Je rapproche la fleur de mon nez et inspire un grand coup. Hum, les livres ne mentent pas... Je la reconnaîtrai à l'avenir.
Arrivant au ruisseau, d'une dizaine de centimètres de profondeur, j'enlève mes bottes et m'assied sur le rebord, les pieds dans l'eau froide. Par réflexe, ceux-ci se recouvrent d'écailles isolantes. Je me laisse tomber sur le dos et regarde les alentours, alors que les pas semblent se rapprocher. Puis mes yeux se posent sur un nouveau plan.
Je me redresse pour regarder en direction des pas, curieuse.
Je commence à siffler en regardant mes pieds dans l'eau.
- Ah ! Maudit sens de l'orientation, si seulement je savais suivre les étoiles... Ou si je pouvais me téléporter... Ou voler, comme Yuumi. Oui, ça, ce serait bien. Voler. D'ailleurs, il est ou, ce satané corbeau ? Jamais là quand on a besoin de lui ! Son ventre gargouillait. Oh, et qu'est ce que j'ai faim... Les baies, ça va un moment, mais qu'est ce que je donnerais pour un bon steak, ou même une soupe ! Oui, une soupe, ça ferait l'affaire. Roh, et puis je pue, mes habits sont bons à jeter, et je suis sûr qu'avec cette tête, j'effraierais même un ours ! Quelle honte, vraiment. Je suis pas prête de devenir une super aventurière, moi. J'arrive à me perdre dans une idiote petite forêt ! Je sais même plus, on est quoi ? Le cinquième ? Sixième jour depuis que je suis perdu ? Et le pire, c'est que je parle toute seule ! Bravo Krysta, bravo. Te voilà dans de beaux draps, vraiment.
Krysta arrivait à un embranchement. Que prendre, le chemin de droite ou de gauche ?
- Plouf plouf plouf, ce sera toi qui guidera mes pas. Droite. Sérieusement, comment on peut se perdre pendant six jours d'affilés dans une forêt ? Je vais sortir de là, je vais me retrouver à la Frontière face à une créature tout droit sorti de l'Enfer qui sucera mon sang jusqu'à la dernière goutte. Enfin, encore faudrait-il que je sorte d'ici. Et c'est pas gagner. Vraiment pas. Ah ! Et le pire, c'est que personne ne doit s'inquiéter de ma disparition, personne ne me cherche, comme ce fut le cas autrefois. Aujourd'hui, mon meilleur ami est un stupide corbeau. Enfin lui, au moins, ne se perd pas dans la forêt et-.
Le jeune fille s'interrompait. Elle avait juré entendre quelqu'un. Sans hésitation, Krysta se dirigeait vers la source du son, tout en chuchotant.
- Et si c'était un méchant ? Un cambrioleur ? Un assassin ? Un violeur ?... Vraiment, au point où j'en suis, j'en peux plus. Il faut que je sorte d'ici par n'importe quel moyen. Ca me rend fou de tourner en rond ! Au pire, je me défendrais, et je le tuerais. Avant qu'il m'ait donné le chemin à suivre, bien sûr. Enfin, je vais sortir de cette maudite forêt ! A moins que ce ne soit qu'une hallucination. Oh non, pitié, pas une hallucination.
Au fur et à mesure qu'elle s'approchait de la voix qui se voulait féminine, au contraire de ce qu'elle avait pensée, Krysta parvenait à déceler quelques mots. Mais c'était un tel charabia qu'elle ne comprenait rien. Alors, sans plus attendre, elle sortait de la forêt pour apercevoir une silhouette féminine assez frêle, peut-être n'était-elle même pas plus âgée qu'elle ?
- Ehhh ! Toi ! Je... Désolée... Enfin... Bref. Je m'appelle Krysta et... Elle soupirait, voulant mourir sur place devant le ridicule de la situation. Je suis perdue. Depuis... Je sais pas, quelques jours... Peut-être trois... Voir quatre... Bon, ok, peut-être plus. Est-ce que tu pourrais... Me donner la direction à prendre pour rejoindre la Capitale ? Ou n'importe où, une maison, un village, un endroit où je pourrais me laver et manger... Je sais pas du tout où je suis...
Elle voulait s'approcher encore plus, avant de réaliser que ce n'était probablement pas une bonne idée pour les narines d'Arya, qui pouvait très nettement constatée que la jeune fille ne plaisantait pas, son aspect sale et ses cheveux en bataille constataient à eux seuls de la situation dans laquelle était Krysta.
