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    Un monde plein de mystères,
    plein de magie et surtout plein d'aventures...

    Il est peuplé de créatures fantastiques. Certaines d'une beauté incomparable, d'autres aussi hideuses qu'inimaginables, beaucoup sont extrêmement dangereuses alors que quelques unes sont tout simplement adorables. La magie est omniprésente sur ces terres : des animaux pouvant contrôler la météo, des fleurs qui se téléportent, des humains contrôlant les éléments, des objets magiques permettant de flotter dans les airs...

    Dans ce monde, il y a le royaume d'Aryon. Situé à l’extrémité sud du continent, c'est un royaume prospère, coupé du monde. Il est peuplé d'hommes et de femmes possédant tous un gros potentiel magique, chacun vivant leurs propres aventures pour le meilleur comme pour le pire.

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    Êtres de lumière
    Le royaume d'Aryon  » Zone HRP » Les archives » Les vieilles histoires
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    Êtres de lumière
    Ven 17 Mai 2019 - 20:04 #
    Prose & poésie
    zéphyr & caesar

    Zéphyr tournait doucement les pages du précieux ouvrage. Ses yeux restaient fixés sur les mots - lignes de gribouillis qu'il était trop fatigué pour se forcer à déchiffrer. Il n'en avait pas besoin : les images, croquis et autres schémas lui suffisaient amplement à deviner les annotations. Il s'agissait d'un herbier, qu'il consultait avec une mélancolie certaine. Parfois, il s'arrêtait plus longtemps sur une page, caressait les dessins d'herbes avec envie, pour s'en détourner à regret avec un soupir à peine retenu. Enfin, il décida d'arrêter de se faire du mal et rangea le livre là où il l'avait trouvé, avant de se tourner vers le reste de la librairie d'un air résolu.

    Si l'herbier avait déjà été difficile pour lui, que ferait-il face aux vrais bouquins ? Aux recueils de poésie qu'il était venu trouver ? A ces innombrables pages recouvertes de si petites lettres ? Il plissa les paupières, concentrant le regard sur les titres ornant les tranches des livres. Il ne recherchait rien de spécifique - auquel cas, il se serait contenté de consulter la bibliothèque royale - mais était parti en exploration, comme au temps de ses études... Mais les temps n'étaient plus pareils, et sa situation non plus. Ses yeux se fatiguaient bien trop vite, et il devait sans cesse se concentrer pour obtenir un point de netteté dans le flou artistique qu'était son monde.

    Au moins la librairie était-elle accueillante. Peu de monde pour le distraire, une atmosphère apaisante, des lumières douces qui n'agressaient pas ses yeux... Il avait décidément bien choisi. Mais progresser en terrain inconnu n'était jamais chose aisée pour lui, et ce même s'il se sentait assez confiant entouré de bouquins - ainsi, il décida de ne pas perdre de temps et de demander à ce qu'on le guide. N'importe qui ferait l'affaire : client, habitué des lieux, employé... Il avait juste besoin d'une paire de bons yeux.

    — Excusez-moi... aborda-t-il humblement un jeune homme qui se trouvait justement là. Depuis dix secondes ? Dix minutes ? Une heure ? Était-il déjà présent quand Zéphyr était entré ? Il ne savait pas : il ne l'avait pas vu, sans doute à cause de ses habits noirs qu'il distinguait mal contre les étagères. Un contraste parfait avec la nette blancheur de ceux du noble. Savez-vous où sont rangés les recueils de p... Il marqua l'arrêt en laissant son regard monter doucement vers le visage de son interlocuteur, qui le prit par surprise plus qu'il ne l'aurait cru. Une beauté indéniable se dégageait de ses traits parfaitement symétriques - un fait qui n'aurait pas tant perturbé Zéphyr s'il avait pu s'y attendre. ... de poésie ? reprit-il d'une voix monotone, tentant par là de sauver les apparences.

    code by little wolf.
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    Re: Êtres de lumière
    Ven 17 Mai 2019 - 22:32 #

    « D’une éternelle blancheur,
    Lucy s’éveille à mes côtés,
    Voici venu l’heure,
    Où la vie met ôtée.
    »

     Caesar rangea son carnet dans la poche droite de son costume, un air contrarié sur son visage. A son grand dam, il n’avait aucun talent d’écriture, ou du moins, il ne s’en reconnaissait aucun ; toujours sceptique sur ses propres écrits, toujours insatisfait. A la recherche de la perfection, il avait noirci quantité de pages secrètement, espérant un jour qu’il trouverait un public appréciant ses vers. Cependant, il n’avait jamais eu le courage de les présenter à quelqu’un, de crainte qu’il soit conspué pour son manque cruel de plume. C’était, malheureusement pour lui, son seul moyen d’expression afin de pousser un cri de complainte face à l’injustice qui faisait de lui un chaste contraint. Il n’osait de toute façon pas délivrer son intimité au monde ; ce, même sous un pseudonyme.

     Un tantinet abattu par ses propres songes, il décida de faire une promenade dans les rayons qui avaient façonnés sa vie de A à Z. Laissant ses mains courir sur les étagères, y décollant parfois une fine pellicule de poussière suivant les sections – certaines, telle que celle dédiée aux mathématiques, n’étaient pas souvent utilisées. Il arriva devant l’allée réservée aux traités de botaniques et fut surpris par la présence d’un homme feuilletant un ouvrage avec douceur. L’épiant sans même le vouloir, il détailla la personne avec avidité ; des habits amples d’un blanc pur, des ailes frétillant péniblement dans son dos, un visage délicat ; terriblement beau. Ce qui fascinait le plus Caesar, c’était son regard : un air attristé, presque touché, alors qu’il lisait le livre. Intrigué, il décida de rester proche afin de l’observer plus longtemps, pour cela, le prêtre se glissa dans un rayon proche, de manière à garder un œil sur l’énergumène. Celui-ci cherchait visiblement quelque chose, plissant les yeux pour lire les couvertures.

     Quelques pensées honteuses plus tard, Caesar décida qu’il était temps pour lui de quitter la librairie familiale, il avait remplis tous les objectifs du jour – même trouver un nouveau thème : la beauté volatile ; « Beau jeu de mots », se dit-il, « ça devrait pouvoir se décliner sous plusieurs angles… » Il devait encore préparer ses affaires pour son départ, en plus de devoir écrire une lettre au gouverneur de la région du Village Perché afin d’obtenir un rendez-vous. Alors qu’il allait s’élancer dans la travée principale pour rejoindre la sortie, l’homme aux habits blancs s’approcha de lui avec la ferme attention de lui adresser la parole. Un faible moment d’égarement fit apparaître un scénario où le noble aux ailes d’oiseau était un télépathe exigeant réparation pour son impureté, mais ce n’était visiblement pas le cas.

     « Excusez-moi... Savez-vous où sont rangés les recueils de p... de poésie ?» Caesar Hohenzollern dévisagea un temps l’individu, n’en croyant pas ses oreilles. Il cherchait des recueils de poésie ? Son carnet se faisait de plus en plus lourd dans sa poche, comme s’il était doué d’une conscience propre et réclamait les yeux d’un public pour être libéré. Se raclant la gorge, il répondit : « Oui, bien sûr, je peux vous y amener, si vous le souhaitez, Monsieur. » Puis, l’enjoignant à le suivre, il se dirigea vers son havre littéraire, les bras croisés dans le dos, jetant quelques regards en arrière, chassant régulièrement de ses pensées les images s’y formant. « Vous avez de la chance, je m’apprêtais à partir pour régler quelques affaires personnelles mais je ne résiste pas à une discussion centrée sur la poésie ! Il s’agît-là de mon genre littéraire préféré, voyez-vous. Je connais tous ces ouvrages par cœur, j’ai grandis avec eux, si vous voulez. Que recherchez-vous ? Un auteur en particulier ? Un thème ?» Quelques rayons plus loin, il présenta les multiples étagères où étaient rangés adroitement tous les recueils de poésies détenus par sa famille. Un sourire sur le visage, il regardait les couvertures qui s’étalaient devant lui, puis jeta un coup d’œil à l’homme-oiseau, guettant une réaction.

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    Re: Êtres de lumière
    Sam 18 Mai 2019 - 0:27 #
    Prose & poésie
    zéphyr & caesar

    L'homme en noir marqua un temps avant de lui répondre, plongeant Zéphyr dans une incertitude assez nerveuse. S'était-il montré impoli ? Avait-il omis un détail, avait-il raté un élément visuel qui aurait dissuadé une personne parfaitement voyante de s'approcher ? Il tenta de faire discrètement courir son regard du visage parfait de son interlocuteur à ses mains, essayant de discerner s'il était trop occupé pour l'aider. Heureusement, il le détrompa bien vite, et lui offrit gracieusement son aide. Une offre à laquelle Zéphyr acquiesça - il fut d'ailleurs un peu surpris qu'on lui ait répondu avec tant de professionnalisme. Avait-il bénéficié d'un coup de chance lui permettant de tomber directement sur un employé ? Loin de lui l'idée de juger aux apparences - ce serait fort cocasse, surtout dans son état - mais il ne pouvait s'empêcher de penser que cette homme-là avait tout sauf l'air d'un simple libraire.

    Toujours est-il que Zéphyr lui emboîta le pas, suivant docilement l'ombre noire auréolée d'or qu'il était capable de voir. Il s'amusait secrètement de sa propre condition : les cheveux clairs du bon samaritain contrastaient tant avec sa tenue et la pénombre de la librairie qu'à ses yeux malades, ils avaient presque l'air de scintiller. Il esquissa un faible sourire à ces pensées, s'enchantant du fait qu'il était encore capable de rire de lui-même. L'homme le conduisit ainsi plusieurs rangées plus loin - et le noble se félicita d'avoir fait fi de son orgueil pour lui demander de l'aide car, sans lui, il aurait mis bien longtemps à trouver la section poésie.

    — Vous avez de la chance, je m’apprêtais à partir pour régler quelques affaires personnelles mais je ne résiste pas à une discussion centrée sur la poésie ! Zéphyr haussa un sourcil, perplexe. Il n'en avait pas tant demandé ! Et pourtant, il était presque soulagé de savoir qu'il n'était pas le seul à apprécier les arts littéraires. Préjugés obligent, il avait tendance à croire que tout ce qui n'était pas noble ne pouvait s'y intéresser. Il s’agît-là de mon genre littéraire préféré, voyez-vous. Je connais tous ces ouvrages par cœur, j’ai grandis avec eux, si vous voulez. Que recherchez-vous ? Un auteur en particulier ? Un thème ? L'intéressé esquissa un léger sourire et se tourna vers les nombreux recueils. Il les connaissait, lui aussi. Il n'irait pas jusqu'à se targuer de tous les connaître sur le bout des doigts, mais il se souvenait avec affection de son enfance passée dans les livres de ses précepteurs.

    — Je recherche plutôt quelque chose de nouveau... de différent, fit-il pensivement en laissant son regard se concentrer sur les noms des auteurs qu'il connaissait. Je suis également adepte des vers, mais je dois confesser avoir négligé la poésie ces derniers temps, admit-il avec un léger rire. Depuis qu'il avait commencé à travailler au palais, il n'avait pas eu assez de temps libre pour s'adonner pleinement à ses passions. Par chance, Aryon était un royaume prospère et cultivé, et Zéphyr espérait que de nouveaux auteurs aient brillé depuis son entrée à la cour. Il pouvait se passer bien des choses en quatre ans, surtout dans ce domaine... Et si c'était le cas, il savait qu'il aurait plus de chance de trouver ce genre d'écrits dans les petites librairies de quartier, et nullement à la bibliothèque royale qui se concentrait plutôt sur les livres de renom.

