Amelia-Jade jaugea brièvement la petite enveloppe pincée entre son pouce et son index, partagée entre l'idée de l'ouvrir maintenant et celle de faire preuve d'une patience qui, jusqu'à la caserne, lui semblerait probablement infinie.
Elle se sentait rassurée. Frustrée et rassurée.
Le délai écoulé entre la précédente lettre de son frère et l'actuelle avait été si long que les idées noires avaient commencé à s'installer dans sa poitrine sans qu'elle n'arrive réellement à les repousser, mais au moins il était vivant. Peut-être pas entier, mais bel et bien vivant.
« … Deux, en fait. »
La boulangère lui lança un regard mauvais, néanmoins balayé par les quelques pièces que la jeune garde posa sur le comptoir afin de récupérer ses viennoiseries dans le même mouvement.
« Merci, au rev-- »
Sa phrase fût étouffée par le tintement infernal de la sonnerie de son établissement et Amelia-Jade s'engouffra dans la petite foule qui pavait les rues en direction de la caserne, indifférente à son comportement. Elle se fichait de cette bonne femme comme de ses premières couches et pour cause, le mépris qu'elle lui vouait était à la hauteur de ses viennoiseries : monumental. Elle ne comprenait pas, elle ne voulait pas comprendre, et ce fut donc en grignotant distraitement l'une de ses brioches qu'elle retourna à la caserne afin de regagner sa chambre au dortoir.
Il ne lui fallût qu'une petite poignée de minutes pour pénétrer le bâtiment où elle logeait en compagnie de ses camarades et autres collègues. À peine quelques secondes, ensuite, pour bifurquer dans le couloir menant à la pièce qu'elle partageait avec l'un de ses aînés. Son cœur prit des allures folles dans sa poitrine et, bien consciente du fait que son esprit s'amusait sûrement encore avec elle, Amelia-Jade décida d'ignorer toutes les idées folles que voulût lui imposer son subconscient.
Tenta de les ignorer.
« Bon matin. » souffla-t-elle sans le regarder.
Elle n'attendit pourtant pas de réponse, retira ses bottes afin de les poser au pied de son lit et s'y installa calmement afin d'enfin ouvrir la lettre qu'elle avait cru ne jamais voir arriver des mois durant. Son frère avant, son semblant de vie sociale après.
« Je suis toujours en vie ! Ta précédente lettre m'a fait plaisir mais je n'ai pas vraiment le temps d'y répondre alors je t'en renverrai une plus tard !
La lumière de bonheur qui illuminait ses yeux jusqu'alors laissa de nouveau place à son habituelle indifférence et elle enfonça la lettre dans son tiroir sans plus prendre la peine de la regarder. Elle ne s'attendait à rien de plus, de toutes manières. Il était probablement occupé. Il voyageait. Il continuait à aider ceux qui en avaient besoin. Il...
« … Tu as faim ? »
Le ton de sa propre voix lui arracha un frisson désagréable et, après un regard profondément blasé en direction de sa deuxième brioche, Amelia-Jade s'empara tout naturellement de la viennoiserie pour la désigner à son colocataire, enfin décidée à le regarder.
Rid était à l'image de la plupart des gardes qu'elle avait croisés jusqu'à présent : imposant, assuré et... agréable. Une horreur ambulante et un spectacle un peu trop délicieux pour ses yeux. Un colocataire qu'elle ne connaissait qu'à peine et à qui elle n'avait jamais réellement voulu parler ; partagée entre le paradoxe de son asociabilité et de ses effroyables tendances à s'enticher trop vite de n'importe qui.
Pourtant, pour une fois, le regard qu'elle lui lança s'avérait lui-même dénué d'un quelconque intérêt, même fugace, et elle se contenta de souplement lui envoyer la brioche sans se soucier de si oui ou non il la réceptionnerait.
