Joël Hamel

Introduction

Qui est le Dragon Slayer ? Les plus ignorants connaissent son plus grand fait d'arme : à l'âge de 20 ans il aurait tué un dragon de ses propres mains ! Rien que cet accomplissement suffirait à raconter des louanges à son sujet, à donner de l'inspiration à n'importe quel barde pour qu'il diffuse son nom dans tout le royaume, à faire rêver les jeunes enfants en rajoutant une nouvelle légende dans les contes pour dormir. Ceux qui sont davantage renseignés savent que Joël Hamel, le jeune membre de la Garde civile à cette époque, était considéré comme un des soldats les plus prometteurs, du fait de ses compétences et de son passage à l'académie militaire où on soupçonnait déjà à l'époque qu'il finirait par rentrer dans la Garde royale, voir même d'en devenir le capitaine. Mais ceux qui connaissaient de près Joël savent que le jeune homme ne souhaitait pas être emprisonné entre les murs de la capitale, et que sa véritable place était proche du peuple. Devenu Lieutenant à l'âge de 19 ans, il mène ses propres hommes au devant des dangers qui menacent le royaume et ses habitants, devenant le rempart qui protégera tous ! C'est ainsi que le nom de Joël Hamel, le Tueur de Dragon, s'est répandu dans Aryon.

I - Une naissance aussi désirée que refusée

Revenons plus d'une vingtaine d'années dans le passé, dans la capitale du royaume d'Aryon. Dans un des quartiers les plus aisés, proches des bâtisses militaires et avec une vue en contre-plongée sur le palais, se trouvait un homme. Depuis la grande fenêtre située derrière son bureau, il observait l'extérieur avec les mains dans le dos, le regard pensif. Situé dans la fleur de l'âge, ses cheveux soigneusement attachés vers l'arrière se mariaient parfaitement avec les traits fins de son visage, son expression affichant un air fier mais également troublé. Il passait sa main sur l'extrémité de sa barbe soigneusement entretenue, soupirant alors qu'il se retrouvait face à un problème important : sa femme ne portait toujours pas d'enfant. L'homme était un noble qui mettait énormément d'importance dans l'honneur et la famille, l'héritage qu'il a reçu de son père, qui lui-même l'avait reçu de son propre père et ainsi de suite, avait une grande valeur à ses yeux. Pourtant, malgré les années qui passaient, il n'avait toujours pas eu le plaisir et l'opportunité d'être lui-même père. Malgré les tentatives, sa femme n'est jamais tombée enceinte, et cela forçait le noble à se retrouver face à un choix difficile. Il ne pouvait pas se permettre de risquer tout l'investissement de ses ancêtres au fil des générations, de laisser tomber tout un projet vieux de plusieurs dizaines de décennies alors que, petit à petit, sa famille arrivait à se situer dans la plus haute sphère d'Aryon. La position de gouverneur n'a jamais été aussi proche, et pourtant… Il savait que les opportunités finiraient par ne plus se présenter à un ministre comme lui. De par son passif dans la garde civile, il avait réussi à se faire remarquer pour sa façon de gérer les conflits internes au royaume, ce qui a valu la confiance du trône envers sa famille. Mais dans un royaume en paix, son implication était plus que minime, ce qui réduisait considérablement ses chances de se faire remarquer.

On en arrivait au "pourquoi il lui fallait absolument un enfant". Si les parents n'avaient aucune chance pour gravir la hiérarchie, il ne restait plus qu'aux descendants de prendre le relais et d'élever encore plus la position de la famille. Cependant, forcé de constater la situation compliquée entre ses mains, il n'avait pas d'héritier et plus il tardera à avoir un enfant, plus l'implication de ce dernier dans la famille sera compliquée. Au final, il ne pouvait plus se permettre d'hésiter : il devait assurer son héritage. Il y réfléchit plusieurs jours, jusqu'à finir par prendre la décision sans en parler à sa propre femme. Pendant plusieurs semaines, à l'abri des regards et des oreilles dans les murs, il allait retrouver une servante dans sa maison, avec qui il partageait des heures de passion. La servante n'était pas stupide, elle connaissait les raisons du noble qui était venu à elle et qui lui a promis compensation contre son silence, mais que pouvait faire une femme qui était secrètement amoureuse de l'homme qu'elle servait ? Les premiers signes d'une grossesse ont fait leur apparition pas moins d'un mois après avoir commencé à se voir à maintes reprises. Mais au lieu de se réjouir, le noble ne pouvait s'empêcher d'avoir une énorme peine au fond de lui. Lui, qui pensait que sa femme ne pourrait jamais porter son enfant, a finalement réussie à tomber enceinte. Que ces deux femmes portent ses enfants étaient la plus belle chose qui aurait pu lui arriver, mais il ne pouvait pas s'empêcher de maudire le destin pour lui avoir imposé une telle situation. Une servante étant désormais enceinte à cause de lui, il ne pouvait plus l'ignorer, de même qu'il ne pouvait plus forcer sa propre femme a accepté cet enfant issu d'un adultère puisqu'elle-même était enceinte à présent. Mais avant qu'il ne puisse décider de comment expliquer la situation à sa femme et décidé de la marche à suivre, la servante s'est enfuie au milieu d'une nuit, disparaissant comme par magie.