- Enfin si tu as un peu de nourriture... Quelque chose... Je veux pas profiter de toi... Enfin pas de toi, mais de la situation... Enfin bref, tu m'as comprise ! Je mange des baies depuis des jours car je ne trouve que ça ! Je t'en prie...
Je marque une pause en me relevant pour m'approcher de la proie et lui tourner autour comme un prédateur, grimaçant à son odeur. Le jeu commence...
Adoptant un ton mielleux, j'avais prononcé ces dernières phrases à quelques centimètres de son visage, faisant de mon mieux pour ignorer la saleté qui émane d'elle.
Et bien, c'est allé très vite cette fois... J'aurais fait fuir la plupart, hihi... Mais aujourd'hui, les circonstances me semblent favorable. Je suis en situation de force sur ma proie... C'est le bon moment pour faire des test, quitte à finir avec une trace de main sur la joue.
- Et je suppose que l'option "On ne fait rien, et tu m'indiques le chemin à suivre" n'est pas sur la table, n'est ce pas ? Ne vis-tu donc que pour cela ? Le plaisir charnel ? Tu fais... Je ne sais quoi de tes journées en espérant trouver sur la perle rare qui t'offrira son corps ? Quelle drôle d'existence. Je suppose que quand on a goûté au fruit, on ne peut plus s'en passer, hein ? C'est ce que les gens disent. Moi, je ne sais pas quel goût à ce fruit. Et je ne compte pas le déguster avec quelqu'un qui ne se présente même pas. C'est la moindre des choses, non ? Je ne suis pas un objet de tes désirs. A moins que tu ne souhaites avoir un surnom, également. L'arrogante ? La folle ? Je ne sais pas comment t'appeler, pour être honnête. On dirait que tu sors tout droit d'une illusion.
Krsyta grimaçait en la voyant s'avancer et reculait d'un pas, par réflexe. Elle détestait être en position de faiblesse, cela lui rappelait trop de mauvais souvenirs.
- Crois-moi, mon corps n'est pas de ceux qui te feraient frémir. A moins que tu aimes les cicatrices cachés par d'horribles tatouages. Tu vois, moi, je me déteste. Je me hais d'avoir une enveloppe brisée et une âme déchirée. Je suis persuadée que tu trouverais mieux que moi et de toute manière, on dirait que tu n'y vas pas de main morte. Va dans des bars, il y a bon nombre de filles et de garçons qui ne t'opposeraient aucune résistance, bien au contraire. Honnêtement, j'ai du mal à te cerner. Tu vas me faire du mal ? Me torturer ? Sache que j'ai de l'expérience en la matière. Ton enveloppe est si parfaite... Ta peau est si blanche et si douce... Aucune imperfection... Ce serait dommage de l'abîmer, n'est-ce pas ?
Elle devait se protéger, elle ne comptait pas revivre une énième séance de tortures. Et peu importe ce qu'elle disait maintenant, Krysta était d'ores et déjà tombé dans ce piège dont elle ne pouvait sortir à moins de coopérer.
- Bien sûr que non, je ne connais pas tes amis. Je ne connais personne, de toute manière. Je déteste le comportant des humains, et j'évite leur rencontre. Ils sont bien trop malhonnêtes, mesquins. On ne sait jamais ce qu'ils ont derrière la tête. Toi, en revanche... Je sais déjà ce que tu veux avant même de connaître ton nom.
Krysta mettait délicatement ses mains sur ses deux épées présentes dans son dos.
- Maintenant, éloigne toi. Tu ne veux de toute manière pas de moi dans cet état là, et je déteste qu'on me touche, je te préviens. Si tu tentes quelque chose sans mon consentement, je te jure que je m'en servirais. Et je sais m'en servir. Allez, je te suis. Je ne compte pas rester une seconde de plus dans cette forêt de toute manière. Ah, et je veux à manger aussi. De la viande. J'ai faim. Et puis, il faudra que tu me dises où on est, je vais devoir rentrer chez moi, un de ces jours. J'ai un travail, tu sais, et ça fait déjà quelques jours que j'ai disparu. Et des habits propres, aussi. Bah quoi ? C'est la moindre des choses en échange de ma pureté, non ? Oh... A moins que je t'ai fait changer d'avis ? Voilà qui serait plutôt embêtant... Tu saurais me dire où on est, au moins ?