    — Je connais assez les textes classiques que nous donnent à étudier les précepteurs. J'aimerais quelque chose de moins conventionnel, mais je ne sais si cela existe. A cette allure, ils risquaient de partir sur un débat littéraire - où commençait le non-conventionnel et où s'arrêtait le classicisme ? Alors, Zéphyr s'arrêta, et leva plutôt le regard vers son interlocuteur d'un air interrogateur. Il ne voulait pas le tester mais, à vrai dire, c'était presque ce qu'il était en train de faire. Je ne suis pas très difficile concernant les thèmes, mais il est vrai que j'apprécie peu les récits trop morbides. Certains trouvaient cela beau, et il était indéniable que la mort pouvait se révéler incroyablement poétique - mais Zéphyr n'y voyait que de douloureux souvenirs. Il était plutôt attiré vers le rêve, vers l'enchantement.

    En attendant une réponse, il se tourna de nouveau vers les ouvrages, laissant machinalement ses ailes s'entrouvrir. C'était un réflexe, un geste devenu inconscient - et il alla toucher le bord de l'étagère derrière lui du bout de l'aile. Il avait ainsi l'air de bloquer le passage, car ses ailes prenaient bel et bien toute la place disponible. Ce n'était pourtant nullement son but : dans les espaces clos, Zéphyr avait pris l'habitude de jauger les distances via ses ailes. C'était ainsi qu'il pouvait éviter les meubles ou, dans le cas présent, de savoir à combien de pas exactement se situait un obstacle invisible.

    code by little wolf.
    InvitéInvité
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    Re: Êtres de lumière
    Sam 18 Mai 2019 - 13:14 #


    « Attends l’impossible,
    L’amour languit en moi,
    Il ouvrira les portes du possible,
    Pour provoquer l’émoi
    . »

    — Je recherche plutôt quelque chose de nouveau... de différent.» Ces mots firent l’effet d’une flèche en plein estomac, le sourire du prêtre vacilla un instant, le carnet se faisant plus lourd dans sa poche de veste. Il se tourna pour observer l’individu, espérant déceler s’il se moquait de lui, s’il savait quoique ce soit, mais visiblement, l’être ailé semblait être absorbé par la contemplation d’ouvrages dont les noms d’auteurs étaient déjà connus dans l’ensemble du Royaume. « Je suis également adepte des vers, mais je dois confesser avoir négligé la poésie ces derniers temps. Je connais assez les textes classiques que nous donnent à étudier les précepteurs. » Il marqua une pose et plongea son regard dans celui de Caesar, comme un défi, une passe d’escrime littéraire, le provoquant en duel – ou peut-être le remettre à sa place. Puis, il se reconcentra sur les ouvrages, comme si de rien n’étais. « J'aimerais quelque chose de moins conventionnel, mais je ne sais si cela existe. Je ne suis pas très difficile concernant les thèmes, mais il est vrai que j'apprécie peu les récits trop morbides. »

    Caesar le dévisagea un temps, comme si le noble était tombé du ciel, observant par ce biais les ailes qui s’étaient déployés de manière à combler l’espace vide entre son dos et l’étagère derrière-lui. Toujours époustouflé par la beauté délicate de l’homme, il se permit un instant assez long de réflexion ; jouant avec ses doigts, dans son dos, tout en reportant son regard sur l’ensemble de la collection. Il navigua un temps, caressant les couvertures d’une main, de l’autre triturant la croix de Lucy pour chercher un peu de réconfort face aux pensées qui se multipliaient, gangrénant son esprit. Il recroisa ses bras dans son dos et se tourna vers son interlocuteur, esquissant un sourire : « Vous n’êtes pas intéressé par la mort, je vous comprends, la petite mort semble bien plus intéressante… » Qu’avais-t-il dit ? Il avait parlé sans même réfléchir, emporté par l’élan. Il continua à sourire pour garder contenance mais il sentait comme une boule de lave fondre dans son ventre, et continua : « Ahem, enfin, l’amour est un thème qui me parle particulièrement, je vous avouerais que les compositions des frères Bourbon sont tout particulièrement rafraîchissantes, tout en se détachant des codes que vous pourriez considérer comme classique. Sans rentrer dans une étude littéraire, disons qu’ils se concentrent sur une prose rythmée au lieu d’une mise en vers. » Marquant une pose, il prit de l’étagère au-dessus de lui un recueil massif en cuir souple, contenant l’œuvre desdits frères Bourbon. Il ne savait pas si cela allait lui plaire mais il osait penser qu’un homme de sa stature s’intéressait tout de même au romantisme. « Le résultat n’en reste pas moins époustouflant, ils parviennent à expliquer le phénomène amoureux sous un angle différent ; l’âme serait couplée à l’esprit, façonnant ainsi le corps humain le faisant correspondre à sa beauté intérieure. L'attirance physique serait donc aussi psychologique, entraînant le fameux coup de foudre ». Ravi de cette trouvaille, il jeta un coup d’œil au noble qui détaillait les œuvres entreposées sur les étagères et se surpris à le détailler toujours plus. Il correspondait bel et bien à l’idée qu’il avait des créatures célestes ; tant par sa délicatesse presque fragile, que par la blancheur de ses habits et de ses ailes, sa beauté sans effort, ses cheveux longs et détachés.

    Le prêtre se dirigea vers une table proche pour y poser le livre, dos à l’être ailé, il mît sa main dans sa poche, tâtant le carnet tandis qu’un étrange sentiment lui serrait le cœur. Chassant de ses pensées les esquisses d’un rire, il se retourna et invita le noble à prendre place sur l’une des chaises tirées à côté de la table afin de l’enjoindre à la discussion. « Je pourrais vous présenter d’autres auteurs et d’autres thèmes mais il faut d’abord jauger quels sont vos centres d’intérêt avant de continuer. Nous nous baserons donc sur cet ouvrage puis nous pourrons décliner sur autres choses si vous le souhaitez. » Toujours debout, la main gauche présentant la chaise libre, un sourire sur les lèvres, le regard rivé sur cet homme troublant, Caesar réfléchissait à toute allure. Devait-il lui présenter ses propres écrits s’il cherchait quelque chose de réellement inconnu ? Serait-il à la hauteur pour servir les intérêts d’un noble ? Qui était cet être ailé ? Qu’est-ce qu’il cache sous ses… Crispant sa mâchoire, il chassa l’idée s’étant immiscé indiscrètement et se concentra sur autre chose, les thèmes prochains qu’il allait lui présenter : la nature, les éléments, la beauté, la vie…  

    InvitéInvité
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    Re: Êtres de lumière
    Sam 18 Mai 2019 - 15:16 #
    Prose & poésie
    zéphyr & caesar

    L'inconnu semblait prendre sa tâche très à cœur, confirmant ainsi que son amour de la poésie était véridique, et non un simple outil de marketing. Il prit le temps de réfléchir, parcourant du bout des doigts les couvertures des livres alignés - un geste sur lequel le regard de Zéphyr se fixa presque contre son gré. La main de l'homme s'approchait des titres gravés dans le cuir avec une certaine délicatesse, témoignant sans doute du respect qu'il éprouvait pour les recueils. Une attitude que l'ailé approuvait : il n'y avait rien de plus frustrant pour lui que de voir des lecteurs ingrats se saisir violemment d'ouvrages pour mieux les abîmer. Un silence confortable s'installa alors que chacun restait plongé dans ses pensées - encore une fois, Zéphyr s'en trouva satisfait : les individus posés et réfléchis se faisaient de plus en plus rares au milieu de tous ces aventuriers rustres et sauvageons...

    Quand, enfin, l'expert littéraire se tourna vers lui, le noble s'étonna de la rigueur presque militaire dont il faisait preuve. Un comportement qui lui semblait assez étrange, venant d'un simple libraire, ce qui commençait à le conforter de plus en plus dans l'idée qu'il n'en était pas un. Mais dans ce cas, où avait-il adopté ces réflexes disciplinés ?

    — Vous n’êtes pas intéressé par la mort, je vous comprends, la petite mort semble bien plus intéressante… N'eusse-t-il pas été tant habitué à maîtriser ses émotions, Zéphyr se serait étouffé avec sa propre salive. Par chance, ses longues années à côtoyer les politiciens et à suivre l'étiquette à la lettre l'avaient assez entraîné pour lui éviter pareil faux pas - même si rien n'aurait pu le préparer à ça. Il se crispa d'un coup et, pour la première fois depuis longtemps, il n'avait aucune fichue idée de l'expression que son visage affichait. Mais il était sûr d'avoir mal compris. Ou peut-être l'homme avait-il commis quelque malheureux lapsus. A moins que ce ne soit son esprit à lui qui commençait à lui jouer des tours - auquel cas il allait devoir se poser de sérieuses questions. Par chance, son guide enchaîna bien vite et lui présenta un ouvrage de certains frères Bourbon. Des auteurs avec qui Zéphyr n'était pas familier, et dont il écouta attentivement la description.

    A l'écoute de son allocution, il était clair que l'homme en noir semblait réellement passionné de romantisme. Plus que de réciter un argument de vente appris par cœur, il avait véritablement l'air de connaître son sujet, de savoir de quoi il parlait. Zéphyr ne s'était pas attendu à ça. Pas ici... Il avait l'impression de s'entendre lui-même quelques années auparavant, quand il devait analyser des textes devant ses précepteurs - et un niveau d'études aussi élevé ne courait pas les rues. Oui, l'homme l'intriguait.

    Il le suivit vers une table et fut encore étonné de l'obligeance de l'inconnu, qui lui présentait alors un siège. On aurait dit un parfait majordome.
    — Je pourrais vous présenter d’autres auteurs et d’autres thèmes mais il faut d’abord jauger quels sont vos centres d’intérêt avant de continuer. Nous nous baserons donc sur cet ouvrage puis nous pourrons décliner sur autres choses si vous le souhaitez. Zéphyr acquiesça, s'approchant doucement des meubles avec une certaine appréhension. S'asseoir à une table : une action si banale pour beaucoup, mais une épreuve pour lui. Trop fier pour faire explicitement état de son handicap, il préférait se débrouiller comme il pouvait - et il passa devant l'homme pour s'asseoir en feignant l'indifférence. Mais Zéphyr n'était plus tout à fait capable d'évaluer les distances - et il eut encore besoin de l'aide du toucher. Il gonfla ses ailes pour aller effleurer d'un seul geste le ventre de son serviteur du jour, puis son bras, et enfin le dossier de la chaise - dans le même temps, sa main s'avançait pour tâtonner dans le vide jusqu'à trouver le bord de la table. Et il s'assit. Parfaitement droit, les ailes à nouveau sagement repliées contre son dos. Comme si de rien n'était.

    — Je vous remercie. Vous êtes bien plus serviable que je ne l'aurais espéré, et vous avez toute ma gratitude. Ce n'était pas un mensonge : il était très reconnaissant qu'on lui prête tant d'attention. Cet homme-là ne lui devait rien mais il prenait tout de même de son temps pour lui... alors qu'il n'avait rien à y gagner. Tant de bonté était remarquable. Un doux sourire au coin des lèvres, Zéphyr garda les yeux baissés sur le livre posé sur la table en attendant que l'homme s'asseye avec lui - une façon de garder le regard concentré sur quelque chose. Quand il ne le faisait pas, Zéphyr donnait constamment l'impression de regarder dans le vide, ce qui pouvait parfois mettre ses interlocuteurs mal à l'aise.

    Mais il ne resta pas concentré sur le livre bien longtemps. Il ne prit même pas la peine de l'ouvrir, ne serait-ce que par politesse, car son intérêt avait été attiré ailleurs. Doucement, il releva ses yeux pâles vers le visage de l'inconnu, essayant d'apercevoir à nouveau ses traits si bien dessinés. Sa mâchoire carrée semblait avoir été sculptée par un artiste, qui avait su représenter à la perfection la masculinité pure, sans la faire grossière. Zéphyr se dit qu'à côté, il devait avoir l'air d'une crevette. Une crevette chétive et efféminée. Il en fut presque frustré.