Il pourrait sortir un moment, se changer les idées, probablement allez voir de la famille. Cependant, ses deux petites sœurs sont surement à l’aventure, quelque part dans le royaume à s’amuser. Quant à lui, il devait rester près de la capitale si on avait besoin de lui pour un évènement qui venait à se déclencher dans les rues de la ville. Enfin, pour le moment on n’avait pas besoin de lui. Il aurait pu accompagner sa camarade de dortoir, qui elle était de sortie. Sans doute encore pour s’acheter des sucreries. Même s’il ne lui parle pas très souvent, mis à part les formules de politesse. Les bonjours, les à plus ou encore les mercis. A vrais dire, il la connait que de loin. Ris sait que Amelia aimait les viennoiseries, il n’était pas rare d’en voir un dans les mains de la jeune demoiselle.
Parlant même du loup, la voilà qui revenait et les mains encore plein de viennoiserie à ce qui semblait. Rid, l’observa du coin de son œil encore valide avant de refixer le plafond, profitant du confort de son lit. Mais il allait répondre à la politesse part de la politesse tout de même. Il en avait reçu des baffes part sa mère pour qu’il reste bien éduqué malgré ses manières plus que brutale de faire.
- Bon matin à toi …
Elle semblait bien pressée pour cette matinée, avait-elle hâte de finir son déjeuner qu’elle avait acquérie en échange de l’argent qu’elle gagnait durement de son travail de garde. Ou serait ce la lettre qu’elle était en train d’ouvrir et lire qui lui disait sans doute de bonne nouvelle. En tout cas, Rid n’auras certainement pas la réponse, mais il pariait sur un proche.
Enfin, le jeune borgne fut surprit quand sa collègue lui proposa de partager un morceau de sa viennoiserie. Elle qui se goinfrait tout le temps avec ses friandises, elle semblait tellement adorer qu’elle ne partagerait avec personne par gourmandise. Peu de monde lui en voudrait, enfin Rid ne lui en voudrait certainement pas, car il n’attendait jamais quelque chose de la part d’Amelia. Mais là, il y avait un truc pour qu’elle partage son pain sucré. Enfin, il à pas eu le temps de dire quoi que ce soit qu’il recevait la brioche dans la main.
Il se redressa un peu, posant son dos contre le mur auquel son lit était contre et regarda la jeune femme de son œil valide. D’abor d’un regard neutre suivit d’un soupir amusé qui tourna à un sourire.
- Les nouvelles coupent l’appétit ? Merci, en tout cas.
Dit-il avant de soupirer avec amusement à nouveau. Son caractère lui faisait beaucoup penser à sa sœur Sia, qui à presque le même caractère qu’Amelia à son égard.
- Maintenant que j’y pense … -Dit-il en prenant une portion de brioche entre les dents. - Tu me fait penser à ma petite sœur … Assez froide, mais fort sympathique. Enfin, elle ne me lance pas de brioche, elle me lance plutôt son marteau de forgeron. Si notre petite sœur n’était pas là, se serait l’enclume que je me serais pris … Une occasion spéciale pour la brioche ? Car en générale, je te vois tout le temps finir et quel que soit la quantité que tu as acheté !
Il prêtait assez attention à elle pour remarquer ce genre de détails ?
En à peu près un an à partager la même chambre, l'évidence était plus ou moins logique mais elle n'avait jamais réellement pris la peine de s'attarder sur ses habitudes à lui, pour sa part. Elle sortait, patrouillait, rentrait se goinfrer, puis dormait. Sans jamais lui adresser quoi que ce soit de plus que quelques simples formalités.
« Mon... frère m'a agacée. » annonça-t-elle simplement en le quittant enfin des yeux.
Elle aurait du se contenter du fait, pourtant dérisoire, d'avoir au moins obtenu une réponse de sa part, de n'avoir rien de plus qu'un rappel du fait qu'il était en vie et qu'il allait visiblement bien ; elle était habituée à ne recevoir que quelques brèves lignes entre deux lettres.
Cela ne rendait pourtant pas la chose moins décevante et, pour une fois, Amelia-Jade laissa un soupir profondément excédé fuir ses lèvres.
« Les nouvelles sont supposément bonnes mais des mois d'attente pour un simple « Je suis toujours vivant » est... remarquablement frustrant. »
En dépit de l'agacement presque palpable dans sa voix, son visage demeura parfaitement neutre. Elle n'avait aucune raison ni envie de s'attarder sur le sujet, Rid ne lui posait probablement la question que par curiosité, sans arrière pensée, et il était hors de question qu'elle fasse l'étalage de sa vie familiale simplement pour vider un sac qui n'était même pas plein.
