et transmit ses conclusion à son groupe :
- Il y a un buisson qui bouge de manière peu naturelle par là-bas.
« - Psst psst psst, t’es beau toi, oh oui t’es beau ~ »
Je n’irais pas lui retracer le fil du poil sur le crâne de peur d’y perdre un doigt, mais semblait-il qu’initier le contact avec respect était une bonne stratégie pour approcher les animaux domesticables. Ou tout du moins, les mammifères. Et comme ils sortent tout droit des bras de notre partenaire, j’ose espérer qu’ils sont ... dressés ? Auquel cas, j’aurais une allure bien moins fière l’instant d’après, si j'y perd un bout.
Et je fus bien vite rappelé à l’ordre par notre demoiselle d’honneur qui détourna ma tentative d’humour, ce à quoi je répond un haussement de sourcil circonspect, puis un regard vers l’autre homme, comme si j’avais dit une bêtise sans m’en rendre compte. D’autant plus que ses propos sont faux, elle ne pense pas assez aux aveugles, celle-là ! Mais je me ravise sagement et note d’éviter les boutades à l’excès avec Miss Raisin. Qui elle non plus n’avait pas donné son nom. Raaaaaaah quelle galère.
On se dirige sur place sans plus élaborer, jusqu’à ce que la glaciale ne nous fasse marquer une halte similaire à celle qu’elle infligea à sa phrase.
« - Quelque chose ? Il est vachement long son suspens, là ! Je veux la suite ! » Chuchotais-je à Myrtille.
Et elle redescendit prestement, avec la grâce d’une danseuse, que je dus me retenir d’accueillir avec ovation tant c’était joliment exécuté. Et elle nous porte la nouvelle de la végétation agitée.
« - C’est ça que tu as oublié de nous dire ? Mais depuis combien de temps ? Dans les contes d’horreur, y a des gens qui meurent pour moins que ça ! »
Je soupire, non fatigué de jouer l’idiot. C’est plus fort que moi, les personnes comme elles me touchent, d’une certaine manière. Je trouve ça dommage de vivre reclus dans son for intérieur, en excuse certes les circonstances traumatisantes et la dureté de la vie à notre époque. Mais tout n’était pas un prétexte suffisant pour m’arrêter de traiter mon prochain avec le plus d’égard possible. Qui aime bien, châtie bien, non ?
« - Plus sérieusement, on devrais y jeter un coup d’œil. C’est vrai que ce n’est pas seulement l’effet de la brise ... on dirait même ... »
J’approche pendant mon discours et après avoir aperçu une petite masse bouger, je marque une pause et enfourne mon bras jusqu’au coude dans la touffe végétale. Après avoir débattu quelques secondes avec l’invisible, je tire précautionneusement une poulor par les pattes, tête à l’envers, avant de lui permettre de prendre une posture plus confortable sur mes genoux.
« - ... notre première prise ! »
Miraculeux qu’on en trouve une si vite et pas tant que ça en même temps. Ca sonne même plutôt logique, que loin de son confort et de sa vie insouciante, une volaille provoque autant de tumulte sur le territoire d’un potentiel prédateur. Je passe mon doigt sur son crâne une fois, deux fois, à la troisième, elle me picore et je le retire vivement.
« - Aïe, vilaine ! Ça se fait pas de pincer son sauveur ! Ingrate ! »
Elle fit deux trois battements d’ailes pour s’éloigner maladroitement et approcha Raisin, pour qui elle semblait développer un béguin instantané. Compréhensible, sachant que je l’ai un peu malmenée, bien contre moi. Et Myrtille a deux gros prédateurs en gardes du corps. L’avantage, c’est que j’ai maintenant l’odeur de la poule sur moi.
« - Tiens, tes ... familiers ? Ils peuvent les traquer à l’odeur ? Parce que je suis sûrement couvert de celle de la poulor, là ! »
Et je mime le geste de soulever la toile de mon pantalon, comme si elle en était imprégnée. Pas que j’en sache grand-chose moi-même finalement, mon odorat ne sort pas spécialement du commun.
