-Arrête toi qu'on te refasse le portrait !
Astrid se faisait courser comme jamais.
-Cours toujours ! Rétorqua celle-ci en riant. C'est le cas de le dire en plus, bande d'emplumés ! Pigeons ! Cervelles de moineaux !
-T'es morte !
Qui, quoi, comment, pourquoi…Un inconnu se demanderait probablement ces questions en voyant 3 loubards écumant de rage chasser une belle demoiselle qui, malgré la situation, gardait un étrange sourire farceur sur le visage. Un habitué par contre ne se poserait plus ce genre de question et se contenterait simplement de hausser les épaules en se disant « Ah, c'est encore elle ». Car en effet, la femme à tout faire attirait les problèmes à elle comme une lampe attirait les papillons de nuit et elle était bien connue pour ça.
Cette fois-ci pourtant, ce n'était pas de sa faute, ou pas entièrement en tout cas. Ces 3 hommes avaient auparavant tenté de la draguer, et cela avait terminé en bagarre dans une taverne. Rien d’inhabituel jusqu'à là. C'était le genre de chose qui arrivait bien trop souvent dans les tavernes de la capitale une fois la nuit tombée.
Malheureusement pour les bons messieurs, Astrid s'était alors décidée à leur donner une bonne leçon et avait souhaité se venger en jetant de la colle et des plumes sur les hommes pour les traiter ensuite de poules mouillées.
Et désormais, elle se faisait chasser par 3 oiseaux géants écumant de rage.
Elle s'engouffra dans une petite ruelle, courant toujours à toute vitesse, et renversant sur le chemin de ses poursuivants ce qu'elle pouvait. En réalité, avec son pouvoir, elle aurait pu facilement les semer. Mais où était l’intérêt et l'amusement dans tout cela ? Il était bien plus drôle de se faire poursuivre pour rajouter un peu de piment dans la vie et les humilier davantage. De même, elle aurait pu tout simplement se retourner pour leur donner d'autres bleus, mais elle préférait tout simplement courir et ne pas en venir à la violence par elle-même pour ne pas se salir les mains avec de la colle extra forte et des plumes.
D'ailleurs, tout cela lui donnait faim. Qu'est-ce qu'elle mangerait ce soir ? Du poulet ? Bonne idée. Dans quelle taverne irait-elle boire…. ? C'était dans ses pensées là qu'elle sortit de la ruelle pour atterrir dans une grande rue pleine de monde. Malheureusement, Lucy, déesse qui ne l'avait jamais réellement aimée, avait décidé ce jour là et à ce moment là de lui faire perdre l'équilibre sur une peau de banane qu'un goujat avait laissé là sans penser à la propreté publique.
-PUTAIN DE MER….
Avant de pouvoir finir son injure, boum, patatras ! Paf ! Ça fait des cho...
-...ca pique le nez…
Elle avait percuté un parfait inconnu nez le premier et tout deux tombèrent à terre.
-ATTRAPEZ LA !
Ses sens en alerte, l'ex-commandante de la garde se releva aussitôt et aida l'inconnu à se relever :
-Merde, désolée gamin, ça va ?
Le gamin en question était loin d'être un gamin, mais l'était tout de même aux yeux d'Astrid qui avait 83 ans. Grand, blond, athlétique, et….prêtre de Lucy ? Ah tiens, la déesse ne l'avait peut-être pas abandonnée !
-La déesse soit louée, tu veux pas m'aider ? Y'a des malfrats qui m'ont volée dans les plumes et...merde…
Elle n'aurait jamais le temps de lui expliquer la situation, aussi elle décida de passer à une autre stratégie pour forcer l'aide de l'inconnu. Elle se cacha derrière celui-ci et annonça haut et fort lorsque les trois hommes la rattrapèrent :
-Oy Jean-Philippe. J'suis contente que tu sois là, NOTRE, elle insista étrangement sur ce mot là, plan a bien marché, regarde leur tête ! Vazy maintenant, nique les mon pote ! Toi t'es pas un poids plume comparé à ces pigeons !
Que de vulgarités sortant de la bouche d'une femme si jeune ! Quelle audace d'inclure dans sa merde un parfait inconnu!
Mais cela ne s’arrêta pas là, car cachée derrière le grand gaillard, elle en profita pour leur faire des doigts d'honneur à répétition pour les provoquer.
Et cela fonctionna.