Je me courbe devant elle de manière exagérée, comme une actrice. La plupart des gens connaissent la famille Tolevira pour ses nombreux membres puissants au cours de l'histoire, bien que mon prénom n'aie pas encore eu l'occasion de bien circuler.
Je me retourne pour marcher vers le château et la guide après avoir remis mes bottes. Lui présentant ainsi mon dos, je défais les boutons de ma chemise en ne laissant que les manches. Je penche la tête pour que mes cheveux ne le cachent pas. La femme pourrait admirer une grande cicatrice, une tache ornant mon dos, d'où émerge un tatouage. Un tentacule noir et écaillé qui serpente de l'omoplate à l'épaule, puis s'enfuit dans ma manche gauche.
Je boutonne ma chemise à nouveau pour me rhabiller. Il était temps que je recommence à recruter... J'ai l'impression que je me suis améliorée en éloquence. À force, je commence à savoir vendre mon produit.
Ainsi tous mes fidèles ne seraient que des fous. Mais qu'est-ce que la folie? C'est ennuyeux. Beaucoup considèrent mes paroles comme étant sans valeur simplement parce que je serais folle. Ma folie m'empêche-t-elle d'avoir raison?
- Je te l'ai dit, si tu m'avais écouté au début au lieu de te perdre dans ton discours enjoué. Je m'appelle Krysta. Krysta Hemsworth. Honnêtement, je ne suis pas douée pour les surnoms, alors ce sera Arya, d'autant plus qu'il est assez facile à retenir. Près du village perché, tu dis ? Il faut croire que j'ai fais une bonne trotte... Je n'ai jamais vraiment quitté la capitale.
Krysta regardait son interlocutrice, comme pour la juger. Une confiance presque insolente s'émanait de ce petit corps frêle mais rebelle.
- Ecoute, je ne vais pas tourner autour du pot plus longtemps, tu m'aurais posé des questions de toute manière en voyant mes cicatrices. Enfin, c'est ce que tout le monde fait, et ça m'énerve. J'ai été torturée. Je n'ai pas honte de le dire, mais j'ai honte de l'avoir vécu. Tu as beau me dire tout ce que tu veux, je n'accorde aucun crédit aux paroles. Uniquement aux actes. L'être humain est bien trop manipulateur pour que je puisse me fier à lui. On ne sait jamais ce qu'il veut jusqu'à ce qu'on le voit confronter à ses propres désirs. Lorsque l'instinct animal prend le dessus, lorsque rien ni personne ne peut l'empêcher. C'est là qu'on voit la réalité des Hommes.
La jeune fille aux cheveux rouges contemplait le dos d'Arya, ses yeux suivant sa cicatrice et son tatouage. Voilà qui lui était familier.
- Je ne sais pas comment tu fais pour être fier de cela. Ne le prend pas mal, j'ai la même chose. Mais... Non, je n'y arrive pas. C'est contre nature. C'est une marque qui reste à jamais sur ton corps, une empreinte indélébile qui nous rappelle constamment notre pire souvenir. Je pensais que les tatouages allaient cacher les marques, que j'allais oublier. Au final, j'ai l'impression que ça a plus empiré les choses. J'ignore qui tu es et ce que tu as vécu. Mais je ne peux pas te faire confiance pour le moment, je suis désolée.
Krysta marchait, elle aussi, tout en gardant toujours un œil sur la jeune femme qui semblait bien plus à l'aise qu'elle. L'habitude, surement.
- Un château Tolivera ? Mais qu'est ce que tu es ? Une sorte de princesse ? Ce nom ne me dit rien, mais pour être tout à fait honnête, je me fiche un peu de la puissance des familles Nobles. Un nom ne signifie rien, ce n'est qu'une étiquette qu'on te colle, au final. Certains naissent avec des privilèges. D'autres noms. Ce serait te mentir que de dire qu'une telle vie me rend indifférente. Une demeure, un château, loin des problèmes des pauvres... Mais je doute être faite pour cela. On ne devient pas Noble du jour au lendemain, je suppose... Honnêtement, et tu le dis toi même, ce que tu me proposes m'a l'air d'être un rêve. Je m'attends d'une seconde à l'autre à comprendre que je me suis fait avoir, une nouvelle fois. Le pire, c'est que je n'ai pas vraiment le choix. Entre le fait d'être perdue dans la forêt et de vivre dans un château... Enfin, s'il existe. Tout cela me paraît bien trop beau pour être vrai. J'attends de voir, peut-être que ce que tu dis est vrai, au final.