Les raisons qui ont poussé cette femme à fuir étaient simples : elle avait finie par apprendre que la femme du noble était tombée enceinte, et elle comprenait rapidement dans quelle position dangereuse elle plaçait elle et son enfant. Même si la famille du noble n'irait pas jusqu'à la tuer pour étouffer l'affaire, de peur à s'attirer les foudres de la justice, elle ne doutait pas du possible mauvais traitement qu'elle et son enfant finiraient par supporter au fil du temps. Aucune mère n'accepterait de condamner son propre enfant à un destin digne des bâtards, en plus s'il devient le demi-frère d'un enfant légitime. Alors, elle a préférée s'en aller, quittant la capitale pour s'éloigner le plus loin possible du noble et de sa famille. Elle ne souhaitait pas qu'on l'a retrouve facilement, donc elle décida de s'installer dans un village plus au nord du royaume. Après plusieurs mois, une nouvelle vie prenait forme : un garçon, en bonne santé. Alors qu'elle le portait dans ses bras, une joie sans pareille s'exprimait dans le sourire de la mère, alors qu'elle était résolue au fond d'elle : elle ferait tout pour que son fils soit heureux. Celui qui portera le nom qui lui a été souvent murmuré, et qu'elle avait finie par apprécier, alors qu'elle avait partagées les plus grands moments de tendresse avec celui qu'elle aimait : Joël.

II - Enfance sauvage

Le Village perché, un endroit aussi atypique qu'agréable à vivre, sa silhouette dans les arbres montrant à quel point cet endroit a su s'harmoniser avec la nature au fil des siècles. C'est dans ce village que Joël et sa mère se sont installés, une nouvelle vie s'offrant à tous les deux. Attirant les regards suspects pendant les premières semaines, la majorité du village a fini par accepter la présence du duo mère-fils, malgré les maux de têtes que pouvait donner le petit Joël. Une fois qu'il était capable de marcher et de parler, il posait beaucoup de questions à Hélène, sa mère : "pourquoi ton accent est-il si différent de celui des autres ? Où sont tes parents, tes frères et sœurs ? Est-ce que moi aussi je viens d'autre part ?... Où est mon père ?", toutes les plus pertinentes les unes que les autres, mais Hélène restait ferme sur ses positions : elle ne faisait que répondre indirectement, sans dire exactement le pourquoi du comment, ni d'où elle venait à l'origine. Ce manque de réponses claires ne faisait que rajouter des questions pour Joël, et petit à petit il commençait à se détacher de l'école commune et préférait vagabonder dans la forêt. Malgré les avertissements de sa mère, à cause des dangers dans la Grande forêt, l'enfant s'armait d'un pic en bois et d'un arc avec des flèches faites maison. Il passait le plus clair de son temps à traîner d'arbres en arbres, chasser les petits animaux et observer de loin les créatures démesurées.

Même lorsqu'il rentrait chez lui, son regard était porté ailleurs. Il observait l'horizon, faisant le tour des nombreuses pensées que pouvait lui évoquer cette vue : "je viens d'ailleurs, mais d'où exactement ? Je n'ai pas de père comme les autres, je ne me sens pas à ma place comme les autres…" sur son visage aux traits doux et fins, il avait une expression triste. A cause de son comportement bizarre, la plupart des gens dans le village commençaient à l'ignorer, voir à demander à leurs propres enfants de ne pas s'approcher de lui. Cela attristait Hélène de voir son fils être écarté, même si elle ne pouvait pas leur en vouloir car la première personne à s'être mis à l'écart, c'était avant tout lui. Pourtant alors qu'il avait à peine 9 ans, il a réussi à sauver la vie de plusieurs enfants qui s'étaient aventurés dans la forêt pour jouer. Ils avaient eu la malchance de croiser la route d'un jagras qui dévorait les restes d'un jeune boucton. En voyant les enfants, la bête s'est lancé à leur poursuite et les petits n'avaient pas le choix : ils devaient courir et s'enfoncer encore plus dans la forêt. Joël a entendu leur cri de détresse, et alors qu'il était installé sur un arbre il se déplaça comme une flèche pour les retrouver. Certaines bêtes pouvaient voir dans les arbres une ombre pas plus grande qu'1m50 qui sautait de branches en branches, un tissu sombre saisissant les branches d'arbre pour permettre à Joël de se balancer comme il le souhaitait dans la forêt.

Très rapidement il retrouva les enfants, et en voyant le jagras les poursuivre il fronça les sourcils et se laissait tomber directement sur la créature. Comme un rapace plongeant pour dévorer sa proie, Joël tomba sur le jagras, prenant avec ses deux mains sa lance en bois avec une pierre aiguisée au bout. Il transperça la peau molle du jagras, au niveau de son cou, et l'empala par terre. La bête crachait du sang mais l'enfant qui avait l'habitude de vagabonder dans les bois n'hésita pas et prenait en main une griffe acérée qu'il avait récupérée sur une bête morte. Il plantait à plusieurs reprises la tête de la créature jusqu'à ce qu'elle ne gémisse plus. Lorsqu'il se retournait pour voir comment aller les enfants, les petits se jetèrent dans ses bras comme si leur sauveur venait d'arriver. Ils étaient tous plus petits que lui et étaient vraiment heureux qu'il arrive. Il les guida jusqu'au village, les protégeant d'autres dangers éventuels, jusqu'à ce que les enfants aillent raconter aux adultes du village ce qui était arrivé. A partir de là tout le monde ne regardait plus le petit Joël de la même manière. Il passait du mouton noir du coin à un véritable sauveur pour les enfants, comment ne pouvait-il pas être content ? Joël était surpris de son nouveau traitement dans le village. Sa mère était bien plus émue alors qu'elle voyait son enfant au centre de la place du village, attirant toute l'attention des jeunes comme des adultes, partageant un grand repas.