    — Vous êtes éduqué, commença-t-il de sa voix délicate. L'homme n'avait pas seulement appris à lire et à écrire, comme c'était souvent le cas des modestes citoyens - il en savait bien plus. Pardonnez ma curiosité, mais où avez-vous appris tout cela ? Je m'étonne de ne pas déjà vous connaître, si vous êtes aussi versé dans les arts littéraires... Sa position à la cour n'étant qu'à moitié officielle, Zéphyr avait à la fois un pied dans le milieu royal, et l'autre dans le milieu populaire. Il était souvent invité par des professeurs pour donner un cours particulier à leurs élèves, et prenait part aux conférences et salons de discussion qui se donnaient parfois en ville. Avait-il déjà croisé cet inconnu ? Non, il s'en serait souvenu...

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    Re: Êtres de lumière
    Sam 18 Mai 2019 - 21:38 #

    « Discutons, Amour,
    Faisons-le sans détour,
    Qui es-tu et d’où viens-tu,
    Pour me rendre si déçu.
    »

    Caesar regardait le noble ailé s’avancer vers la table lorsqu’il eut un sentiment étrange venant lui serrer le cœur ; son interlocuteur était peut-être aveugle. Le prêtre en était presque sûr, les images se répétant dans sa tête ; la manière qu’il avait de toucher le livre pour suivre les tracés de la plume sur l’ouvrage, cela faisait un certain temps qu’il avait délaissé la poésie, la manière qu’il avait de remplir l’espace de ses ailes pour jauger les distances, et là, encore, la manière dont il s’était assis, répétant la même chorégraphie avec ses appendices, lançant son bras en avant pour toucher la table en premier et les yeux rivés vers un endroit qu’une personne voyante n’aurait pas fixé comme il le faisait. « Je vous remercie. Vous êtes bien plus serviable que je ne l’aurais espéré et vous avez toute ma gratitude. » Gardant cette information dans le coin de sa tête, - il ne pouvait pas lui demander ainsi, il fallait qu’il soit sûr –, il s’assit, suite à l’invitation de l’ailé, tout en décidant de vérifier cela plus tard. Son regard se perdait dans la couverture du livre, ne prenant pas soin de l’ouvrir, comme s’il savait que c’était perdu d’avance. Peut-être espérait-il que Caesar s’en empare et lui fasse la lecture. Au moment où il allait entamer la discussion, pour éviter qu’un silence maladroit plane entre eux, le noble prit la parole.

    « Vous êtes éduqué… Pardonnez ma curiosité, mais où avez-vous appris tout cela ? Je m'étonne de ne pas déjà vous connaître, si vous êtes aussi versé dans les arts littéraires... » La question prit le prêtre de court, il pensait se lancer dans un débat littéraire et voici que son interlocuteur s’intéressait à son parcours. Cette question renforçait son sentiment quant à sa potentielle cécité ; il ne voyait pas l’immanquable sûrement, les attributs du Culte de Lucy étaient pourtant bien visible. Il n’en prit pas ombrage, au contraire, un sentiment de faible pitié s’empara de lui et esquissa un sourire avenant. « Veuillez m’excuser, je doute qu’une personne de votre stature connaisse une personne telle que moi. Je ne suis qu’un simple citoyen, fait est que mon éducation est passée par cette même rangée, mes parents sont les propriétaires de ce lieu. Jusqu’à ce que je rentre au Temple, ils m’ont fait lire tous les ouvrages de cette librairie, apprendre par cœur certains poèmes et étudier les traités de littérature inhérents à mes genres préférés. » Caesar marqua une pose à ce moment, se calant confortablement contre le dossier de son siège. Soupirant à moitié, il fit glisser sa main droite dans la poche de sa veste et caressa de manière pensive le cuir du carnet.  

    « Il faut dire aussi que j’ai passé de très longues années au Temple, sans réellement sortir ; la vie studieuse me convenait très bien, c’est de là d’où je tire l’éducation qui vous a interpellé. Rien de bien surnaturel, si j’ose dire. » Cessant de jouer avec la couverture, il croisa les mains sur la table et se pencha un peu en avant comme pour intimer au secret. « Mais, et vous, Monsieur, que faîtes-vous dans un établissement aussi peu renommé alors que la Bibliothèque Royale vous tends les bras ? D’après ce que je vois, vous avez tout l’air d’être un employé au service du Roi, pourquoi vous gêner à venir jusqu’ici ? » Caesar marqua un temps d’arrêt, se leva, fit quelques pas vers la fenêtre surplombant de quelques pieds les étagères et continua sur un ton se voulant paisible. « J’espère ne pas être indiscret à ce propos, si c’est le cas, pardonnez-moi mon impolitesse et mon affront mais est-ce parce que vous ne souhaitez pas que les autres nobles ne s’aperçoivent de votre cécité ? » Il dévia son regard de la fenêtre pour observer le noble, assis à la table. Le prêtre ne savait que trop cruellement ce qu’un handicap pouvait causer à un homme, à quel point la solitude était un refuge à double-tranchant, à quel point on pouvait vouloir le hurler au monde. Sa main se glissa machinalement dans sa poche et en sorti le carnet, le serrant aussi fort que s’il tenait son cœur à la main.
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    Re: Êtres de lumière
    Sam 18 Mai 2019 - 23:28 #
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    zéphyr & caesar

    L'inconnu s'exprimait avec une humilité notable, comme s'il plaçait Zéphyr sur un piédestal. Celui-ci écoutait attentivement ses explications, ne cachant nullement sa surprise à l'évocation du temple et de l'éducation studieuse de celui qui se révélait être le fils des libraires. Était-il donc initié ? Déjà frère, peut-être... ? A moins que... pouvait-il faire partie des six ? Zéphyr se crispa à cette pensée, craignant déjà avoir manqué de respect à un personnage important. La religion, malgré son manque de pouvoir direct sur la société, y possédait tout de même une place très importante. Il serait très malvenu que la rumeur coure au sein des nobles que le fils Winterhound ait traité un prêtre comme un vulgaire manant. Il espéra donc de tout cœur que son interlocuteur ne soit qu'initié, mais il devait avouer qu'il avait un mauvais pressentiment concernant toute cette affaire.

    Et en effet, la suite confirma son erreur : si l'autre mentionnait de très longues années au temple, c'est qu'il avait au moins passé son initiation. Zéphyr aurait dû se douter qu'il avait un religieux en face de lui - rien d'autre n'expliquait tant de culture et d'éducation ! Le pauvre commençait déjà à se morfondre de sa bêtise, quand il devint soudain le centre de discussion.

    — Mais, et vous, Monsieur, que faîtes-vous dans un établissement aussi peu renommé alors que la Bibliothèque Royale vous tends les bras ? D’après ce que je vois, vous avez tout l’air d’être un employé au service du Roi, pourquoi vous gêner à venir jusqu’ici ? D'après ce qu'il voyait, hein ? Un tel avantage était si injuste ! Zéphyr adopta une moue boudeuse, passant distraitement une main sur sa manche immaculée - certes, ses vêtements étaient indéniablement assez luxueux, mais de là à se faire démasquer aussi aisément... Il observa le pieux se lever pour s'approcher d'une fenêtre, le baignant ainsi d'une lumière qui fit plisser les yeux du noble. J’espère ne pas être indiscret à ce propos, si c’est le cas, pardonnez-moi mon impolitesse et mon affront mais est-ce parce que vous ne souhaitez pas que les autres nobles ne s’aperçoivent de votre cécité ? Malgré ses politesses, il n'y allait pas avec le dos de la cuillère ! Cette franchise inattendue arracha un rire à Zéphyr, troublant ainsi le calme de la librairie l'espace d'un court instant. Il leva la main vers sa bouche, comme pour réprimer son éclat joyeux, mais se contenta de poser le menton sur sa paume tournée vers le plafond. S'accouder de la sorte à une table allait contre les bonnes manières, mais il n'était plus à ça près.

    — Non, ils ne sont pas assez intelligents pour ça... fit-il à mi-voix, un sourire mesquin illuminant son visage. Pas assez intelligents, ou peut-être trop imbus de leur propre personne pour se rendre compte du malheur d'autrui. Mais n'allez pas le leur répéter, continua-t-il sur le ton de la confidence. Il n'aimait pas devoir révéler lui-même sa condition, et était en réalité assez soulagé de ne pas avoir à le faire. Plus qu'être instruit, le croyant se révélait être très perspicace, mêlant ainsi à la perfection l'éducation et l'intelligence. Zéphyr darda sur lui son regard trouble, comme pour lui tenir tête. Certes, il était malvoyant. Cela allait-il changer quelque chose ?

    — Qu'est-ce qui vous fait dire que j'ai accès à la bibliothèque du palais ? Je ne pourrais être qu'un nouveau riche prétentieux parmi tant d'autres... Il laissa sa voix planer un instant, avant d'enchaîner. Mais vous êtes très avisé, et je ne vais pas vous cacher qu'il paraîtrait que mes conseils soient assez bien vus à la cour. Son ton était léger, presque amusé. Il se jouait de sa condition, de sa situation, du flair de l'ingénieux romantique. Ne réussissant pas à cacher son sourire ni à détacher son regard de la silhouette floue qui se découpait de la fenêtre à contre-jour, il continua : Je ne suis pas complètement aveugle. Je vois très mal, c'est sûr, mais... Je vois tout de même. Un peu. Et différemment. D'ailleurs... vos cheveux scintillent-ils toujours comme ça, ou est-ce juste moi ? Avec la myriade de pouvoirs différents qui bénissait la population d'Aryon, Zéphyr n'était à l'abri de rien : il croyait parfois que ses yeux lui jouaient des tours alors que les choses étranges qu'il voyait résultaient simplement des pouvoirs de leurs hôtes.

    — C'est pour ça que je suis là, enchaîna-t-il sans quitter des yeux les cheveux du croyant. Je vous ai dit que je cherchais de nouvelles choses, et ça, je ne l'aurais pas trouvé à la bibliothèque du palais. Un nouveau sourire malicieux.

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    Re: Êtres de lumière
    Dim 19 Mai 2019 - 1:53 #


    « Tout entier dévoué,
    A l’amour prisonnier,
    Je ne cesserais,
    De toujours espérer.
    »

    Le rire cristallin du noble se répercuta quelques temps sur les murs et entre les étagères de la librairie avant de s’étouffer par la pression délicate de sa main sur ses lèvres. Il ne semblait pas avoir été affecté par la brusquerie du prêtre, ou alors il le cachait terriblement bien. Comme libéré d’une sorte de poids insoutenable pour sa personne, l’être ailé sorti des convenances inhérentes à sa position et s’installa plus confortablement sur son siège. Cependant, Caesar se raidit un peu, son attention focalisée sur son interlocuteur, un tel relâchement ne pouvait signaler que deux choses : ami, ou mortel ennemi. Les deux pouvaient vous traiter de la même manière et le zélote se méfiait de la perfidie de certains, même si dans ce cas-là, il doutait sincèrement être en danger. Quoique, il pouvait très bien cacher son jeu.