Krysta allait probablement visiter sa demeure, faire ce qu'Arya voulait d'elle, et s'en aller. Si elle le pouvait, en tout cas. Rien de tout cela ne pouvait être vrai.
- Même si tu ne l'admets pas, tu utilises des femmes comme des objets sexuels. Le lundi, c'est moi, le mardi, c'est une autre, et ainsi de suite ? J'ai du mal à comprendre ta manière de faire. Je reste persuadée que tu me caches quelque chose. Cette "contrepartie", qu'est ce que c'est ? Tu as... besoin de mes capacités ? Ca ne veut rien dire. Si c'est une sorte de marchandage d'esclaves sexuels, c'est un non pur et simple. J'ai entendu ça, une fois, dans un bar.
Sa main droite vint rejoindre son avant bras gauche tout en continuant à marcher. Au final, tout cela était peut-être bien, pour elle. Si on met le sexe à part, elle aurait le droit de loger dans une demeure sublime, loin de toutes autres agitations. La vie de rêve. Son ange de droite lui disait d'accepter. Mais au fond d'elle, elle savait que c'était un piège. Quelque chose lui disait de se méfier.
- Donner et recevoir... L'échange équivalent, hein ? Je doute que je puisse t'offrir quoi que ce soit. Je n'ai aucune expérience là dedans. Et tu as l'air de te donner à ce plaisir aussi souvent que je ne pourrais l'imaginer. Le sexe ne me dérange pas. Je crois. Je n'en sais rien, en faite, ce n'est pas quelque chose qui m'intéresse. Ton raisonnement est complètement fou, oui. Je te le dis clairement. Le destin est parfois étrange, je n'aurais jamais pensé tomber sur quelqu'un comme toi. Ta manière de penser est extrêmement utopique, mais aussi à l'opposée de ce que je haïs. Je ne sais pas quoi penser, la nature humaine est bien trop lâche pour que tout ce que tu me vendes soit bien réel. Mais je suppose qu'il est inutile de tergiverser là dessus, je verrais bien de mes propres yeux. Sauf si tout cela ne se termine avant et que tu m'assassines. Mais si c'est le cas, je ferais le maximum pour t'arracher un membre ou deux, crois-moi.
Comme pour illustrer mes paroles, une fente découpée dans le dos de ma chemise s'écarte d'un coup, laissant émerger huit larges tentacules très longs, recouverts d'écailles mauves. Ils ne resteraient que quelques secondes avant de disparaître dans mon dos sans laisser de trace. Plus larges que des jambes et très habiles, quelques secondes d'exposition suffisent à comprendre que ces membres marins possèdent une force importante.
Il suffit alors d'à peine une minute pour arriver au bord du lac où se jette le petit ruisseau. Au loin, dans le lac, on peut distinguer une construction de pierre claire, un château dont les piliers plongent au fond de l'eau, près de la rive opposée. D'ici, on ne peut pas encore voir le pont de pierre qui y permet l'accès.
Je change un peu de sujet, parler de méfiance incite à la méfiance et ce n'est pas ce que je recherche. Faisons en sorte qu'elle soit à l'aise, ce sera plus facile pour elle. Je repense à ses dernières paroles.
Je serai un peu plus crédible lorsqu'elle verra Drew, et saura comment j'ai fait pour le rendre docile.
Rire ? La jeune fille n'en avait aucune envie, la méfiance était bien trop présente. Elle allait devoir s'assurer que tout cela était bien réel avant de se croire en sécurité. Krysta fut surprise de voir les tentacules sortir du corps de sa nouvelle camarade, si surprise que son réflexe n'était rien d'autre que de mettre ses mains sur ses épées.
- C'est ton pouvoir ? Se servir de ses marques et cicatrices pour ainsi avoir un pouvoir gigantesque et puissant... Le mien n'est pas si imposant, et j'ai bien peur de ne pas pouvoir te le montrer sans te faire du mal. Je n'aime pas mon don, que j'appelle plus une malédiction. Je ne vois pas pourquoi je devrais te le montrer, d'ailleurs. A moins que cela fasse partie de "l'échange" et c'est ce que je doive te donner pour pouvoir mettre un pied dans ce fameux château. Pour le moment, je ne veux pas te faire du mal. Tu ne m'as rien fait. Au contraire, tu vas m'emmener dans un château luxurieux...
Une pointe d'ironie était perceptible dans sa voix alors qu'elle se tut en voyant que le château existait bel et bien. Et quel château. A en entendre la description d'Arya, il fallait dire que cela vendait du rêve.
