11:25 AM, salle d'opération du Docteur Cooper
Igor se tenait à l'entrée pour accueillir les potentiels nouveaux patients. Pour une opération comme celle là, facile à réaliser pour moi et pas particulièrement chronophage, je prélevais une coquette somme. Vous savez, il suffit d'expliquer aux gens que s'ils restent comme ça, il ne leur resterait pas plus d'une ou deux semaines à vivres, et de suite ils mettent la main au portefeuille. Evidemment, j'adapte mes prix en fonctions de mes clients. Le prix se négociant d'un commun accord, l'homme aisé avait planché sur deux fois le prix que je lui aurais suggérer. Je lui ai demandé de rajouter quelques cristaux de plus pour l'opération en lui assurant un résultat parfait, juste pour le principe. Il a accepté. Financer mes recherches pour le progrès de tous est une cause noble non ? Alors si je lui fais payé le double de ce qu'il m'aurait dût normalement, ne serait ce pas de l'argent mieux dépensé au final que pour faire changer la vaisselle de sa maison ? Bien, nous avons un accord, et il est temps pour moi de l'honorer.
Une fois l’anesthésie effectué, je me suis mis à opérer mon patient. Pas de grande surprise effectivement, mon diagnostic était le bon. Je retirais les cailloux de son organisme et refermé. J'avais par précaution augmenté légèrement la dose au cas où mon diagnostic soit erroné, mais il semblerait que je vais avoir l'homme sur ma table d'opération pendant encore une bonne heure. Le noble, torse nu et vêtu d'un pagne pour le protéger des effusions éventuelles de sang, dormait paisiblement grâce à ma substance PRP9. J'étais particulièrement fière de ma préparation. Mère avait d'ailleurs été très satisfaite que je lui envoie le composé en lui expliquant bien qu'il ne fallait pas qu'elle divulgue la recette à qui que ce soit. C'est alors que je me lavais les mains après avoir retiré mon attirail de chirurgien qu'Igor entra dans la pièce.
"Excusez moi Docteur, il y a quelqu'un qui veut vous voir."
"Quelqu'un qui veut me voir ? Dites lui de repasser plus tard, je suis occupé."
"C'est que ... il s'agit de Mademoiselle Milan ..."
"Il fallait commencer par là, fait là donc entrer."
Je me tournais pour tirer les rideaux de la salle d'opération et éviter ainsi une vision déplaisante à la grande argentière du palais. C'était une visite imprévue, mais j'avais toujours du temps pour la jeune Milan. C'était une personne fort agréable à mon sens. Mon art à moi c'était la science et la chirurgie, son art à elle c'était la comptabilité et l'éloquence. J'étais déjà à la capitale quand la demoiselle a pris ses fonctions au palais. Elle a fait parler d'elle pour son tempérament volcanique mais également pour ses excellents résultats à son poste. Certes, elle avait quelques hostiles personnes disant que c'était une tyran mais ne reconnait-on pas le succès d'une personne à son nombre de détracteurs ? On parlait d'elle, en bien ou en mal, mais au moins, on parlait d'elle. Personne ne pouvait se targuer d'être un habitué du palais sans avoir au moins entendu parler d'elle. Quand la porte s'ouvrit sur la belle Milan, mon sourire s'agrandit et je m'inclinais légèrement. C'était un peu protocolaire, mais la demoiselle avait un rang social plus élevé, et c'était aussi une marque de reconnaissance pour les fonds que sa famille verse pour mes recherches.
"Mademoiselle Milan, vous m'honorez de votre présence. Heureusement qu'Igor m'a prévenu de votre visite, votre beauté m'aurait privé de tous mes mots si je n'y avais pas été préparé."
Je me redressais, cela me faisait plaisir de la voir. C'était une personne très intelligente comme on en fait peu. Si les gens pouvaient avoir ne serait ce que la moitié de l'intelligence de la trésorière du palais, peut être aurions nous un monde plus enclin à la découverte et moins fermé au progrès. Nous avions deux tempéraments diamétralement opposés, mais nous nous entendions étrangement bien. J'en arrivais même à me demander si elle ne subissait pas un harcèlement au sein du palais, l'affublant d'une réputation monstrueuse alors qu'elle semblait si agréable. Je plantais mon regard charmeur et mon sourire enjouée vers la belle argentière, attendant de connaître l'objet de sa visite
Bien mal lui en prit. Elle qui n’aimait pas côtoyer la plèbe avait eu un mal fou à se montrer un tant soit peu aimable et il avait finit par arriver ce qui devait arriver. Elle en était à la cinquième famille de la matinée, probablement celle de trop puisqu'en entendant pour la énième fois la même ranguène a coup de « mais Mademoiselle la trésorière, nous vous paierons le mois prochain soyez-en sur » elle était purement et simplement sortie de ses gonds. Pour toute réponse le père de famille, certainement très porté sur la boisson lui avait collé une droite magistrale et l’avait mise a la porte. Elle. Queen. Queen Milan. Troisième héritière dès la famille Milan et trésorière royale, s’était retrouvée jeté dehors comme une mal propre le tout avec un cadeau de bienvenue.
Le premier réflexe d’une personne aurait probablement été de tambouriner à la porte, de prendre sa revanche ou encore de porter plainte. Mais Queen était différente, elle attachait a son visage un amour sans bornes, aussi, dès l’instant où elle comprit qu’un halo bleu était en train de gonfler autour de son œil droit elle traversa la capitale tout en sachant pertinemment où elle se rendait. Pour ce qui était de la vengeance, il ne faisait bien entendu aucun doute là-dessus. Cet homme le paierait cher, très cher. Tellement cher que la prochaine fois qu’il croiserait la jeune femme, il baisserait le regard et tenterait de se faire le plus petit possible.
Après quelques minutes de marche à un rythme effréné elle pénétra dans un cabinet de médecin. Il était bien entendu moins prestigieux que ceux que l’on pouvait voir au sein du palais mais il était loin d’être aussi miteux que tous les autres proposés non loin d’ici. Sans compter que la personne qui exerçait ici avait, on ne savait trop comment, réussi à gagner la confiance et surtout l’estime de la jeune Milan. Sans chercher à savoir s'il y avait d’autres clients ou pas elle se présenta devant le gorille du médecin.
- Je veux voir Jaime. Immédiatement. Bien sûr, Igor avait tenté vainement de lui expliquer qu’il était actuellement au bloc et donc indisponible mais elle avait insisté et pas de la plus agréable des façons. En même temps, son ami était l’homme à l’intérieur de l’autre pièce. Après un court instant de négociation, le colosse disparut avant de réapparaître la seconde suivante, la guidant d’un geste vers la porte.