Le trajet jusqu’à notre parcelle, fut des plus tranquille. Mon laîum, Aithusa qui avait attendu à peu à l’écart, nous avait rejoint dès que nous nous étions mis en route. Il y avait donc maintenant trois de mes créatures autour de nous. Cela semblait faire du bien à la jeune femme qui me semblai moins austère depuis la rencontre avait mes familiers spéciaux. D’ailleurs celle-ci commença une phrase qu’elle ne termina absolument pas s’enfonçant dans un arbre, comme un petit ouistiti. Cette dernière repéra bien vite un buisson suspect.
“En effet, notre petit singe n’avait pas fini sa phrase et j’aimerais bien savoir ce qu’elle allait nous dire...”
Répondais-je au noirot. Ce dernier fit encore une blague, décidément ce dernier était un comique de premier plan. Je ne pus me retenir d’esquisser un sourire face à l’évidente idiotie émit par ce dernier. Néanmoins, il y avait une part de vérité dans son dialogue comique, on avait pour ordre de trouver des volatiles mais dans la forêt, il y avait aussi des chasseurs bien plus dangereux que les gallinacés. Mais ce dernier semble faire fi de toute prudence plantant directement ses paluches dans le taillis, heureusement il en ressortit indemne. Enfin presque puisqu’après l’avoir posé et caressé ce dernier se ramasse une multitude de coup de bec, qui lui fit lâcher sa prise.
“Jamais assez de vous méfiez de ce gentil gallinacé mais peu de gens pourront parler pour ceux qui pourront lui résister. ”
Oui, je me foutais un peu de la tête de mon noir chevelu. Mais bon il l’avait un peu cherché non ? N’empêche que cette dernière se dirige finalement dans la direction où se trouvait maintenant miss violette. Je rigolais, face à la proposition du jeune homme de faire une traque pour chaque poulet, secouant ma tête, je me dirigeais vers ce monstre imbattable.
“Et les chasser une à une ? Non, ça nous prendrait trop de temps ! Il y a toujours eu quelque chose d’amusant avec ces volatiles...lorsque vous en attraper une et qu’elle cri, les autres Poulors accourent comme des chiens de chasse. Je propose qu’on installe un filet au-dessus de nos têtes, l’un de nous aura la poule dans les mains. Une fois en position, il l’avait fait crier et hop on abat notre attrape-volaille ! Et puisque tu sembles tellement bien t’entendre avec cette dernière, je te nomme officer-gallinacé mon cher ami !”
Dis-je en me retournant vers mon compatriote masculin.
“En plus, tu en as déjà l’odeur comme tu la si bien souligné...qu’en pense tu jeune femme, il ne ferait pas un magnifique appât ? ”
- Eh ! Attention !
Bien sûr, cela aurait pu être pris pour de la prévenance envers l'imprudent, qui courait le risque de se faire griffer ou picorer, mais Ralia ne songeait qu'à la créature. Il était évident qu'elle faisait partie de celles qu'ils avaient été envoyés récupérer, et elle craignait simplement que ce geste impulsif ne blesse le volatile. Qui, visiblement, savait se défendre. À la protestation de l'humain, elle ricana :
- À sa place, j'aurais fait la même chose. Vous lui avez sûrement fait peur...
Et, alors que les deux hommes discutaient d'elle ne savait quoi, elle vint doucement ramasser l'oiseau qui semblait intéressé par elle. Elle avait l'habitude d'attirer les oiseaux, même si, habituellement, ils étaient toujours plus petits que celui-ci. Enfin, il fallait une première fois à tout, et pour une fois que c'était l'animal qui venait à elle et pas l'inverse... Elle pouvait bien en profiter un peu, non ?
Elle se releva alors, l'oiseau dans les bras, lui lissant doucement les plumes en signe d'apaisement, bien décidée à le ramener ainsi. Certes, ce n'était pas la manière de faire la plus pratique, mais nul doute que c'était ainsi que sa... Prise... rha, elle n'aimait pas ce mot... Se sentirait le plus à l'aise et donc, tenterait moins de fuir.