Lorsque Joël regardait l'horizon, il avait toujours ces questions ancrées au fond de lui. Pourtant, avec sa force il avait réussi à sauver des vies, alors même que certains ne s'attendaient pas à ce qu'il puisse aider qui que ce soit. Il était capable de protéger le peu qu'il avait, ainsi que l'intégrité des autres. Il fermait les yeux, repensant une dernière fois à ses origines douteuses et son envie d'aller au-delà de la Grande forêt, avant de se résoudre à mettre de côté sa petite personne. Au fond, être capable d'aider les autres, n'est-ce pas là le plus important ? C'est avec cette pensée que le petit enfant zieutait non pas l'horizon, mais le Village perché.

III - Devenir un Garde

Chaque année de nouveaux aspirants au poste de Garde se retrouvent dans la capitale d'Aryon. C'est au travers de nombreux tests d'aptitudes, autant physiques que psychologiques, que des enfants sont sélectionnés dans tout le royaume pour les rassembler dans la grande académie militaire. Joël Hamel, un garçon prometteur venant du Village perché, était un de ces enfants. A 12 ans il a demandé de lui-même à passer les examens, et c'est avec des remarques favorables qu'il fut choisi. Il ne pouvait s'empêcher d'avoir le souffle coupé en voyant la capitale. Tous ces grands murs, ces constructions faites en pierres et en fer, tout était si différent du village où il a grandi ! Même lorsqu'il observait les rues à travers les vitres du carrosse le transportant, il ne pouvait pas résister à l'idée que tout le monde était si bien habillé, les marchés étant remplis de personnes faisant des affaires, des enfants courant à droite et à gauche en jouant avec des ballons, des animaux les suivant etc… Joël découvrait une nouvelle facette du royaume, comment ne pouvait-il pas être excité ? Bien entendu, il restait discipliné et évitait d'avoir comme idée de se séparer du groupe l'amenant à l'académie militaire.

Une fois à arrivé à l'endroit où il passera les 4 prochaines années de sa vie, il serrait fermement son poing en étant résolu au fond de lui. C'était ici qu'il allait faire ses premiers pas en tant qu'apprenti garde, et qu'il allait devoir prouver qu'il était digne de confiance pour protéger les gens autour de lui ! Pour résumer ses premières journées à l'académie, on peut simplement dire qu'il était pratiquement inarrêtable dans son envie de pousser les choses jusqu'au bout. Que ce soit en cours, en entraînement physique ou même dans ses devoirs, il se donnait pratiquement à fond. Certains professeurs et élèves voyaient ça comme une bonne chose, d'autres enfants se laissant emporté par l'engouement du jeune Joël, mais d'autres ne voyaient pas les choses de cet œil-ci. Un groupe d'élèves n'appréciaient pas l'attitude de Joël, en partie parce qu'ils trouvaient qu'il était agaçant, mais aussi parce qu'il venait d'une famille assez pauvre. Certains nobles se moquaient assez ouvertement de Joël parce qu'à leurs yeux il n'était qu'un pauvre paysan qui était bercé trop près du mur, à qui on a rabâché tellement de contes pour enfants qu'il espérait lui-même devenir un héros à son tour.

Même si dans les faits, Joël se moquait pas mal des commentaires qui traînaient dans son dos. Pour lui la voie qu'il a choisie était la bonne, alors pourquoi des gens qu'il ne connait que depuis quelques mois arriveraient à lui faire changer d'idées ? Beaucoup pensaient que Joël laissaient les autres parler parce qu'il avait peur des les confronter directement, se sentant inférieur à eux. Même le groupe de nobles pensaient de cette façon, ils ont donc décidé de provoquer et de défier Joël pendant un entraînement. Beaucoup pensaient que la malchance allait finalement tomber sur lui, mais peu d'entre eux se doutaient que Joël arriverait à tous les mettre à terre sans difficulté. A aucun moment il ne s'est senti inférieur aux autres, après tout avant d'entrer à l'académie militaire il a passé plusieurs années à vagabonder dans la Grande forêt, terres presque indomptables et remplies de créatures en tout genre. Même si des investissements en temps et en éducation avaient été placées dans les enfants nobles, Joël n'estimait pas avoir besoin de baisser la tête devant eux. Il ne chercherait pas à régler des comptes qui n'ont aucune importance à ses yeux, mais s'ils venaient le défier alors il les accueillerait à n'importe quel moment.