Lorsqu’elle entra, son visage était partiellement camouflé par de longues mèches d’or qu’elle avait rangé du mieux qu’elle pouvait avant d’arriver. Simplement parce qu’elle ne voulait pas voir de rumeurs courir à son sujet et encore moins que quelqu’un se rende compte que pour une fois, elle avait été mise sur le carreau. Si ça n’avait pas été Jaime, elle ne se serait d’ailleurs probablement pas présentée à aucun médecin et aurait tentée de soigner ça elle-même. Mais lui, il avait des doigts de fées et un talent extraordinaire, qui, au-delà de la fascination qu’il éveillait chez Queen était certainement le plus efficace du palais pour gérer toutes sortes de problème. De plus il était un homme charmant qui ne tarissait pas d’éloges lorsqu’il la voyait et il avait un don certain pour regonfler l’ego de l’argentière. Cette fois ne fit d’ailleurs pas exception puisque à la seconde où il l’aperçut un déferlement de compliment tomba tout cru dans ses tympans et pour son plus grand bonheur.
- Allons allons, cesse donc de me vouvoyer. Depuis le temps. Je n’aime pas ce genre de protocole entre nous. Elle lui tourna ensuite le dos pour observer quelques ustensiles qui se trouvaient là. - Comment vas-tu ? C’était une question plus polie qu’intéressée mais elle appréciait tout de même suffisamment le docteur pour s’inquiéter de sa santé ou de ses états d’âme. - Tu m’excuseras mais ce n’est pas là une visite de courtoisie. Bien que ta compagnie me soit fort agréable, je vais avoir besoin de tes talents pour deux choses. Elle se redressa alors et soupira longuement avant de lui faire face de nouveau. - La première sera donc celle-ci. Et d’un mouvement gracieux comme elle seule en avait le secret, elle rangea la mèche qui couvrait son œil meurtri derrière son oreille. Ce dernier n’avait pas encore vraiment eu le temps gonfler mais il s’était mis à bleuir rapidement et elle sentait déjà qu’elle avait du mal a garde l’oeil ouvert. - Dis-moi que tu peux faire quelques choses pour ça, je ne supporterais pas de passer une seconde plus en ressemblant à un pimplume atteint de myxomatose. Pour ce qui était de la deuxième chose, elle lui en parlerait plus tard. Pour l’instant il en allait de son image et de son visage parfait qui se voyait maintenant entaché.
Son œil valide lui, était parfaitement posé sur le chirurgien. Parfois elle se demandait comment ils avaient pu faire pour se lier d’amitié. En temps normal, il n’aurait pas été un homme à qui elle se serait confié et pourtant, ils en étaient là aujourd’hui. Si elle l’avait connu dans d’autres circonstances elle se serait contentée d’admirer ce corps bénit de Lucy et en aurait peut-être profité à quelques occasions que ce soit. Cependant et aussi surprenant que cela pouvait paraître cela n’était jamais arrivé. Queen avait même finit par découvrir un homme acharné et compétent, ce qui chez elle était une chose positive. Peut-être que cela c’était passé ainsi parce que Primus le lui avait présenté avant tout comme un collaborateur. Elle n’aurait su dire, la seule chose dont elle était convaincue c’est qu’elle l’appréciait et cela, sincèrement.
La jeune Milan me montrait la blessure au visage qu'elle avait. Je commençais dés lors déjà à incanter mon pouvoir. Cela prendrait un peu de temps, mais cela me laissait le temps de diagnostiquer correctement. Bon à première vue il devait s'agir à tous les coups d'un Œdème péri-orbitaire, aussi appelé aussi vulgairement "cocard". Il n'y avait rien de bien sorcier à cela mais j'imaginais fort bien que cela devait gêné la belle trésorière. En effet, en tant que personne importante du palais, elle ne pouvait pas se permettre d'apparaître ainsi. Elle avait pris un coup à tous les coups, mais qui serait assez fou pour lever la main sur la demoiselle ? Entre ses ruses, Alphonse et le fait que c'est elle qui gère l'intégralité des finances du royaume, je pense que celui qui lui a fait ça été malavisé. De base, énervé un ou une milan, c'est se faire le genre d'ennemi que l'on a pas envie d'avoir. Je ne pris même pas la peine de confirmer mon diagnostique par la jeune Milan. Je préparais mon opération ainsi, je sortis un tout petit peu de tissu régénérant. J'aurai pu retirer le sang de l’œdème par une seringue et appliquer du froid en faisant une ablation du gonflement, mais cela aurait pris 2 ou 3 heures avant de se résorber entièrement. Je connais la demoiselle, elle veut des résultats rapides et se fiche pas mal que l'on emploie des moyens un peu hors du commun tant que le résultat est là. Le temps de finir mon incantation, je me permis de détendre l'atmosphère en ajoutant :
"Hé bien, je n'ose pas imaginer dans quel état se trouve, ou se trouvera le malheureux qui a eu l'audace de s'en prendre à ton magnifique minois. J'espère avoir de ses nouvelles prochainement ..."
C'est vrai, s'il venait à se pointer à mon cabinet, il ne bénéficierait pas d'un traitement préférentiel comme la belle argentière, au contraire même. Il payerait sans doute le double du prix que j'ai proposé au noble dormant maintenant derrière moi. Cette seule pensée suffit à me rendre le sourire. Le sort finit de se charger quelques secondes après cette petite plaisanterie, je l'activais pour nous englober, Queen et moi à l'intérieur. Bien, il était temps de soigner mon amie et de réparer ce jolie minois. Je levais ma main gauche, paume vers moi, puis baisser mon annulaire et mon auriculaire. Puis mes deux doigts restants accompagnèrent leurs confrères. Tout l’œdème de la belle trésorière se dirigea vers moi. Il n'y avait plus qu'à la place qu'une plaie béante autour de son œil. Bien évidemment, il n'y avait là aucune douleur, comme si je lui avais retiré de la pâte à modeler de sur son œil. Tout le contour bleui à cause du coup demeurait maintenant en lévitation devant les yeux de Lady Milan. J'extirpais le sang présent dans la surface abîmée et le réinjecté par l'une des veines présentes. Bien, maintenant que la demoiselle n'a plus la marque bleu-violacée et qu'elle a récupéré tout son sang, je n'ai plus qu'à apposer le tissu régénérant qui se met sur le contour des yeux de Queen là où se trouvait la peau auparavant. Le tissu se déplace faisant quelques petits picotements autour de l’œil de l'argentière avant de se stabiliser une fois l'intégralité de la surface arrachée reconstituée. Il n'y avait plus qu'une légère trace de démarcation autour de l’œil que je comblais avec un peu de cataplasme à l'écorce de Lhant Airne. Je pris le morceau lévitant de peau abîmée de Queen et le déposais sur un plateau non loin de moi avant de lui expliquer.