Néanmoins, l'homme aux animaux ne semblait pas de son avis. Décidemment, elle avait vraiment raté quelque chose, en matière de compréhension de ses congénères. Le seul de ses deux collègues improvisés qu'elle parvenait à voir comme un allié venait de la trahir, si elle ne se trompait pas. Et elle qui pensait qu'il serait de son avis pour une approche non-violente !
Alors, c'était à elle de décider de la suite. Si ce plan devait entrer en application, elle devrait rendre le volatile au gamin, perdant au passage la confiance de la créature, elle s'en doutait. Mais si elle décidait de continuer sur sa lancée, autant agir seule, et si on l'avait mise en groupe... Elle soupira. Puis, après avoir adressé quelques mots d'excuse à la poulor, elle la rendit au dénommé Zéphyr, à contrecoeur. Et elle ne put retenir une recommandation :
- Ne lui faites pas plus de mal que nécessaire, je vous en prie.
Puis elle se retourna vers l'homme aux animaux. Après tout, il lui avait demandé son avis.
- S'il fallait un appât, j'aurais pu me proposer, après tout, j'ai l'impression d'avoir le don d'attirer les oiseaux. Mais j'ai aussi l'impression de ne pas vraiment avoir le choix... Sachez simplement que si jamais elle ou l'une de ses congénères finit blessée, je vous en tiendrai pour responsable.
Et alors, elle le traiterait comme un braconnier : menace si nécessaire, et escorte jusqu'au poste de garde le plus proche. Extrême, comme réaction ? Peut-être. Mais peut-être que cela lui permettrait d'y réfléchir à deux fois avant de proposer un tel plan. Quant au troisième larron... Non, décidemment, même s'il faisait une bêtise, elle doutait de pouvoir lui en vouloir. Quelqu'un qui agissait si innocemment l'empêchait malgré elle de se montrer aussi impitoyable qu'elle l'aurait voulu.
« - J’aurais bien aimé vous y voir, tiens ! »
Un faux reproche, que j’écarte bien rapidement en étirant les plis verticaux de mon front, dans un long soupire. Cette accalmie pendant laquelle Myrtille évalua la situation en riant de ma proposition précédente, Raisin cajolait la poulor et moi-même, époussetait mon pantalon, laissa murir la réflexion qui quitta les lèvres du dompteur. Une stratégie selon laquelle on allait mettre ma bonne volonté à contribution. Et puis quoi encore ?!
« - Ravi de prendre du galon sur le terrain, mais j’imaginais pas vraiment une promotion dans ces conditions ... »
Et je n’en contestais pas plus, pour plusieurs raisons. Mon interlocuteur était trop bien accompagné pour se permettre de manipuler la volaille sans créer un drame. Comme on le sait d’autant mieux grâce à ses propos, les poulors appellent leurs congénères à l’attaque quand elles se sentent en danger. Et sûrement que chacun d’entre nous pouvait le devenir, ce danger, afin de les rameuter en un clin d’œil. Mais lui ? Il allait lui faire faire un arrêt cardiaque à cette pauvre bête.
Quant à Miss Raisin, malgré ses mots affutés et sa langue tranchante, je ne me voyais pas lui demander de commettre pareille atrocité. Elle ne manquait pas d’air, mais à voir la tendresse maternelle suer de ses pores, au contact d’un animal ... Non, lui demander de l’effrayer me fendrait le cœur.
Donc, j’ai le beau rôle. Super. La demoiselle me tend l’animal avec une certaine réticence et ponctua son geste d’un conseil pour lequel je fis mine de bouder.
« - Ça va, j’suis pas un monstre ... »
Et l’animal, maintenant entre mes mains, entama un long concours de regard. Faut dire que cette petite bête a de sacrés beaux yeux, sombres, profonds, puissants, une manière de fixer assez intense. Elle me rappellerait presque quelqu’un. Je relève les yeux vers Raisin ... puis vers la poule ... puis vers Raisin ...
« - Vous avez un lien de parenté, non ? »
Et avant de pouvoir rire de ma propre idiotie, je me fais picorer les mains, comme si mon otage malveillant se vengeait pour elle.
« - Aïe, aïe, c’était une blague ! Je rigole ! Pouce ! Pouce ! »
Et elle s’attaque aux pouces.