    Le prêtre resserrait encore plus son carnet contre son ventre, tenu par les deux mains, attendant avec tension les premières paroles de l’aveugle. « Non, ils ne sont pas assez intelligents pour ça… Mais n’allez pas le leur répéter. » Son ton avait quelque peu changé, moins professionnel, moins châtié, plus secret. Cependant, ce qui marqua profondément – et troubla quelque peu – Caesar, c’était l’intensité renouvelée avec laquelle l’ailé le regardait ; ce n’était pas un regard d’homme abattu par sa condition, mais celui d’un homme d’une force sous-jacente dangereuse. Ce regard n’était pas naturel, il était forgé au travers de l’adversité ; il avait vu pire, il avait vécu. Malgré une apparence de jeune homme, le noble devait être terriblement puissant mentalement pour avoir ce regard. Il ne fallait donc pas le sous-estimer et ce n’était pas le cas.

    « Qu'est-ce qui vous fait dire que j'ai accès à la bibliothèque du palais ? Je ne pourrais être qu'un nouveau riche prétentieux parmi tant d'autres... Mais vous êtes très avisé, et je ne vais pas vous cacher qu'il paraîtrait que mes conseils soient assez bien vus à la cour. » Telle une boule de glace fusant dans son œsophage, Caesar sût qu’il avait en face de lui pas n’importe quel nobliau sans pouvoir souhaitant se montrer à la populace, non, c’était quelqu’un de puissant – et il le savait. L’espèce la plus dangereuse, pensait le prêtre. « Je ne suis pas complètement aveugle. Je vois très mal, c'est sûr, mais... Je vois tout de même. Un peu. Et différemment. D'ailleurs... vos cheveux scintillent-ils toujours comme ça, ou est-ce juste moi ? » La discussion avait pris un détour saugrenu, clouant Caesar sur place, il ne savait quoi répondre mais avant même qu’il ait eu le temps de dire quoi que ce soit, l’ailé reprit la parole : « C'est pour ça que je suis là. Je vous ai dit que je cherchais de nouvelles choses, et ça, je ne l'aurais pas trouvé à la bibliothèque du palais. » Un sourire naquit sur ses lèvres, le genre de sourire nourrissant l’imagination du prêtre.

    Abruti par la réponse du noble, il ne savait tout bonnement pas quoi dire et resta là, debout, en face de cet homme accoudé à la table, qui le dévisageait maintenant sans vergogne, coi. Après quelques instants, il s’accorda un sourire, puis un faible rire et enfin un fou rire éclatant, puissant. Caesar posa le carnet sur la table et s’assit en face de son interlocuteur, déterminé à avoir le dernier mot de cette histoire. « Eh bien, quelle belle manière de dire les choses, très flatteur, cela dit – dire que je n’y suis pas sensible serait mentir -, je le suis, malgré moi, en tout cas. » Toujours souriant, son regard s’attardait sur les ailes de l’homme, essayant d’y entrapercevoir des imperfections mais elles semblaient être immaculées et parfaites. « Je ne scintille pas à proprement parler mais vous n’êtes pas le premier à me le faire remarquer. Pour être honnête avec vous, j’ai toujours eu cette faculté de paraître et il faut avouer que cela a facilité nombres de mes sermons lorsque j’étais Frère. Fatalité, c’est l’un des exercices qui va me manquer le plus, je pense… » Il laissa la phrase en suspens, le regard rivé maintenant sur les cheveux du conseiller, son esprit s’égara un instant pour troubler sa paix intérieure d’images tant détestées. Caesar reprit le fil de ses pensées, apposant sa paume sur le carnet avec une lenteur calculée, le temps de réfléchir à sa prochaine phrase, il reprit : « Enfin, il me semble que nous nous ne soyons même pas présenté correctement ; je m’appelle Caesar Hohenzollern, Prêtre du Culte de Lucy. Vous êtes ? »

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    Re: Êtres de lumière
    Dim 19 Mai 2019 - 12:11 #
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    zéphyr & caesar

    Zéphyr n'y voyait presque rien et pourtant, il sut qu'il avait réussi à désarçonner son interlocuteur. Il n'avait pas besoin d'yeux pour ça : il suffisait d'entendre cet assourdissant silence... Il était assez satisfait de lui-même, comme à chaque fois qu'il réussissait à clouer le bec des nobliaux qui le prenaient de haut à la cour - on le prenait peut-être pour un diminué, mais il n'en était pas moins adepte des mots, et habitué à les utiliser en de véritables joutes verbales. Cependant, la situation actuelle était loin de s'y prêter et, plutôt qu'un réel combat, il avait l'impression de jouer avec le pieux. Car son propre sourire amusé n'était pas feint, et Zéphyr passait étonnamment un assez bon moment.

    Et, comme en écho de sa propre gaieté, il entendit l'homme en noir pouffer de rire. Un gloussement tout juste échappé de sa gorge, qui se mua bien vite en un rire puissant, sans retenue. Un éclat qui s'attira toute l'attention du noble, tant il était différent du sien. Ce rire-là était vrai, fort, presque chaleureux - loin des petits ricanements féminins dont Zéphyr se targuait. Il fallait dire qu'il était presque certain que ses faibles poumons ne supporteraient pas de rire plus puissant - et le généreux éclat qu'il entendait alors ne put que l'intriguer davantage.

    L'homme vint se rasseoir à la table sous le regard de Zéphyr qui ne quittait toujours pas sa silhouette des yeux. Il était presque reconnaissant de le voir s'approcher à nouveau - ainsi, il le verrait mieux, et risquait moins de se sentir vulnérable.
    — Eh bien, quelle belle manière de dire les choses, très flatteur, cela dit – dire que je n’y suis pas sensible serait mentir –, je le suis, malgré moi, en tout cas, prit-il la parole en ces mots, arrachant un nouveau sourire satisfait à l'ailé. Il ne se pensait pas particulièrement flatteur, mais était gonflé d'orgueil de savoir que ses mots avaient eu un certain impact sur lui. Je ne scintille pas à proprement parler mais vous n’êtes pas le premier à me le faire remarquer. Pour être honnête avec vous, j’ai toujours eu cette faculté de paraître et il faut avouer que cela a facilité nombre de mes sermons lorsque j’étais Frère. Fatalité, c’est l’un des exercices qui va me manquer le plus, je pense… expliqua-t-il ensuite à l'oreille attentive du malvoyant. Celui-ci sentit ses ailes se crisper légèrement, preuves de sa soudaine nervosité - ainsi, l'autre avait été frère... Cela signifiait-il qu'il avait abandonné les ordres, ou bien qu'il avait dépassé ce stade ? Assurément, il ne pouvait pas être prêtre... n'est-ce pas ? Après tout, on ne pouvait pas rire avec un prêtre ! Zéphyr ne se souvenait que trop bien de la discipline d'Eléonore. La petite fille autrefois joyeuse avait laissé la place à une prêtresse digne et sérieuse, qui acceptait à peine de se fendre d'un sourire en sa présence. Il savait pourtant que les prêtres et prêtresses de Lucy étaient tous très différents les uns des autres mais, inconsciemment, il les avait tous associés à l'image qu'il avait d'Eléonore - la seule des six qu'il connaissait vraiment. Enfin... jusqu'à maintenant.

    — Enfin, il me semble que nous nous ne soyons même pas présenté correctement ; je m’appelle Caesar Hohenzollern, Prêtre du Culte de Lucy. Vous êtes ? ... complètement mortifié, pensa Zéphyr sans oser le dire à haute voix. Son sourire s'était quelque peu crispé, bien qu'un fou rire nerveux lui chatouillât dangereusement le ventre. Il hésitait : reprendre son sérieux comme la bienséance l'exigeait, ou se moquer ouvertement de son inconscience ? Incertain, il avisa la tenue résolument sobre et noire du prêtre, et il pesta intérieurement sur Eléonore et ses habits toujours plus extravagants. Pourquoi faisait-elle preuve de tant de démesure si ce n'était pas le cas de ses confrères et consœurs ?

    — Zéphyr Winterhound, révéla enfin l'intéressé. Il n'avait pas réussi à se décider, et avait gardé son demi-sourire à la fois crispé et embarrassé au visage. Conseiller au service de la Couronne. Et quel bien piètre conseiller il faisait alors ! Même pas fichu de reconnaître l'un des trois prêtres masculins de Lucy. Trois ! Ce n'était quand même pas compliqué à retenir ! Un peu honteux, il chercha la table du regard, comme pour y trouver une quelconque échappatoire et... il fut étonné de voir que la main de Caesar ne reposait pas sur le meuble comme il l'avait d'abord cru, mais sur ce qui ressemblait fort à un petit livre. Il ne s'agissait pourtant pas du recueil des frères Bourbon, et Zéphyr fronça un peu le front alors que son esprit s'agitait. Ce livre, il ne l'avait pas vu arriver. Il n'aimait pas ça : être confronté à des situations inattendues. Ce n'était pourtant qu'un ridicule détail, mais assez pour le déstabiliser - d'où Caesar avait-il sorti ce carnet, et depuis quand était-il posé là ? Son pouvoir était-il de faire apparaître des bouquins ? Ce serait fort approprié, pour un fils de libraires...

    L'ailé faillit laisser libre court à sa curiosité et entrouvrit les lèvres pour s'enquérir du carnet - avant de se rattraper juste à temps. Il avait sans doute fait assez de faux pas pour aujourd'hui, et ne voulait pas avoir l'air de se mêler de ce qui ne le regardait pas, en plus de s'être révélé assez ignare pour ne pas connaître l'identité d'un prêtre. Il opta donc pour un élément que ledit prêtre avait laissé échapper :
    — Ainsi donc, vous donniez des sermons... Dire que j'ai raté ça. Je comprends qu'on puisse avoir envie de vous écouter pendant des heures. Inutile de préciser que Zéphyr, en sa qualité de malvoyant, était bien plus sensible aux sons qu'aux apparences. Et la voix de Caesar correspondait tant à son visage : forte, masculine, au ton plutôt grave. Au timbre qui vibrait au fond de la gorge. Ha. Combien de pauvres âmes cette voix-là avait-elle amenées à Lucy ? Zéphyr aurait pu en faire partie...

    — Et, en tant que Prêtre, vous n'en donnerez plus ? questionna l'ailé. Encore une fois, il reposait ses connaissances de la religion sur Eléonore, et il lui semblait qu'en tant que prêtresse, elle continuait encore et toujours à exhorter les croyants dans son temple. N'était-ce pas le cas de Caesar ?

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    Re: Êtres de lumière
    Dim 19 Mai 2019 - 16:38 #

    « N’y voyez pas de haine,
    Il n’y a pas de peine,
    Ni même de l’envie,
    Je veux connaître votre vie.
    »

    Visiblement, l’être aux ailes immaculées s’était crispé à l’annonce de son rang ; peut-être n’était-il pas croyant et ne souhaitait pas s’associer avec un parangon de la religion. Caesar regardait le noble avec intensité, essayant de percevoir les sentiments s’échappant de son regard mais il ne vit rien et attendit. « Zéphyr Winterhound, Conseiller au service de la Couronne. » Winterhound… Ce nom disait quelque chose au prêtre du Culte, un nom noble qui résonnait souvent dans certaines conversations ; une famille connue pour avoir fait naître de grands militaires, la dernière étant une femme. Perplexe, Caesar haussa un sourcil et détailla de nouveau le dénommé Zéphyr ; il n’avait pas l’air d’un soldat, il ne lui reconnaissait pas la musculature inhérente au métier des armes et son titre de Conseiller dénotait réellement de la profession familiale. Son intérêt renouvelé, Caesar tritura inconsciemment la couverture de son carnet et plongea ses yeux dans ceux de Winterhound. Il vit que celui-ci semblait soudainement intéressé par l’œuvre de Hohenzollern, comme s’il ne le découvrait que maintenant ; étrangement, cela ne dérangeait pas le prêtre, il voulait presque lui montrer – une sorte de donnant-donnant.