« Ta petite sœur a l'air terrible, si tu veux mon avis. »
Aucune animosité. Aucune méchanceté. Rien de plus qu'une simple déduction qu'elle émit en s'avachissant mollement sur son lit. Ses yeux se relevèrent alors en direction de la fenêtre entrouverte à sa droite et elle attendit un bref instant que son esprit se calme, pour reprendre :
« Tu as l'air de l'aimer malgré tout. »
Il n'y avait rien dans son comportement qui pouvait laisser à penser qu'il tenait rigueur à sa sœur de ses comportements visiblement excessifs. Rien qui n'aurait pu traduire qu'il entretenait de mauvais liens avec sa fratrie. Elle ne le lui enviait pas, mais l'idée ne la laissait pas non plus indifférente.
Et pour cause : elle ne partageait actuellement rien de plus que de simples lettres avec son frère, dont le nombre se tarissait un peu plus avec le temps, qui plus est.
Et combien de fois n'avait-elle pas simplement voulu passer ne serait-ce que quelques jours avec lui à s'entraîner et à l'écouter lui parler de tout ce que le monde lui offrait ?
S’il aimait Sia ? bien sur qu’il aime sa sœur. Surtout pour l’avoir supporté, elle et Sio durant leurs jeunesses pendant que Rid faisait sa formation de garde. Il y avait eu des mauvais moments comme de bon, ce qui est assez difficile avec les familles recomposées, on ne sait jamais comment l’un et l’autre vont interagir. Enfin, grâce à leurs petite sœur, Sio, Sia et Rid se sont serrer les coudes dû à l’aspect de leur jeune sœur, présentant des éléments draconique.
Amelia ne devait pas s’attendre à une réponse sans doute, mais Rid allait continuer à discuter un peu. Bien qu’il aime beaucoup plus cogner que parler, une petite discutions cela ne fait jamais de mal malgré tout.
- Disons que cela n’a pas été simple au départ …
Répond-il avant de redresser un peu contre le dossier du lit, appuyant son dos et tournant son regard auprès d’amélia, le sourire léger aux lèvres et l’œil encore valide s’habituant aux rayons du soleil.
- Nous n’avons pas le même père et ma petite sœur ma considérer très jeune comme un intru, ce que je peux lui comprendre, personne n’a envie de partager sa mère quand l’autre vient d’un autre père. Je ne lui en ai jamais voulu et cela la probablement vexer car elle a essayé de me détester plus fort pendant ma formation de garde, jusqu’à la naissance de notre petite sœur, Sio.
Par la suite, Rid se restressa un peu pour pointer du doigt un endroit de la ville depuis la fenêtre.
- Mes sœurs travaillent dans une forge avec leur père. Sio, notre petite sœur est la seule qui ai arrivé à nous entendre Sia et moi. Il faut dire que notre petite sœur n’a pas eu une enfance très joyeuse. Elle est capable de se transformer en un dragon nocturne, plus petit que ceux de la nature, sous forme humaine elle possède des cornes et une queue de dragon et éventuellement …
Continua t’il d’un soupire.
- Les parents des autres enfants la considéraient comme un danger, après tout personne à envie que son gamin se fasse bouffer par un dragon … C’est vrai que Sio mange énormément pour sa taille, mais elle n’est pas bête non plus. Mais elle n’avait que nous deux, Sia et moi. On s’est serré les coudes pour qu’elle a au moins une bonne enfance.
Et le jeune borgne souri, se rappelant des bons moments qu’ils ont passé à jouer ensemble et essayer d’aider leur jeune sœur à se développer comme il se soit en tant qu’humaine et dragon.
- Je me rappel qu’on à même essayer à lui apprendre à voler sous sa forme de dragon, mais elle à jamais pu réussir et c’étaient plus des tempêtes de poussière en tant que résultats !
Termina t’il avec un léger rire.