« Une rencontre inattendue,
Capricieuse par nature,
Le doux parfum de l’aventure,
L’Amour se présente, nu. »
La nuit était tombée depuis une ou deux heures maintenant, le monde nocturne s’était développé au fur et à mesure de l’avancée de la lune dans le ciel. Le sourire aux lèvres, le Prêtre de Lucy se promenait sans réel but dans la capitale, admirant, une dernière fois, l’architecture d’une ville qui l’avait accueilli pendant toute son enfance. Une marche tardive était le meilleur moyen d’observer réellement ce qu’était le monde ; on y voyait des travailleurs s’amuser, des gardes se reposer, des aventuriers se raconter des histoires fantastiques et épiques. Ce tableau sociétal était si beau que Caesar nota machinalement, telle une peinture, les visages, les positions et les sentiments pour les décrire plus tard. Il louait Lucy pour la beauté de ce monde ; l’insouciance des Hommes dans la nuit face aux problèmes du monde du jour, la joie suprême des individus nocturnes face au morne diurne. La vie était dure et la nuit, généralement, était lieu de paix – troublée parfois, cependant, par des énergumènes peu recommandable…
Caesar avait atteint une artère principale de la capitale et était fichtrement remplie de monde, à tel point, qu’il hésita à s’engager dans la rue. Haussant les épaules, il s’y rendit tout de même. Un sentiment de faim lui parcourait progressivement l’estomac alors le croyant s’arrêta devant une boulangerie-pâtisserie, détailla les mets en vitrines, y entra et en ressorti avec, dans un emballage de papier, une petite gâterie. Les yeux pétillant de joie, il s’aventura, la démarche guillerette, plus loin dans la rue.
S’il n’avait pas été obnubilé par le contenant de ce qu’il avait entre les mains, il l’aurait vu. Il aurait aperçu cette boule humaine foncer depuis une ruelle vers lui. Il aurait aperçu cette même personne glisser sur une peau de banane. Il ne se serait pas fait percuté. Caesar rouvrit les yeux pour y voir une jeune femme appétissante au langage détonant, debout au-dessus de lui, lui tendre la main afin de le relever, ce qu’il s’empressa de faire. Soudainement, le prêtre réalisa ce qu’il venait de se passer et tourna lentement la tête vers son gâteau, le teint livide. Il n’en revenait pas, il avait succombé à une envie pour la première fois depuis des années et il était puni pour ça, du moins, il le pensait. Abasourdi, sourd aux dires et aux provocations de la femme qui se cachait derrière lui, il n’avait pas encore vu les lourdauds qui se dirigeaient sur lui, un air patibulaire plaqué sur le visage. Lorsqu’il les aperçus enfin, il était déjà trop tard. Le poing fermé du premier balourd vint sécher le prêtre qui tituba en arrière, manquant de renverser l’inconnue. Tombant sur son postérieur, il reprit vite ses esprits et se redressa mais fut plié en deux par un autre coup à l’abdomen, raviva sa faim, agrémenté d’insultes salées, reprenant à tords et à travers la généalogie familiale – notamment le métier des femmes. Par réflexe, alors que le troisième coup était amorcé, il se mit à luire ; sa vie était en danger et la vie de cette femme aussi. Le lourdaud s’arrêta dans son élan et recula lentement, observant la lumière émaner du prêtre, rejoignant ses amis au détour de la ruelle.
Le regard braqué sur les assaillants, Caesar alla à la rencontre de la jeune femme au langage corsé pour s’assurer qu’elle aille bien et qu’aucune violence ne lui fut faîte. « Madame, comment allez-vous ? Ces hommes vous ont-ils agressés ? Rassurez-vous, je suis là maintenant. » Le prêtre s’était rarement battu, pourtant, cette nuit, il voulait bien remettre à sa place les immoraux et les truands. Leur faisant face, il s’adressa aux idiots qui écumaient de rage tout en vilipendant la femme de surnoms peu flatteurs à un ego. Il tenta tout de même un discours apaisant - et cessa donc de briller dans la nuit telle une torche -, cherchant à faire disperser la foule qui commençait à s’amasser autour d’eux… La curiosité était décidemment un si mauvais défaut. « Messieurs, calmons-nous et discourons comme des adultes. Votre attitude ne fait que du mal, regardez mon gâteau ! Euh, et cette femme ! » Il n’avait simplement pas réfléchi, il voulait mettre en avant la douleur psychologique que pouvait ressentir cette jolie jeune femme, pas envenimer les choses en parlant de feu sa pâtisserie. Visiblement, le discours n'avait convaincu personne. Il faisait un bien piètre prêtre...