Pourtant, après ce jour-là, peu d'élèves sous-estimaient Joël. Même le groupe de nobles le laissaient tranquille, souhaitant probablement se faire discret. Mais ses actions avaient attiré l'attention de deux autres élèves, qui après leur rencontre finiront par lier leur destin à celui de Joël, d'une manière ou d'une autre. Le premier élève était un enfant du nom de Damian. Ce qui attira ce dernier à Joël c'était bien entendu sa force, et il força à de nombreuses reprises l'enfant du village à s'entraîner avec lui, au point où tous les deux ne pouvaient plus se relever à cause de la fatigue. Au début Joël trouvait Damian bizarre, il ne recherchait qu'une seule chose : se mesurer à Joël ! Afin de pouvoir surpasser ses limites, qu'il disait… Pourtant, après quelques temps à discuter avec lui, le garçon qui avait des cheveux blonds s'ouvrait à Joël. Damian était le fils d'une garde qui s'était mariée avec un aventurier, mais malheureusement ils n'ont pas pu partager de nombreuses années de bonheur à cause d'une quête qui aurait mal tournée pour le père. D'après l'enfant, la perte du mari a été un grand choc pour sa mère, à tel point qu'elle décida de prendre une sorte de retraite anticipée. Même si elle n'était pas d'accord à ce que son fils passe les tests pour devenir un garde, Damian était vraiment borné et il souhaitait sincèrement devenir fort pour éviter à d'autres personnes ce qui est arrivé à ses parents. Son histoire touchait réellement Joël, dans le fond Damian et lui avaient le même but. Il décida donc de lui dire qu'à l'avenir, tous les deux deviendraient les plus forts gardes que le royaume d'Aryon n'ait jamais vus, et qu'ils protégeraient tout le monde !

Mais c'était sans compter sur l'apparition de la deuxième personne qui marquera Joël : Cyha. Cyha n'était pas comme Joël ou Damian, c'était une fille de noble extrêmement fière et assez arrogante. Lorsqu'elle a appris qu'un groupe d'enfants de bonnes familles ont étés battus à plate couture par Joël, elle a décidée d'aller voir le garçon de ses propres yeux, par curiosité. Cependant, lorsqu'elle voyait le côté niais et sauvage du duo de garçons - Joël et Damian finissant par se ressembler sur pas mal de points - elle n'a pas pu s'empêcher de vouloir les corriger. D'humeur assez froide, elle ne manquait pas d'occasions de juger leurs actions et à leur donner de pauvres notes. Damian a fini par rapidement en avoir assez, son comportement étant bien plus sanguin que celui de Joël. Il décida donc de défier Cyha, mais il ne pensait pas qu'il se ferait casser un bras durant leur confrontation. Même s'ils étaient entraînés à devenir de puissants guerriers à l'avenir, en venir à un tel résultat était inconcevable, après tout ils n'étaient que des enfants et ils n'auraient jamais eu besoin d'en arriver là ! Mais Damian ne pensait pas que l'une des plus belles filles de la promotion serait aussi l'une des plus fortes, si ce n'est la numéro 1. Pourtant, malgré les avertissements de cette dernière, lui conseillant de se retirer tant qu'il le pouvait, l'obstination du garçon déterminé à prouver sa valeur le força à se lancer au cœur du danger. C'est donc dans un malheureux accident qu'il a fini avec une blessure assez grave, l'empêchant d'utiliser un de ses bras pendant plusieurs semaines.

Cyha fut punie en conséquence et a été placée en quarantaine, le temps que le bras de Damian guérisse, mais Joël n'était pas à l'aise avec cette situation. Il avait vu dans le regard de Cyha qu'elle ne regrettait pas ce qu'elle avait fait, même après les réprimandassions des professeurs. Il savait qu'elle était forte, étant issue d'une famille qui l'a entraînée dès qu'elle était petite. Peu importe ce qu'elle avait fait à Damian, les autres élèves n'arrêtaient pas de dire qu'elle allait probablement devenir une Garde royale à la fin de leur cursus militaire. Cela mettait Joël dans une humeur sombre, le poussant à s'exercer bien plus que les autres et à obtenir des résultats presque aussi méritants. Si certains avaient de l'admiration pour la belle et forte Cyha, d'autres étaient effrayés par les résultats exemplaires qu'obtenait le garçon venu d'un village à l'autre bout du royaume. Joël n'attendait qu'une seule chose : c'était une opportunité pour faire payer à la jeune fille qu'elle aurait dû s'arrêter quand il le fallait, et qu'elle n'aurait pas dû se servir de sa force pour malmener les autres. Mais peu importe, cette opportunité n'est jamais venue. Une année passait, puis une seconde, puis une troisième… Cyha ne faisait qu'ignorer la présence de Joël, alors que ce dernier était déjà devenu son égal aux yeux de tous. Même les professeurs commençaient déjà à envisager une place pour lui dans la Garde royale. Cependant, au moment de dire quelle Garde chaque élève souhaitait aller, le choix de Joël en choqua plus d'un : Garde civile ! Tous ces efforts et ces longues années d'entraînements pour pouvoir aller dans la Garde royale, et finir par rejoindre la Garde civile ! Lorsque les professeurs lui demandaient de reconsidérer son choix, il n'en démordait pas et leur disait même : "Si la Garde royale choisie des personnes comme Cyha, alors moi je préfère aller dans un endroit où je pourrais faire ce que je souhaite le plus : protéger le peuple !"