Amelia se surprit à chercher de multiples réponses à cette question dès l'instant même où Rid évoqua le fait que ses sœurs et lui ne partageaient pas le même paternel. Des réponses désagréables. Agaçantes et désagréables. Elle aimait profondément son père, ses étreintes délicates et son humour parfois incompréhensible. Au moins autant qu'elle n'aimait sa mère. Bien assez pour s'en vouloir d'avoir seulement envisagé cette idée.
Rien n'aurait changé, de toutes manières. Tout aurait peut-être même été pire.
Elle savait pertinemment que son frère lui en avait voulu simplement parce qu'elle avait été l'enfant talentueuse subitement apparue après lui. Elle comprenait moins, en revanche, qu'il s'en fasse autant au vu des capacités qu'il démontrait lui-même.
Désabusée, la jeune garde suivit néanmoins le signe de Rid lorsqu'il désigna la fenêtre, profita de cette occasion pour évacuer les idées désagréables qui s'étaient immiscées dans sa tête.
Les quelques toits des bâtiments annexes à la caserne se dessinaient à travers la vitre ouverte en une élégante succession de plateaux rendus lumineux par le soleil et l'aperçu à lui seul allégea un peu le cœur d'Amelia. Cette ville était belle. Incroyablement belle.
Visiblement satisfaite avec les plus petites choses, elle se redressa alors de son matelas pour aller s'installer sur le rebord de la fenêtre.
Les rayons chaleureux de l'astre diurne sur sa peau lui arrachèrent un frisson agréable et elle ferma les yeux un bref instant pour mieux se détendre, toute son attention focalisée sur la voix de Rid.
Son rire fut le détail qui la ramena finalement sur Terre et elle se cala un peu plus confortablement avant de prendre la parole à son tour.
« Les gens ont peur de ce qu'ils ne comprennent pas, une peur qu'ils traduisent parfois par une profonde admiration ou, plus généralement, par une stigmatisation. Malheureusement pour ta sœur, elle a vécu le deuxième cas, quand bien même ta façon d'en parler me laisse penser qu'elle ne le méritait absolument pas. »
La perspective ne l'ébranlait pas plus que de raison mais, plus pour la forme que pour réellement la plaindre, Amelia-Jade grimaça imperceptiblement.
« Elle a eu de la chance que ça ne se soit arrêté qu'à là, les hommes peuvent se montrer assez mauvais dans ce genre de situations. Mais vous étiez là au moins, Sia et toi. »
Et elle le lui enviait, ça, cela dit.
« Tes sœurs ont l'air... adorables, à leur façon. J'aurais aimé avoir une telle relation avec Vyce, mais les choses ont été un peu plus compliquées. »
Son visage reprit son habituelle neutralité et elle s'avachit un peu plus contre le cadrant de la fenêtre en fixant ses yeux sur ses cuisses.
« Nous sommes nés des mêmes parents, à qui on a trop souvent rabâché que j'étais plus brillante et talentueuse que mon grand frère, alors qu'eux-mêmes considéraient leurs enfants de la même façon. Les choses ont empiré lorsque j'ai commencé à m'entraîner avec ma mère, principalement parce que j'avais, apparemment, beaucoup plus de facilités que lui et c'est là que nos relations se sont gâtées. Il m'en voulait, sûrement parce que je lui avais « volé » l'attention de nos parents d'une certaine façon, et il a fallu attendre qu'il parte pour la Garde pour que les choses s'améliorent. Il n'y est plus depuis un moment mais il voyage et nous communiquons par lettres... lorsqu'il est décidé à en écrire, en tous cas. »
Elle marqua une brève pause, de nouveau agacée par le contenu de la précédente missive qu'elle avait reçue mais se contenta de hausser les épaules.
« Tu as de la chance d'avoir de telles sœurs. Vous semblez assez unis pour ne pas avoir besoin de qui que ce soit d'autre. »
Quand au Vyce, Rid n’avait que de souvenir vague de ce gars-là, surtout qu’il le voyait de loin. Ils avaient presque le même âge à la caserne, mais Rid ne ce n’était jamais intéresser à Vyce et ne lui avait jamais parler. Ni même combattu lors des entrainements, à vrais dire peu de monde souhaite se prendre un coup de poing par un gars comme Rid, mais il n’y avait pas d’occasion pour que les deux gardes se rencontre. Du coup, le borgne ne pouvait pas dire grand-chose au sujet de Vyce, il n’aura que des infos venant de sa jeune collègue.
