Une grossesse… Voilà bien le seul machin que je n’aurai jamais pensée chopper mais non, il avait juste fallu que je fricote avec Ryuji pour me chopper ça… Le problème n’est pas tant de devenir mère que l’inquiétude de tous ce qui va m’arriver pendant la croissance du bébé. Mon manque cruel de connaissance sur le devenir de mon corps pendant ce temps me fait peur. Je sais que mon ventre va s’arrondir, que je vais vomir souvent, ce qui est déjà le cas, mais après, je suis dans l’inconnu totale. Je pourrai demander au médecin de la Caserne, il m’a bien informé de ma grossesse l’autre jour… Mais comment dire, je ne me sens pas à l’aise avec lui. Ce qui m’arrive est déjà bien assez stressant pour ne pas en rajouter plus. Athena pourrait certainement m’aider compte tenu de son origine noble mais je ne veux pas plus l’embêter avec ça.
Toujours est-il que la vie continue et le travail aussi… Revenant d’une préparation pour une escorte, la chaleur ambiante pèse sur mes épaules comme une chape de plomb. Peut-être que je devrais demander à mes chefs de restreindre mes activités à des rondes à l’intérieur du palais ? Passant devant une boulangerie, mon estomac se met aussitôt en route et me réclame à manger. Je maudis mon odorat, trop fin pour passer à côté de ces odeurs alléchantes… En y repensant, j’ai toujours faim depuis trois semaines… Je soupire résignée à manger plutôt que de me torturer l’esprit pour des broutilles. Initialement partie pour prendre un simple bout de pain, je repars avec un paquet de viennoiseries toutes plus mauvaises les unes que les autres pour ma ligne de combattante… Un mauvais tour du bébé à tout les coups.
Remontant tranquillement la place commerçante, un croissant entamé à la main, de nombreuses odeurs assaillent mes narines. Une myriade d’odeur qui ne me gène pas habituellement. Un haut le coeur me secoue lorsqu’une odeur désagréable m’atteint. J’essaye de réprimer la nausée qui me prend immédiatement. L’idée de rendre mon maigre repas en plein milieu de la rue n’est pas pour me plaire. Je m’écarte pour m’adosser à un mur entre deux boutiques. Une main posée sur le ventre, je murmure des mots doux au bébé pour qu’il cesse de me tourmenter comme ça… Je lui donne ce qu’il veut bordel ! Il va quand même pas me faire vivre un calvaire pendant neuf mois quand même… Un ultime haut le coeur finit par avoir raison de mon estomac. Je me retourne pour vomir pleurant à moitié.
La place commerçante était le véritable coeur de la cité, bien plus que le palais. Tout convergeait ici, qu’on parle de nourriture, de meubles, de vêtements ou bien encore mais surtout de gens. Et comme à son habitude, l’endroit grouillait de monde à tel point qu’il était difficile pour Arya d’avancer. Sa liste de courses à la main, elle cherchait désespéramment les produits les plus frais des étals pour refaire son stock à la maison, en essayant du mieux que possible d’ignorer ce qui pouvait être plus alléchant, tel que des sucreries, ou ce qui pouvait faire plaisir à acheter mais ne ferait pas du bien à son porte-monnaie, souvent des babioles qui ne servaient qu’une fois. Naviguant difficilement dans cette mer d’individus en tout genre, Arya se sentit soudainement à l’étroit. Elle n’appréciait clairement pas la sensation qu’elle ressentait, au milieu de cette masse informe. La jeune femme se mit donc en tête de chercher un endroit où pouvoir reprendre son souffle avant de continuer. Levant les yeux, se mettant sur la pointe des pieds, elle lança un regard autour d’elle. Trouver une place un peu plus tranquille n’allait pas être chose facile, cela dit elle apercevait au loin un petit espace qui pourrait lui servir de temps mort pendant quelques secondes. Se remettant à plat, elle avança alors vers l’endroit en tentant de ne pas différer de sa trajectoire.
La surprise pointa lorsqu’elle tomba sur cette scène peu ragoutante d’une personne en train de vider ce qu’elle avait ingéré auparavant sur le pavé. Si ça n’avait été que ça, Arya aurait tourné les talons afin de ne pas « déranger » cette purge très personnelle, cependant les sanglots de la fille atteignirent ses oreilles bien vite. Prenant ses quelques sacs dans une main, elle s’avança doucement et posa son autre main dans le dos de cette inconnue avec douceur. Elle se mit alors à lui parler d’une voix qui se voulait rassurante.