"Voilà, l'opération est finie. Laisse juste le cataplasme agir quelques minutes, on rince et ce sera comme si tu n'avais jamais pris le moindre coup. Ton visage retrouvera sa perfection d'antan, ce qui est en soit ma plus belle des œuvres."
Je désactivais la salle d'opération, inutile de la maintenir trop longtemps, mine de rien, cela me pompe mon énergie d'être autant attentif à tout ce qui déroule dedans. C'est pour cela que je privilégiais les opérations traditionnelles, au lieu d'user de mon pouvoir. Mais là c'était Queen, et on ne fait pas attendre quelqu'un de sa stature, encore moins lorsque celle-ci vient me voir entre deux patients. Même si j'avais expliqué à Igor que personne ne devait me déranger pendant une opération, il était tout à fait incapable de retenir une Milan déterminée à me voir. La confiance qu'elle me témoignait était une motivation de plus pour moi pour donner le meilleur de moi-même dans chacune de mes opérations. J'affichais un sourire satisfait avant d'ajouter de ma voix calme et apaisante.
"Première mission accomplie avec succès, quel est le deuxième objet de ta visite ma chère Queen ? Je suis ravi que tu viennes chercher mon aide plutôt que celle du médecin du palais."
Oui c'était une petite pique plus de déception qu'une pique de réelle reproche. En soit, l'argentière avait bien le droit de faire ce que bon lui semble, elle n'avait pas signée de contrat d'exclusivité avec moi. Mais j'étais quand même déçu qu'elle préfère l'autre idiot de médecin plutôt que moi. Peut être avait elle peur que je divulgue des informations à son frère qui soit dit étant, était vraiment celui qui m'avait proposé un contrat de mécénat. Mais j'avais beaucoup trop de respect pour l'argentière pour lui jouer un coup dans le dos. Et puis de toute façon, sans vouloir manquer de respect à l’aîné des Milan, je pense que j'ai plus à avoir peur de trahir Queen que de trahir Primus. Si notre entente était des plus cordiales, il est vrai que j'avais appris à connaitre les diverses facettes de la trésorière royale, et je pense qu'elle fait partie des gens que j'apprécie avoir avec moi plutôt que contre moi. Igor entra dans la pièce à ce moment là, il venait récupérer le patient pour l'amener dans la salle de réveil. Tant mieux, nous aurons plus d'intimité Queen et moi si elle souhaite me parler de quelques choses d'un peu plus secret. Quand il passa à côté de nous, Igor s'arrêta au niveau de Queen avant d'ajouter de sa voix à moitié étouffé par son manque de confiance en lui.
"Je suis désolé Mademoiselle Milan de vous avoir fait attendre le docteur, mais il était en opération et je ..."
"C'est tout Igor, laisse nous je te prie, tu présenteras tes excuses à Queen plus tard, assure toi juste que le noble passe à la caisse et reprend ta place à l'accueil tu y seras bien."
Généralement, quand je passe au tutoiement avec Igor, c'est jamais bon signe. Sa présence empêché Queen de m'expliquer en quoi consisteras le second service que je pourrais lui rendre. Igor sembla comprendre car il accéléra le pas avec le patient pour le transférer dans la pièce d'à côté. Heureusement, la salle d'opération est insonorisé, ainsi elle et moi pouvons parler beaucoup plus librement. Je tirais une chaise du couloir et la proposait à Queen avant de m'adosser au mur et de fixer la demoiselle aux cheveux blonds. J'avais hâte de savoir quel genre de service je pouvais rendre à la grande trésorière royale.
Tout en l’écoutant d’une oreille distraite elle posa son regard sur le docteur. Elle aimait beaucoup le regarder travailler même si elle préférait de loin lorsque cela se faisait sur d'autres personnes qu’elle-même. Mais à ses yeux, le pouvoir du jeune Cooper était certainement des plus efficaces et des plus fascinants. Parfois elle se surprenait à penser que sa sève était bien désuète face à un pouvoir comme celui-là, bien que l’un et l’autre soit tout simplement incomparable. Peu à peu elle sentit sa peau se décrocher, sans douleur bien entendu mais par sûreté elle ferma les yeux. Même si elle avait toujours eu un estomac bien accroché -ce qui lui avait permis entre autres de dépecer à elle toute seule un Kerberus- elle n’était pas sûre qu’il en serait de même si elle voyait une partie de son corps léviter devant ses yeux. Ses prunelles ne daignèrent s’ouvrir que lorsqu’elle sentit le picotement autour de celle qui avait été abîmée, signe que l’opération était sur le point de se terminer. Rapidement, Jaime lui indiqua que c’était effectivement le cas et elle hocha la tête lorsqu’il lui donna les quelques consignes, lui adressant un sourire franc quand il la couvrit d’éloges, une autre qualité fort appréciable. Bien, le premier problème était maintenant réglé.
Alors qu’il s’était remis à parler, Queen sauta de la table et se dirigea vers le premier miroir qu’elle trouva dans la pièce. Elle n’avait bien entendu aucun doute quant aux capacités de son ami mais elle se devait de vérifier que tout était bien en place. Tout en se regardant dans la glace, passant à peine le bout de ses doigts sur le tissu, elle tiqua sur la petite pique qu’il venait de lui asséner et pour toute réponse, son reflet fronça les sourcils mais avant qu’elle n’ait eu le temps de reprendre la parole Igor passa dans la pièce. Elle ne lui prêta d’ailleurs aucune attention et continua d’observer son reflet, laissant à Jaime le soin de gérer son bras droit.
Quand il fut sortie une bonne fois pour toutes, elle se retourna et franchit en quelques enjambées la distance qui la séparait du jeune homme.
- Non tu n'oses pas l’imaginer et en soit c’est une très bonne chose parce qu’il est fort probable que tu n’en entendes plus parler. Si ça n’avait été moi mais ceux qui s’occupent de ce genre de mission en temps normal, il n’en aurait pas été de même. Enfin, passons, cet homme n’est pas à l’ordre de mes priorités aujourd’hui. Après lui avoir adressé un sourire énigmatique, elle le dépassa et s’installa sur le bord de la table de consultation, croisant délicatement les jambes avant de poser ses iris azurite sur le reste de la pièce. - Au fait, comme toujours tu as faits du bon travail. Je préviendrais Primus. Il appréciera sans doute. C’était là une façon dissimuler de lui préciser que pour ce mois, il recevrait peut-être quelques subventions en plus. Les Milan étaient des gens généreux quand cela les arrangeaient, surtout son frère.