IV - La valeur d'un Lieutenant indépendant

Après avoir rejoint la Garde civile, Joël et Damian furent séparés, du fait que chacun devait rejoindre une garnison différente à travers le royaume. Damian, un élève assez impulsif mais loyal, fut envoyé dans le nord de la capitale, tandis que Joël a fini par rejoindre la caserne dans le Grand port du royaume. Rien d'extravaguant ne se passait pendant les premiers mois, il y avait des escortes et différentes tâches comme garder les docks du port, mais rien d'insurmontable. Le nouveau garde ne s'en plaignait pas, il s'adaptait petit à petit à ce nouvel environnement. Il avait grandi dans un village où les habitants étaient forcés de vivre en haut d'un arbre ancien à cause du danger environnant, puis il a été formé entre les murs de la cité la plus radieuse du royaume. C'était la première fois qu'il voyageait dans les plaines, et quelle fut son choc lorsqu'il a pu enfin voir la mer. Voir cette étendue infinie d'eau, un horizon si dégagé que la vue donnait l'impression d'être au bout du monde, cela faisait battre le cœur du jeune Hamel. Il découvrait les joies des fruits de mers et du mode de vie des pêcheurs et autres commerçants se servant des bateaux. C'était également nouveau pour lui de monter sur un bateau de patrouille pour surveiller le littoral. Pourtant, les moments de tranquillité finissent par vite disparaître dans la vie d'un garde, et rapidement Joël a dû montrer de quoi il était capable avec le bout de sa lance.

Que ce soit contre les terribles monstres marins qui s'attaquaient aux commerces ou les horribles criminels qui faisaient passer des marchandises dangereuses et illégales, Joël a rapidement su prouver sa valeur et amasser des faits d'armes. A 17 ans il mettait fin à un réseau d'esclavagistes qui prospérait dans l'archipel. A 18 ans il sauva son Lieutenant et des dizaines d'hommes pris au piège dans une invasion surprise de serpents des mers. A ses 19 ans, il fut exceptionnellement gradé au rang de Lieutenant, le poste qui n'est réservé qu'aux gardes les plus émérites qui ont plus de 20 ans lui a été attribué en avance en raison de ses performances et de son potentiel. Il a réussi à se démarquer par son efficacité à diriger ses propres hommes mais également par son investissement dans la grande chasse dans les plaines de 997. La menace insistante des bêtes ayant une vue sur les cultures des champs du royaume fut repoussée par le Joël et ses gardes. Le jeune Lieutenant enchaîné les exploits et ce n'est que 3 ans après avoir quitté l'académie qu'il a pu avoir l'occasion de retourner à la capitale.

Son nom faisant écho dans tout le sud du royaume, il était évident que plusieurs personnes souhaitaient prendre contact avec le Lieutenant de la Garde civile. Il était toujours profitable de créer des liens avec une étoile montante dans les échelons de la société, et Joël Hamel était l'une de ces étoiles. Il découvrit donc les subtilités des bals et autres banquets de la haute société, faisant la rencontre de nombreux nobles à la tête d'un commerce particulier. Il a même rencontré un ministre lié aux affaires de la Garde qui espérait voir jusqu'où le dévouement du Lieutenant le mènera. Il fallait avouer que même si l'ambiance était charmante, Joël n'était pas encore tout à fait habitué à ce genre d’événement, donc en-dehors d'être poli et aimable, il évitait de trop s'avancer sur l'idée même de s'associer avec tel ou tel noble. Ce qu'il préférait c'était retrouver certaines connaissances de l'académie dans un bar de la capitale et essayer de rattraper le temps perdu avec chacun. Notamment avec Damian qui avait été muté dans la caserne de la capitale. Même si ces exploits n'étaient pas aussi marquants que ceux de Joël, Damian avait réussi à se faire un nom parmi la garde du nord. Les deux amis partageaient ce qu'ils avaient découverts ces 3 dernières années, les rencontres qu'ils avaient faites etc…

Pourtant, un nom revenait souvent dans leur conversation : Cyha. Même si Joël n'avait jamais fait attention à elle après être parti pour le sud, Damian a su rester informé sur les mérites de la fille fière et arrogante qui était devenue une Garde royale. Même si ça ne plaisait pas à Joël, Damian racontait les quelques histoires autour de Cyha, décrivant son arrivée dans la Garde royale, comme elle a réussie à se hisser dans le sommet du panier etc. Le blondinet semblait avoir de l'admiration pour la noble, ce qui surprenait pas mal Joël qui se demandait si Damian avait oublié ce qu'elle lui a fait à l'académie. Bien qu'en réalité, Joël se disait qu'au final c'est peut-être lui qui était trop borné à ce sujet. Peut-être qu'il valait mieux laisser les accidents de côté et mettre sa rancune ailleurs. Cette question trotta plusieurs jours dans sa tête, jusqu'à ce qu'il prenne la décision d'aller vérifier à la source de ses ennuis. Il se renseigna auprès de ses nouvelles connaissances et il a pu se rendre à un certain banquet situé dans un quartier prestigieux de la capitale. Le manoir où se réunissaient les invités donnait vraiment l'impression d'être dans un palais, même si le vrai palais d'Aryon était bien plus grand et impressionnant, celui-ci arrivait quand même à se démarquer aux yeux du jeune Lieutenant. Il a pu faire la rencontre de nouvelles personnes assez importantes dans les affaires du royaume, mais celle qu'il espérait voir n'était pas encore apparue. Le temps passait et Joël attendait, patiemment, jusqu'à ce que finalement elle fasse son apparition. Lorsque son regard croisait les yeux de Cyha, il n'a pu s'empêcher de retenir sa respiration et d'être surpris.