« - C’EST PAS C’QUE JE VOULAIS DIIIIIIIIIRE ! »
La tenant au mieux à bout de bras, comme si ça allait l’éloigner de la zone qu’elle attaque, je tente malgré tout de ne pas trop la secouer. Pour résultat, mes mains commencent à ressembler à un emmental. Lisses avec quelques trous.
« - Myrtille !! Il est bientôt prêt ton filet ?! J’ai mal, là ! » Criais-je en dansant ridiculement d’un pied à l’autre.
“Les blessés ? Il n’en a jamais été question, d’ailleurs pas question non plus d’appuyer ou de faire mal à notre poulette ici présente. Il y a d’autres moyens de faire en sorte qu’elle crie et cela ne récitera pas plus que quelques gouttes de sang...”
Je me mis alors à l’écart pour préparer mon attrape-volaille...Un simple filet que j’enduisis d’un produit bien spécifique. Je tendis alors l’ensemble sur quatre arbres dont je fis bien attention à ne pas leur faire mal, si le filet est un peu lâche ce n’est pas grave. Il n’y avait aucune raison de laisser des cicatrices aux centenaires de ce sanctuaire. Une fois mes nœuds fait, j’envoie mes compagnons à chacun des points, ils avaient la tâche d’abattre la corde qui leur avait été attribué. Et pendant ce temps-là, notre compère aventurier se décidait à faire l’idiot, parlant d’une possible parenté entre l’oiseau et la jeune dame, une blague qui était la bienvenue car pour ma part, elle détendit l’atmosphère.
“Myrtille ? Oh c’est vrai que je ne vous ai pas encore donner mon nom ! Vous pouvez m’appeler Red...Le loup c’est Morro, la panthère, Bagheera et la Laium, Aithusa quant aux autres, non laisser tomber trois c’est déjà pas mal ! Et oui, je suis prêt !"
Je m’approchais du duo de comique et me plantait devant celle qui avait le dessus. Je sortais mon couteau de chasse. Je soupirais et je décidais de faire couler le sang ! Mais pas le sien, non le liquide rouge que j’avais fait apparaitre n’était autre que le mien que je viens mettre sur son bec...la volaille ne fixait d’ailleurs plus que cela...l’eau rubis sur son magnifique nez...la réaction ne se fit pas attendre. Réaction primaire d’un animal qui ne supportait pas la vue de l'hémoglobine qu’elle assimila comme étant le sien.
“COCOKOTTTTEEE”
“Surtout tiens, la bien ! Mais si jamais tu vois qu’elle risque de se casser quelques choses n’hésite pas à la lâcher. Oh et je m’excuse d’avance...tu vas devenir très glissant une fois le filet détacher...ce que j’ai mis dessus c’est de l’huile...c’est histoire que nos amis volatiles ne se blesse pas avec le piège...”
La guerre avait été déclaré dès que notre amie avait émis son cri d’alarme. Les fourrées commençaient déjà à bouger sous l’effet de la horde. Nul doute qu’une bonne dizaine d’en elles, ne se pressaient à venir soutenir leur comparse.
“Dès qu’elles sont assez proches...on coupe les cordes...”
Le piège n’étant pas placés trop haut, c’était un simple coup de filet...sans dommage.
- De... sang ?
Sa voix sonnait comme une question teintée d'incertitude. Il disait ne pas vouloir blesser les créatures, mais, juste après, il parlait de sang...
Une fois de plus, son attention fut détournée par le deuxième homme. Fichue solidarité ! À présent, la demoiselle était certaine de son existence. Néanmoins, ces paroles lui arrachèrent un sourire :
- Me comparer à un animal ?
Elle laissa le silence régner pendant un moment, ménageant ses effets. Décidemment, elle ne se lasserait jamais de créer le malaise chez un homme lorsqu'elle le pouvait... Même si cette fois, ce serait plutôt de l'incertitude... Voilà, prends ça, toi ! Moi aussi, je sais provoquer l'incertitude ! Ils étaient solidaires ? Très bien, elle se vengeait donc de l'un sur l'autre.
- Bien joué, je prends ça pour un compliment !