-Vazy mon gars ! Explose-les ! Une patate dans leur grosse gueule de tap...Aie.
Aie, c'était le mot. Astrid ne put s’empêcher de faire la grimace en voyant le prêtre se faire défoncer.
-Ouch.
Ouch était également un mot approprié.
-OOF.
Oof montrait également que les choses tournaient malencontreusement mal.
Elle n'aurait pas dû placer tant d'espoirs sur ce prêtre qui avait pourtant l'air athlétique. Sa déception fut grande et la jeune femme responsable de tout ce bordel s’apprêta à intervenir pour leur donner une bonne leçon mais s’arrêta dans son élan lorsque quelque chose se mit soudainement à briller.
L'homme à terre.
Tiens, depuis quand est-ce que les prêtres de Lucy sont bénis à ce point et se mettent à briller par eux-mêmes quand ils sont en danger ?
Ou peut-être son pouvoir. Un peu naze comme pouvoir, de briller dans la nuit.
-Pratique pour aller pisser le soir ou pour trouver un objet qui tombe de la table de nuit sans allumer une bougie cela dit. Dit-elle en ricanant à l'attention de la foule qui commençait à s'amasser. Par contre ça doit un peu péter les yeux quand c'est trop soudain.
L'inconnu, la victime des farces de la femme à tout faire, alla à sa rencontre pour lui demander si tout allait bien. Quel gentleman ! On pouvait au moins lui accorder cela !
-Oh, béh bien grâce à toi mon gars ! Répondit-elle en lui tapotant l'épaule, sans aucune once de féminité. Ces lourdauds ont bien tenté de me faire des choses ignobles et inimaginables, mais maintenant que tu es là, je suis rassurée !
Enfin, rassurée….Le mec s'était fait tabasser sans pouvoir réagir quoi. Bah, mettons ça sur le compte de l'attaque surprise ! L'homme dont elle ne connaissait pas le nom – appelons le Jean-Philippe pour l'instant – arrêta de briller dans la nuit et tenta de discuter avec ses poursuivants. Il était bien un prêtre tiens ! Vouloir utiliser la parole et la raison pour tenter de désamorcer la situation ! Mais Astrid savait très bien que cela ne marcherait bien et chercha même à jeter de l'huile sur le feu en apprenant qu'un gâteau avait été victime de cette course poursuite. Ils payeraient cher cette deuxième victime qui n'avait rien demandé ! Pauvre gâteau ! Comment avaient-il pu oser faire ça ! Grrrrrr.
- Messieurs, calmons-nous et discourons comme des adultes. Votre attitude ne fait que du mal, regardez mon gâteau ! Euh, et cette femme !
Pendant qu'il avait le dos tourné, Astrid en profita pour tirer sa langue, faire des grimaces, en rajoutant des doigts d'honneur, montrant son postérieur, dansant et balançant ses bras, les poings serrés, alternativement devant puis derrière son corps dans un mouvement de balancier, et alla même jusqu'à faire des signes de la main pour leur dire « je – vous – en – mer - 2 ». Toutes les choses...qu'un enfant ferait quoi.
Astrid avait beau avoir 83 ans, elle n'en avait effectivement que 8 mentalement.
-Ouais, comme des adultes ! Répéta-t-elle avec un grand sourire moqueur et un clin d’œil. J'espère que vous allez rembourser son gâteau ! Sinon il va vous mettre des tartes ! Ça vous apprendra à vous attaquer à son gâteau ainsi qu'à une jeune femme tout à fait innocente qui….
-ON VA TE BUTER.
-Ah. Ok. Elle tapa dans le dos du prêtre et lui dit : Euh, Jean-Philippe, j'crois qu'ils sont en colère contre toi. Bonne chance. Ça ne sera pas du gâteau.
Si les choses tournaient vraiment vraiment vraiment mal, elle lui viendrait en aide.
Probablement.
Peut-être.
Potentiellement.
Enfin, on verra bien.