- Tsk. Ce n'est pas ta proposition qui est irréaliste. Je dois admettre que je ne pensais pas que tu disais vrai. Mais, c'est le "pourquoi" qui m'échappe. J'ai compris que tu souhaitais connaître mon pouvoir. Mais je ne comprends toujours pas pourquoi. Donner tellement à une inconnue ? Pour en échange simplement avoir son pouvoir ? Peux-tu me dire pourquoi tu souhaites tant en faire la collection ? Avoir des relations pour être puissantes... Je pourrais être inutile, sans pouvoir, idiote, et maladroite, que tu voudrais tout de même de moi ? Non, tout cela m'échappe, vraiment. Personne ne donnerait asile à une inconnue par pur bonté. Tes actes ont tout d'un ange mais tu es une vrai diablesse dans tes mots. Une telle ambivalence peut-elle cacher quelque chose de bon ?
Krysta observait le château avec attention. L'envie grandissait de plus en plus, de même que son incompréhension. Arya semblait vraiment honnête, mais elle cachait forcément quelque chose.
- Il n'y a plus qu'à attendre, je présume, j'aurais mes réponses. Lucy... J'ai toujours pensé qu'elle m'avait quitté ce jour-là. Peut-être était-elle revenu dans ma vie, finalement. Que notre rencontre hasardeuse n'est que le fruit du hasard qui fait bien les choses, comme on dit. Les grosses bêtes ? Non, je n'en ai pas vraiment peur. J'ai plus peur des hommes que des bêtes, pour être honnête. Les bêtes ne suivent que leur instinct. Elles ne tergiversent pas. Pendant longtemps pendant mon enfance, je croyais que les humains étaient supérieurs aux animaux. Au final, je m'en sors bien mieux depuis que je suis mon intuition. Peut-être que c'est mal. Mais fut un temps, j'aurais déjà fuis en entendant ta proposition. Je doute que ce Drew soit au courant de tes agissements. S'il me mange, ce n'était donc pas prévu, et si tu voulais me tuer, tu aurais déjà essayé. Je te fais confiance sur ce point, donc.
Logique implacable. Plus ou moins.
- Et donc ? Tu vis seul dans cette immense bâtisse ? Pas... de familles ? De parents ? De frères et soeurs ? Je veux dire, je m'attends à ce que chaque pièce de ce château contienne une personne qui attend ta visite. Mais je me demandais s'il y avait d'autres "Arya", ou si tu étais la seule dans ton idée... spéciale. Dis moi, si j'accepte, je ne serais pas enfermé dans ce château, hein ? Je veux dire, il a l'air... magnifique. Mais j'ai besoin de ma liberté. Et puis, je suis aventurière, j'aurais des missions à réaliser.
Son regard se portait à nouveau sur Arya. Elle cueillait des fleurs... aphrodisiaques ?...
- Non, je ne connais pas ces fleurs. Mais si tu dis vrai, elles ont un étrange pouvoir. Tu penses déjà à me droguer si je ne satisfais pas tes envies ? Elle rigolait légèrement, enfin. Le rhum... J'ai essayé ça une fois. C'est écoeurant. Peut-être que ça viendra un jour. En m'écoutant parler, j'ai l'impression d'être une sainte. Pas d'alcool, pas de sexe, pas de drogue. Enfin, je suppose que pour l'un au moins, ça ne devrait plus tarder.
Plus véridique que ça en a l'air.
On se rapproche lentement du château en contournant le lac. Bientôt, on pourra voir le long pont qui joint la rive et l'entrée. Les deux petites silhouettes des gardes devant les portes et une grosse boule de poils, quelques mètres plus loin.
Je regardais Drew en disant cela.
J'ai besoin de l'entendre. J'ai besoin que quelqu'un mette de côté ces histoires d'utopie et de folie pour me dire ce qu'il en est réellement de mes théories. Tout cela est-il si difficile à comprendre? Pourquoi est-ce que ça me semble pourtant si évident? Tout le monde vit mais personne ne rêve. Ou est-ce l'inverse?
Krysta écoutait attentivement les dires de son interlocutrice, curieuse d'en apprendre plus sur sa façon de faire. Un air un peu perdu accompagnait ses prochains propos.