Maintenant elle devait en venir au fait et c’était un sujet délicat. Pas qu’il soit bien intime, mais il demandait à Queen de ranger sa fierté et d’avouer une faiblesse. Jaime était sans aucun doute l’une des personnes les plus proches de la jeune femme mais elle avait tout de même du mal à se montrer sous ce jour-là et même si cela avait été son frère. Elle soupira donc longuement avant de se lancer.
- Tu te souviens de cette tour ? Sans aucun doute, elle a été au coeur de bien des rumeurs et en tête des journaux de la capitale pendant un long moment. Tu dois aussi savoir que ce cher Kayn Vega m’a incité à participer aux expéditions. Bien il s’est passé des choses le dedans. Beaucoup trop de choses. Elle marqua un temps d’arrêt alors que ses prunelles s’étaient mises à fixer le vide. - Et il a des souvenirs que je n’arrive pas à oublier. Des sensations, des odeurs. Ce genre de choses. Ô bien sûr je ne veux pas les oublier. C’est un véritable prestige que d’avoir participé à cette expédition et il paraît même que certains chantent nos louanges dans les villes alentour. Mais le problème c’est que je ne dors plus. Je suis incapable de fermer l’oeil sans revoir ce qui s’est passé a l’intérieur. Clignant des yeux comme si elle revenait à elle, elle tourna la tête vers l’homme. - Je suis épuisée, Alphonse est au bord de la crise de nerfs. Est-ce que tu pourrais faire quelques choses pour ça ? Longuement, elle s’étira avant de reprendre une nouvelle fois la parole d’une voix beaucoup plus calme et posée, comme si d’avoir enfin avoué à quelqu’un ce qui se tramait dans son esprit avait un peu apaisé ses tensions. - Pour ce qui est de ma visite médicale au palais. Ne m’en veut pas. Il s’agissait… D’une urgence en quelque sorte. Mais rassures-toi, il est loin d’être aussi compétent et agréable à regarder. Puis elle rit doucement. - Alors Jaime, est-ce que tu vas pouvoir me sauver la mise une fois de plus ?
Mais revenons en à notre invitée d'honneur. La belle trésorière vint s'asseoir sur la table de consultation. Son élégance naturelle rendait cette action parfaitement naturelle. Je me serais insurgée qu'une plébéienne fasse ainsi, ne voulant pas qu'une gueuse vienne ainsi salir de sa présence une table parfaitement aseptisée. Mais cela me gênait beaucoup moins quand cela venait de la descendante Milan, elle n'était pas du genre à mettre ses mains n'importe où et qu'elle n'amenait pas de crasse avec elle. Ses compliments me vont droit au cœur, surtout que je sais qu'elle n'a pas le compliment facile. Ce n'était trois fois rien, une simple incision pour libérer la peau bleuie de la demoiselle et remettre un simple morceau de peau artificielle combler par un peu de cataplasme. Honnêtement trois fois rien, même s'il fallait un peu de dextérité et mon aptitude pour faire ça en de meilleur délais. Elle allait ressortir d'ici avec sa dignité et les gens ne sauront jamais qu'elle a subi l'humiliation d'avoir son visage déformé. C'est alors qu'elle m'explique qu'elle a besoin de moi pour quelque chose qui s'est passé à la tour. Elle a parlé de Kayn Vega, et de choses qui se sont passés dans la tour et ... Non, ne me dites pas qu'ils ont... Non ce n'est pas le genre de la demoiselle. Et puis bon, cela ne me regarde pas. Bien que normalement je glane des informations pour Primus, là je ne compte pas le faire pour sa sœur. J'écoute religieusement sa demande, récupérant chacune information pour les classer dans ma tête. A la fin de sa demande je ne peux m'empêcher de sourire avant d'ajouter.
"Oh autant pour moi, je croyais que c'était quelque chose de compliqué que tu allais me demander. J'ai effectivement des somnifères très utiles et sans dépendances qui pourront faire l'affaire. Cependant, je suis plutôt du genre à traiter le mal là où il se trouve plutôt que de seulement le camoufler avec quelques subterfuges. Peut être qu'en m'en disant plus, je pourrais davantage comprendre votre mal et ainsi je pourrais peut être le soigner."
Je me redressais et aller récupérer un linge propre sur lequel je mis un peu d'eau dessus. Je le confiais à Queen pour qu'elle puisse retirer le cataplasme qui devait avoir fini de faire effet. Pendant ce temps, j'ouvrais mes placards. Je connaissais mon laboratoire par cœur, et il était facile pour moi de m'y retrouver, pas comme de nombreux scientifiques de pacotilles qui ne sont pas fichus de trouver un alambic dans toutes leurs pagailles. Je sortais un flacon avec un liquide violet sombre. Oh, il ne m'en reste plus beaucoup, il faudra que j'en refasse. Je vidais le fond de contenu qu'il me restait dans une éprouvette que je refermais à l'aide d'un bouchon en liège spécialement conçu à cet effet. Il devait y avoir pour à peu près sept doses dans cette petite éprouvette. Mon composé anesthésiant, le PRP9 était une version très puissantes, il suffisait d'une légère injection pour endormir n'importe qui, même les plus récalcitrants. Et l'effet était tel qu'il n'y a jamais eu de personnes s'étant plaint de rêver, c'était le coup de massue des plus importants qui ait été porté à ma connaissance. Elle allait m'en dire des nouvelles. Je sortais également une seringue pour les injections, je pris un stylo et surligné la ligne adéquate pour ne pas qu'elle se trompe. Dans l'idéal, il faudrait que ce soit quelqu'un d'autre qui lui injecte. Je déposais le flacon à côté d'elle avant de lui expliquer.
"C'est mon sédatif le plus puissant, l'idéale serait que ce soit Alphonse qui te fasse l'injection car la piqûre est tellement rapide qu'elle t'endormira dès que tu auras injecté le sérum. Je t'ai délimité sur la graduation pour ne pas que tu te trompes dans le dosage, en mettre un peu trop pourrait avoir des conséquences néfastes. Avec la dose que je t'ai inscrite, tu auras un sommeil complet de deux cycles, donc six heures de sommeil. Tu pourras te faire à peu près sept injections avec cette petite dose. C'est tout ce qui me reste, je devais en refabriquer cet après midi, je t'en porterais davantage par la suite si le problème persiste."