« Je frémis sous les cris de l’ennemi,
Sous les huées de l’impie ;
Ils me chargent de crimes,
Avec rage ils m’accusent. »
Caesar Hohenzollern ne comprenait pas une once de ce qu’il se passait ; il pensait avoir calmé la foule mais dès qu’il avait cessé de parler, les rufians s’étaient exclamés de violence. Le dilemme qui s’opérait dans la tête était terrible, il ne savait pas s’il devait réagir physiquement à la violence des individus ou tenter de les raisonner, chose qui s’était avéré être un échec. C’est avec appréhension qu’il vit le groupe fondre sur lui. Par instinct, il glissa sa main dans son dos, tentant tant bien que mal de rassurer la jeune fille derrière-lui. Celle-ci ne semblait pas réellement inquiète et semblait même s’amuser de la situation mais Caesar n’en prenait pas ombrage, c’était son devoir de protéger les fidèles quels qu’ils soient. Chose, par ailleurs, qui choquait le croyant, c’était qu’aucun des marauds ne semblaient reconnaître son statut, ni même y apporter quelconque respect.
Le groupe s’était avancé comme un seul homme en courant. L’esprit toujours en ébullition, le dévot peinait à réagir face à une telle charge : devait-il se défendre, sous peine d’être mal vu par la population ? Devait-il supporter l’offense pour protéger la femme ? Paralysé par les questions qui se bousculaient dans sa tête, le poing du premier individu s’écrasa en plein nasal. La vue obstruée par la dextre gargantuesque du malandrin, Caesar n’avait plus de doute. Le sang qui perlait sur ses lèvres, le goût du nectar lui avait rappelé à quel point il était stupide. Il en avait oublié que les manières, lorsqu’elles ne pouvaient être apprises par l’éducation, devait l’être par la manière forte.
« Et puis merde. »
La brute n’eût que le temps d’armer son second coup lorsqu’une gifle vint le stopper net dans son élan, emportant sa dignité. Caesar avait mis assez de puissance pour dissuader un nouveau pugilat, et, profitant de ce moment de répit, il écarta la femme vers le public.
« Sachez que je ne suis pas fier d’user de violence pour les restreindre, si vous pouviez en profiter pour partir, je vous en serai reconnaissant. » Se détournant, il n’avait pas anticipé une telle fougue des lourdauds, qui ne comptaient visiblement pas s’arrêter avant d’avoir mis la main sur leur victime ; il prit un sale coup dans l’estomac qui le laissa avec le souffle coupé. Se ressaisissant, il récita un psaume exhortant à la Justice d’emporter les immoraux et les assassins avant de se jeter, dans une mêlée confuse sur ses adversaires.
-Et puis merde.
Astrid prit une mine faussement choquée en entendant le prêtre de Lucy jurer, même si ce n'était que pour dire « merde ». Ce n'était pas tous les jours que ça arrivait. Cela dit, ce n'était pas tous les jours non plus que les prêtres se faisaient tabasser dans la rue à cause d'une connasse comme elle. Elle espérait que Lucy serait assez douce et gentille pour lui pardonner d'avoir mêlée l'un de ses prêtres à ses conneries. Ce dernier d'ailleurs, comme tout bon gentleman, pensa d'abord à la protection d'Astrid et l'écarta du public tout en lui demandant de partir, annonçant par la même occasion qu'il allait enfin recourir à la violence.
Les valeurs de la chevalerie n'étaient pas mortes ! Elle lui aurait bien fait un bisou avant de filer, mais elle n'en eut pas le temps.
-Si c'est demandé si gentiment. Dit-elle tout sourire en tournant dos au combat.
Oh, elle était bien plus que prête pour partir la gredine. Rentrer chez elle, boire un petit verre, et au lit l'esprit tranquille après avoir eu une journée bien remplie et mouvementée ! Elle pouvait filer là, ici, maintenant, à toute vitesse sans jamais se retourner, parce qu'une personne de la foule finirait bien par aider le pauvre homme dans le besoin dans ce combat déséquilibré, n'est-ce pas… ?
Elle regarda autour un instant, mais personne n'osa faire un pas en avant. Et les gardes n'étaient toujours pas arrivés.
…
Ugh. Vraiment ? Elle tourna sa tête pour voir le prêtre se manger un coup dans le ventre. Ah.
Les choses tournaient donc assez mal. Un peu de remord et un peu de pitié s'emparèrent d'Astrid de voir ce combat en 1 contre 3 totalement sans honneur et à l'avantage des loubards. Quelque chose lui disait que si le prêtre finissait avec quelque chose de cassé, Lucy lui ferait la misère un de ces jours, comme si Astrid n'avait déjà pas assez souffert.