- Vyce … Un moment que je n’ai pas vu ce gars-là, en effet, bien qu’on ne se soit jamais causer. Toujours vu de loin durant notre formation à la caserne. La dernière fois que je l’ai vu, ce n’était certainement pas un jour très rose pour lui et ses amis. Enfin surtout pour un, qui y a laisser sa peau lors d’une mission. Peu après, je ne l’ai plus revu, j’ai appris son départ deux mois après.
Rid écarta le sujet assez vite, pensant que ce n’était probablement pas un sujet très joyeux à parler. Surtout que ce n’était sans doute pas marrant pour sa collègue de remuer un passé qui peut être considérer comme douloureux. Il allait plutôt repartir sur ses sœurs pour égayer un peu l’humeur tout en essayant de ne pas attirer une certaine jalousie s’il y en a.
- Tu sais, à chaque fois que je leurs rend visite à la forge c’est soit un marteau que je me reçois en pleine figure ou alors un petit dragon nocturne en pleine poire. Et encore, quand je dis petit, c’est un dragon de quatre mètres de long qui m’écrase juste pour un câlin. Donc on va dire qu’il y’aura de la douleur que se soit l’une ou l’autre. Mais on s’y fait, si ont est assez réactif.
Dit-il, sans doute en pensant à toutes les fois où il n’avait pas pu éviter les projectiles qui lui était lancer à chaque fois qu’il rendait visite à ses sœurs.
- Si tu le souhaite ! Je pourrais même te présenter à Sia, la forgeronne, je suis sur qu'elle serait ravis de t'aider si tu as besoin d’aiguiser ton arme !
« Pardon ? »
La question fusa si rapidement qu'elle eut à peine le temps de l'entendre s'échapper d'entre ses lèvres. Lourde d'une désagréable surprise qui, pour une fois, prit possession de son visage.
Ses yeux abandonnèrent leur habituelle inexpressivité au profit d'un étonnement sincère, se perdirent sur les traits de Rid tandis qu'elle tentait, plus ou moins maladroitement, d'assimiler ce qu'il venait de lui asséner.
« … qui y a laissé sa peau… »
Elle frémit, une première fois, l’air d’enfin percuter qu’elle n'avait jamais entendu parler de cette histoire, pas plus qu'elle ne savait réellement ce qui avait finalement poussé Vyce à quitter la garde et à suivre son propre chemin. Elle ne savait pas qui étaient ses camarades, ne connaissait ni leurs noms, ni leurs visages. N’avait d’eux qu’un portrait plus ou moins épique dépeint par son frère lors des rares fois où il parlait de ceux qui l’accompagnaient au cours de ses incroyables périples.
Rien n'avait été dit quant aux circonstances de son départ et, si sa mère le savait, le silence était resté son seul et unique moyen de communiquer à ce sujet depuis sept ans désormais.
Est-ce qu'elle le sait ?
Est-ce que c’était tout simplement vrai ?
Les rumeurs pouvaient sûrement aller bon train sur le compte de Vyce. D’aucuns assuraient qu’il n’était qu’un lâche, d’autres qu’elle valait assurément plus que lui. Les commentaires avantageux à son sujet étaient finalement aussi rares que ses lettres et, l’espace d’un instant, la benjamine Ostvald sentit un semblant de doute envahir sa tête.
Deux mois. Il avait quitté la garde deux mois après un supposé incident.
L'éventuelle véracité de la chose arracha à Amelia un frisson désagréable et elle ferma les yeux un bref instant afin de remettre ses idées en place.
Vyce le lui aurait dit. Il le lui aurait forcément dit.
« Quatre mètres... » répéta-t-elle sans la moindre émotion, juste après son camarade de chambre. « Elle est... imposante. » La nouvelle ne sembla pourtant pas l’ébranler. « Je suis étonnée que tu ne sois pas désagréable à regarder, vu ce qu’elles ont l’air de t’infliger. »
Agréable, comme toujours. Et surtout cruellement franche.
Son naturel revenu, Amelia s’octroya alors quelques secondes pour peser le pour et le contre de la proposition qui suivit puis inclina légèrement la tête.