    « Ainsi donc, vous donniez des sermons… Dire que j’ai raté ça. Je comprends qu’on puisse avoir envie de vous écouter pendant des heures. » Flatteries ? Le croyant ne le pensait pas, le temps des flagorneries était passé et il s’agissait là d’une conversation à cœur ouvert, sincère. Peut-être que celui-ci avait une sensibilité particulière à la voix de chacun étant malvoyant. «Et, en tant que Prêtre, vous n’en donnerez plus ? » Cette question pourtant si anodine était révélatrice du futur de Caesar, il s’était donné une mission sacrée et ce serait la première fois qu’il allait l’énoncer à quelqu’un d’autre que lui-même. Il se demandait même s’il devait y répondre mais un simple coup d’œil au conseiller assis en face de lui, il décida de rendre concret et public son ambition suprême.

    « Pour être honnête, je ne sais pas. La tâche qui m’attend est draconienne, longue et avare en temps. Je n’insulterais pas votre intelligence en vous expliquant ce qu’est une mission divine mais la mienne se résume par la compilation de tous les textes saints et sacrés existant dans le Royaume afin de présenter un livre unique ; le Codex Sacré. Il s’agira là de permettre un regroupement à une échelle jamais faîte auparavant de la philosophie, de la morale et de chaque choses qui ont régis, qui régissent et qui régiront la vie de chaque citoyens et nobles. » Les yeux de Caesar brillait d’une nouvelle intensité, emporté par son élan, il professait, sans même le vouloir, sa volonté de transcender le monde par le biais d’un seul ouvrage accessible à tous. « Imaginez la simplicité, imaginez les possibilités ! Chacun pourrait se référer au Texte, dans un moment de doute, de solitude, de frayeur et même d’amour, à un ouvrage où toutes les réponses y sont contenues. L’objet ultime d’une réflexion centenaire de chaque Grande Prêtresse ayant acceptées Lucy en elles jusqu’au plus humble des prêtres. Voyez-vous cet avenir tel que je le vois ? Un monde guidé par une morale définie par la sagesse des ancêtres, conseillant même les plus grands hommes de pouvoirs, des hommes tels que vous, M. Winterhound. Je sais que le Culte ne se veut pas prosélyte – et je ne le souhaite pas -, mais je cherche à toucher un point vital à la vie de chacun : la morale. Si nous avons une morale unique, ne serait-ce pas la fin de la criminalité ? La philosophie, la littérature, voici mon arme face à ce monde-là. »

    Durant toute la durée de son discours, le prêtre s’était levé sans même le vouloir, avait fait quelques allers-retours entre le rayon dédié à la poésie et la table ; les mains croisées dans le dos, les doigts blanchis par la pression qu’il leur faisait subir, le regard fixant tour à tour son carnet, les ailes du noble, ses yeux, la fenêtre. Lorsqu’il s’arrêta de parler, il se rendit compte de son comportement et reprit quelque peu contenance mais le mal était fait ; s’il faisait fuir l’être ailé, ainsi soit-il. Il devait certainement le prendre pour un fanatique, comme grand nombre de croyants, finalement. Son zèle impressionnait toujours dans les sphères initiés au Culte mais les gens extérieurs ne semblaient pas y accorder le même crédit, voire le voyait d’un mauvais œil. Caesar Hohenzollern se rassit lentement, posa sa main gauche sur le carnet et reprit la parole : « Enfin, veuillez m’excuser pour cet épisode, il s’agit là de la première fois que j’en parle à quelqu’un qui n’est pas ce vieux livret. Il doit en avoir marre à force d’accueillir tous mes songes les plus farfelus ! » Il se fendit d’un petit rire, il s’était finalement totalement libéré en sa présence ; il l’avait apaisé, réellement, plus aucun pensée ne venait le troubler, il était en paix et pouvait avancer. Décidemment, on trouvait de tout dans la librairie de ses parents.

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    Re: Êtres de lumière
    Dim 19 Mai 2019 - 19:46 #
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    Cette fois, la réponse à sa question ne se fit pas attendre : le Prêtre commença à expliquer son projet à un Zéphyr attentif. Le conseiller y accordait toute son attention, comme s'il s'était agi d'un projet du roi lui-même soumis à son avis - et il apprit avec stupeur toute la portée de ce que Caesar avait en tête. Draconienne était un euphémisme pour décrire la tâche qui l'attendait : à l'imaginer, Zéphyr avait bien l'impression que ce serait le projet d'une vie, voire de plusieurs. Un seul homme suffirait-il à accomplir cet exploit ? Dénicher, trier et compiler tous les textes religieux écrits depuis la première Grande Prêtresse pour en faire un seul et unique ouvrage... Et s'il voulait qu'il soit accessible à tous comme il le clamait, il faudrait encore vulgariser les récits au possible - car la population moyenne n'était guère versée dans les lettres. Au premier abord, le projet semblait fou, impossible, fantaisiste ! Pourtant, le simple fait que Caesar soit nommé Prêtre était suffisant pour savoir combien le Culte avait foi en lui - et il fallait bien partir d'un homme pour qu'une idée futuriste devienne réalité.

    Zéphyr acquiesçait doucement en suivant son interlocuteur des yeux alors qu'il s'enflammait dans son discours et commençait à faire les cent pas. Son propre cerveau carburait à toute allure - il adorait réfléchir, et cela faisait bien longtemps maintenant qu'on ne lui avait plus donné tant de matière à réflexion. L'intelligence du Prêtre dépassait décidément ce qu'il avait cru : imaginer un tel projet requérait déjà beaucoup de ressources mentales, mais le mener à bien allait lui demander une bonne dose d'ingéniosité... Caesar n'était-il qu'un idéaliste, ou avait-il ce qu'il fallait pour faire de ses rêves une réalité ?

    Mais, enfin, le zélé se calma. Il revint s'asseoir en face d'un Zéphyr qui n'avait pas bougé d'une plume, et qui avait de nouveau un sourire amusé au coin des lèvres. Il en avait oublié toute sa honte précédente : le Prêtre ne semblait pas très à cheval sur les règles d'étiquette, sans doute grâce à sa jeunesse apparente.

    — Enfin, veuillez m’excuser pour cet épisode, il s’agit là de la première fois que j’en parle à quelqu’un qui n’est pas ce vieux livret. Il doit en avoir marre à force d’accueillir tous mes songes les plus farfelus ! Un nouveau rire, plus modéré, cette fois. Mais c'était un rire qui mettait à l'aise, et la retenue habituelle de Zéphyr s'en retrouva complètement abattue.
    — S'agirait-il donc d'une sorte de journal intime ? fit-il doucement en posant un regard curieux - presque avide, en vérité - sur le petit carnet. Était-ce juste sa soif de connaissance ? Ou un intérêt plus poussé pour la personne même de Caesar ? Le noble mourait d'envie de savoir ce que cachait la couverture du mystérieux livre. Vous êtes un rêveur, Monsieur Hohenzollern. Un idéaliste. Son ton pouvait sonner comme une réprimande, et Zéphyr se rattrapa bien vite en s'en rendant compte : Ce n'est pas une mauvaise chose. Notre monde manque de gens tels que vous. Il est très noble de votre part de vouloir mettre fin aux conflits de manière aussi pacifique. J'espère que vous y parviendrez.

    Pour autant, sa mission divine était-elle réaliste ? Le conseiller en doutait. Même s'il parvenait à créer son Codex, rien ne garantissait que la populace s'y fierait. S'il suffisait d'un texte pour anéantir la criminalité, le texte des lois du royaume aurait été largement suffisant... Mais la méchanceté vivait tout simplement dans certains cœurs - et d'autres étaient contraints de faire le mal pour survivre. Quant à cette idée de morale unique... N'était-ce pas aller contre le libre arbitre, dans un sens ?

    — ... Mais je ne peux m'empêcher de me demander quels autres rêves sont cachés à travers ces pages, continua-t-il d'un air mutin. Caesar avait bien mentionné de farfelus songes - mais à quel point pouvaient-ils l'être ? Quels autres projets avait-il imaginés, avant d'en venir à ce Codex ? Zéphyr leva sur lui des yeux espiègles, comme ceux d'un enfant attendant qu'on l'autorise à plonger la main dans un pot de confiseries. Pourtant, il n'osa pas poser la question qui lui brûlait les lèvres - bien que parfaitement à l'aise à présent, il ne voulait pas avoir l'air d'un vautour prêt à s'immiscer dans l'intimité d'autrui.
    Même s'il en crevait d'envie.

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    Re: Êtres de lumière
    Lun 20 Mai 2019 - 14:39 #

    « Accepte-le, je te le conjure,
    Car ceci est ton sang,
    Le fruit de notre parjure,
    L’amour de notre enfant.
    »

    Caesar ne l’avait donc pas fait fuir, au contraire, il l’avait intéressé et il en était soulagé. Le noble s’intéressait maintenant au carnet du prêtre et c’était tant mieux ; il allait pouvoir rentrer dans le vif du sujet. Son projet serait compliqué à mener mais il savait bien qu’il allait avoir besoin d’un soutien quelque part, et quoi de mieux qu’un conseiller royal ? L’Histoire avait toujours un point de départ et il commençait ici, à cette table où une rencontre des plus incongrus forgera l’avenir de générations à venir. « S’agirait-il donc d’une sorte de journal intime ? » La réflexion fit sourire Caesar, c’était presque ça finalement et il n’y avait jamais pensé. « Vous êtes un rêveur, Monsieur Hohenzollern. Un idéaliste. Ce n'est pas une mauvaise chose. Notre monde manque de gens tels que vous. Il est très noble de votre part de vouloir mettre fin aux conflits de manière aussi pacifique. J'espère que vous y parviendrez. » Son ton semblait tout de même assez sceptique, cela, le croyant savait qu’il avait un long chemin à parcourir avant de pouvoir convaincre les gens de son projet. Malgré tout, la tâche qui l’attendait ne le décourageait pas, au contraire, elle l’encourageait. Il en avait le sourire aux lèvres rien qu’en y pensant.

    « Mais je ne peux m'empêcher de me demander quels autres rêves sont cachés à travers ces pages. » Les yeux de Zéphyr laissaient sous-entendre une curiosité enfantine, ce qui acheva de convaincre le zélote de la sincérité de cette entrevue. Caesar laissa son regard dériver sur le carnet qu’il tenait dans sa main, le posa sur la table et l’ouvrit et le feuilleta. Chaque page, chaque mot présent dans ce livret, le prêtre les connaissait par cœur. Il s’agissait là d’offrir une partie de sa vie à un inconnu, aussi intéressant soit-il. Il s’était emporté sans réellement le vouloir, toujours en conflit pour savoir s’il devait offrir cette partie-là aux autres. Son silence était plutôt éloquent, trahissant son hésitation maladive.

    « Rien d’important… Majoritairement, les tribulations nerveuses d’un jeune adulte dont l’ambition grandit au fur et à mesure que son rang le lui permet. Tout y est écrit sous la forme de poèmes, cette passion a inévitablement atteint toutes mes productions. Vous pouvez aussi y voir quelques réflexions culturelles, politiques, religieuses… Enfin, ce n’est pas exactement un journal intime, même si on pourrait voir la chose ainsi finalement, plutôt un carnet de bord. J’ai toujours hésité – et même encore aujourd’hui – à publier mes écrits. Je sais qu’il est très commun pour un Prêtre d’écrire des traités ou des essais – sinon je ne me serais pas lancer dans une telle tâche – mais je n’ai pas de talent d’écriture. Si je peux haranguer, je ne sais réellement transcrire ce que je veux par des mots rédigés sur un bout de papier. Le cœur n’y est pas. » Au fur et à mesure qu’il se confiait, il prenait un air de plus en plus attristé mais se sentait, paradoxalement, soulagé de pouvoir le dire. Toutes ces années, il avait vécu dans une réclusion forcée, une réclusion qu’il s’était lui-même infligé. Même si son ascétisme lui allait très bien, il voyait l’impact bénéfique qu’une rencontre aussi soudaine que celle-ci pouvait avoir sur lui. Il n’était pas en train de prier, de noircir des pages et des pages sur les concepts amoureux, ni même en train de préparer son aventure aux quatre coins du Royaume mais il se sentait en paix ; aucune pensée dérangeante ne venait le troubler. Il était heureux. Il fit glisser son oeuvre sur la table pour qu'elle aille rejoindre l'anthologie des frères Bourbon, à portée de main du noble.