« Ca va aller… C’est bientôt fini. »
Elle allait forcément devoir s’arrêter lorsqu’il ne lui resterait plus rien dans l’estomac à recracher, en tout cas… Cela dit, ce n’était probablement pas le meilleur endroit pour l’aider. Sali par ce qui venait de se dérouler, elles restaient bien proches du marché et de son passage. Arya leva la tête vers les ruelles, en apercevant alors d’autres moins occupées. Il faudrait traverser la foule mais il serait possible de s’y rendre et là bas elles pourraient être en mesure de se poser, de boire, le tout à l’abri de tout ce que la place commerçante pouvait poser comme soucis.
« Je ne veux pas vous brusquer, mais je pense que nous serons mieux par là-bas. Si vous voulez, vous pouvez vous accrocher à moi si vous vous sentez faible. » Ajouta-t-elle, puisqu’elle n’avait aucune idée de la cause de ces vomissements, que ce soit une maladie, l’alcool ou autre chose.
Vomir en public n’est pas une expérience plaisante… Clairement, je déteste ce bébé en ce moment. J’en ai marre l’estomac au bord des lèvres pour tout et n’importe quoi, de pleurer pour un rien. Quoi qu’on en dise, la grossesse, c’est nul… Surtout quand on a un bébé qui veut notre mort. L’estomac presque complètement vide, je ne crache presque plus que de la bile lorsqu’une main se pose sur mon dos accompagné de paroles réconfortantes. Un blessée que l’on me prenne ainsi en pitié, je crache la bile qui fini de remonté et me redresse en essuyant les ultimes traces de cette mésaventure pour observer la jeune femme qui s’est arrêtée pour m’aider. Une jolie blonde aux yeux bleus jolie apprêtée se tient à mes côtés. Si je ne venais pas de me vider dans la rue, j’aurais bien tenter ma chance pour une soirée à deux avec elle mais là, je pense que c’est compromis. Avant même d’avoir pu ouvrir la bouche, elle m'entraîne vers un autre endroit où “nous serons mieux”. Fendant la foule en tenant sa main, je soupire. Je ne dis pas non à la gentillesse de cette femme mais je doute qu’elle puisse grand chose pour moi au final… J’ai encore 8 mois à subir ça, c’est tout…
Arrivée dans une ruelle plus calme, nous nous immobilisons. Immédiatement, je récupère ma main et me confond en excuse auprès d’elle.
Mes excuses pour ce spectacle fort peu glorieux…
Je m’adosse à un mur profitant d’une ombre providentielle pour être plus au frais. J’essuie sans grandes précautions les larmes qui coulent encore le long de mon visage. Finissant par poser une main sur mon ventre et poser mon petit sac de vieinoiseries par terre, je me montre direct avec elle.
Mon bébé fait des siennes ces derniers temps, c’est juste la première fois que ça arrive en pleine rue comme ça.
Plus que mon image, je cherche à protéger celle de la garde royale. Il vaut mieux que l’on garde en tête la femme enceinte plutôt que la garde royale qui dégobille en ville n’importe comment pour je ne sais quelle raison… Enfin, j’imagine très bien que l’on va penser que j’était bourrée plus qu’autre chose. Déjà que cela ne va pas plaire au capitaine quand je vais l’informer de ma grossesse, si je peux éviter de faire parler de moi en ces termes, cela m’arrangerais…
L’empathie naturelle d’Arya ne manquait pas de s’exprimer une nouvelle fois. Bien que la femme devant elle préfère visiblement régler cette affaire par elle-même, elle n’allait pas la laisser se vider et pleurer, toute seule dans son coin. Secouant la tête comme pour répondre « non » à ses excuses, elle ne souhaitait en aucun cas qu’elle se sente désolée. C’était une chose qui pouvait arriver, et la raison évoquée rassurait presque un peu Arya. Au moins elle n’avait pas à traiter avec quelqu’un dont l’état aurait pu s’expliquer par l’alcool ou toute autre chose encore moins ragoutante…
« Je suppose que c’est tout récent ? » s’enquit-elle.