« Je dois t’avouer que mon épée n’est passée entre les mains que d’un forgeron, jusqu’à maintenant. »
Ce n’était pas réellement un refus, davantage une information qui impliquait à elle seule un trop grand nombre de sous entendus.
« Cela dit j’apprécierais qu’elle m’en forge une, plus légère que la mienne. Je chéris ma claymore mais j’aimerais avoir plus d’occasions de me battre simplement alors... pourquoi pas, oui. Présente-la moi. »
Et elle en avait besoin, à l’heure actuelle. Essentiellement pour vider sa tête du trop plein d’idées noires qui commençaient déjà à l’encombrer.
Pas qu’il allait s’en plaindre, à vrais dire cela ne le lui dérangeait absolument pas d’avoir un colocataire dans son dortoir. Ledit dortoir était pour deux personnes après tout, cela devait arriver un moment ou un autre que la garde lui octroie un colocataire. Pas bien bavarde au départ, mais maintenant, il pouvait y avoir possibilité de bien s’entendre. La famille semblait être un bon départ de discussion, avant que le jeune borgne remut un passé assez douloureux pour la jeune garde, chose dont il essaya d’éclipser en repartant sur ses sœurs.
Enfin, c’est bien beau la famille, mais ce n’était pas le seul sujet de conversation qu’il y avait. Bien que Rid n’avait pas fréquenté Amelia, Il avait vingt ans et avait déjà bien intégrer la garde alors que la jeune femme venait de rentrer dans l’internat, il avait entendu quelques mots sur elle. Cependant, il n’avait jamais eu le temps de s’en intéresser, du au travail et aux patrouilles. Enfin, quand elle parla de son arme, l’œil du jeune borgne se tourna vers cette dernière.
Une claymore, une arme ne visant pas qu’à trancher, mais aussi à écraser son adversaire sous le poids. Rid avait bien vue Amelia brandir son arme avec une facilité déconcertante lors des entrainements, bien qu’il ne se soit jamais rapproché pour en comprendre l’exploit ou même avoir un peu de fun en combat. En y repensant, cela faisait un moment que le borgne n’avait pas fait d’entrainement en duel. Un petit manque d’adrénaline de ce côté était peut-être très présent dans l’humeur du garde.
Enfin, il se leva de son lit, s’étirant un peu les bras tout en marchant vers l’arme de son colocataire avant de le regarder avec attention. Main au menton, cette dernière alla prendre la garde de l’arme et Rid pouvait sentir que c’était une claymore qu’il serait incapable de se battre avec sans l’activation de son pouvoir.
- Parlant de ton arme ! Comment est ce que tu fais pour te battre avec cette claymore ? Il faudrait que je me frappe violement la tête contre un mur pour pouvoir la manier sans soucis avec mon pouvoir et encore, je te l’avoue, ça m’apporterait une sacrée migraine si je faisais cela !
Finit-il avec un léger rire. Néanmoins, le jeune garde à l’œil maquant n’allait pas pouvoir en apprendre plus d’aussitôt de sa collègue. On frappa à leurs porte et Rid allait y répondre tandis qu’Amelia allait rester sur son lit. Alors que le jeune borgne ouvrit la porte pour voir qui frappait à une heure aussi matinale, c’était un autre garde qui attendait de l’autre côté.
- Rid ! Y’a le capitaine Yuduar qui te demande avec les autres qui se réunissent, tu vas en patrouille ! Prend ton équipement et décolle au pas de course !
Et voila que le boulot appelait, néanmoins, Rid ne pouvait pas répondre négativement aux ordres. Sur le coup, le garde borgne alla s’emparer de sa veste, de son équipement et de son arme de service avant de regarder encore une fois Amelia.
- Eh bien on verra cela une autre fois ! En tout cas, c’était une bonne discutions ! on remettra ça avec une bonne boisson, si le capitaine ne me retient pas longtemps ! Allez ! à tout à l’heure !
Souriait-il à Amelia avant qu’il se dirige vers la porte et la referme derrière lui. Puis enfin, il se mit à trotter et direction la cour de la caserne pour rejoindre les autres et son supérieur.