    « Enfin, je ne vais pas vous imposer mon discours grandiloquent plus longtemps, vous lirez par vous-même. » Et, avant même qu'une protestation quelconque survienne, il reprit : « Ne vous inquiétez pas, je connais par cœur son contenu. Enfin, je suis intéressé de connaître votre vision du monde, surtout que vous devez la partager avec le couple Royal. » Caesar voulait en savoir plus sur le Conseiller, un être dont il ne connaissait que le nom, le statut, les appendices et le handicap. Il ne pouvait pas se permettre de ne le qualifier que par des attributs aussi légers, il souhaitait savoir si cet homme pouvait devenir son ancre le rattachant à ce monde. Un ami précieux.
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    Re: Êtres de lumière
    Lun 20 Mai 2019 - 21:52 #
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    zéphyr & caesar

    En réponse à Zéphyr, Caesar ouvrit son carnet pour se mettre à le feuilleter. Cherchait-il une page à présenter en particulier ? Le noble pencha légèrement la tête en signe d'interrogation, sentant ses ailes s'agiter dans un doux bruissement de plumes. Ses mains s'étaient rejointes sur la table, les doigts entrecroisés comme pour s'empêcher de plonger sur le précieux livre. Car il était précieux - ça, Zéphyr en était convaincu. Il suffisait de voir l'attitude du Prêtre, qui avait l'air d'avoir un peu de mal à abandonner son ouvrage. Une réserve qui ne faisait que nourrir encore plus la curiosité de notre effronté nobliau - plus une chose était secrète et plus il avait envie, voire besoin, d'en percer les mystères.

    Zéphyr comprit mieux la retenue du pieux quand celui-ci commença à l'expliquer. Plus que de réellement voir le trouble sur son visage, Zéphyr décelait l'hésitation dans sa voix - les mots qui s'espaçaient un peu trop, le timbre qui n'était plus aussi ferme que quand il vantait les bienfaits de son Codex. L'homme, qui jusque-là lui avait semblé si fort par rapport à lui, semblait montrer une once de vulnérabilité. Il ne s'agissait pourtant que d'un simple carnet, mais Zéphyr n'avait pas besoin de plus d'indices pour comprendre toute la valeur qu'il prenait : ce n'était plus un livre fait de papier, de cuir et d'encre, mais une œuvre faite d'émotions, de rêves et de vie. En en prenant conscience, il sentit son excitation enfantine se calmer pour laisser la place à un intérêt plus sérieux, plus mature. Et, enfin, le cahier se libéra des mains protectrices de son auteur pour glisser à sa portée.

    — Enfin, je ne vais pas vous imposer mon discours grandiloquent plus longtemps, vous lirez par vous-même. Caesar eut raison d'enchaîner sans attendre car, en effet, Zéphyr préparait déjà un refus. Il ne pouvait décemment pas s'emparer d'un bien aussi précieux et risquer de tomber sur une page malheureuse non destinée à une lecture intrusive. Ne vous inquiétez pas, je connais par cœur son contenu. Enfin, je suis intéressé de connaître votre vision du monde, surtout que vous devez la partager avec le couple Royal. Oh, vraiment ? Était-ce donc ça qui l'intéressait ? L'ailé esquissa un nouveau sourire amusé, se demandant si le Prêtre comptait se servir de lui pour mieux faire valoir son projet fou. S'il s'était agi de n'importe qui d'autre, Zéphyr aurait refusé d'y prêter attention - il détestait, à juste titre, qu'on tente de profiter de sa position - mais ce cas-ci était différent. Si cette idée de Codex prenait bel et bien de l'ampleur, elle finirait de toute façon par arriver sur son bureau - alors il avait tout intérêt à se pencher tout de suite dessus.

    Pourtant, Zéphyr hésitait. Caesar venait de lui confier qu'il n'avait pas assez confiance en lui pour faire lire ses écrits. Était-il réellement dénué de tout talent ? Peut-être était-ce vrai, même si son éducation littéraire semblait indiquer le contraire. Mais si c'était réellement le cas... Zéphyr ne saurait pas faire semblant. Il ne voulait pas lui faire de mal, mais il restait un piètre menteur - surtout lorsqu'il prenait les choses au sérieux. En effet, plus un sujet était important, et plus il avait de mal à cacher les sentiments que ledit sujet lui inspirait. Eh bien, soit. Il était trop tard pour faire demi-tour. Il avança la main vers les deux livres présents côte à côte sur la table, balaya le recueil de poèmes un peu plus loin - condamnant ainsi ces pauvres frères Bourbon à l'oubli - et attira doucement le carnet usé vers lui.

    Il leva ses yeux troubles sur le Prêtre, comme pour lui laisser une dernière chance de se rétracter.
    — N'oubliez pas que je ne suis personne, commença-t-il lentement, sa voix témoignant d'une certaine inquiétude. J'ai beau être bien placé à la cour, je n'en reste pas moins qu'un simple individu. Peu importe ce que je pourrais en penser... Ne laissez pas mes paroles vous arrêter. Même si je vous l'ordonne dans cinq minutes, termina-t-il avec un sourire soucieux. Sur quoi il ouvrit le carnet à une page au hasard, ni trop près du début ni trop près de la fin. ... Il était quelque peu tendu tant la situation lui paraissait sérieuse. Il baissa les yeux sur la page ouverte et y vit plusieurs quatrains. Les strophes étaient régulières, facilement reconnaissables - même si les mots exacts lui étaient encore troubles. La tension environnante ne l'aidait pas à se concentrer, et il chercha un moyen de détendre l'atmosphère : et pourquoi pas se moquer de l'aveugle ? ... Vous auriez pu écrire plus grand, fit-il d'un ton faussement fâché. Il espérait que Caesar en rie, car son rire s'était montré réconfortant.

    Mais il était toujours résolu à lire le carnet, peu importe le niveau de concentration que cela allait lui demander. Il hésita une seconde, puis se décida : au diable la bienséance ! Il avait l'impression d'avoir le droit de se permettre plus de libertés que de coutume avec le Prêtre, et doucement, le noble tira sa chaise plus près de celle de Caesar. Il le fit avec assez de délicatesse pour ne pas racler les pieds du siège contre le sol de la librairie et provoquer ainsi un boucan de tous les diables - et, quand il fut assez proche, il se rassit comme si de rien n'était. Il déploya une aile en direction du jeune blond et vint en positionner l'extrémité juste entre les omoplates de celui-ci. Il l'effleurait à peine, mais c'était assez pour lui.

    — Pardonnez-moi. Si je me concentre sur vos poèmes, je... je ne serai pas en mesure de voir quoi que ce soit d'autre, expliqua-t-il avec un sourire gêné. Ça ne me met pas vraiment à l'aise. Si Caesar bougeait sans qu'il s'en rende compte, s'il le prenait par surprise, Zéphyr n'allait pas très bien le vivre. Vous permettez ? Il n'attendit pourtant pas la réponse pour reporter son attention sur le carnet et y concentrer toute sa vue.

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    Re: Êtres de lumière
    Mar 21 Mai 2019 - 11:37 #

    « Lire, quelle volupté somptueuse,
    Incroyable de bénédiction,
    D’une amoureuse capricieuse,
    A un héros de grande diction.
    »

    Caesar regardait le conseiller feuilleter les pages avec appréhension, se tordant les mains. Il savait bien que son talent littéraire n’était pas à la hauteur des écrivains classiques, ni même des avant-gardistes. Son écriture était un soulagement, une sorte de thérapie contre son propre esprit. Au fur et à mesure des pages se tournant, le prêtre se remémorait chaque jour, chaque nuit passé sur ce carnet à peaufiner ses vers et ses tournures de phrases afin de mieux correspondre à sa pensée troublée, de remplir d’encre des traités philosophiques sur des idéaux d’amours et de religion. Parfois, il avait glissé dans la marge des idées de sermons, des prémices d’écrits saints. D’un coup, il se souvint d’un poème en particulier, un poème écrit sous l’emprise même de l’amour, sa plus grande création : « Hymne à la beauté ». Il s’apaisa alors, sachant qu’il était préférable d’entendre la vérité, d’accepter la critique afin de s’améliorer que de persister dans l’erreur. Qui sait ? Peut-être que grâce à Zéphyr Winterhound, il parviendrait à mettre des mots sur ce qu’il pensait au lieu de ses approximations incessantes.

    « Vous auriez pu écrire plus grand. » Le rire partit tout seul, la tension libérée. Quelques larmes provoquées par le rire vinrent perler sur le coin de ses yeux et il les essuya d’un air joyeux, un sourire éclatant. Le noble ailé se leva et tira sa chaise pour s’approcher de Caesar – peut-être pour s’installer plus proche de la lumière prodiguée par la fenêtre. Cela ne dérangeait pas le prêtre qui ne bougea pas, il avait remarqué la manœuvre du conseiller mais n’en prenait pas ombrage. Il fallait compenser la perte d’un sens par une exacerbation d’un autre, et le toucher devait être le palliatif premier de Zéphyr. « Pardonnez-moi. Si je me concentre sur vos poèmes, je... je ne serai pas en mesure de voir quoi que ce soit d'autre. Ça ne me met pas vraiment à l'aise. Vous permettez ? » Caesar Hohenzollern répondit d’un haussement d’épaule éloquent et se contenta d’observer la page que Zéphyr tentait de lire. Elle était gribouillée d’encre, de ratures mais quelques notes se détachaient ; il s’agissait là d’une tentative désespérée d’écrire une ode à la nature, au voyage et à l’exploration. La rencontre avec un aventurier l’avait profondément inspiré il y a quelques années, mais il n’avait jamais réellement trouvé les mots pour décrire un sentiment qu’il n’avait lui-même jamais expérimenté.

    Caesar observait chaque mouvement du noble, détaillant la contraction des muscles autour de ses yeux, prouvant une concentration presque douloureuse. En attendant qu’il ait fini de lire, le prêtre déporta son regard sur les étagères et se perdit dans ses propres pensées. Il avait rêvé d’être écrivain, il avait rêvé de devenir garde royal et d’épouser la princesse, il avait rêvé de servir Lucy, il avait rêvé de terrasser un béhémoth. Aujourd’hui, il servait Lucy et écrivait. Il se devait d’inspirer les générations futures par ses paroles, ses actes et ses publications. Il voulait faire vivre les autres à travers lui comme il l’avait fait durant sa jeunesse. Si Zéphyr Winterhound le conseiller ailé, le noble épris de littérature pouvait ressentir au travers de ce carnet, alors rien n’arrêterait Caesar. Il se mettrait en route définitivement, sans regard en arrière, sans crainte.