Je marquais une pause, il y avait un autre point qu'elle allait sans doute aborder, elle ne souhaitait sans doute pas que l'on voit d'horrible trace de piqûre sur son bras. La grande argentière avait un statut à tenir, et il était tout à fait hors de question qu'elle apparaisse avec une quelconque preuve de faiblesse devant les requins du palais. C'est pour cela que j'ajoutais par la suite :
"Pour ce qui est de la marque, je conseille généralement de camoufler avec des manches longues au palais, sinon la piqûre peut se faire à peu près n'importe où dans des endroits qui seront moins visible que le creux de votre bras comme nous faisons habituellement nos injections. Sinon il reste bien du tissu réparateur, mais il demande beaucoup de précaution d'utilisation et je crains que cela s'avère compliqué à manipuler pour des non-initiés."
C'est vrai, j'avais entendu parler d'une noble souffrant d'un syndrome de Dia Bêth qui devait se faire des injections quotidiennes pour demeurer en vie. Elle ne voulait tellement pas que cela se sache qu'elle se faisait des injections entre les orteils pour camouflés les traces. Pour ce qui est du tissu réparateur, je n'en avais plus beaucoup, il faudrait que j'en refabrique prochainement aussi. J'ai tellement était absorbé par mes travaux que je n'ai même pas fait attention à mes stocks. Il faudra que j'y remédie incessamment sous peu.
Rapidement il se retourna vers elle, tenant un petit flacon ainsi que le nécessaire pour faire une injection. La jeune femme n’était pas une grande adepte de ce genre de pratique, l’idée de trouer sa peau n’avait rien d’alléchant, encore moins lorsque cela devait être fait par une tierce personne quand bien même ce fut Alphonse. Cependant, il en allait de sa santé mentale et physique ainsi que de la qualité de son travail. Aussi, pour cette fois, elle ne ferait pas sa mijaurée.
Bien entendu, il avait pensé a tout. Même aux marques que pourraient laisser les injections. Pendant quelques secondes elle se félicita de compter Jaime parmi son entourage proche. Il ne laissait jamais rien au hasard, aussi petit fut le détail et c’était quelques choses qu’elle appréciait fortement. Queen hocha vaguement la tête puis entreprit de nettoyer son visage du cataplasme à l’aide de la serviette humide que lui avait tendue le jeune homme quelques minutes auparavant. Une fois que ce fut fait elle tourna son regard vers lui avant de croiser les jambes, déposant ses mains vers l’arrière pour prendre une pose bien plus confortable.
- Que veux-tu savoir exactement au sujet de cette tour ? Enfin je ne suis pas sûre que tu puisses faire quoi que ce soit sans avoir à tripoter mon cerveau et même si j’ai une parfaite confiance en tes capacités et en toi, je préférerais éviter ce genre de petite intervention. Je suppose que tu comprends. Enfin. Dis-moi donc ce que tu veux savoir, j’essaierais d’omettre le moins de détail possible. Elle laissa ensuite échapper un petit rire. En soi, il n’y avait rien de vraiment grandiose à raconter. Rien de croustillant si c’est cela qu’espérer entendre Jaime. Cela aurait pu l’être pour une personne cherchant à rabaisser la trésorière mais aux dernières nouvelles ce n’était pas le cas du docteur, aussi, elle ne savait pas vraiment par où commencer.
Tout en se redressant elle se mit machinalement a plier le linge humide qu’il lui avait donné avant de poursuivre.
- Merci pour le produit. Je pense que sept doses me suffiront à rattraper mon manque de sommeil, si ce n’est pas le cas, je sais où te trouver. Pour ce qui est d’Alphonse. Je pense que lui demander quelque chose d’aussi délicat en ce moment n’est pas forcément la meilleure des idées. Enfin, je verrais cela le moment venue. Dans le pire des cas, je suis sure que Primus se fera un plaisir de me rendre ce petit service. Elle tapota l’ancienne blessure qui se trouvait sous son œil. - Effectivement, je pense que je serais bien incapable de manier tes… Produits, si c’est ainsi que l’on peut les appeler. Même s’il fait une chaleur infernale je me contenterais de manches longues ou d’endroit peu visible. Enfin je verrais bien.
La jeune trésorière se leva ensuite de la table et traversa la pièce avant de s’arrêter face à un bocal qui contenait quelques choses qu’elle n’arrivait pas à identifier, de son ongle manucuré a la perfection elle tapota le verre.
- Et sinon. C’est tout ce que tu as à me raconter . Rien de plus intéressant a l’horizon ? Tout en affichant un petit sourire que Jaime pourrait éventuellement entre-apercevoir sur le reflet du verre, elle redonna un petit coup avant de se redresser.
Elle semblait contre une neurochirurgie même prodiguée par mes soins. J'aurai pu m'en vexer, mais il est vrai que le cerveau est le seul organe que je ne m'amuse pas à démonter pièce par pièce. Bien entendu, j'ai déjà essayé sur des rats de laboratoires, et bien que leur cerveau soit moins complexe que le nôtre, il m'a été extrêmement difficile de le remonter correctement. Et encore, je ne suis pas sûr que ce soit remonter dans le bon ordre, il faudrait que j'essaie sur Igor, mais l'idée de perdre mon assistant m'attristerais un peu. Non pas que j'ai un gros affect pour lui, mais trouver un assistant de sa qualité me prendrait du temps et ralentirait considérablement mes recherches, quelque chose d'inadmissible en soit. Elle me demandait maintenant ce que je voulais savoir ? Et bien réfléchissons bien avant de répondre à sa question, je ne veux pas faire perdre son temps à la trésorière alors essayons d'aller droit au but. Donc, ma patiente se plaint de ne pas arriver à dormir et de souvenirs envahissants. Elle a du vivre quelques choses de traumatisants finalement dans cette tour. Lui demander de parler directement de cet événement serait un manque de tact incroyable donc il faudrait peut être prendre cela avec davantage de pincette. Je vais lui expliquer la visée de ma question, peut être que cela adoucira le propos.
"Et bien, en réalité, peut être une curiosité mal placé de ma part, mais j'ai du mal à concevoir que quelque chose ait plus te traumatiser suffisamment pour que cela t'empêche de dormir. Qu'est ce qui était si effrayant dans cette tour ? J'ai entendu parler d'une grosse bête, et les médecins qui vous ont pris en charge ont fait état de "dégâts importants" provoqués par cette même bête. Parfois le fait de parler de l’événement aide à faire passer le traumatisme, et ci-tôt votre traumatisme passé, ci tôt tu n'auras plus besoin de l'anesthésiant."