Raaaah putain.
-Je sais bien qu'un prêtre est pas supposé faire des dégâts mais quand même....
Elle se retourna, craqua ses doigts, fit tourner ses épaules, et s'exclama :
-On est jamais mieux servi que par soi-même dans ce bas monde.
Dans un cri fort aigu, elle se lança également dans la mêlée et la confusion, pêchant l'un de ses poursuivants d'une belle droite avant de l'enchaîner avec un coup de tête dans le nez. Elle lui donna par la suite plusieurs coups d'épaule, profitant de son effet de surprise et du déséquilibre de son adversaire, pour le pousser plus loin du prêtre et des deux autres loubards dans le but le prendre à partie dans un 1 contre 1. La tête derrière ses poings levés, les pieds en diagonal, sautillant légèrement sur place, un sourire narquois sur le visage, elle allait lui apprendre qu'il n'était pas judicieux de courir après Astrid Dalgaard ni de gâcher un bon gâteau.
Il n'y avait plus qu'à espérer que le prêtre surveillerait ses arrières et saurait se débrouiller pour finir les autres lourdauds ou au moins les distraire le temps qu'elle en finisse avec celui-ci. Après tout, Astrid n'était qu'une jeune femme sans défense et il fallait bien que son sauveur brille un peu sur la scène, heh.
Tout ceci n’était que cafouillis, un capharnaüm tel un impromptu rédigé par main d’apprenti. Les coups s’échangeaient avec férocité, appétit pour le sang et confusion, malgré tout. Caesar s’acharnait à vouloir maintenir au sol un des assaillants tandis qu’un autre lui martelait les côtes à coups de poings. Il remerciait silencieusement la jeune femme de ne pas s’être enfui comme il lui avait intimé et de se battre à ses côtés – si on pouvait appeler ça se battre. Il se faisait de la peine à lui-même, incapable de se débrouiller face à des individus alcoolisés, à moitié vomissant sur sa soutane. S’énervant, fatigué de se faire malmener par des gredins impies, il brandit son poing et l’abattit en plein dans la face de l’homme cloué sur les pavés de la rue. Il sentit sous ses phalanges un os se briser, se décaler d’une manière qu’il n’avait pas anticipé ; s’il s’était souvent battu lors des entraînements destinés à l’initiation, il n’avait jamais infligé de blessure comme celle-ci – préférant l’usage de son pouvoir. Un mélange de dégoût, de surprise et d’excitation se peint sur son visage. Il se releva, repoussant celui qui le chevauchait à moitié pour lui mordre l’épaule et s’éloigna de sorte à prendre un peu de distance.
Les cheveux ébroués, le regard fou et les quelques déchirures sur sa soutane lui donnait un air de fou-furieux. Ecartant les bras, il commença à réciter un psaume qu’il avait appris par cœur lors de ses nuitées d’apprentissages :
« Que Lucy se dresse, et ses ennemis se dispersent,
Et ses adversaires fuient devant Sa face.
Comme se dissipe la fumée, tu les dissipes ;
Comme fond la cire en face du feu,
Ils périssent, les impies, en face de Lucy. »
Les deux marauds, l’un se tenant la mâchoire ostensiblement et l’autre faisant rouler les muscles de ses épaules, le regardait avec un effarement presque comique. Caesar n’attendit pas qu’ils reprennent leurs esprits et s’engagea de nouveau dans la rixe avec un hurlement aux inflexions quasiment tribales. Toujours surpris de la véhémence du Prêtre du Culte de Lucy, le premier prit de plein fouet le croyant, se faisant renverser par l’impact et atterrit lourdement sur le sol, gémissant sous la force déployée. Sans perdre de temps, le pratiquant enchaîna une série de coup mal ajusté à son vis-à-vis. Considérant qu’il en avait eu pour son compte, il reporta son attention sur l’homme à la mâchoire décalée. Celui-ci venait, dans un craquement sinistre, de remettre à sa place les articulations mandibulaires. Sans doute à cause des larmes perlant aux coins de ses yeux sous l’effet de la douleur, il ne vit pas arriver le poing du prêtre. Il le sentit pourtant puisqu’il s’abattit, de nouveau, en pleine bouche. Il tituba et s’effondra, se tenant à deux mains le visage.
