Un nouveau jour venait de pointer le bout de son nez. Les rayons du soleil frappaient gaiement sur les fenêtres des habitations. Apportant avec lui un doux et chaleureux réveil.
Chassant la brume ayant pris place dans la nuit, les quelques éclaircies qui sont parvenues à s’immiscer dans la chambre de la demoiselle endormie ne mire guère longtemps avant de se poser sur son doux visage. Ouvrir les yeux fut difficile. Ses membres engourdis ne voulaient pas affronter la réalité. Le planché frigorifié attendait vicieusement le moment où ces pieds fragiles se poseront sur lui. Bien que le temps printanier offrait la possibilité d'exhiber ses longues jambes dénudées, la demeure de Porcelaine était habitée par l'humidité qui s'infiltrait dans les murs de pierre. S'extirpant non sans mal de son lit, sa toilette matinale ne prit guère une éternité. En deux temps trois mouvements, la voilà apprêtée pour se confronter à la dure réalité. À l'ordre du jour : la réorganisation des archives postales. Cela faisait déjà deux jours que tout le personnel était en effervescence. Rien de tel pour enrager la féline qui avait une sainte horreur du désordre. Bien que l'environnement soit animé, elle avait la chance de s'occuper de ses propres archives dans son bureau. Un endroit reposant, à l'écart du brouhaha ambiant.
Les marches de son escalier branlant lui permettaient de descendre de son étage, accédant ainsi à l'espace cuisine-salon-bureau. Petit, mais commode. Sa machine à écrire trônait telle une reine sur sa table à manger. Kanra avait ce rituel de la dorloter chaque matin. L’astiquant de haut en bas. Chaque touche passée sous son peigne.
« Quo- Non. Tu ne vas pas me lâcher maintenant quand même ? » Prononça-t-elle en essayant par tous les moyens de la remettre à sa place.
Rien à faire. La touche avait cédé. Dépité, Kanra se rua sur une pile de feuilles où était inscrit l'adresse d'un ami à son père, réparateur de machine à écrire. Ni une, ni deux, elle prit une grande inspiration, rangea sa machine dans son sac, enfila ses chaussures et prit la direction de cette fameuse boutique. Elle avait inscrit l'adresse sur un bout de papier, histoire de ne pas oublier en cours de route. Au moment où sa main se posa sur la poignet de sa porte d'entrée, un frisson désagréable parcouru son échine. La confrontation devait se faire. D'habitude, elle attendait certains horaires pour sortir et croiser le moins de monde possible. Sauf qu'aujourd'hui, elle allait devoir transgresser cette règle. Le miroir accroché à proximité de la porte reflété son visage perplexe. Arrangeant son nœud de façon à bien dissimuler ses oreilles animales, elle pesta un bon coup, empoignant la poignet et l'ouvrit d'une seule traite. Une vague de chaleur s'abattit sur tout son visage.
« Je vais devoir me dépêcher, au risque de finir en cendre sous peu. » Pensa-t-elle, regrettant déjà d'avoir posé le pied dehors.
C'est ainsi que Porcelaine, vêtue de noir pour bien attirer la chaleur sur elle, embraya le pas, direction la boutique de réparation. Bien qu'elle ne sorte qu'occasionnellement de chez elle, travaillant principalement dans sa modeste chaumière, elle avait mémorisé plusieurs chemins escarpé pour arriver rapidement et sans encombre à un point précis. Cela ne lui prit qu'une quinzaine de minute pour arriver devant la baptise.
« No- C'est pas possible. Pourquoi ? »
Devant elle, une boutique vide. Tout c'était volatilisé. Aucun mot d'explication sur la devanture du magasin. Le temps défilé à vive allure et le soleil frappait vigoureusement la capitale. Remontant la lanière de son sac, elle était bien décidée à faire réparer son bijou. Si elle venait à le perdre, cela signifierait la fin de son parcours. Impossible. Attachant à la va-vite ses cheveux en queue-de-cheval haute pour essayer au mieux, de lutter contre la chaleur ambiante, elle reprit son chemin.
Deux cents mètres plus loin, elle resta stoïque. Une jeune femme, faisant vraisemblablement parti de la garde était là, exposant avec fierté ces attribues animales. Pour Kanra, ce spectacle était irréaliste. Impensable. Son regard vint rapidement se tourner sur le reflet de la devanture d'une boutique voisine. Un sourire illuminait son visage. Bref, mais bien présent. Elle qui n'avait encore jamais croisé de personne ayant les mêmes caractéristiques, c'était son jour de chance. Elle n'avait aucune idée de la nouvelle adresse du réparateur, de ce fait, elle souffla un bon coup et s'approcha de la jeune femme qui visiblement, avait l’esprit ailleurs.