La fille arrogante qu'il avait rencontré, puis détesté pendant quelques années, n'existait plus. Elle s'était transformée en véritable femme, belle et radieuse, faisant battre le cœur de n'importe qui croiserait son chemin, et Joël ne faisait pas exception. Sur son visage délicatement maquillé on pouvait y voir une expression chaleureuse se dessiner, mais lorsqu'elle remarquait la présence de Joël et qu'elle finissait par le reconnaître, même elle ne pouvait s'empêcher d'être surprise. Joël aurait espérait vouloir s'échapper à ce moment-là, rebrousser chemin et se dire qu'au final ce n'était pas si important de reparler à Cyha, mais il n'aurait pas imaginé que ce serait elle qui viendrait à lui. Après des salutations assez sobres, le Lieutenant souriait et proposait à la belle Garde royale : "Accepterais-tu de dîner avec moi ?"

V - Une légende est née

"LEVEZ LES BOUCLIERS !!!" la puissante voix du Lieutenant résonnait dans un décor assez chaotique, une partie de la Grande forêt ayant commencée à prendre feu tandis que des arbres déchirés en morceaux témoignaient d'un combat intense. Une trentaine d'hommes en armure réagissaient à l'ordre de leur supérieur, cessant de bouger et dressant leur lourd bouclier au-dessus de leur tête pour se protéger de ce qui allait leur tomber dessus. Joël, serrant les dents, utiliser son manteau sombre pour ramasser plusieurs boucliers et les dresser au-dessus de sa tête mais aussi de celles de plusieurs soldats à terre près de lui. Une grande ombre s'approchait à grande vitesse dans le ciel, fondant sur le groupe de gardes en position de défense, alors qu'un hurlement faisant trembler la terre retentissait. Lorsque la créature passait au-dessus de la Garde civile, des flammes écarlates s'abattaient sur le groupe d'hommes, une pression digne d'une montagne de feu leur tombant dessus se faisant ressentir alors qu'ils brandissaient leur bouclier. Les membres de la Garde avaient du mal à tenir le choc, la chaleur des flammes ayant atteint un niveau qu'ils n'avaient jamais connu jusqu'à présent. Ils avaient tous l'impression que leur corps allait fondre à l'intérieur de leur armure, qu'ils allaient finir en cendres et qu'il ne resterait rien pour les vers.

Lorsque les flammes cessèrent de tomber sur eux, la grande ombre dans le ciel atterrissait subitement devant eux, dans un fracas donnant l'impression que la foudre venait de tomber en face d'eux, alors que la créature déployait ses ailes écaillées et poussait un long rugissement. Un Dragon. La Garde civile était réellement en train d'affronter un Dragon des contes et légendes. Une bête si grande qu'il faudrait probablement 10 hommes de taille moyenne, les uns sur les autres, pour espérer lui faire face. Une peau si rugueuse et solide qu'on la confondrait avec une armure de plaques, ses écailles étant capable de repousser les armes en acier. Des ailes si grandes qu'une fois déployées elles étaient capable de masquer le soleil pour quiconque se trouvait en-dessous de cette créature légendaire. Et un œil de vipère si rouge qu'on a l'impression que le sang des victimes, qu'il a regardé droit dans les yeux avant qu'elles ne meurent, était rassemblé en une seule et unique pupille. Oui, une seule, car à la place de l'autre œil de la bête se trouvait un carreau profondément figé. Si on prenait un peu de recul, on pouvait également remarqué plusieurs traces sur les écailles du Dragon, prouvant du passage des armes de la Garde sur son corps. Même s'il n'était pas blessé à tous ces endroits, le simple fait que ses marques existent prouvent que les gardes n'avaient pas abandonné, même face à un Dragon, et ce grâce à une seule et unique personne.

La bête enragée hurlait, son sang unique continuant de couler le long de son œil blessé alors déployait ses griffes. Les vibrations qu'il dégageait à travers sa voix tonitruante disperser les flammes écarlates autour de lui, faisant même trembler les genoux de certains gardes. Mais au lieu de reculer, ils décidèrent tous de prendre en main leurs armes et laissaient passer un homme. Sa longue lance légèrement ébranchée sur son extrémité dépassait de son manteau sombre qui recouvrait en grande partie son corps alors qu'il s'élançait en direction du Dragon. Joël menait la charge, le regard acéré et les dents serrés, guidant ses hommes vers un combat qu'ils ne savent même pas s'ils peuvent en sortir vivant ou non. Mais ils devaient agir, car si une créature aussi sanguinaire était relâchée dans le royaume, alors ce sera le début d'un massacre sans précédent. Comment ces hommes et ces femmes, qui avaient jurés de protéger leur royaume et son peuple, pouvaient laisser un monstre avide de sang en liberté ? Alors ils poussaient tous un cri de guerre, faisant écho avec celui de leur Lieutenant en qui ils remettaient leur vie entre ses mains, le suivant comme son ombre alors qu'un combat sans précédent s'opérait.