- Je... Désolée vraiment, ne le prend pas mal, mais je ne connais pas de Tolevira. C'est bien la première fois que j'entends ce nom... Mais je n'ai jamais rien connu d'autres que la Capitale, le village perché m'est complètement inconnu. Il se peut que j'ai déjà entendu ce nom, mais je ne l'ai pas retenu, en tout cas. Mais j'ai retenu le nom de Rubis, tu as l'air de lui accorder beaucoup d'importance vu comme tu en parles.
La bête aurait-elle éprouvée des sentiments pour une autre femme ?
- Chasser les grosses bêtes... Hélas, mon pouvoir se limite à l'être humain. Je le vois comme une malédiction qui me permet d'assouvir ma vengeance envers la cruauté des Hommes. Donc, en ce qui concerne les animaux... Il ne me reste que mes épées. C'est déjà pas mal, en soit... Mais comme je l'ai dit, je n'aime pas l'utiliser. Je préférerais attendre et voir de mes propres yeux ce que tu me promets avant de m'ouvrir complètement à toi. Enfin, si ça va pas pour toi. Si tu insistes, je te le montrerais, bien sûr. Si tu n'as pas peur d'avoir mal.
Krysta soupirait légèrement. Elle était déjà bien plus ouverte qu'il y a quelques minutes. Elle n'avait rencontré que cette femme à l'instant, mais... Elle se sentait bien en sa compagnie. Pas de jugement, de l'honnêteté, et une proposition en or. Son regard se dirigeait à présent vers le fameux Drew. Un sacré morceau.
- C'est le premier test, savoir si je vais être mangé par cet animal. Non, j'ai compris ta position. Je t'avoue que j'ai encore un peu de mal à te cerner. Je veux dire, à réaliser que j'ai la possibilité de vivre dans un château. Je me doute que tu y as vécu pendant une majeur partie de ta vie. Mais pour moi, et celles et ceux qui n'ont jamais vécu ça... Le changement est radical. Et surtout que la contrepartie est assez minime à vue d’œil. Là encore, tu proposes de m'aider alors que je ne t'ai rien demandé. Comprend que c'est beaucoup à digérer en une seule fois. J'ai presque... Non, j'ai même l'impression de ne pas mériter ce qui m'arrive. J'étais juste perdu dans les bois, comme une sotte, et me voilà à l'entrée d'un château de Noble.
La jeune fille eut un rictus avant de reprendre d'un ton plus sérieux.
- Folle... Ce n'était peut-être pas le bon mot, après tout. Si tu veux tout savoir, je dirais que tu es... différente. Peut-être un peu illuminée, oui, mais je commence à te comprendre. Tout doucement. Tu sais, quand j'étais petite, je rêvais d'être dans un château. D'avoir une couronne, d'être une vraie princesse. Je pense que toute les filles rêvent de ça. Et là, tu m'offres ce rêve enfantin sur un plateau d'argent. Je vais devenir celle dont aurait rêvé celle que je rêvais d'être. Tu me suis ? Je ne sais pas si tout ce que tu me dis est vrai. Mais j'ai envie d'y croire, je n'ai pas envie de me réveiller de ce rêve. Alors, as-tu tort de nous proposer cela ?
Son regard se plantait contre le château, un léger sourire se dessinait sur son visage.
- Peut-être. Je suppose qu'il est encore assez tôt pour répondre à cette question. J'ai tendance à croire que ça porte malheur de croire à notre propre bonheur. Tout ce que tu me proposes... Si ce n'est que des paroles, tu m'auras fait rêver pour rien. Mais je ne pense pas que ce ne soit que des paroles. Je pense que tu es sincère. Peut-être que tu cherches toi-même le bonheur. Es-tu heureuse, Arya ?... Désolée, c'était peut-être trop directe. Tu n'es pas obligée de répondre.
Je commence à combiner toutes les personnalités dont j'ai besoin... Rubis pour mon plaisir sexuel, Drew pour mon désir d'aventure, et maintenant Krysta pour la jouissance de la réflexion et de la discussion ouverte. C'est dans ce genre de situation qu'on voit comme la vie est belle.
Arrivant au pied du pont, long de quelques dizaines de mètres, je m'arrête et respire.
Sur ces mots, j'avance sur le pont, échangeant un regard avec les gardes pour qu'ils ouvrent les portes.
En arrivant dans le jardin sur lequel donne l'entrée, centre du château, je fais signe de venir à une servante, qui prenait soin des plantes.
Alors que la bonne femme s'exécute, j'adresse mes dernières paroles à la belle rousse avant qu'elle n'aille se laver.