    Spoiler:
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    Re: Êtres de lumière
    Mar 21 Mai 2019 - 15:46 #
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    Le rire de Caesar avait, comme il l'avait espéré, réussi à détendre Zéphyr. Plus serein, il s'était donc penché sur le texte qui prenait doucement vie sous son regard. En effet, la page se faisait moins floue, et les mots prenaient soudain sens. Peu à peu, le conseiller se laissa emporter par les vers, s'envolant vers le monde qu'ils décrivaient en ne gardant contact avec ce monde-ci que par l'aile effleurant le dos de l'auteur - car le poème parlait de la nature, belle, pure mais si dangereuse; de cette envie de liberté naissant dans le cœur de chaque enfant; de l'adrénaline de l'aventure toute proche. Et, alors qu'il lisait, Zéphyr voyait tout cela. Son imagination bien nette prenait la place de sa vision trouble : enfin voyant, Zéphyr distinguait les chemins décrits, était frappé des couleurs vivaces des fleurs, s'émerveillait du bleu profond d'un lac. Était-ce le souvenir de sa vue d'antan ? Était-ce l'imagination d'un presqu'aveugle rêvant de couleurs vives ? Était-ce l'espoir secret d'un infirme fantasmant sur ces aventures, priant pour être capable de quitter son logis sans craindre la fièvre et la maladie ?

    Il fallait l'admettre : Zéphyr fut touché. Mais Caesar avait-il réellement assez bien écrit pour faire naître ces émotions en lui, ou avait-il juste eu la chance de toucher une corde sensible ? Pour s'en assurer, l'ailé quitta ce monde d'aventures pour tourner la page et voir ce que le prochain allait lui réserver. Il n'avait pas quitté le livre des yeux, et gardait les lèvres résolument closes. Il ne tentait pourtant pas de cacher l'effet que les textes avaient sur lui : son visage aux traits détendus laissait tout voir. Il découvrit alors, sur la page suivante, un écrit moins romancé, bien que toujours sous une forme poétique - il s'agissait de réflexions philosophiques. Un monologue, un débat avec soi-même auquel Zéphyr prêta grande attention. En parfait contraste avec le poème précédent, celui-ci était indéniablement studieux, exactement ce dont on pourrait s'attendre de la part d'un Prêtre. En toute honnêteté, le noble y trouva peu d'intérêt : il voulait retrouver un monde de rêves, et feuilleta à nouveau le carnet jusqu'à tomber sur quelque chose de plus appétissant.

    Et il ne fut pas déçu ! Sous ses yeux était apparu un poème résolument romantique, faisant l'éloge d'une cruelle Beauté. Caesar n'avait donc pas menti en révélant que l'amour était l'un de ses thèmes de premier choix - c'était une autre sorte de rêve qu'il décrivait là, mais tout aussi intéressant aux yeux de Zéphyr. Ce dernier décida alors de revenir à la réalité, se redressant doucement en faisant craquer ses vertèbres - forcément, il avait dû se pencher assez bas pour bien décrypter l'écriture du poète amateur. Ce faisant, il ramena son aile à lui, et la laissa se blottir sagement contre son dos.

    Il referma précautionneusement le carnet et posa enfin son regard sur Caesar, lui adressant un sourire véritablement ravi.
    — Je ne vois pas pourquoi vous hésitez tant. Des auteurs beaucoup moins bons ont osé exposer leurs écrits ! Et gaspillé par la même occasion une tonne de papier, en plus d'avoir commis l'affront de faire perdre un temps précieux à leurs infortunés lecteurs. J'ai... Il reposa les yeux sur le carnet fermé, comme pour saisir à nouveau la vision fugace qu'il lui avait procurée. J'ai presque vu les couleurs, admit-il dans un murmure mi-rêveur, mi-honteux. Puis, reprenant de sa contenance : Mon père détestait que je lise ce genre de choses, fit-il en y pensant amèrement - à vrai dire, son père détestait qu'il lise tout court, mais peut-être aurait-il quand même préféré des récits de bataille ou des chansons de geste -, et d'autres détesteront sans doute vos poèmes. Mais ce n'est pas mon cas. Je pense que vous avez du talent, affirma-t-il sans hésitation, preuve de sa sincérité.

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    Re: Êtres de lumière
    Mar 21 Mai 2019 - 16:58 #

    « Craches ta fureur, vile créature !
    Aiguise tes crocs et fait face à Dame Nature !
    Mais, faible, tu périras,
    Rejoindre la Mort, tu iras.
    »

    A chaque ligne lue, une nouvelle émotion, à chaque page tournée, la même concentration. Le conseiller s’infligeait une torture qui forçait le respect. Recroquevillé sur lui-même, on aurait dit un nouveau-né oisillon ; les yeux rivé, concentré sur les lignes gribouillées sur le carnet, le visage relativement proche du livret, le corps penché sur la table. Son visage était tel un miroir extérieur à ses songes et le prêtre ne manquait pas d’interpréter chaque réaction musculaire, chaque froncement de sourcil, chaque pincement des lèvres, chaque dilatation nasale et même le changement de rythme respiratoire. Visiblement, la première lecture avait touché un point sensible, Zéphyr était complétement absorbé par le texte. Après un moment de repos, le noble tourna la page et Caesar identifia son traité d’éducation. Peu intéressant, le croyant se doutait bien que cela n’allait pas captiver l’ailé mais sa curiosité pris le dessus et continua à l’observer. Il ne montrait ni son approbation ni son désaccord avec le texte mais l’étudiait comme s’il s’agissait d’un document posé sur son bureau. Cependant, même s’il pouvait reconnaître le travail mis dans l’écrit, il ne s’agissait pas de ce qu’il cherchait et il feuilleta plus loin. Instantanément, Hohenzollern senti son cœur se serrer ; il s’agissait là de son « hymne à la beauté », son chef d’œuvre. Il savait pertinemment que s’il ne plaisait pas à un adepte de littérature tel que le noble Winterhound, il ne pourrait jamais s’en relever. Soudainement sous tension, il n’arrivait pas à détacher ses yeux du texte. Sans même lire, le contenu lui martelait le crâne, imprimant un rythme semblable à un compte à rebours.

    Le craquement de la colonne vertébrale de son lecteur le sorti de sa léthargie, le claquement du cuir souple du carnet qui se refermait lui permit de reprendre ses esprits, le repli des ailes le mit en attente des critiques. « Je ne vois pas pourquoi vous hésitez tant. Des auteurs beaucoup moins bons ont osé exposer leurs écrits ! » Cette première réflexion devait vouloir rassurer Caesar mais cela ne faisait que éveiller son impatience. Heureusement pour lui, l’ailé ne semblait pas s’arrêter là. « J'ai... J'ai presque vu les couleurs. » Ce murmure n’avait pourtant pas échappé au prêtre qui sentit comme un baume au cœur, un adepte des belles lettres tel que son interlocuteur avait été donc réellement touché par ses récits. Une certaine euphorie commençait à envelopper le croyant, le sourire aux lèvres mais il fut vite désenchanté en voyant le regard du noble s’attrister. « Mon père détestait que je lise ce genre de choses… Et d'autres détesteront sans doute vos poèmes. Mais ce n'est pas mon cas. Je pense que vous avez du talent. » Si la plupart des gens n’auraient retenu que la dernière partie, Caesar n’avait retenu que la première. Il sourit gentiment et accepta le compliment, pourtant il ne pouvait penser qu’à la réflexion du conseiller et savait qu’il allait contre toutes convenances en lui demandant.

    « Je vous remercie profondément, votre approbation sera la pierre angulaire de mon futur. Je n’oublierais pas ce que vous avez fait pour moi et je vous le revaudrais. Quelle que soit l’affaire, quel que soit le temps, je viendrais. Je suis votre obligé si vous le voulez bien. » Le prêtre se leva de sa chaise et prétexta de ranger l’anthologie des frères Bourbon à son emplacement dédié pour laisser filer une larme discrète lorsqu’il avait le dos tourné. Se retournant après avoir essuyé délicatement le pleur de son œil avec son index droit, il continua. « Veuillez excuser mon impolitesse, encore un fois. Je ne peux m’empêcher de rebondir sur ce vous avez dit à propos de votre père. Vous avez une relation compliquée avec votre patriarche ? Je ne suis certainement pas à ma place lorsque je vous demande cela mais j’aimerais vous aider, peut-être aussi bien que vous vous m’avez aidé. » Il resta, là, à quelques pas de la table où le fils Winterhound était assis, debout, les mains croisés entre elles. Il ne voulait certainement pas mettre l’ailé dans une situation inconfortable mais par le pouvoir des lettres et des mots, il s’était attaché à lui.
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    Re: Êtres de lumière
    Mar 21 Mai 2019 - 21:06 #
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    — Je vous remercie profondément, commença Caesar avec la même humilité qu'il témoignait depuis le début de leur entrevue, votre approbation sera la pierre angulaire de mon futur. Je n’oublierais pas ce que vous avez fait pour moi et je vous le revaudrais. Quelle que soit l’affaire, quel que soit le temps, je viendrais. Je suis votre obligé si vous le voulez bien. Zéphyr fut assez surpris de cette réaction - il ne pensait pas avoir accompli quoi que ce soit de particulièrement important. Il n'avait fait que lire et donner son avis - et encore, il n'était pas critique littéraire ! Et pourtant, il se sentait gonflé d'orgueil : savoir qu'un des trois Prêtres de Lucy l'estimait à ce point n'arrangeait en rien son petit problème de narcissisme. Au fond, il adorait se sentir important et savoir que Caesar pensait avoir une dette envers lui. Vil Zéphyr que voilà.

    Le Prêtre se leva alors pour aller ranger le recueil délaissé - le noble l'attendit patiemment, en n'ayant aucune idée de l'émotion qu'il avait provoquée chez son compère. Il était plutôt occupé à essayer de formuler une réponse - il devait détromper Caesar, lui affirmer qu'il ne lui devait rien, comme la bienséance le lui demandait; mais sans trop en faire, car en toute honnêteté, il n'avait pas envie de le convaincre. L'art de bien choisir ses mots n'était décidément pas toujours aisé, mais Zéphyr n'en eut même pas l'occasion : contre toute attente, le pieux aborda un nouveau sujet.

    — Veuillez excuser mon impolitesse, encore une fois. Je ne peux m’empêcher de rebondir sur ce vous avez dit à propos de votre père. Vous avez une relation compliquée avec votre patriarche ? Je ne suis certainement pas à ma place lorsque je vous demande cela mais j’aimerais vous aider, peut-être aussi bien que vous vous m’avez aidé. Zéphyr en resta coi de surprise. Il ne s'était même pas rendu compte qu'il avait laissé échapper ce détail, mais force était de constater que Caesar venait de le vaincre à l'exercice de la joute verbale. Pourtant, Zéphyr en était un expert, après ses années d'entraînement à la cour - où il était vital de maîtriser ses propos à tout instant, et d'être extrêmement vigilant à ceux de ses interlocuteurs - mais le Prêtre avait su le prendre de court. Sans doute à cause de son expérience en tant que confesseur.
    Après la surprise, ce fut l'émotion qui frappa le conseiller. Il avait beau essayer de se persuader qu'il ne ressentait plus rien vis-à-vis de son père, ce n'était pas tout à fait vrai - Zéphyr avait toujours été trop sensible pour pouvoir complètement effacer quelqu'un d'aussi important de sa vie. Ces souvenirs, couplés à la gentillesse dont faisait preuve Caesar, étaient suffisants pour l'ébranler.

    — Ne vous en faites pas, vous êtes tout à fait à votre place, fit-il doucement. Le Prêtre pouvait déjà se permettre plus de libertés qu'autrui de part son statut, mais il avait également réussi à s'assurer une place de choix dans l'estime de Zéphyr. Rencontrer un autre homme aussi sensible à la littérature que lui, au point d'écrire ses propres poèmes, dans un monde où on lui avait toujours dit que seules la force physique et la valeur martiale comptaient, avaient fait au nobliau le plus grand bien. Mon père était un homme strict et dur. Je ne sais pas si vous connaissez ma famille, mais nous étions connus pour nos faits guerriers. Il n'a jamais été capable d'aimer ce que j'étais... expliqua sobrement l'ailé. Il parlait assez bas, ne pouvant pas voir si d'autres clients étaient entrés dans la librairie et ne voulant pas se faire entendre d'oreilles indiscrètes. Il gardait les yeux baissés sur la table, comme s'il n'osait plus confronter le regard du Prêtre - et ses ailes s'étaient plaquées contre son dos au possible, se faisant plus petites, plus faibles. Rien que l'évocation de son enfance suffisait à rendre Zéphyr plus vulnérable qu'il ne l'était réellement - inconsciemment, il se diminuait lui-même, se soumettant à la présence passée, mais toujours omniprésente, de son défunt père.