Néanmoins, elle n'eut que peu de temps pour lui montrer le nouvel intérêt que ces mots avaient éveillé en elle, que le volatile s'attaquait aux mains qui le tenaient. Cette fois, Ralia ne put s'empêcher de rire franchement :
- Ah, désolée ma belle, tu sais te défendre, tu n'as absolument pas besoin de moi !
Et voilà qu'il appelait son comparse à l'aide. Pour le coup, elle ne put s'empêcher de râler :
- D'accord, je sais, je ne suis pas un homme, je n'ai pas grand-chose en commun avec vous, on n'a pas choisi de travailler ensemble... Mais ce n'est pas une raison pour... Mais qu'est-ce que vous faites ?
Finalement, le timing était peut-être bien trouvé, car les actions de l'homme aux animaux coupèrent court à ses protestations, la ramenant à son état initial : dubitative, tentant tant bien que mal de suivre le plan. Alors, elle se contenta de faire ce qu'on lui disait. Elle devait tenir une corde et la couper lorsque leurs "proies" se présenteraient ? Cela devait être dans ses cordes... Sans mauvais jeu de mots. Elle avait détruit assez de pièges de braconniers de différentes sortes pour savoir s'y prendre rapidement et proprement. Alors, une simple corde ne devrait pas être un si gros obstacle...
Néanmoins, l'heure n'était plus aux réflexions stériles. Leurs futres proies (oh, ce qu'elle détestait ce mot) approchaient. Et il lui semblait que leur vitesse augmentait à mesure qu'elle se rapprochaient de leur comparse... Elle compta mentalement trois secondes, puis, alors que la première de la horde se trouvait très proche de leur filet, elle lança :
- Maintenant !
Et, une seconde plus tard, afin de laisser à ses collègues improvisés le temps de se synchroniser entre eux et avec elle, elle trancha d'un coup sa corde. Cela lui fendait le coeur de devoir ainsi capturer des créatures, mais elle savait également que c'était la meilleure solution pour les ramener saines et sauves chez elles.
Après avoir aidé à refermer le piège de telle sorte qu'aucune volaille ne puisse s'enfuir, elle se reprit, et lança :
- Je pense avoir le pire timing des trois, mais... Moi, c'est Ralia.
Pas de "enchantée", ni de formule de politesse quelconque. Juste l'information nécessaire. Elle savait que ce n'était pas le bon moment, inutile de rajouter en plus des informations dont ils n'auraient que faire...
Mais concernant Raisin ? Réussir à élever la commissure de ses lèvres, ça, c’était exceptionnel. Non pas que je doute de ses capacités à sourire, mais auprès d’humains ? Je commence à dresser son portrait, vaguement, ce qui m’accorde l’occasion d’en galvaniser mon égo. Moi, le grand Zéphyr – omettons que je me fasse dévorer les mains par une poulor en colère – avait commit un acte grand et magnanime ! L’ambiance avait été sauvée ! Mais à quel prix ... ?
Celui de Myrtille qui nous fait les présentations au pire moment ! Sérieux, choisis mieux tes timings ! Il confirme qu’on est tout bons pour appâter les copines de ma tortionnaire, ça me tire un rictus entre la grimace et la grimace.
« - Il était temps ! Appelle vite les autres volailles, avant qu’il ne me reste que les os des mains ! »
C’est pas tout, mais ça picore ces bestioles ! Bien heureusement, feu Myrtille, maintenant dénommé Red, approche avec une lame devant la poulette paniquée et moi-même. Peu sereins, on se concerte, ancienne victime et ancien bourreau (à vous de juger qui assume quel rôle), face à un homme armé et au sourire qui semble maintenant TROP sympathique. Bien heureusement, il ne fait que percer le bout de son doigt pour affoler la poulor sans douleur. Eh, s’il te fallait du sang, tu aurais pu épargner tes mains, les miennes sont déjà en sale état ! Bien que, j’apprécie sa sollicitude.
Je l’apprécie jusqu’à me rendre compte que c’est moi qui tient la proie en panique et que c’est vers moi que convergent un millier de ses congénères en colère.