"POUR ARYOOOON !!!" la voix de Joël résonnait au milieu d'un océan de flammes, bondissant en direction du Dragon qui, en voyant ces humains se défendre, décidait de rejoindre la mêlée. Certains utilisaient leur magie pour se frayer un passage parmi les attaques mortelles du Dragon, d'autres attaquaient à distance afin de créer des opportunités à leur Lieutenant et aux gardes au corps-à-corps, pendant que d'autres encore s'occuper de se replier davantage pour stabiliser les blessures des mourants. Plusieurs fois le monstre souhaitait cracher ses flammes écarlates, mais Joël l'en empêchait en se plaçant proche de sa tête et en se servant de son manteau sombre pour couvrir l'œil unique de la bête, la forçant à cracher ses flammes ailleurs alors qu'il rugissait violemment, essayant de saisir l'insecte qui avait osé poser ses pieds sur lui. Mais la seule chose qu'arrivait à déchirer le Dragon c'était uniquement le tissu obscur de Joël, le Lieutenant se repliant immédiatement une fois avoir réussi à détourner le feu infernal, avant de replonger dans la mêlée en donnant des coups de lance précis. L'assaut dura plusieurs minutes, se transformant en dizaines de minutes, puis en une heure…

Les gardes, même avec leur grande détermination, ne pouvaient supporter un combat aussi intense qui s'éternisait. Pendant que eux risquaient leur vie à chaque mouvement de la part du Dragon, la créature elle était capable de résister à la moindre de leurs attaques. Certains tombaient de fatigues, pendant que d'autres redoublaient d'efforts et continuaient d'occuper le Dragon pendant que derrière eux, un groupe de gardes préparaient une attaque puissante qui combinait leur magie. Le Dragon, en pleine ivresse de rage et de colère, résistait aux assauts alors qu'il se déchaînait sur ces humains. Il voulait également en terminer et déployait ses grandes ailes, voulant sûrement s'envoler et utiliser son souffle de feu pour en finir. Mais sorti de nulle part, s'échappant des flammes masquant la vision sur le champ de bataille, Joël bondissait en direction d'une des ailes du Dragon avec ses bras et sa lance recouverte de son manteau sombre. Si certains s'arrêtaient pour observer la situation, ils remarqueraient l'état fatigué et blessé du Lieutenant, ayant été en permanence au front contre la créature légendaire. Du sang coulait depuis une arcade méchamment entaillée sur son visage, ses vêtements à peine reconnaissable tellement ils étaient déchirés et carbonisés. Mais il n'était pas prêt d'abandonner, il devait absolument empêcher le Dragon s'envoler alors que l'attaque combinée était presque prête.

Alors il chargea et transperça l'une des ailes de la créature. Si ses écailles étaient capable de repousser n'importe quelle attaque, il suffisait d'attaquer la pellicule intérieure de l'aile ! Même si elle était naturellement résistante, face à la lance recouverte de la magie de Joël elle ne résista pas, se faisant transpercer sans aucune résistance. Le Lieutenant se doutait que cela ne suffirait pas à empêcher la bête de s'envoler, alors il transforma son manteau sombre au niveau de sa lance pour qu'il prenne la forme de nombreuses lames qui déchiraient de l'intérieur l'aile de la bête. Même le Dragon, face à cette douleur, hurla de peine alors que l'une de ses ailes était devenu inutilisable. "Maintenant !!" ordonna le Lieutenant de la Garde, abandonnant sa lance dans l'aile du Dragon et reculant de plusieurs dizaines de mètres. Lorsque le Dragon tourna la tête en direction de là où regardait Joël il remarquait une sorte de grande sphère faisant à peu près 5m de diamètre foncer droit sur lui. Il était trop tard pour l'éviter, et même le Dragon voyait dans cette attaque une véritable menace pour sa vie, alors il cracha ses plus puissantes flammes tout en mettant ses bras en avant pour bloquer la magie combinée. Une explosion assourdissante retentissait, une onde de choc faisant voler plusieurs arbres déjà cassés et même des armes et armures brisées traînant au sol. Même certains membres de la Garde ne pouvaient résister à la force produite et étaient repoussés vers l'arrière.

Joël s'accrochait à l'étendard du royaume d'Aryon, planté par terre, alors qu'il fixait le centre de l'explosion pour savoir quel était l'état du Dragon. Un silence inquiétant s'installait après l'explosion, les flammes du Dragon s'étant en majorité éteintes à causse du souffle de l'onde de choc. Pourtant, dans l'épicentre même de l'explosion, une immense figure se redressait et crachait du sang noir par terre, sortant de la fumée noire et fixant avec une haine et une colère inimaginable. Il passait l'une de ses pattes sur son torse, remarquant qu'une énorme plaie ouverte avait pris la place de son armure naturelle. Beaucoup de sang s'échappait et les forces de la créature était grandement réduite, mais comment une créature aussi fière que lui pouvait-il battre en retraite ? Son sang ancestrale ne l'accepterait jamais ! Alors il chargea, ne pensant pas à ses plaies et à sa force réduite. Il était plus lent qu'avant mais les gardes eux n'avaient plus la force de fuir ! Et qui serait prêt à abandonner ses camarades blessés entre les griffes d'une bête enragée ? Pas Joël Hamel en tout cas. Le Lieutenant, forçant sur ses appuis, retirait d'un coup sec l'étendard sur lequel il se reposait, avant de courir lui aussi vers la bête. S'il y avait bien une personne que le Dragon avait envie de démembrer en 5 morceaux c'était bien le Lieutenant de la Garde. Celui qui lui a tiré un carreau d'arbalète dans l'œil, celui qui a mené les humains dans un long combat, celui qui a déchiré une de ses ailes et qui a préparé une puissante attaque combinée en arrière-plan du combat. Pour le Dragon, cet humain méritait sincèrement de mourir misérablement. La bête envoyait sa griffe dans la direction de Joël pour l'écraser comme un insecte.