Caesar regarda le cercle s’étant formé et se surprit à apprécier ce qu’il voyait. Il venait de démontrer sa force au combat face à de nombreuses personnes rassemblées dans la rue, lui offrant un public digne des plus grands sermons. Ne prêtant pas attention, adrénaline en cause, à la jeune femme martyrisant son adversaire, il décida de s’offrir un moment de religiosité dans un instant brutal d’impiété.
« Mesdames, messieurs, observez les adversaires du jour ! Les malheureux sans morale, sans philosophie pour guider leurs vies et leurs pas ! Sachez une chose mes sœurs et mes frères, nous sommes un peuple uni par un même sentiment, le sentiment d’appartenance à une couronne, à une divinité réelle, à la Chance. Alors laissez-vous guider par le bien, les bienfaits et récompense, il y aura… »
Il voulut continuer sur sa lancée mais un grand choc l’emportant en partie dans les ténèbres ; son premier assaillants s’était glissé dans son dos et l’avait partiellement assommé d’un coup vicieux porté au crâne.
Elle était tout à fait concentrée sur son propre combat, mais pouvait entendre la bagarre qui avait lieu entre le prêtre et les deux autres enfoirés. Des coups donnés, des cris gutturaux, quelqu'un récitant un psaume….Hein ? Quelqu'un récitant un psaume ? AH ! Sûrement le prêtre qui s'amusait.
Enfin, s'amusait, façon de parler.
Elle attendit le moment où son adversaire, essoufflé par ses efforts et les coups qu'Astrid avait données, voulut donner un coup de poing afin de le contrer de son bras gauche avant d'enchaîner ensuite avec un coup de poing délibéré de bas en haut, directement dans le menton de l'homme qui s'écroula en grognant. Elle en profita pour lui donner plusieurs coups de pied alors que l'homme agonisait au sol et lui cracha dessus à maintes reprises:
-Ça t'apprendra à t'en prendre à mo...euh, à un prêtre ! Salaud ! Sagouin !
Comment le prêtre se débrouillait d'ailleurs ? Pas trop mal elle imaginait, puisque personne n'était venu pour aider celle qu'elle martyrisait au sol.
En réalité, il s'était...assez bien débrouillé en effet! Un peu amoché, sacrément amoché, mais il s'était bien débrouillé ! Il se permettait même de faire un discours à la populace, et Astrid ne put s'empêcher de l'applaudir :
-Bravo, brav...hein… ?
De nul part (pas vraiment), l'un des assaillants s'était relevé et lui avait donné un grand coup dans la tête derrière son dos. Aucun honneur ! Enfin, dans une bagarre de rue en même temps….
-Oh le fils de…
Sans un mot de plus, Astrid passe elle aussi derrière l’assaillant et lui donna un coup de pied dans l'entre-jambe qui scellerait à jamais la possibilité à ce bon monsieur de procréer dans le futur dans un "crack" audible.
Elle put voir les grimaces des hommes dans la foule mais ne s'en préoccupa pas. Au lieu de cela, elle s'accroupit et souleva la tête du prêtre à terre :
-Oh, quelle tragédie ! S'exclama t-elle de façon hautement dramatique, trop peut-être même. Un vrai malheur qui s'abat sur nous ! Le seul espoir de notre société est tombé au coup d'un hérétique ! Il est tombé raide mort, luttant contre de terribles païens ! Que Lucy bénisse ce prêtre charmant dans son armure étincelante ! Et...
Comment ça elle enterrait le prêtre trop vite ? Pfff...Mais non. Elle claqua des doigts plusieurs fois devant les yeux de son sauveur et demanda :
-Bon ok, euh, ça va m'sieur le prêtre ? Cligne des yeux 3 fois si tu m'entends, d'accord ? ALLO ?
Elle lui mit de bonnes grosses claques une fois, deux fois, trois fois, quatre fois...Tiens, c'était amusant de pouvoir claquer un prêtre en toute impunité sous prétexte de vouloir le réveiller. Héhé.
-Tu te souviens encore de ton nom ? Que quelqu'un lui fasse du bouche à bouche ! Messieurs, dévouez-vous ! Personne. Que quelqu'un m'aide à le relever au moins, bande d'ahuris !
Quelle ironie, que le sauveur soit sauvé par celle qui se faisait poursuivre et qui avait eu besoin d'être sauvée. Lucy faisait les choses bizarrement, il fallait le dire !