SÖREN RAINSWORTH

Euridice se promenait joyeusement naviguant à travers le paysage presque onirique de la cité perché. Elle était née ici, elle connaissait bien tout les petites spécificités de cette cité érigée dans la cime des arbres. Depuis son enfance elle adorait marcher de construction en construction dans ce monde atypique, elle aimait côtoyer les nuages du bout des doigts, sourire au soleil et se perdre dans un vertige enivrant . C'était une femme joyeuse surtout depuis que son frère l'avait prise comme apprentie dans sa boutique. Les fleurs c'était sa grande passion, le printemps sa saison préférée même si elle avait un terrible rhume des foins qui l'empêchait de pouvoir profiter pleinement de la pleine saison de fleuraison des arbres. Aujourd'hui elle était contente, sortant tout juste de l'échoppe fleurie de son frère, elle se dirigeait vers la boulangerie avec un petit sac de cristaux confié par Sören. Sa mission, acheter des sandwichs à la boulangerie pour pouvoir manger rapidement dans l'arrière boutique avec celui que beaucoup surnomme Cupidon.

Bien sûr dans son allégresse et son euphorie elle en avait trop fait et acheté bien plus qu'un repas rapide pour deux personnes. Mais sa main légère et généreuse racla bien vite le fond de la petite besace, laissant son index et son majeur intercepter un petit papier. Intriguée, quittant la boulangerie avec un sac bien rempli, la jeune femme jeta un regard curieux au papier. C'était en réalité un petit portrait, d'un format de poche tout à fait mignon, d'une jeune femme blonde, plutôt jolie et souriante. Cette fille l'apprentie fleuriste la connaissait c'était Primrose Wheatlight, elle fut l'élève de son grand frère qui la forma à l'arc notamment et à devenir une bonne garde. Les rumeurs lui prêtait une liaison amoureuse avec, ce n'est pas étonnant ils ont vécu six ans ensemble isolé de tous, et puis la cadette le sait bien, sont frère est fou amoureuxde celle qui fut son apprentie. Pourtant cela faisait plusieurs années que la jeune Rainsworth n'avait pas croisé la demoiselle. Euridice fixait avec intérêt l'image de la blonde, les joues un peu rougies par la honte de transgresser l'intimité son frère. D'ailleurs elles se connaissaient plutôt bien vu qu'ayant le même âge elle ont effectué une grande partie de leur scolarité ensemble. Ça a donc toujours était un peu troublant pour La cadette de l'imaginer avec son frère.

Elle rougissait encore plus, consciente de s'enfoncer toujours plus dans ce qui ne la regardait pas, surtout que le fleuriste n'avait vraiment pas besoin qu'elle fasse des étincelles, elle le sentait toujours aussi faible et vacillant que le jour où il est revenu plus blessé que jamais au village, abandonnant Ananta, la garde et Prim, ainsi que sa famille pour déprimer seul, s'abandonnant au culte de Lucy. La jeune Rainsworth a toujours eu beaucoup d'empathie pour son frère, peut-être était ce parce qu'elle a été très tôt séparé de lui. Elle adorait son grand frère mais lorsque la demoiselle eu quatre petites années, elle l'a vu quitter le domicile familiale pour ne le revoir que six ans plus tard. Depuis lors elle ne voulait plus le lâcher. Elle avait peur qu'il disparaisse à chaque fois qu'elle le quittait du regard. Et si dans ses anciens yeux de gamine sa formation de garde rendait Sören héroïque et vaillant, avec ses yeux de jeune fille en devenir, Euridice ne voyait plus qu' inquiétude. Alors oui, elle était contente que son frère se soit reconverti pour devenir le fleuriste le plus influent du village perché.

Pourtant la jeune fleuriste restait un peu triste en regardant ce portrait de Prim, elle avait l'impression que les sourires du Cupidon étaient faux... La jeune femme avait l'impression qu'il subissait sa vie. Le culte de Lucy, la boutique... Ce n'était pas des remèdes mais simplement des caches misères sur une blessure béante. Le problème  c'est que Sören refusait de se confier, il refusait d'avancer, pourtant Euridice rêvait de pouvoir le soutenir et l'aider. Mais vous savez il est bien trop têtu. La jeune fleuriste souffla pour évacuer toutes les pensées qui envahissait son esprit. Elle devait y retourner et sourire. Mais, alors que ses doigts allaient replacer le petit portrait dans la besace son œil nota une étrange chose sur l'arrière de la toile. Pas une date ou une signature... En faite l'arrière était noirci de mot, une calligraphie hésitante mais sincère, un message qu'elle n'aurait jamais dû lire. Le coeur de son frère livré par écrit.

-Prim, je n'ai jamais su comment te parler de ce jour, sans éteindre le sourire sur tes lèvres, et même aujourd'hui alors que je pose mes mots sur papier je ne sais pas si te faire parvenir ce message est une bonne idée. Pour moi, te voir abandonner tes rêves et pire que de faire couler tes larmes, alors j'espère que tu me pardonneras un jour mon silence et mon choix.

Deux ans sont passé et si je t'écris ces quelques lignes c'est aussi pour apaiser mon coeur, que tu comprennes pourquoi, maintenant, le silence et la nuit me terrorise. J'étais trop idiot, trop têtu, trop imbu de moi-même quand ses yeux jaune glaçant ont percé la nuit. Ananta, me rappelle mes échecs, elle me rappelle la mort et quel point je elle est inévitable, à quel point je suis idiot. Je ne pouvais pas te dire ce que j'avais sur le coeur. J'ai ma fierté, et puis je ne veux ni pitié, ni excuse. J'ai peut-être n'était malchanceux, mais cela ne mérite en rien que je fasse obstacle à ton objectif. Tu feras une très bonne capitaine, mais je t'en prie ne t'éloigne pas trop loin de la civilisation.

Tu me manques.

C'était concis. Mais que voulez vous, même a l'écrit le fleuriste a bien du mal à mettre des mots sur son mal être, et il se refuse à se souvenir de ce moment qu'il ne voit plus qu'en cauchemars. Euridice failli bien lâcher ses courses, des larmes pleins les yeux devant ce message si sincère et terriblement triste de son frère. Habitée d'une atroce dichotomie elle voulait en savoir plus sur ce qui avait brisé Sören, sans pour autant le faire replonger dans la dépression de ses premières semaines. Finalement, elle fut ébranlé par trop de révélations aujourd'hui, et séchant ses larmes elle décida de garder ce secret sous silence pour le moment s'armant d'un grand sourire lorsqu'elle entra de nouveau dans le magasin.

L'homme à la crinière d'argent semblait l'attendre de pied ferme, se ruant sur elle aussi vite que son infirmité le lui permit, mais pas pour récupérer les sandwichs vous vous en doutez, mais sa besace qui contenait quelque chose de plus précieux encore que les cristaux. Son regard paniqué rendit coupable la fleuriste en herbe qui lui rendit rapidement la besace en emportant le dîner vers l'arrière boutique déclarant avec une candeur propre à sa personne :

-Cherche pas y a plus un seul cristal grand frère. Tu viens Emora, c'est l'heure de manger.

Emportant sa collègue fleuriste avec elle la cadette s'avança vers la pièce annexe, laissant le Cupidon seul, se retrouver un instant avec le portrait de sa bien aimée :

-J'arrive tout de suite ! Je ferme le magasin à clef !

Dit-il en replongeant dans sa besace à cristal la petite toile de Prim qu'il chérissait tant.