Je demeurais pragmatique en toute circonstance, le bien être de mon patient importait plus que des possibles états d'âmes. Je sais qu'elle et moi partageons la même affection pour le travail bien fait, et je pense qu'elle peut comprendre que je n'aime pas donner de la poudre aux yeux à mes patients sans aller au cœur du problème. Certes, la jeune Milan semblait en pleine forme physique, ou du moins le simuler bien, mais son cerveau semblait lui jouer des mauvais tours ces derniers temps, il était mon devoir d'y remédier. Elle m'expliqua ensuite qu'Alphonse n'allait pas bien. Je connaissais le majordome de la belle trésorière, et il m'a paru sympathique, même s'il semblait cassé de l'intérieur. Je ne sais pas si c'est les innombrables cicatrices qui traversaient son corps qui donnait cet aspect là, mais il avait bien besoin d'être réparé selon moi. Je n'ai pas osé lui demander s'il en avait envie, au vue des généreux dons de la famille Milan, cela me semble être une moindre opération de chirurgie réparatrice. Mais je pense qu'il ne me l'a pas demandé pour une bonne et simple raison, il doit en être fier car c'est la preuve qu'il appartient à Queen et que sa loyauté ne saurait souffrir d'aucune faille. J'admire ces gens qui ont une volonté de fer, et je pense que Lady Milan sait la chance qu'elle a d'avoir un majordome aussi dévoué. En même temps, j'ai du mal à imaginer Queen s'encombrer d'un membre du personnel inutile. Le temps passé à ses explications, j'ai pu réfléchir moi aussi de mon côté avant de proposer à la grande argentière.
"J'avoue avoir été un peu pris au dépourvu pour ta demande d'anesthésiant, je pense qu'il serait faisable de le créer sous une forme ingérable ainsi vous n'aurez plus à souffrir des marques de la seringue. Je commencerais l'élaboration tout à l'heure après avoir vu mes patients. Je pense que cela sera prêt pour d'ici une semaine, j'en profiterais aussi pour réparer les traces de piqûres."
La trésorière se leva ensuite et fit le tour de ma salle d'opération. Je n'apprécie pas en général que mes patients furètent un peu partout, mais je sais que Queen n'est pas assez idiote pour mettre sa main dans un bocal sans savoir de quoi il s'agit. Elle se contente de regarder et d'essayer de comprendre ce qu'il y avait à l'intérieur. D'ailleurs, je me demande si elle savait ce qu'elle était en train d'admirer. L'opacité du bocal rendait délicat sa déduction j'imagine. Heureusement, il n'y avait rien de grande dangerosité ou d'immorale dans ces bocaux, je garde cela pour mon laboratoire en règle générale. Elle me demande s'il y a d'autres choses à ajouter. Je réfléchis à haute voix en déclinant étape par étape comme à mon habitude.
"D'intéressants, je sais pas si cela t'intéresse fortement, mais mes expériences avancent à une vitesse folle. Il y a tellement de chose à étudier, et j'ai parfois peur qu'une seule vie ne me suffise pas pour tout étudier tant j'ai tendance à m'éparpiller dans plusieurs domaines à la fois. Les dons de la famille Milan me sont d'une précieuse aide je dois l'avouer, je ne t'apprends rien je suppose quand je te dis qu'avec de l'argent, tout fonctionne mieux. Et toi, qu'est ce qui se raconte de beau au palais ? J'ai ouïe dire qu'une nouvelle première ministre avait été nommé ?"
S'il y avait bien une personne qui pouvait comprendre l'importance des dons pour mes recherches, c'est bien Queen. Quand les finances du royaumes sont au plus bas, le temps est à l'austérité et à la réduction de l'efficacité des administrations du royaume, et à l'inverse, tout fonctionne pour le mieux. Pour mes recherches c'est pareil, bien que j'arrivais à gagner pas mal d'argent de mon côté rien qu'avec mes patients, je ne bénéficierais sans doute pas du même confort de travail qu'à l'heure actuelle si je n'avais pas de généreux mécènes. J'avais rencontré pas mal de gens hauts placés, mais je dois avouer que les Milan étaient mes favoris, car ils ont été les premiers à faire confiance à mon travail. J'aurai bien parlé à Queen de mes expériences moins licites, mais je pense qu'elle a suffisamment d'image peu agréable pour que je vienne en rajouter avec mes explications sans doutes beaucoup trop précises. Retirant mon habit de chirurgien pour demeurer en chemise, je refis mon nœud de cravate correctement avant de me réajuster correctement devant le miroir. Habituellement je ne le fais pas à la vue des gens pour ne pas passer pour un narcissique, mais je pense que l'argentière sait pertinemment que même si l'habit ne fait pas le moine, la première impression influence grandement la vision des gens à notre égard.
- Tu as peut-être des doigts de fée lorsqu’il s’agit d’opérer mais pour ce qui est des nœuds de cravate c’est un véritable désastre. Ses mains se mirent alors à s’agiter, élaborant petit à petit un nœud beaucoup plus complexe et élégant comme elles les aimaient. – Tu me connais assez pour savoir que je n’aime pas parler des choses qui peuvent s’avérer m’avoir touché. Néanmoins tu es dans le vrai et je pense que tu sais aussi bien que moi que retourner une information contre l’un de tes mécènes serait une bien mauvaise idée. Je ferais donc un effort. Tirant une dernière fois sur le nœud afin qu’il soit bien droit, elle détacha ses mains de lui sans chercher à s’enfuir ensuite. – La bête en question n’était pas bien traumatisante. Terrifiante sans aucun doute mais pas traumatisante. Un kerberus alpha. Je ne sais pas si tu vois de quelle créature il s’agit. Elle soupira longuement avant de reprendre. – Enfin, toujours est-il que ces animaux utilisent une magie de feu pour se défendre. Moi et mes compagnons espérions lui donner le coup de grâce lorsqu’elle a commencé à activer ses capacités. Nous avons bien sur forcé l’allure, mais elle a réussi à attaquer en même temps que nous. Kayn avait la chance d’avoir un vêtement anti-climat et cette garde aux cheveux roses est sans doute tellement folle que ça n’a pas dû lui faire ni chaud ni froid d’être retrouvé à moitié morte. Finalement elle lui tourna le dos tout en joignant ses mains sur ce dernier. – Moi je suis trésorière, je n’ai pas été préparer à ce genre de chose. Dis-moi Jaime. Est-ce que tu sais ce que cela fait de sentir l’odeur de sa propre chair en train de brûler ? De voir son propre corps en lambeau et de devoir chercher une potion dans un maudit sac alors même qu’il est presque impossible de distinguer ses propres doigts tant le feu en a léché les pourtours. Ou même la douleur que cela inflige. Je le sais. Et le souvenir ne me quitte pas. Je ne suis actuellement plus capable de manger un seul bout de viande sans vomir mes tripes.