    — ... Mais tout va bien, à présent, tenta de feinter le noble en levant un sourire forcé, et ô combien triste, dans la direction de Caesar. Mon père a quitté ce monde le mois passé. Vous avez cependant toute ma reconnaissance, ne serait-ce que pour vos nobles intentions. Caesar avait voulu l'aider, et c'était déjà très bien - Zéphyr n'en avait pas tant espéré. Il se demandait tout de même si le Prêtre aurait pu changer quoi que ce soit entre le père et le fils Winterhound - Robert n'avait jamais témoigné d'une quelconque piété, mais Caesar semblait être un homme sensé et habile de ses mots. Peut-être aurait-il pu l'influencer... Quel malheur qu'il fut arrivé trop tard !

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    Re: Êtres de lumière
    Mer 22 Mai 2019 - 11:23 #

    « Retourne toi et regarde,
    Observe chaque chose de notre vie,
    Admire le passé et prends garde,  
    Car ton étoile pâlie !
    »

    Un certain inconfort régna le temps que le noble ingère la question, la surprise lui ayant ôté son verbe. L’émotion semblait gagner l’ailé et Caesar eût le réflexe de détourner un peu son regard, le temps que le conseiller reprenne contenance. Malheureusement, il semblait avoir été profondément affecté par son enfance et la question n’avait fait que raviver des souvenirs malheureux. Plein de sollicitude, le prêtre se rapprocha doucement du Winterhound, comme pour venir le réconforter de sa présence – il savait qu’il provoquait une certaine chaleur lorsqu’il le souhaitait alors pourquoi ne pas en faire bon usage. Mais, avant qu’il n’ait fait deux pas, l’ailé prit la parole, doucement, avec une inflexion différente par rapport aux premiers échanges, plus personnelle peut-être. « Ne vous en faites pas, vous êtes tout à fait à votre place… Mon père était un homme strict et dur. Je ne sais pas si vous connaissez ma famille, mais nous étions connus pour nos faits guerriers. Il n'a jamais été capable d'aimer ce que j'étais... » Au fur et à mesure que le noble ailé parlait, sa voix semblait s’échapper de sa bouche sans réelle force et s’était éteint en murmure. Son regard était braqué sur la table, son corps replié sur lui-même, donnant l’impression que chaque souvenir impactait physiquement le conseiller royal, que chaque mot à propos de son père lui arrachait une partie qu’il avait enfoui au plus profond de lui. Caesar écoutait tout cela avec une raideur professionnelle, campé sur ses jambes, les yeux brillant d’une ferveur renouvelée. Il partageait la douleur de son interlocuteur, il ne pouvait connaître le désamour d’un père mais au travers des mots, il la ressentait.

    « Mais tout va bien à présent. Mon père a quitté ce monde le mois passé. Vous avez cependant toute ma reconnaissance, ne serait-ce que pour vos nobles intentions. » Zéphyr Winterhound avait finalement décidé de lever son regard sur le prêtre et celui-ci vit, cette fois-ci, un homme différent qu’un ailé digne et noble, il vit un enfant blessé et fragile. Si cette vision pouvait en dégoûter certain, cela ne dérangeait pas le moins du monde Caesar. Il balaya les remerciements d’une main pour signifier que tout cela était normal et vint s’asseoir en face du noble ; le dos droit, les mains entrecroisées vers le bas-ventre. Il prit un peu de temps avant de reprendre la parole, laissant au conseiller le soin de se reprendre un peu. « Si votre père n’a pas vu un guerrier en vous, c’est qu’il était affecté d’une plus grande cécité que la vôtre. Ce que je vois en face de moi, c’est un homme qui a franchi des barrières plus difficiles que celle d’un soldat ; si vous n’avez pas l’empreinte physique d’un soldat, vous en avez le mental. Alors tant bien même vous ne sauriez-vous battre, vous êtes celui qui est le plus à même de faire changer les choses ; par votre stature et votre position. Votre nom n’est pas inapproprié, vous êtes un combattant à votre propre manière ; il existe une arme plus puissantes que la magie, les épées et les lances : les mots. A ce que je sache, il suffit d’un mot du Roi pour que nous entrions en guerre. »

    Caesar s’arrêta de parler, il n’avait pas dit ça pour flatter l’ego de son interlocuteur mais parce qu’il le pensait sincèrement. Chaque personne avait un rôle à jouer, qu’il s’agisse de servir, de protéger, d’écrire, de partager et de mourir. Le rôle de Zéphyr Winterhound était encore à déterminer mais il y avait fort à parier qu’il serait bien assez tôt un des hommes les plus puissants à la cour. C’était bel et bien un guerrier, plus qu’il ne le pensait. Un guerrier de l’ombre, à la Cour, jouant avec les mots dans des joutes verbales assassines où chaque manquement conduisait à la mort sociale. Tout cela forçait le respect et le prêtre Hohenzollern voyait en lui un homme qu’il pouvait suivre.
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    Re: Êtres de lumière
    Mer 22 Mai 2019 - 23:13 #
    Prose & poésie
    zéphyr & caesar

    Caesar vint de nouveau le rejoindre à la table, avant d'ouvrir la bouche pour soutenir Zéphyr par de sages paroles. Ses mots étaient réconfortants, mais ne sonnaient pas vides et dénués de sens comme c'était parfois le cas lorsque nos amis tentent de nous aider. Le noble, dans sa faiblesse, se prit à espérer que le Prêtre pensât réellement ses propos. Il n'avait pas l'air de mentir, mais Zéphyr se doutait bien qu'il devait exhorter ses paroissiens de la même façon. Pensait-il toujours ce qu'il disait ? Était-ce seulement possible ? Oui, Zéphyr aurait dû résister un peu plus - il aurait dû douter et tout remettre en cause, mais... Il ne le put pas. Le charme (sur)naturel de l'être de lumière était sans doute à blâmer.

    — Vous êtes trop bon avec moi. Mais le pire dans tout cela, c'est que ce n'est pas la première fois que j'entends pareils propos, admit Zéphyr un peu honteusement. En effet, il avait été bien entouré par le passé : ses professeurs et co-étudiants l'avaient, eux aussi, réconforté de la sorte dans ses moments de faiblesse. Mais les mots, s'ils s'imprimaient dans sa mémoire, n'atteignaient jamais son âme. Il n'arrivait pas à s'en convaincre, à s'en imprégner totalement, même s'il connaissait en théorie ces discours. Vous êtes décidément un excellent Prêtre, et vous avez du cœur. Permettez-moi de vous remercier encore une fois. Sur quoi le conseiller inclina respectueusement la tête - et, pour une fois, son humilité n'était pas feinte. Il avait repris de sa contenance, et se sentait assez penaud d'avoir ainsi dévoilé une nouvelle facette de sa vulnérabilité. Il en eut presque envie de s'enfuir. Et, en vérité... Peut-être le temps était-il venu.

    — J'ai un appartement au palais, fit-il alors en se faisant plus droit, comme pour changer de sujet. Sentez-vous libre de m'envoyer une missive si, d'aventure, vous avez besoin d'un coup de pouce administratif. Il lui adressa un sourire espiègle, preuve qu'il avait vite repris du poil de la bête. Il n'était pas dans ses habitudes de proposer son aide ainsi, mais Zéphyr ne voulait pas que cette rencontre ne devienne qu'une anecdote parmi tant d'autres. Il chercha vaguement le carnet du regard avant de continuer : Et si votre quête divine vous conduit vers des paysages ou des événements dignes d'être vus... Je vous en prie, partagez-les avec moi.

    Ses mots sonnaient comme un au revoir et, pourtant, l'ailé n'amorça pas un geste. Comme s'il n'avait pas envie de quitter cette table.

    code by little wolf.
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    Re: Êtres de lumière
    Jeu 23 Mai 2019 - 9:38 #

    « Lorsqu’il vient à disparaître,
    On ressent résolument la perte,
    L’adieu n’est pas un paraître,
    Et tout cela déconcerte.
    »

    « Vous êtes trop bon avec moi. Mais le pire dans tout cela, c'est que ce n'est pas la première fois que j'entends pareils propos. Vous êtes décidément un excellent Prêtre, et vous avez du cœur. Permettez-moi de vous remercier encore une fois. » Caesar regardait le conseiller Winterhound reprendre peu à peu sa contenance nobiliaire, un drapement de dignité nécessaire dans sa profession. Il n’en prenait pas ombrage, cette discussion à cœur ouvert avait élimé les frontières de la bienséance et fut particulièrement éprouvante pour les deux hommes. Il sentait pourtant le temps filer, comme une ancre rappelant constamment ses devoirs et obligations. « J’ai un appartement au palais. Sentez-vous libre de m'envoyer une missive si, d'aventure, vous avez besoin d'un coup de pouce administratif. Et si votre quête divine vous conduit vers des paysages ou des événements dignes d'être vus... Je vous en prie, partagez-les avec moi. » La générosité du noble ailé embauma le cœur du prêtre et le fit sourire.

    Cela devait faire une heure ou deux qu’ils s’étaient rencontrés et partagés des facettes qu’ils n’avaient jamais révélés à quiconque. Il s’agissait là d’une rencontre que l’on ne faisait qu’une seule fois dans sa vie ; une personne qui la changeait irrémédiablement. Caesar regarda Zéphyr, celui-ci avait repris sa contenance, son phrasé était plus formel et il s’était redressé. Un silence s’était installé suite à la proposition du conseiller, ce n’était pas pour autant un silence pesant mais un silence apaisant où les non-dits se révélaient, les remerciements sincères se faisaient, les sentiments s’entremêlaient. Après avoir jeté un coup d’œil à la fenêtre, le prêtre Hohenzollern reprit son carnet, qu’il glissa rapidement dans sa poche de veste, se leva et prit la parole : « Je vous en suis reconnaissant, M. Winterhound, votre soutien ne me laisse pas indifférent. Vraiment. Alors, oui, je serais vos yeux dans les contrées éloignées ; je vous ferai parvenir tout ce qui vaut la peine d’être vécu et vu. »

    Hésitant encore un peu, Caesar ne pouvait ignorer son futur retard s’il ne partait pas incessamment sous peu, cependant, le cœur n’y était pas. Il devait rencontrer deux prêtresses de Lucy au Temple, ou du moins, répondre à l’invitation d’une d’entre elles ; une certaine Eléonore Somerset. Soupirant, il reprit : « Notre discussion touche, donc, bel et bien à sa fin… Ce fut un bon moment de partage mais je dois partir et je suppose que vous aussi ; nos obligations respectives sont contraignantes par moment, n’est-ce pas ? » Le rire se voulait réconfortant mais une nuance de faible tristesse pouvait se ressentir. Enfin, après une courte pause, il enchaîna : « Ma foi, si vous avez encore du temps pour la poésie, n’hésitez pas à vous attarder dans ce rayon. Vous pourriez y trouver quelque chose de… d’unique. » Un large sourire embellissait le visage de Caesar tandis qu’il commençait à s’éloigner. Alors qu’il avait atteint le fond du rayon, il se tourna, regarda une dernière fois le noble, lui fit un signe d’au revoir et disparut de son champ de vision.

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