« - Woh woh woh woh, vous êtes sûrs du plan, là ?! »
Pas le temps de protester plus que ça, Raisin avait raison. Elles savent se défendre les bougresses ! Car en un instant, me voici entouré d’une horde de poulettes en colère, pire encore que dans les histoires saugrenues d’avortons en quêtes de plaisirs temporaires, à enchaîner promesses vaines et conquêtes.
Et avant que je n’aie pu assumer une posture plus défensive pour ne pas me faire écorcher de toute part, je sens un poids m’écraser au sol. Le filet avait été lâché et toute créature en-dessous – moi y compris – avait été capturé. Dans un concert de grognement et de caquètements, je m’extirpe tant bien que mal hors des mailles, avant qu’elles ne soient prestement refermées par mes coéquipiers, si je peux encore les appeler ainsi ... De grands mouvements de mains visèrent à débarrasser mes mains du gras du filet, maintenant poisseux de la tête aux pieds.
« - Enchanté Ralia. Je t’aurais bien serré la main si j’étais pas couvert de cette ... chose. Rappelez-moi qui a eu cette merveilleuse idée ... ? En fait non, oubliez, j’ai besoin d’un bain en urgence, là. »
Long soupire, je me tourne pour ouvrir ma chemise et débarrasser ma cape, qui malgré qu’elle soit sale, elle aussi, m’aidera à éponger un peu de la matière visqueuse qui recouvre mon visage, mes bras et une partie de mon buste. Une fois cela terminé, je n’ai même plus le courage de la remettre sur mes épaules.
« - Bien, je suppose qu’on a attiré toutes les volailles de la région. Que diriez-vous de les ramener, maintenant ? » Proposais-je en rabattant une mèche grasse en arrière.
Un brin de toilette me semblait plus que nécessaire, là de suite.
D’ailleurs mon appât se rend finalement compte de l’aboutissement de ce dernier...en effet, il allait se retrouver au centre d’une foule en colère venu venger leur pauvre camarade en détresse. Pauvre de lui...Pas le temps de protester pour ce pauvre homme. La horde arriva comme une seule et même entité. L’attaque ne fut pas rapide et indolore pour Zephyr que du contraire. Je pense même que l’une d’elle avait tenté un laria du poulet. Finalement, le simple piège réalisa le travail, les mailles pleines d’huiles ne blessèrent pas une seule des caqueteuses tandis que notre ami s’en sortit indemne ? Celui-ci jura de devoir prendre un bain...en effet, il en avait besoin comme toute les cocottes présente ce jour-là.
“J’adore qu’un plan se déroule sans accro”
Je ne pus qu’esquisser un sourire sur sa réaction. Certain, aurait crier au scandale devant un tel subterfuge ! Mais pas lui, voilà une bonne personne prête à se sacrifier corps et corps pour une quête des plus difficile. Nos prisonnières s'offusquèrent de leur traitement et à vrai dire je les comprends mais au moins, tout cela c’était fait rapidement et sans douleur pour elles.
“En effet, rentrant, nous n’avons plus qu’à amener ces demoiselles à bon port”
Rien de bien compliquer en soit...je découpais deux grandes branches et j’y attachais la corde du filet. Ainsi, elle aurait le droit à un véhicule de luxe et surtout à ne pas être trainer à terre. Le voyage du retour, se fit sous quelques plaisanteries appréciables du noiraud et sous la surveillance étroite de sa violette concernant le traitement apporter à ses protégées.
Le fermier nous attendait de pied ferme devant son enclot-volière. Nous regardant avec des yeux mauvais. Je suppose qu’il avait entendu le cri de désespoir d’un gallinacé. Cependant, le malentendu se dissipa rapidement grâce à notre rapport. Pas de blessé, dans aucun des camps, un nombre non négligeable de fuyardes rattrapés et ramenés. Oui, le travail avait été fait dans les temps.
“Eh bien se fut, un plaisir de travailler avec vous. J’espère vous recroisez sur la route...Aithusa, Morro, on y va.”
Pas d’adieux prolongés...mon timing était assez serré, peut-être arriverais-je à temps à la guilde pour prendre de suite une nouvelle mission. Peut-être même que j’y rencontrerais un nouveau compagnon de route ?!
|
|