Sans attendre de réponse de sa part, elle se dirigea vers un fauteuil dans le dos de son hôte et si installa, son regard se perdant dans le vide lorsqu’elle poursuivit.
- Bien entendu la potion a fait son effet, je ne porte aucune trace visible de cet évènement. Mais mon esprit, lui, est marqué de manière indélébile. Mais à part le temps et du repos, je ne crois pas que tu puisses faire quoi que ce soit de plus, si ce n’est m’aider a trouver le sommeil. D’ailleurs, il est vrai que par voie orale, cela m’arrangerait grandement. Je te laisserais me contacter lorsque tout sera prêt ou simplement passer au domaine. Je suppose que tu te souviens encore du lieu où Alphonse et moi vivons.
La trésorière laissa ensuite un léger rire lui échapper, à défaut de se sentir soulagée par cette confidence, elle savait maintenant qu’elle n’était plus la seule à devoir supporter ce fardeau et même si elle n’était pas sûre que Jaime puisse comprendre ce qu’elle ressentait, elle était contente d’avoir pu partager ne serait-ce qu’une infime partie de ce qui avait bien pu se passer dans cette tour d’enfer. Bien entendu, beaucoup se doutaient, après tout on chantait les louanges des trois guerriers qui avaient terrassé à eux seul trois cerberus et un kerberus alpha héroïquement mais la vérité était tout autre.
- Tes expériences sont toujours intéressantes, ainsi que les informations que tu collectes. Sur tout les plans. Ce n’est pas pour rien que mon frère et moi te finançons de bon cœur. Dis m’en plus. En vérité elle n’était pas une grande fan de médecine mais elle devait avouer que Jaime avait une capacité extraordinaire pour rendre les choses inintéressantes intéressantes. Grâce à la passion dont il faisait preuve lorsqu’il en parlait ou ses talents d’orateur, là était la question mais une chose était sûre, Queen prenait toujours plaisir à l’écouter parler. – Pour ce qui est de la nouvelle ministre… Tch. Elle ne put s’empêcher de grimacer fortement. – Cette Du Lys n’est qu’une incapable. Comment diable la ministre de la culture peut donc se voir offrir le poste de premier ministre. Son ministère est le plus petit et certainement le plus inutile. Si son ministère avait eu un tant soit peu d’importance ils n’auraient jamais pu la promouvoir sans lui avoir trouvé un successeur. Je regrette fort de ne pas être un peu plus âgée, tu t’en doutes. Si ça avait été le cas, le poste n’aurait certainement pas été pour elle. Puis continuant de ronchonner, elle croisa les bras sur sa poitrine.
"Je reconnais que mon art des nœuds de cravate n'est pas à son apogée, je devrais peut être demandé à Igor d'apprendre à les faire. Je gagnerais du temps. Merci en tout cas."
J'écoutais religieusement son exposé. Je savais qu'elle ne me mentait pas. Comment pouvais je en être sûr ? Et bien c'est simple, elle commence par faire une menace à demi voilée en rappelant que c'est une mauvaise idée de trahir un de ces mécènes. Cela aurait été quelqu'un d'autre, je lui en aurais tenu rigueur, mais là, je connaissais suffisamment la personne pour comprendre qu'elle a plus dis ça par habitude que par réelle méfiance. Déjà car les rares potins qui m'intéresse sont ceux que je reporte à la famille Milan, et ensuite car je pense qu'il serait moins dangereux d'aller essayer de voler une dent à un béhémoth affamée plutôt que de trahir une Milan. D'ailleurs en parlant de bête sauvage, j'écoutais son histoire avec beaucoup d'attention. Oui effectivement, je peux aisément me mettre à la place de la trésorière, je ne suis clairement pas un combattant et je ne peux que m'imaginer le trouble qu'elle a du ressentir de se faire ainsi attaquer, brûler par une bête.
En fait, je pense que ce qui a du traumatisé la belle davantage, c'est qu'elle a complètement perdu le contrôle. Dans la vie de tous les jours, Queen est une femme qui garde toujours le contrôle, elle fait en sorte de ne pas être prise au dépourvu, comme la plupart des gens du palais. Elle a toujours tendance à avoir dix coups d'avances minimum sur ses adversaires, et là elle s'est retrouvée sans plan et sans contrôle de la situation, peut être même une première fois pour elle ? Je pense que ce traumatisme plus la sensation de mort imminente a dû la choquer. Je ne vais pas insister davantage car il n'est pas bon de réveiller trop longtemps les blessures enfouis, mais je tenais tout de même à donner mon avis sur la question.
"Je pense également qu'un peu de repos et de sommeil te fera le plus grand bien. J'imagine te connaissant que tu n'as pas voulu passer pour faible et que tu as repris le travail dès le lendemain j'imagine ? Tu as une volonté impressionnante Queen, mais penses à t'accorder quelques jours pour te changer les idées tout de même, je peux soigner toutes tes blessures physiques, pour ce qui est du mental par contre, il n'y a que toi qui puisse y faire. Pour ce qui est de l'anesthésiant à avaler, je te l'apporterais dans ta demeure. Je serais ravi de prendre des nouvelles de votre majordome également, cela fait un moment que je n'ai pas vu ce brave Alphonse"
C'est vrai, je devrais peut être apprendre à soigner les maux de l'esprit, mais j'avais déjà tellement à faire avec les maux du corps. Je ne peux pas imaginer combien de maladies, blessures et infections , il me reste à découvrir. J'ai pas assez d'une seule vie pour penser à tout cela, il me faudrait davantage de temps sur cette terre pour y arriver. Et du temps, il faudra que j'arrive à m'en créer davantage. C'est pour ça que je trouvais cette transition extraordinaire. Pile à ce moment là, elle me demandait où en était mes projets. J'en ai tellement en cours que je ne saurais pas où donner de la tête ni par où commencer. Mais bon, vu que c'est Queen, elle ne se contentera pas d'être ébahi par une simple guérison de maladie. Je vais lui montrer le projet qui me tient le plus à cœur ces derniers temps. Je me dirige vers une commode et en sort une boite rectangulaire recouverte d'un drap. Je dépose cette boite sur la table d'opération et demande à Queen de s'approcher un peu. Je tire délicatement le drap. En temps normal, les bestioles à l'intérieur de ce cube sont extrêmement bruyant, mais j'avais fait exprès d'acheter un vivarium insonorisé sinon je serais sombré dans la folie à les entendre chanter toute la sainte journée. J'expliquais à Queen.