A première vue, on n’aurait pas dit que l’hybride – il n’était pas difficile de conclure sa nature à partir des deux oreilles d’animal qui trônaient au milieu de ses cheveux – était enceinte. On disait que les changements visibles commençaient à se voir à 3 mois, Arya pensait donc que cet heureux incident ne devait pas être plus vieux que ça. Cela expliquait aussi les premiers vomissements, bien que certaines femmes aient la chance de ne pas les expérimenter.
Etant donné la façon dont la future maman avait craché tout ce qu’elle avait avalé aujourd’hui et probablement la veille, Arya lui demanda :
« Vous voulez avaler quelque chose ? Ou au moins de l’eau pour vous rincer la bouche. »
Elle était assez franche à ce propos, mais le goût qui devait être resté dans la bouche de celle-ci devait être plutôt désagréable. Il y avait probablement une fontaine par là mais il faudrait encore se déplacer. Envisageant la possibilité de sortir à nouveau et braver la foule, Arya se ravisa. Malheureusement pour le confort de sa toute nouvelle protégée, il faudrait attendre un peu qu’elle se sente mieux pour retourner au milieu de tout ce monde. En attendant, elle sortit un mouchoir en tissu de sa veste et lui tendit. Ca ne ferait pas la moitié du travail mais elle pourrait au moins s’essuyer si le besoin s’en ressentait.
« Vous pouvez prendre ça si vous voulez, j’en ai plein à la maison. »
C’était un blanc mensonge, elle devait en avoir quelques uns mais « plein » était un bien grand mot. Cela dit, elle en avait probablement plus besoin qu’elle pour le moment.
Je souris à la femme si gentille avec moi, une simple inconnue croisée au détour d’un rue. Mon explication semble la rassurer, certainement qu’elle préfère avoir affaire à une femme enceinte qu’une ivrogne. Ce que je comprend tout à fait pour avoir déjà dû gérer des ivrognes pendant mon service à la Civile. Sa question me laisse un peu déroutée, me faisant entrevoir mon manque cruel de connaissance sur ce qui va m’arriver dans les prochains mois… Mon ventre va s’arrondir, ça je le sais mais quand ? dans quelles proportions ? Dois-je déjà m’inquiéter que cela ne soit pas encore le cas ? Plein de questions qui me viennent sur le moment auxquelles je n’ai strictement aucune réponse…
A peut prés 1 mois mais les nausées sont récentes… une semaine tout au plus.
Jusqu’à maintenant, je me disais que garder le bébé ne pourrait pas être bien horrible mais en fait si ! Même pas né, c’est déjà un monstre qui torture sa maman ! Le seul jour où j’ai pu avoir la paix depuis le début de mes nausées, c’est quand j’ai passé la nuit chez Ryuji lorsque je lui ai annoncé ma grossesse… De là à me demander si je ne devrait pas m’installer temporairement chez lui pour calmer bébé, il n’y a qu’un pas. Je secoue la tête de droite à gauche refusant sa proposition d’eau pour me débarrasser du goût de vomit. Je ne me sens pas prête à retenter le diable pour le moment.
ça va aller, je vais éviter d’ingurgiter quoi que ce soit pour le moment… Merci…
Je ne suis pas certaine de tenir 8 longs mois comme ça… J’ai déjà du mal à manger quoi que ce soit alors je ne donne pas cher de moi à la fin. Et il faudra encore nourrir le bébé lorsqu’il sera né ! Est-ce que finalement, j’arriverai à assumer ce bébé toute seule ? Ryiji semble vouloir être là pour notre enfant mais c’est moi qui ne veut pas m’enchainer à lui devant Lucy… Me tendant un mouchoir, elle me propose au moins de m’essuyer arguant qu’elle a plein de mouchoir chez elle. Je prend fébrilement le carré de tissu dont la facture me fait penser à celle des nobles.
Merci.
Je m'essuie rapidement le tour de la bouche au cas où avant de tout de même me présenter.
Je ne me suis pas présentée. Aube, je suis garde royale. Merci pour votre sollicitude madame.
Je m’incline respectueusement devant la femme qui s’est montrée si gentille avec moi.
Je m’excuse pour ce spectacle peu gracieux, je ne m’attendais pas à avoir une telle crise en pleine journée. Je crois qu’il va falloir que j’aille voir le médecin de la Caserne pour savoir ce qui m’attend dans les semaines à venir…
Plaisanter sur mon état est un peu la seule chose qu’il me reste pour l’instant...