En voyant l'attaque qui venait sur lui, Joël grimaçait assez amèrement, doutant que ses jambes aient assez de force pour esquiver assez vite l'attaque. Bloquer n'était pas une option non plus. Il décida donc de se servir du petit morceau de manteau sombre qui était restait collé dans son dos pour se pousser lui-même, le manteau prenant l'apparence de plusieurs mains qui poussaient vers l'avant le Lieutenant. Cette soudaine accélération dépassait la vitesse de réaction du Dragon, et dans un élan puissant Joël poussait un cri de guerre tout en enfonçant profondément la pointe métallique de l'étendard directement à travers la plaie ouverte dans le torse du Dragon. La pointe transperça sans aucune difficulté le cœur du monstre, qui poussait alors un terrible gémissement de peine alors qu'il vomissait du sang sur le garde. Joël sentait ses paumes se déchirait alors qu'il serrait fermement le manche de l'étendard entre ses doigts, serrant les dents alors qu'il continuait d'enfoncer la pointe métallique. Après quelques secondes à trembler et à hurler, le Dragon perdait toutes ses forces, son regard devenant de plus en plus embrumé alors qu'il fixait les humains. Cette race pourtant si faible, pourtant si soudée.

L'œil du Dragon perdait de sa vitalité, et c'est de cette façon que le jeune Dragon qui désirait créer son propre territoire près des habitants d'Aryon perdit son dernier souffle. En voyant ça, les gardes encore debout hurlaient de joie alors que leur cri de victoire résonnait dans toute la forêt. Certains pleuraient tandis que d'autres couraient pour aller voir leur Lieutenant et s'il allait bien. Puisque même après qu'il ait transpercé le cœur du Dragon, il restait immobile avec l'étendard entre ses mains ensanglantés. C'est uniquement après s'être suffisamment rapprochés que les gardes ont pu voir que Joël avait perdu connaissance, alors même qu'il était restait debout bien après que le Dragon ait rendu son dernier soupire…

Épilogue

Bonjour Mère,

Pardonne ton fils pour ne pas avoir pu donner de nouvelles plus tôt. J'espère que le village et toi vous portaient bien. Je ne sais pas si les nouvelles sont déjà arrivées jusqu'à tes oreilles, mais le peuple d'Aryon a commencé à m'appeler le Tueur de Dragon. Aujourd'hui encore je ne sais pas comment je dois me sentir, des sentiments compliqués tournent autour de moi en ce moment même… Je ressens de la fierté  comme j'éprouve de la peine, de la reconnaissance comme de la colère, de la joie comme de la tristesse. Mère, déjà plusieurs années ont passées depuis que je suis devenu un garde, et j'ai traversé bon nombre d'épreuves. J'ai vu le respect dans les yeux du peuple tout comme j'ai vu la haine et la peur des criminels. J'ai fais couler le sang de ceux qui menaçaient la paix de tous, et j'ai porté dans mes bras des hommes et des femmes qui m'ont suivis jusqu'au bout.

La sécurité et le maintiens de la paix sont les raisons de mon engagement dans la garde. Je me souviens encore des mes rêves d'enfants, désireux de sauver le monde autour de moi, d'être une figure sur laquelle on pouvait se reposer. Je le désire encore, mais une partie au fond de moi me fait comprendre qu'aujourd'hui, plus que jamais, je ne peux pas détourner le regard de mes responsabilités. Dans notre combat contre le Dragon, des hommes et des femmes sont morts en protégeant le royaume, en suivant mes ordres. En me suivant dans mon combat. Lorsque nous étions face à cette créature, nous étions des dizaines, nous étions vaillants et déterminés à protéger notre serment. Mais lorsque je me suis réveillé après avoir transpercé son cœur, nous n'étions plus que l'ombre de ce qui faisait notre unité. J'ai perdu mes subordonnés, mes camarades, mes amis… Pourtant je suis encore debout, soigné de mes plaies et de retour sur le front.

Je n'éprouve pas des regrets quant à mes choix. Je ne pense pas que faire face à un Dragon était une erreur, parce qu'au moment où je commencerai à ressentir des regrets alors cela signifiera que le sacrifice de ces hommes et de ces femmes aura été en vain. Ils ne sont plus là pour protéger Aryon, mais moi je suis toujours présent. Ne serait-ce qu'en l'honneur de leur mémoire je ressens le devoir de continuer. Je ne t'envoie pas cette lettre pour te faire part de mes regrets, mais pour te témoigner de cette nouvelle résolution qui brûle en moi. Le royaume d'Aryon recèle bien des dangers, et qui sait ce qui se trouve au-delà de la Frontière. Mais la Garde existe, tout comme j'existe dans la Garde. Peu importe les dangers, peu importe les obstacles, peu importe le nombre de fois je tiendrais la main de quelqu'un dans ses derniers instants, je resterai debout. Je défendrais ce royaume que j'aime, tout comme je protégerais ce peuple que j'aime.

Ton fils qui t'aime - Joël