"Ce sont des cigales, j'ai commencé une petite expérience des plus intéressantes sur elles. Ces insectes là ont une spécificité très intéressante pour ce petit test. Sous terre , elles peuvent vivres plusieurs années sans aucun problème puis elles deviennent adultes et sortent de terre.Par contre, à l'air libre, elles ne vivent qu'entre 4 et 6 semaines avant de mourir. C'est là le point le plus intéressant de l'équation. J'ai fais la rencontre d'une vagabonde ayant comme aptitude magique de ne pas vieillir. J'ai commencé à essayer d'élaborer un sérum qui bloquerait le vieillissement. Une jeunesse éternelle et une immortalité sur le plan vieillesse. Tout ce dont j'ai besoin pour terminer mes recherches ! Bien entendu, quand le sérum sera totalement au point, je vous en ferais parvenir volontiers. Mais pour l'instant, bien qu'il y ait quelques progrès, je n'ai pas encore trouvé un sérum qui se stabilise. Les deux cigales du fond ont 10 semaines, mais présente des signes de vieillissement. J'ai augmenté leurs espérances de vies mais je n'arrive pas à stopper la course du temps. Je dois encore travailler là dessus."
Ma quête pour stopper le temps était une des prioritaires à mes yeux pour les raisons que j'ai cité plus haut, et c'est pour ça que j'attend beaucoup de ce sérum. Evidemment, ce ne sera pas une solution de facilité, cela me prendra énormément de temps pour arriver à le stabiliser, mais le temps investi en vaudra la chandelle. Et puis, je préfère stabiliser mon corps dans un corps jeune et dynamique plutôt que stabiliser mon corps dans une vieille carcasse impotente et ralentis par mon âge avancé. C'était sans doute pour cela que je m'y attache jour et nuit et que je néglige moi aussi mon sommeil pour avancer dans ses recherches longues et laborieuses. Pour bien signifier que j'avais entendu ce qu'elle avait dit à propos de la ministre de la culture, j'ajoutais.
"Aucun doute que tu aurais fais une meilleure ministre qu'elle, j'espère recevoir la demoiselle du Lys dans mon cabinet, je serais tellement ravi de te faire parvenir tous les détails de sa santé. Je ne me fais pas de soucis de toute façon, je sais que lorsque tu auras l'âge tu écraseras Haru et prendra sa place sans aucun problème. Après tout, c'est ce que tu recherches au final ? Obtenir la place qui te revient de droit ?"
L’instant suivant il s’en était retourné vers une vieille armoire sous le regard intrigué de la trésorière. Elle l’observa lorsqu’il sortie la boite et eut un vif mouvement de recule lorsqu’elle découvrit ce qui se trouvait à l’intérieur. Des cigales. Plus précisément des insectes. Queen n’aimait pas ces petites bêtes qui semblaient tout droit sortie des enfers et qui en plus faisait un vacarme à s’en briser les tympans. Fort heureusement et toujours aussi prévoyant qu’il l’était, Jaime avait pensé à prendre un contenant insonorisé. Ce qui eut le mérite de lui faire gagner des points auprès de la jeune femme. Passée cette moue écœurée, elle se pencha un peu vers l’avant pour les voir d’un peu plus près. L’explication qui vint ensuite laissa Queen bouche bée. Un tel remède pouvait-il vraiment exister ? Et si il existait, serait-il vraiment viable ? Même augmenter l’espérance de vie était déjà un progrès considérable alors si en plus il réussissait à stopper la course du temps… Cela permettrait à la jeune Milan de mettre ses plans à exécution sans aucun temps impartie. Un éclair d’ambition passa dans son regard. Ses yeux restèrent un long moment à observer les petites créature répugnantes puis elle les leva de nouveau vers son ami.
- Oh oui… Si cette ministre pouvait passer dans ton cabinet, je suis sûre que cela me serait fort utile. Malheureusement l’âge ne joue pas en ma faveur. Nous n’avons que peu d’écart, autant qu’avec Primus. Aussi à moins qu’elle ne meurt prématurément ou abandonne son poste, je ne serais en mesure de prendre sa place que lorsque j’aurais atteint la quarantaine. Cette maudite Du Lys doit va sans doute s’accrocher à son poste comme une moule a son rocher. Puis elle soupira d’exaspération. Déjà que depuis qu’elle était première ministre, cette chère Haru ne se privait pas de sortir des « Oui mais je suis première ministre » à tour de bras, Queen avait du mal à imaginer qu’elle accepte d’abandonner son poste à la première difficulté. Pas le poste le plus puissant du royaume. Et cela rendait le blonde, verte de jalousie.
Son attention se porta a nouveau sur les cigales.
- Mais avec ça… Avec ça je pourrais attendre bien sagement que sa peau flétrisse, que son esprit s’effrite et je prendrais sa place pour de longues années. Ses sourcils de froncèrent. Elle ne pouvait définitivement pas éliminer la Du Lys. Pour une simple raison, c’est que leur relation tendu et tumultueuse n’était plus un secret. Aussi si Haru venait à mourir, disparaître ou tout action douteuse, elle serait sans doute la première à être soupçonnée. Il aurait été complètement stupide et intrépide de s’en prendre à elle aussi simplement. Non elle devait être plus patiente, jouer avec sa proie pour la fatiguer années après années, c’était là la clef de son succès prochain. L’innocence.
- Pour ce qui est des temps de repos. Je crains que cela soit parfaitement impossible. Tu dois le savoir mais le prince est toujours porté disparu, j’ai déjà reçu les devis de la couronne quant aux recherches le concernant. Si je prenais des congés maintenant, tu imagines bien quelle image cela donnerait de moi. Son attention se portait sur le vide mais c’était bien à Jaime qu’elle s’adressait. - Quoi qu’il en soit tu seras toujours le bienvenue au domaine Milan et je crois qu’Alphonse ne te hais pas totalement. Il devrait se réjouir de ta présence. Elle s’étira un peu avant de poursuivre. - Si tu me préviens en avance, je pourrais demander à Primus de libérer une de ses soirées, cela sera l’occasion… De discuter entre ami autour d’un verre. Puis elle lui offrit un sourire amusé et mutin. Oh oui, une discussion des plus intéressantes à n’en point douter.