« Excusez-moi de vous déranger dans vos fonctions. J'aurais cependant besoin d'un renseignement. Savez-vous où à été délocalisé la boutique du réparateur de machine mécanique qui se trouvait dans la rue voisine ? » Demanda-t-elle, ne faisant pas attention au fait qu'elle dévisager de long en large la jolie demoiselle aux cheveux immaculés.
Être enceinte n’est pas un motif permettant d’éviter l'entraînement tant que mon ventre ne m’empêche pas de travailler selon la tortionnaire qui gère notre entraînement… Me vider les boyaux tous les matins, non plus au vu de sa tête lorsqu’elle est venue personnellement me déloger des toilettes… Clairement à un peu plus d’un mois de grossesse, je sens que les presque huit prochains mois vont être très durs… Encore capable d’assumer mon rôle de garde, le médecin de la Caserne n’en a pas moins décrété que je devais penser à me reclasser d’ici deux à trois mois maximum pour la sécurité de l’enfant… Et bien sur, ce genre de chose se fait par écrit, le summum de la torture pour moi ! Je vais encore y passer des heures pour qu’on se moque de moi ensuite… A moins que cette fois, ils soient trop surpris par ma grossesse pour ça.
Descendue en ville, la lettre attendra. J’ai promis de rendre service à mes collègues de la civile en remplaçant un malade pour sa patrouille. Et de toute façon, qu’est-ce que je pourrais bien demander comme affectation pour finir tranquillement ma grossesse ? Sérieusement, dans quel bordel je me suis mise en décidant de garder ce bébé… Patrouiller en ville n’est pas vraiment une corvée, c’est même plutôt sympathique quand on ne voit que le palais habituellement. On croise beaucoup de gens qui nous saluent, d’autres qui viennent discuter un peu avec nous. Tout le contraire du palais et de ses nobles hautains… Ils ne le sont pas tous mais il y en a beaucoup trop à mon goût. S’il ne faisait pas aussi chaud, je pourrait apprécier cette patrouille… Geki à mes côtés, je me promène tranquillement dans le secteur qui m’a été attribué changeant de rue au hasard. Alors que je cherche une rue ombragée où m’engager pour me rafraîchir, une jeune femme m’aborde. Bien avant qu’elle ne parle, son odeur me parvient. Une odeur de papier et d’encre, ma terreur du moment… Lucy s'acharne t-elle sur moi ? Mis à part son odeur, la jeune femme est tout à fait à mon goût avec ce charme innocent qu’elle porte sur elle. Intriguée par son grand noeud, je suis prise d’une soudaine envie de lui enlever pour voir ce qu’il se passera. Dommage que je soit en service, laisser passer une aussi jolie demoiselle est un crève coeur !
Bonjour Mademoiselle. Il n’y a pas de problème, nous ne sommes pas là que pour la sécurité.
Malheureusement, je ne vois pas du tout ce qu’elle entend par machines mécaniques… Difficile donc de l’orienter vers la boutique qu’elle recherche. Mes oreilles tressautent rapidement analysant chaque bruit de la rue au cas où, je constate qu’elle me dévisage plus que de nécessaire. Habituellement, je ne fais pas autant d’effet aux adultes… Un petit sourire se dessine sur mon visage. Je dois bientôt être relevé de cette patrouille et ma grossesse ne m’interdit pas de séduire de jolies demoiselles. Me rapprochant un peu d’elle pour essayer de sentir son odeur réelle, celle cachée derrière l’odeur de feuille et d’encre, je me permet de la questionner concernant la machine qu’elle veut faire réparer.
J’ai bien peur de ne pas voir de quoi vous parler. Peut-être que si vous avez la possibilité de me montrer une de ces fameuses machines, je pourrais avoir vu cette boutique sans en avoir retenu le nom.
A force de me ballader en ville, j’ai vu pas mal circulé dans le quartier commerçant. Avec un peu de chance, je pourrai aider la demoiselle. En attendant une réponse, je pose une main sur son bras et l’invite à s’écarter du milieu de la rue, mes oreilles captant le bruit d’une calèche en approche.